LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 26 novembre 2015), que la société Sodineuf Habitat Normand (la société), propriétaire d'un ensemble immobilier constituée de maisons individuelles, a vendu l'une d'entre elles aux auteurs de M. et Mme [C] ; que, soutenant que la totalité de la surface vendue n'avait pas été délivrée, ceux-ci ont assigné la société en bornage et indemnisation ; qu'un arrêt du 1er juillet 2010 a ordonné le bornage et qu'un arrêt du 24 octobre 2012, constatant un manquement à l'obligation de délivrance mais une impossibilité d'octroyer une surface supplémentaire, a alloué une indemnité à M. et Mme [C] ; que la société
les a assignés en bornage sur le fondement du second arrêt ;
Attendu que M. et Mme [C] font grief à l'arrêt d'ordonner le bornage de leurs parcelles selon les limites correspondant aux clôtures actuelles ;
Mais attendu qu'ayant relevé que, par leur action en indemnisation, M. et Mme [C] avaient pris acte de ce que la surface prévue à leur titre n'avait pas été intégralement délivrée et qu'il était impossible de leur délivrer une surface supplémentaire sans porter atteinte aux droits de tiers non présents à la procédure, et retenu que l'indemnisation obtenue faisait obstacle à ce qu'ils prétendent bénéficier de la surface délivrée, la cour d'appel en a exactement déduit, sans violer l'autorité de chose jugée, que l'arrêt du 24 octobre 2012 constituait un élément nouveau depuis l'arrêt du 1er juillet 2010, qu'il faisait obstacle à ce que le bornage ordonné par cet arrêt soit judiciairement réalisé et qu'il autorisait un nouveau bornage selon les limites actuelles ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [C] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Delamarre, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [C].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné le bornage selon les limites correspondant aux clôtures actuelles entourant la propriété de Monsieur et Madame [C], à savoir la ligne AB, limites telles que préconisées par Monsieur [A], dans son rapport d'expertise du 22 décembre 2008, pour la propriété située à [Adresse 3], cadastrée section AB n° [Cadastre 1], ainsi que pour le garage cadastré section AB n° [Cadastre 2] ;
AUX MOTIFS QUE
«Monsieur [A], nommé en qualité d'expert par le tribunal d'instance en mars 2007 a, dans son rapport, expliqué qu'existait une discordance entre la possession des époux [C] soit 414 m² et ce qu'ils auraient dû avoir aux termes de leur acte, soit 605 m² ; qu'il ajoute que si l'on devait appliquer la limite cadastrale, celle-ci engloberait au sud, une partie de la sente ouverte au public, revêtue d'un enrobé au nord-est, une partie de la parcelle entourant un autre pavillon n° 2, parcelle AB n° [Cadastre 3], dont une partie de la terrasse et un grand talus la supportant, appartenant à un autre propriétaire, au sud-ouest, une partie du chemin empierré servant d'entrée à la [Adresse 4] ; que l'expert concluait que : -la limite cadastrale ne correspond pas avec l'état des lieux, à savoir la possession des époux [C] et de leurs auteurs depuis la vente de 1997 –la limite revendiquée par les époux [C] irait à l'encontre des droits des riverains et amputerait leurs droits –la limite figurant sur l'extrait cadastral joint à l'acte de 1997 provient d'une erreur manifeste commise lors de la rédaction de cet acte par le notaire et non relevée par le vendeur, la Société SODINEUF –si la limite cadastrale était appliquée, deux autres maisons les n° 1 et 2 n'auraient plus de sortie automobile sur la [Adresse 1] et la [Adresse 4] perdrait une partie de sa terrasse ; que l'expert propose en conséquence que la limite de propriété des consorts [C] corresponde aux clôtures entourant la propriété, soit à l'existant ; que par jugement en date du 11 juin 2009, le tribunal d'instance de DIEPPE a considéré au contraire qu'il devait être tenu compte uniquement des éléments du cadastre et a ordonné le bornage selon le découpage cadastral, ce qu'a confirmé un arrêt de cette cour le 1er juillet 2010 ; qu'une autre partie du contentieux s'est poursuivie devant le tribunal de grande instance de DIEPPE, les époux [C] demandant à être indemnisés pour la non délivrance de la totalité de la surface prévue dans leur acte d'achat ; que la Société SODINEUF a été condamnée à verser des dommages-intérêts aux époux [C] pour manquement à l'obligation de délivrance conforme pour moins-value du terrain et perte de jouissance par le jugement du 10 mars 2011, les époux [C] étant déboutés de leur demande d'autorisation de se clore ; que le tribunal a en effet noté que la Société SODINEUF ne pouvait pas remettre aux époux [C] la superficie manquante précisant que l'expertise a montré l'impossibilité d'une telle solution qui porterait atteinte aux droits des tiers ; que le jugement était confirmé par un arrêt de cette cour en date du 24 octobre 2012 ; que la cour a, quant à elle, indiqué que l'indemnisation des préjudices pour manquement à l'obligation de délivrance conduisait également à confirmer le rejet de la demande d'autorisation de se clore présentée par les époux [C], la limite de leur propriété se trouvant maintenue aux clôtures actuellement existantes ; que suite à ce dernier arrêt, la Société SODINEUF a fait assigner les époux [C] pour voir ordonner le bornage selon les limites actuelles correspondant aux clôtures entourant la propriété, telles que préconisées par Monsieur [A] dans son rapport d'expertise ; que Monsieur et Madame [C] ont eux fait établir un procès-verbal de rebornage