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30/03/2017 | FRANCE | N°16-13176

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 30 mars 2017, 16-13176


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 236-3 et L. 236-14 du code du commerce, ensemble l'article L. 244-2 , alinéa 1er, du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon le dernier de ces textes, que toute action aux fins de recouvrement de cotisations sociales doit être précédée, à peine de nullité, d'une mise en demeure adressée au redevable ;

Attendu , selon l'arrêt attaqué, qu'après un contrôle portant sur les années 2008 et 2009, de l'établissement sis à Courbevoie de

la société Capgemini Telecom Media Defense SAS (la société contrôlée), l'union de recouvr...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 236-3 et L. 236-14 du code du commerce, ensemble l'article L. 244-2 , alinéa 1er, du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon le dernier de ces textes, que toute action aux fins de recouvrement de cotisations sociales doit être précédée, à peine de nullité, d'une mise en demeure adressée au redevable ;

Attendu , selon l'arrêt attaqué, qu'après un contrôle portant sur les années 2008 et 2009, de l'établissement sis à Courbevoie de la société Capgemini Telecom Media Defense SAS (la société contrôlée), l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France (l'URSSAF) a adressé à cette dernière une lettre d'observations portant un redressement, puis le 31 mai 2011 une mise en demeure de payer un certain montant de cotisations et majorations de retard ; que la société Capgemini Technology services a réceptionné cette mise en demeure et a payé les sommes réclamées, avec réserves sur la validité du redressement puis a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour rejeter le moyen de nullité de la mise en demeure du 31 mai 2011 et de l'action aux fins de recouvrement, l'arrêt relève, d'une part, que la convention de fusion dont la date d'effet est fixée au 1er janvier 2011 prévoit expressément que la société acquittera à compter de son entrée en jouissance tous les impôts, taxes, contributions, primes et généralement toutes les charges ordinaires qui pourraient grever les biens et droits transmis ou qui seraient inhérents à leur propriété ou à leur détention y compris ceux afférents à la période intercalaire et fera son affaire personnelle des déclarations et formalités nécessaires auprès de toute administration qu'il appartiendra, pour faire mettre à son nom les biens transmis, d'autre part, que la lettre d'observation du 4 février 2011 puis la mise en demeure du 31 mai 2011 de l'URSSAF sur le contrôle d'un établissement secondaire de la société Capgemini Telecom Media Defense ont été réceptionnés par la société absorbante, étant souligné que ces deux sociétés avaient leur siège social à la même adresse ; qu'il énonce que tout au long de la procédure de redressement la société Capgemini Technology services s'est comportée comme le débiteur des cotisations et n'a pas jugé utile de faire connaître à l'URSSAF le changement de dénomination de la société Capgemini Telecom Media Defense qu'elle a absorbée ni celui de la société absorbante, en sus des opérations de publicité légale, contrairement aux engagements pris dans la convention ; que c'est ainsi qu'elle emploie le « nous », « notre société » pour payer spontanément la somme réclamée en principal, sans contester sa qualité de débiteur ou pour saisir la CRA ou le TASS ; que la société appelante a convenu à l'audience que des mois de pourparlers avaient précédé la signature du projet de fusion de décembre 2010 ; que dans ces circonstances très particulières, l'appelante n'est pas fondée à reprocher à l'URSSAF de ne pas s'être étonnée de recevoir un paiement d'une autre société que le destinataire ou de se retrancher derrières les seules formalités légales ; que la mise en demeure a bien été réceptionnée par le véritable débiteur des cotisations qui a été en mesure de connaître la cause et l'étendue de ses obligations ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, qu'à la date de la mise en demeure, le redevable des cotisations et majorations de retard litigieuse était la société Capgemini Technology services en raison de la transmission universelle à son profit du patrimoine de la société contrôlée, en exécution de la convention de fusion-absorption du 17 décembre 2010 à effet du 1er janvier 2011, opération dont les parties ne contestaient pas qu'elle était opposable aux tiers au 31 mai 2010, d'autre part, qu'aucune mise en demeure n'avait été adressée à la société redevable des cotisations réclamées, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne l'URSSAF d'Ile-de-France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Capgemini Technology services ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Capgemini Technology services.