LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 145-15 et L. 145-39 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 janvier 2016), que la société Merygreg a donné à bail des locaux commerciaux à la société Whatever ; que l'acte, qui prévoyait une indexation annuelle, comportait une clause selon laquelle « il a été expressément convenu, comme constituant une condition essentielle et déterminante du présent bail, sans laquelle il n'aurait pas été consenti, que le preneur renonce pendant toute la durée du présent bail à faire fixer judiciairement le loyer à une somme inférieure au loyer contractuel défini ci-dessus, même dans le cas où la valeur locative se révélerait inférieure au loyer contractuel » ; que la société Wathever a sollicité la révision du loyer à la baisse sur le fondement de l'article L. 145-39 du code de commerce et sa fixation à la valeur locative ; que la bailleresse s'est opposée à cette demande en invoquant la clause susvisée ;
Attendu que, pour fixer le loyer révisé au montant du loyer contractuel initial, l'arrêt retient que la clause litigieuse ne fait pas échec aux dispositions de l'article L. 145-39 du code de commerce dès lors qu'elle permet au preneur, une fois remplies les conditions de la demande en révision, d'obtenir une fixation à la baisse du loyer du bail révisé mais dans la limite du loyer « plancher » convenu ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la clause avait pour effet de faire échec au réajustement du loyer en vigueur à la valeur locative et que la renonciation par le preneur à son droit d'obtenir la révision ne pouvait valablement intervenir qu'une fois ce droit acquis, soit après le constat d'une augmentation du loyer de plus d'un quart par le jeu de la clause d'échelle mobile, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Merygreg aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Merygreg et la condamne à payer à la société Wathever la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Wathever
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé à la somme de 27.440,82 euros par an hors taxes et hors charges le loyer du bail révisé à compter du 1er juillet 2010 entre la société Merygreg et la société Wathever pour les locaux situés [...] ;
AUX MOTIFS QUE la société appelante Merygreg soutient que la société Whatever n'est pas fondée à prétendre à la fixation du loyer du bail révisé au 1er juillet 2010 à un montant inférieur, fût-il égal à la valeur locative, au montant annuel de 27.440,82 euros par an en principal correspondant au loyer contractuel initial ; elle se prévaut, pour faire écarter une telle prétention, de la clause du bail aux termes de laquelle il a été "expressément convenu, comme constituant une condition essentielle et déterminante du présent bail, sans laquelle il n'aurait pas été consenti, que le preneur renonce pendant toute la durée du présent bail à faire fixer judiciairement le loyer à une somme inférieure au loyer contractuel défini ci-dessus, même dans le cas où la valeur locative se révélerait inférieure au loyer contractuel et ce nonobstant les dispositions de l'article L. 145-38 du code de commerce" ; elle estime qu'il s'infère de la clause précitée, tenant de loi aux parties, la renonciation expresse et non équivoque de la société locataire à demander, pendant toute la durée du bail, la fixation judiciaire du prix du bail révisé à une somme inférieure au loyer contractuel initial, et ce, que la demande de révision soit fondée sur l'article L. 145-38 du code de commerce ou sur l'article L. 145-39 du même code ; la société intimée Whatever, soulignant à titre liminaire que sa demande de révision est formée au fondement de l'article L. 145-39 du code de commerce, fait valoir que la clause qui lui est opposée est d'interprétation stricte en ce qu'elle est dérogatoire aux dispositions d'ordre public relatives à la révision des loyers commerciaux, qu'elle ne se réfère expressément qu'à l'article L. 145-38 du code de commerce instituant la révision triennale et n'entend déroger en conséquence qu'à ce seul article et non pas à l'article L. 145-39, qui n'est pas cité, propre aux baux assortis d'une clause d'échelle mobile, qu'elle doit être appréciée au regard du contexte dans lequel le bail a été conclu, c'est-à-dire à l'époque, antérieure à la loi Murcef du 11 décembre 2001, où s'était développée une jurisprudence admettant, lors de la révision triennale d'un bail commercial, et en l'absence d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, que le juge puisse fixer le loyer à la valeur locative lorsque celle-ci se révèle inférieure au loyer contractuel ; elle s'en rapporte pour le surplus aux motifs retenus par le premier juge aux termes desquels "la clause contractuelle dont se prévaut la bailleresse figure au paragraphe "Loyer" du bail" ; "aucune clause dérogatoire similaire ne figure au paragraphe "Révision" où se trouve la clause d'indexation annuelle" ; "en conséquence, les parties n'ont pas