par Madame [N], prévoyant la pose de bornes selon les limites cadastrales, qui n'est pas un procès-verbal de bornage judiciaire contrairement à ce qu'ils affirment ; que le juge de l'exécution a refusé d'ordonner un nouveau bornage en considérant qu'un bornage avait déjà été ordonné par l'arrêt du 1er juillet 2010 ; que toutefois, par leur action devant le tribunal de grande instance pour obtenir indemnisation du fait du manquement à son obligation de délivrance par la Société SODINEUF, il convient de considérer que les époux [C] ont pris acte de ce que la surface figurant à leur acte n'avait pas été délivrée et qu'il était impossible de remédier à cette situation en leur délivrant une surface supplémentaire; qu'ayant obtenu une indemnisation relativement conséquente eu égard au prix d'achat de la propriété, ils ne peuvent aujourd'hui demander à bénéficier d'une surface équivalente à ce qu'ils auraient dû initialement obtenir, ils ne peuvent pas bénéficier d'une indemnisation pour perte de surface et bénéficier en même temps de la surface non délivrée ; qu'ils ne peuvent demander la mise en place de bornes en empiétant sur la propriété de voisins qui ne sont pas dans la cause ; qu'il convient de considérer que l'arrêt du 24 octobre 2012 est un élément nouveau, survenu après celui de juillet 2010 et qui autorise la Société SODINEUF à faire une nouvelle demande de bornage, selon les préconisations de l'expert Monsieur [A], du fait de l'impossibilité de respecter les limites cadastrales (les parties ayant d'ailleurs intérêt à faire une démarche auprès du cadastre pour en demander la modification) (arrêt p. 6 et 7) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE
L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ; qu'en affirmant, pour ordonner le bornage selon les limites correspondant aux clôtures actuelles entourant la propriété de Monsieur et Madame [C], à savoir la ligne AB, limites telles que préconisées par Monsieur [A], dans son rapport d'expertise du 22 décembre 2008, que Monsieur et Madame [C] avaient fait établir un procès-verbal de rebornage par Madame [N], prévoyant la pose de bornes selon les limites cadastrales, qui n'est pas un procès-verbal de bornage judiciaire contrairement à ce qu'ils affirment et que Monsieur et Madame [C] ne pouvaient demander la mise en place de bornes en empiétant sur la propriété de voisins, qui ne sont pas dans la cause, après avoir constaté que par un jugement en date du 11 juin 2009, le Tribunal de grande instance de DIEPPE avait considéré qu'il devait être tenu compte uniquement des éléments du cadastre et avait ordonné le bornage selon le découpage cadastral, ce qui avait été confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de ROUEN du 1er juillet 2010, ce dont il résultait que cet arrêt était revêtu de l'autorité de la chose jugée, et avait été exécuté, ainsi qu'il ressortait du procès-verbal de bornage exécuté par Madame [N], géomètre expert le 10 mai 2011, la Cour d'appel a méconnu le principe de l'autorité de la chose jugée et a violé l'article 1351 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'
En retenant encore que l'arrêt de la Cour d'appel de ROUEN du 24 octobre 2012, qui avait ordonné l'indemnisation de Monsieur et Madame [C] de leurs préjudices pour manquement à l'obligation de délivrance de la Société SODINEUF, était un élément nouveau survenu après celui de juillet 2010 et qui autorisait la Société SODINEUF à faire une nouvelle demande de bornage, selon les préconisations de l'expert judiciaire, Monsieur [A], du fait de l'impossibilité de respecter les limites cadastrales, quand l'arrêt du 24 octobre 2012 avait fixé l'indemnisation des époux [C], résultant du défaut de délivrance et plus particulièrement du défaut de mise en possession, sans se prononcer sur la propriété, la Cour d'appel a méconnu le principe de l'autorité de la chose jugée et a violé l'article 1351 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur et Madame [C] de leur demande d'autorisation de se clore selon les limites cadastrales et de leur demande de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE
«Il ne peut être dès lors fait droit aux demandes des époux [C] soit un bornage et l'autorisation de se clore selon les limites cadastrales pour les motifs déjà retenus par le jugement de mars 2011 et l'arrêt d'octobre 2012 ; que la limite de la propriété des époux [C] se trouvant maintenue aux clôtures actuellement existantes ; que les époux [C] succombent en leurs prétentions, ils seront déboutés de leur demande à titre de dommages-intérêts pour préjudice matériel et moral et procédure abusive, d'autant qu'il n'est justifié d'aucun préjudice» (arrêt p. 8)
ALORS QUE
Les juges du fond ne sauraient dénaturer les termes clairs et précis des conclusions des parties ; qu'en affirmant, pour débouter Monsieur et Madame [C] de leur demande d'autorisation de se clore selon les limites cadastrales et de leur demande de dommages-intérêts, qu'il ne peut être dès lors fait droit aux demandes des époux [C], soit un bornage et l'autorisation de se clore selon les limites cadastrales pour les motifs retenus par le jugement de mars 2011 et l'arrêt d'octobre 2010, la limite de la propriété des époux [C] «se trouvant maintenue aux clôtures actuellement existante», quand précisément Monsieur et Madame [C] avaient demandé l'homologation du procès-verbal de bornage judiciaire et non pas un bornage, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions des époux [C] et a violé l'article 4 du Code de procédure civile.