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la contestation relative aux mises en demeure des 26 juillet et 23 septembre 2011, d'AVOIR déclaré la société CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES recevable pour le surplus mais mal fondée en ses recours, d'AVOIR déclaré valable la mise en demeure du 31 mai 2011 et la décision du 4 janvier 2012 [12 décembre 2012] de la Commission de recours amiable, et d'AVOIR débouté la société CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES de ses recours et demandes reconventionnelles ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la régularité de la procédure de redressement, à l'appui de son appel, la société Capgemini Technology Services excipe de la nullité de la mise en demeure du 31 mai 2011 aux motifs que l'Urssaf ne l'a pas notifiée au véritable débiteur des cotisations alors que l'absorption de la société Capgemini Telecom Media Defense était intervenue le 1er janvier 2011 et qui était opposable aux tiers, tels que l'Urssaf, en raison de l'accomplissement des formalités de publicité légale opérée dans les journaux d'annonce légale et au registre du commerce et des sociétés dont l'appelante fournit les justificatifs. L'Urssaf estime que cette erreur de destinataire dans l'envoi de la mise en demeure du 31 mai 2011 n'est pas de nature à vicier la procédure dans la mesure où la société Capgemini Technology Services vient aux droits de la société Capgemini Telecom Media Defense qu'elle a absorbée et ne pouvait se méprendre sur la cause, l'origine et l'étendue de ses obligations au vu de la formulation de ses courriers à la CRA et du paiement effectué sous la seule réserve du bien fondé des chefs de redressement. L'Urssaf qui ne disconvient pas des mesures de publicité, notamment la radiation du registre du commerce de la société Capgemini Telecom Media Defense du 2 mars 2011, déplore que l'appelante ne l'ait pas informée du changement statutaire à venir au cours du contrôle, ce qui la conduit à douter de la bonne foi de la société les premières contestations de la qualité de débiteur ayant été élevées après l'acquisition de la prescription des cotisations privant l'organisme de toute possibilité de régularisation. La cour relève que la convention de fusion prévoit expressément que « la société absorbante acquittera à compter de son entrée en jouissance tous les impôts, taxes, contributions, primes et généralement toutes les charges ordinaires qui pourraient grever les biens et droits transmis ou qui seraient inhérents à leur propriété ou à leur détention y compris ceux afférents à la période intercalaire » et fixe sa date d'effet au 1er janvier 2011. La cour relève encore que la convention prévoit in fine des dispositions diverses relatives aux formalités aux termes desquelles « La société absorbante accomplira toutes formalités légales de publicité et fera opérer toutes publications prescrites par la loi en vue de rendre opposable aux tiers la dévolution des éléments d'actif et de passif résultant des fusions. La société absorbante fera son affaire personnelle des déclarations et formalités nécessaires auprès de toute administration qu'il appartiendra, pour faire mettre à son nom les biens transmis ». Il était également indiqué que pour les besoins de l'exécution de la convention, chaque représentant de société élisait domicile aux sièges respectifs desdites sociétés. Dans la mesure où la convention annonce en préambule que l'opération de fusion a pour objectif de regrouper l'ensemble des compétences des sociétés au sein d'une seule structure juridique pour développer les synergies, il apparaît tout à fait cohérent que les signataires de la convention aient organisé l'acheminement du courrier réceptionné dans les différents établissements vers la société absorbante qui, sous sa nouvelle dénomination, était habilitée à y donner suite utile. Ceci explique que la lettre d'observation du 4 février 2011 puis la mise en demeure du 31 mai 2011 de l'Urssaf portant sur le contrôle d'un établissement secondaire de la société Capgemini Telecom Media Defense aient bien été réceptionnés par la société absorbante, étant souligné que ces deux sociétés avaient leur siège social à la même adresse. Tout au long de la procédure de redressement, la société Capgemini Technology Services s'est comportée comme le débiteur des cotisations et elle n'a pas jugé pas utile de faire connaître à l'Urssaf le changement de dénomination de la société Capgemini Telecom Media Defense qu'elle a absorbée ni celui de la société absorbante, en sus des opérations de publicité légale, contrairement aux engagements pris dans la convention. C'est ainsi qu'elle emploie le « nous », « notre société » pour payer spontanément la somme réclamée en principal, sans contester sa qualité de débiteur ou pour saisir la CRA ou le TASS. De plus, la société appelante a convenu à l'audience que des mois de pourparlers avaient précédé la signature du projet de fusion de décembre 2010. Le représentant de l'Urssaf a confirmé qu'il n'avait jamais été