entendu limiter le mécanisme de révision des loyers indexés prévu à l'article L. 145-39 du code de commerce ni, plus précisément, le preneur renoncer à obtenir la fixation du loyer révisé à la valeur locative même inférieure au loyer contractuel initial, dès lors que les conditions de l'article L. 145-39 se trouveraient remplies" ; or, il importe de relever que la clause "loyer" du bail pose, en des termes clairs et dénués de toute équivoque, à titre de condition essentielle et déterminante sans laquelle le bail n'aurait pas été consenti, que le preneur renonce, pendant toute la durée du "présent bail", à faire fixer judiciairement le loyer à une somme inférieure au loyer contractuel défini ci-dessus (180.000 francs soit 27.440,82 euros hors taxes par an) ; la clause concerne les demandes du preneur en fixation judiciaire du loyer pendant la durée du "présent bail", c'est-à-dire les demandes de révision du loyer, et ne distingue pas selon que la demande de révision serait fondée sur l'article L.145-38 du code de commerce ou sur l'article L. 145-39 du même code, visant les demandes tendant à faire fixer judiciairement le loyer du bail révisé, quel qu'en soit le fondement ; elle tend à garantir au bailleur, avec le consentement exprès du preneur, un loyer minimum intangible pendant toute la durée du bail ; la partie de la clause indiquant in fine "..., même dans le cas où la valeur locative se révélerait inférieure au loyer contractuel et ce nonobstant les dispositions de l'article L.145-38 du code de commerce" n'apporte aucune restriction aux stipulations qui la précèdent mais tend au contraire à les renforcer en venant préciser, pour prévenir toute discussion sur ce point, que, dans tous les cas, y compris celui où la valeur locative serait inférieure, le loyer du bail révisé ne pourra être fixé en dessous du loyer contractuel initial ; pas davantage les parties n'ont entendu limiter la portée de la clause avec la mention "et ce nonobstant les dispositions de l'article L.145-38 du code de commerce" laquelle vise au contraire à réaffirmer, en considération de la jurisprudence antérieure à la loi Murcef, que le loyer du bail révisé ne pourra être fixé en dessous du loyer contractuel initial quand bien même la valeur locative serait inférieure ; la société Whatever est en conséquence mal fondée à prétendre, par dénaturation de la clause du bail, que la renonciation du preneur à demander à faire fixer judiciairement le loyer à une somme inférieure au loyer 'plancher' de 27. 440,82 euros par an ht ne vaudrait que pour les demandes en révision de l'article L. 145-38 à l'exclusion de celles de l'article L. 145-39 ; c'est vainement qu'elle avance à cet égard que la clause de loyer minimum est stipulée sous le paragraphe "Loyer" et qu'il n'est prévu aucune clause similaire au paragraphe "Révision" où se trouve énoncée la clause d'indexation annuelle du loyer ; c'est en effet sous le paragraphe "Loyer" que les parties ont entendu convenir d'un loyer "plancher" en dessous duquel ne pourra être fixé le loyer du bail révisé, quel que soit le cas de révision, et il n' y avait dès lors aucun lieu à faire référence à l'article L. 145-39 dans le paragraphe consacré à la clause d'échelle mobile qui a vocation à fixer les modalités de cette clause ; la société Whatever est encore mal fondée à exciper des dispositions de l'article L. 145-15 du code de commerce en vertu desquelles "sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses et stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 (...)" ; en effet, la clause stipulant la renonciation du preneur à faire fixer judiciairement le loyer à une somme inférieure au loyer contractuel ne fait pas échec aux dispositions de l'article L. 145-39 puisqu'elle permet au preneur, dès lors que sont remplies les conditions de la demande de révision, d'obtenir une fixation à la baisse du loyer du bail révisé mais dans la limite du loyer "plancher" convenu; en l'espèce, la révision ouverte au preneur par application des dispositions de l'article L. 145-39 est de nature à porter le loyer du bail révisé à compter du 1er juillet 2010 au montant minimum stipulé au bail de 27.440,82 euros par an hors taxes et hors charges alors que, par le jeu de clause d'échelle mobile, le loyer avait atteint à la date du 18 octobre 2009 le montant de 36.660,96 euros ; pour demander que le loyer révisé au 1er juillet 2010 soit fixé à la somme de 29.122,88 euros hors taxes et hors charges par an correspondant selon elle à la valeur locative, la société Merygreg produit des échantillons de valeurs de référence issues des documentations respectives de Mme B... et M. Z... ; ce dernier fournit exclusivement des valeurs locatives de marché et aucune fixation judiciaire ni renouvellement amiable ; quant à Mme B..., elle propose des références concernant des brasseries et salons de thé de grande surface et à très large linéaire de façade , le plus souvent en angle, tels "Le Malakoff", "Carette", "Cimarosa", "Le