prévenu de la modification statutaire ni en amont ni après le contrôle opéré en janvier 2010, avant l'acquisition de la prescription. Dans ces circonstances très particulières, l'appelante n'est pas fondée à reprocher à l'Urssaf de ne pas s'être étonnée de recevoir un paiement d'une autre société que le destinataire ou de se retrancher derrière les seules formalités de publicité légale. La cour considère que la mise en demeure a bien été réceptionnée par le véritable débiteur des cotisations qui a été en mesure de connaître la cause et l'étendue de ses obligations et qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la procédure de redressement était régulière sans qu'il y ait lieu d'examiner la demande subsidiaire de dommages-intérêts pour mauvaise foi de l'appelante » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « L'article L.244-2 du Code de la sécurité sociale dispose que toute action ou poursuite est obligatoirement précédée par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur. La société soutient que la mise en demeure a été adressée à la société CAPGEMINI TELECOM MEDIA DEFENSE et non à la société CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES. Cependant, force est de constater que la mise en demeure a bien été réceptionnée par la société CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES dont les changements de régime juridique et de dénomination étaient récents. Cette mise en demeure a par ailleurs été exécutée spontanément par la société CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES qui ne peut donc sérieusement prétendre qu'il y aurait eu ambiguïté ou confusion sur le cotisant concerné. Il n'y a pas eu d'irrégularité substantielle. Par suite la mise en demeure ne sera pas annulée» ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'à cette fin, il importe qu'elle soit, à peine de nullité, notifiée au débiteur même des cotisations réclamées, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice ; qu'en vertu des articles L.236-3 I et L.236-14 du code de commerce, les opérations de fusion emportent transmission de l'ensemble des éléments d'actif et de passif composant le patrimoine de la société absorbée au profit de la société absorbante ; qu'à la date de l'opération de fusion, la société absorbante devient responsable de l'ensemble des dettes afférentes à la société absorbée ; que l'opération de fusion-absorption est opposable aux tiers dès l'accomplissement de l'ensemble des formalités de publicité requises dans les journaux d'annonces légales et au registre du commerce et des sociétés ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que l'URSSAF ne disconvenait pas de l'accomplissement des mesures de publicité de la fusion-absorption de la société CAPGEMINI TELECOM MEDIA DEFENSE par la société CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES, dont notamment la radiation du RCS de CAPGEMINI TELECOM MEDIA DEFENSE le 2 mars 2011 (arrêt p. 4 § 2) ; qu'en conséquence la société CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES s'est prévalue de la nullité de la mise en demeure de l'URSSAF d'Île-de-France du 31 mai 2011 motifs pris de ce qu'elle ne lui avait pas été notifiée et était dirigée contre la société CAPGEMINI TELECOM MEDIA DEFENSE, cependant que l'absorption de cette société par CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES, intervenue le 1er janvier 2011 et ayant fait l'objet des formalités légales de publicité, était légalement opposable à l'URSSAF d'Île-de-France ; qu'en décidant néanmoins de valider la lettre de mise en demeure du 31 mai 2011 et, subséquemment, de valider le redressement, la cour d'appel a violé l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, ensemble les textes susvisés ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en retenant que « la mise en demeure a bien été réceptionnée par le véritable débiteur des cotisations qui a été en mesure de connaître la cause et l'étendue de ses obligations », cependant que la lettre de mise en demeure du 31 mai 2011 a été adressée à « la société CAPGEMINI TELECOM MEDIA DEFENSE », et non à la société CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES, pourtant seule débitrice des cotisations sociales réclamées au jour du redressement du fait de son absorption de CAPGEMINI TELECOM MEDIA DEFENSE à cette date, la cour d'appel a dénaturé la lettre de mise en demeure susvisée, en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les pièces qu'il examine ;

ALORS, ENFIN, QUE seule constitue la décision de redressement la mise en demeure notifiée à l'employeur ; que l'indication dans la lettre de mise en demeure des mentions légalement exigées, dont en premier lieu le nom de la personne redressée juridiquement redevable des rappels de cotisations et contributions réclamées, constitue une formalité substantielle dont dépend la validité de la procédure de contrôle ; que l'omission de cette formalité substantielle emporte nullité du redressement sans qu'un grief causé par cette irrégularité n'ait à être établi ; que la lettre de mise en demeure du 31 mai 2011 ne porte pas la mention substantielle du nom de la personne légalement débitrice des cotisations et contributions sociales réclamées, à savoir la société CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES ; que cette omission a entaché de nullité la procédure ; qu'en se fondant néanmoins, pour écarter cette nullité, sur les motifs impropres tenant au contenu de la convention de fusion (arrêt p. 4 § 3 et 4), à l'identité d'adresse postale entre l'ancienne société CAPGEMINI TELECOM MEDIA DEFENSE et la société CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES (arrêt p. 4 § 8), à la durée des phases de négociation ayant précédé la fusion-absorption entre les deux sociétés (arrêt p. 4 § 8), ou à l'absence d'information expresse donnée à l'URSSAF par l'exposante relative à la fusion-absorption (arrêt p. 4 § 4 et 7), la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la contestation relative aux mises en demeure des 26 juillet et 23 septembre 2011, d'AVOIR déclaré la société CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES recevable pour le surplus mais mal fondée en ses recours, d'AVOIR déclaré valable la mise en demeure du 31 mai 2011 et la décision du 4 janvier 2012 [12 décembre 2012] de la Commission de recours amiable, et d'AVOIR débouté la société CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES de ses recours et demandes reconventionnelles ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le bien-fondé du redressement. La contestation porte sur deux chefs de redressement que le TASS a maintenus par une argumentation motivée en droit et en fait que la cour adopte. (…) De même, le premier juge a justement retenu par une analyse, in concreto, que les indemnités de repas servies aux salariés de la société en mission chez des clients ne pouvaient s'analyser en référence à des déplacements professionnels, leur lieu habituel de travail étant fixé chez ces clients. La cour ajoute que le caractère temporaire de ces missions n'a pas d'incidence sur la définition du lieu habituel de travail et que l'appelante peut allouer de telles indemnités à ses salariés sans pour autant bénéficier des exonérations sociales. Il convient de confirmer le jugement de ces chefs » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « Sur le redressement relatif aux frais professionnels. En application de l'article L.242-1 du Code de la sécurité sociale, sont soumises à cotisations sociales toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail ; qu'il ne peut être opéré sur les sommes ainsi versées de déductions au titre de frais professionnels que dans les conditions, et limites fixées par un arrêté interministériel. Selon l'arrêté du 26 mai 1975 applicable au litige, pour être exclues de l'assiette de cotisations sociales, les indemnités forfaitaires versées par l'employeur au titre du remboursement des frais professionnels doivent être destinées à couvrir des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi et être utilisées de manière effective conformément à leur objet. Il appartient à l'employeur, en application de l'article 1315 du Code civil, de rapporter la preuve de l'existence des charges de caractère spécial exposées par les salariés du fait de leurs fonctions, le dispensant des cotisations légales. Il ressort du contrôle de l'URSSAF que les salariés (dont la liste figure au contrôle) réalisant des missions dans les entreprises clientes, reçoivent systématiquement de leur employeur des indemnités de repas ou de déplacement exclues de l'assiette des cotisations. Pour justifier cette exonération, la société soutient que les consultants sont constamment en déplacement professionnel sur les différents sites des clients et n'ont aucune certitude quant à la durée de leur affectation. La société ne peut que reconnaître que ces consultants sont recrutés pour travailler au sein des entreprises clientes, le temps de la réalisation de projets ; que ces projets mettent en oeuvre des moyens de grande ampleur et peuvent souvent s'échelonner sur plusieurs mois voire plusieurs années ; qu'en l'espèce, l'URSSAF souligne que l'employeur n'a pas fait la démonstration de ce que les salariés avaient exposé des frais de repas supplémentaires du fait de la situation de déplacement. Il n'est pas justifié que, durant leur affectation dans l'entreprise cliente, les consultants soient soumis à des contraintes spéciales les exposant à des dépenses supplémentaires de nourriture et de transport qu'ils n'auraient pas engagées autrement. Le fait que leur travail s'accomplisse en dehors des locaux de l'entreprise qui les emploie ne permet pas de les assimiler à des travailleurs en déplacement alors qu'ils occupent, en réalité, des fonctions sédentaires dans les laboratoires et bureaux d'études des entreprises clientes qui les accueillent. Ces salariés demeurant en permanence au même