Coq", "Frog" sans aucune mesure avec le local considéré de restauration rapide d'une surface pondérée de 20,19 m2, ou encore des agences bancaires et des agences immobilières dont l'activité de bureaux est très éloignée de celle du commerce en cause ; restent en définitive trois références de commerces de restauration rapide sur [...], portant les trois sur des locations nouvelles et dont le prix du m2 pondéré évolue de 750, 802, 850 euros, et une référence relative à une fixation judiciaire au 1er juillet 2007 à 600 euros le mètre carré pondéré pour une boutique, sur [...], de tableauxantiquités ; ces données, parcellaires, ne sont pas pertinentes à justifier de la valeur locative alléguée par la bailleresse et sont insuffisantes à contredire les conclusions de l'expert judiciaire qui estime quant à lui la valeur locative à 600 euros le mètre carré pondéré avant correction et, après application des majorations tenant à l'effet "bonbonnière", à la large destination du bail qui vise outre la restauration rapide les "commerces de détail sans nuisance à l'environnement" et le "débit de boissons de catégorie 1", au droit de terrasse, et de l'abattement pour mise à la charge du preneur du paiement de l'impôt foncier, à la somme de 13.300 euros en principal par an; le loyer du bail révisé au 1er juillet 2010 sera en conséquence fixé, conformément à la demande subsidiaire de société Merygreg à la somme de 27.440,82 euros par an hors taxes et hors charges correspondant au loyer minimum convenu au bail du 18 octobre 2001 ;
1) ALORS QUE si le bail commercial est assorti d'une clause d'échelle mobile et que par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire, chaque partie peut former une demande de révision du loyer pour que celui-ci corresponde à locative ; que sont nuls de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au réajustement du loyer en vigueur à la valeur locative ; qu'en l'espèce, le bail conclu entre les sociétés Wathever et Merygreg stipule que «le preneur renonce pendant toute la durée du présent bail à faire fixer judiciairement le loyer à une somme inférieure au loyer contractuel [
] même dans le cas où la valeur locative se révélerait inférieur au loyer contractuel
» ; qu'en considérant, pour la déclarer valable, que la clause stipulant la renonciation du preneur à faire fixer judiciairement le loyer à une somme inférieure au loyer contractuel ne fait pas échec aux dispositions de l'article L. 145-39 puisqu'elle permet au preneur, dès lors que sont remplies les conditions de la demande de révision, d'obtenir une fixation à la baisse du loyer du bail révisé mais dans la limite du loyer "plancher" convenu, la cour d'appel a méconnu le caractère impératif du réajustement du loyer à la valeur locative, et violé les articles L. 145-15 et L. 145-39 du code de commerce;
2) ALORS QUE nul ne peut valablement renoncer à un droit d'ordre public avant qu'il ne soit acquis ; que si le bail commercial est assorti d'une clause d'échelle mobile et que par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire, chaque partie peut former une demande de révision du loyer pour que celui-ci corresponde à locative; qu'en l'espèce, la clause litigieuse du bail commercial stipule que «le preneur renonce pendant toute la durée du présent bail à faire fixer judiciairement le loyer à une somme inférieure au loyer contractuel [
] même dans le cas où la valeur locative se révélerait inférieur au loyer contractuel
»; qu'en jugeant qu'était valable la renonciation par avance du preneur à faire fixer judiciairement le loyer à la valeur locative, règle d'ordre public, la cour d'appel a violé les articles L. 145-15 et L. 145-39 du code de commerce et 6 du code civil ;
3) ALORS QUE le propre d'une clause d'échelle mobile est de faire varier à la hausse et à la baisse; que la bail commercial assorti d'une clause d'échelle mobile qui stipule que le loyer du bail révisé ne pourra être inférieur au loyer initial, écarte toute réciprocité de variation et fausse le jeu normal de l'indexation ; qu'en déclarant valable la clause du bail commercial assorti d'une clause d'échelle mobile excluant, en cas de baisse de l'indice, l'ajustement du loyer à la valeur locative, le loyer convenu constituant un plancher, la cour d'appel a violé l'article L. 145-39 du code de commerce ;
4) ALORS QUE si le bail commercial est assorti d'une clause d'échelle mobile et que par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire, chaque partie peut former une demande de révision du loyer pour que celui-ci corresponde à locative ; que le juge adapte le jeu de l'échelle mobile à la valeur locative au jour de la demande; qu'en fixant le loyer du bail révisé au montant correspondant au loyer plancher prévu par le contrat de bail et non à la valeur locative, la cour d'appel qui a refusé d'adapter le jeu de l'échelle mobile à la valeur locative au jour de la demande, a violé par refus d'application les articles L. 145-39 et R. 145-22 du code de commerce.