poste chez les entreprises clientes, pour de longues périodes, l'URSSAF a considéré à juste titre que leur lieu de travail habituel était celui de ces entreprises clientes et qu'ainsi ils ne pouvaient bénéficier des frais professionnels accordés aux salariés se déplaçant loin de leur lieu de travail, - En effet, l'arrêté du 26 mai 1975 n'admet le remboursement de frais professionnels que si les salariés sont empêchés de rejoindre leur lieu de travail habitue/ ou leur résidence et sont donc obligés de subir des frais supplémentaires ; qu'en l'espèce, les consultants ne se trouvent pas dans cette situation dès lors qu'ils n'ont d'autre lieu de travail habituel que celui de l'entreprise cliente. En outre, le fait que les salariés soient amenés à changer d'affectation à l'issue de chaque marché de service conclu par la société avec ses différents clients ne modifie pas leur situation, compte tenu de la longue durée de ces marchés. La société CAPGEMINI TECHNONOLOGY SERVICES ne peut se prévaloir de ce que l'URSSAF aurait procédé à des taxations forfaitaires puisque la charge de la preuve lui incombe et II lui appartenait pour chaque salarié de démontrer l'usage des indemnités litigieuses. Le redressement sera donc confirmé sur ce point » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale prévoit en son article 3 3° que l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas 7,5 Euros lorsqu'un salarié se trouve « en déplacement hors des locaux de l'entreprise ou sur un chantier, et lorsque les conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas » ; qu'il est ainsi instauré une présomption d'utilisation conforme des indemnités forfaitaires de repas versées au salarié se trouvant en déplacement hors des locaux de l'entreprise ; que, selon la circulaire DSS n°2005-389 du 19 août 2005 concernant la mise en oeuvre de la réforme et de la réglementation des avantages en nature et des frais professionnels introduite par les arrêtés des 10 et 20 décembre 2002, cette exonération doit s'appliquer quelle que soit la durée du déplacement ; qu'en l'espèce la Société CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES exposait que la plupart de ses salariés ne travaillaient pas dans ses locaux mais sur les sites d'entreprises clientes, de sorte qu'ils se trouvaient « en déplacement hors des locaux l'entreprise » au sens de l'arrêté du 20 décembre 2002 ; qu'en décidant néanmoins que les indemnités forfaitaires de repas versées aux agents en déplacement ne relevaient pas du régime exonératoire au motif que « les indemnités de repas servies aux salariés de la société en mission chez des clients ne pouvaient s'analyser en référence à des déplacements professionnels, leur lieu habituel de travail étant fixé chez ces clients » (arrêt p. 5 § 4) et qu' « ils occupent, en réalité, des fonctions sédentaires dans les laboratoires et bureau d'études des entreprises clientes qui les accueillent » (motifs adoptés du jugement p. 7 § 5), cependant que la présomption d'utilisation conforme attachée à l'indemnité versée aux salariés n'est pas conditionnée au respect d'une condition de sédentarité mais uniquement à la preuve que les salariés exécutent leur prestation en dehors des locaux de l'entreprise, la cour d'appel a violé, par refus application, les dispositions de l'article 3 3° de l'arrêté du 20 décembre 2002 et l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE selon l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, les indemnités liées à des circonstances de fait qui entraînent des dépenses supplémentaires de nourriture sont réputées utilisées conformément à leur objet ; qu'en considérant que l'indemnité de repas constituait un avantage en nature sans constater que les salariés de la société CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES avaient accès aux restaurants d'entreprise de ses clients et/ou qu'ils pouvaient regagner leur domicile pour déjeuner, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale et de l'article 3 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QU‘en vertu de l'article L. 243-6-2 du code de la sécurité sociale, un cotisant peut opposer à une URSSAF l'interprétation admise par une Circulaire publiée ; que selon la Circulaire DSS n°2005-389 du 19 aout 2005 lorsqu'un salarié est envoyé en mission dans une entreprise cliente, les frais de restauration qui lui sont versés sont exonérés de charges sociales quelle que soit la durée de la mission ; qu'en retenant au contraire en l'espèce que « les indemnités de repas servies aux salariés de la société en mission chez des clients ne pouvaient s'analyser en référence à des déplacements professionnels » (arrêt p. 5 § 4), et en refusant en conséquence de faire application de cette circulaire publiée que le cotisant pouvait légalement opposer à l'URSSAF d'Île-de-France, la cour d'appel a violé les articles L.242-1 et L. 243-6-2 du code de la sécurité sociale, ensemble la Circulaire DSS n°2005-389 du 19 aout 2005.

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, applicable en l'espèce, instaure une présomption d'utilisation conforme des indemnités forfaitaires de repas versées au salarié se trouvant en déplacement hors des locaux de l'entreprise ; qu'en se fondant, non sur cet arrêté, mais sur l'arrêté du 26 mai 1975 inapplicable à la période contrôlée, et en reprochant en conséquence à la société exposante de ne pas justifier que durant leur affectation chez les clients les consultants étaient soumis à des charges spéciales les exposant à des dépenses supplémentaires de nourriture, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et l'article 3 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la contestation relative aux mises en demeure des 26 juillet et 23 septembre 2011, d'AVOIR déclaré la société CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES recevable pour le surplus mais mal fondée en ses recours, d'AVOIR déclaré valable la mise en demeure du 31 mai 2011 et la décision du 4 janvier 2012 [12 décembre 2012] de la Commission de recours amiable, et d'AVOIR débouté la société CAPGEMINI TECHNOLOGY SERVICES de ses recours et demandes reconventionnelles ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le bien-fondé du redressement. La contestation porte sur deux chefs de redressement que le TASS a maintenus par une argumentation motivée en droit et en fait que la cour adopte. En effet, la société appelante soutient que la participation du comité d'entreprise aux frais de formation du BAFA d'enfants ou de conjoints du personnel n'étaient pas soumis à cotisations ce à quoi s'oppose l'Urssaf en raison de la nature de l'activité financée. La cour considère comme le premier juge que cette prestation ne se rattache pas aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise revêtant un caractère de secours liées à des situations dignes d'intérêt destinés à favoriser le départ du personnel ou de leur famille en vacances » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « Sur le redressement de la participation aux frais de BAFA. Ne sont pas soumis à cotisations les avantages versés aux salariés lorsqu'ils revêtent un caractère de secours liés à des situations digne d'intérêt. Toutefois, et par dérogation, les prestations qui se rattachent aux activités sociales et culturelles des comités d'entreprises qui respectent les instructions ministérielles du 17 avril 1985 et du 12 décembre 1968, ainsi que les circulaires ACOSS du 3 décembre 1996 et 9 janvier 2002 peuvent donner lieu à exonération. Ainsi bénéficient de l'exonération les participations aux vacances, les chèques vacances, les réductions tarifaires pour les spectacles et les voyages. Ces dérogations sont limitatives et ne peuvent être étendues au BAFA qui concerne une formation permettant d'encadrer à titre non professionnel et occasionnel des enfants lors de séjours en colonie de vacances ou autres, il ne s'agit donc pas pour les intéressés d'un loisir et par suite la participation doit donner lieu à cotisations. Le redressement sera en conséquence confirmé » ;

ALORS QUE les prestations du comité d'entreprise se rattachant à des activités sociales et culturelles, à destination des salariés ou de leur famille, sont exonérées de cotisations et contributions sociales ; que les activités sociales et culturelles du comité d'entreprise, visées par l'article R. 2323-20 du code du travail, recouvrent, notamment, le financement des crèches et colonies de vacances ; que rentre à ce titre dans la catégorie des activités sociales et culturelles du comité d'entreprise le financement par le comité de la formation au BAFA (Brevet d'Aptitude aux Fonctions d'Animateur) d'enfants ou de conjoints de salariés de l'entreprise ; qu'en retenant le contraire, et en validant en conséquence le redressement prononcé sur ce point, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et l'article R. 2323-20 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-13176
Date de la décision : 30/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 14 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 30 mar. 2017, pourvoi n°16-13176


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.13176
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