LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 16-82.884 FS-P+B
N° 782
JS3
29 MARS 2017
CASSATION SANS RENVOI
M. GUÉRIN président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
CASSATION SANS RENVOI sur le pourvoi formé par M. [V] [H], contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre correctionnelle, en date du 17 mars 2016, qui, pour outrage à personne dépositaire de l'autorité publique, l'a condamné à 2 000 euros d'amende avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 1er mars 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Béghin, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Castel, Buisson, Raybaud, Moreau, Mmes Drai, Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, Stephan, Bonnal, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro,MM. Barbier, Talabardon, Ascensi, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Mondon ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BÉGHIN, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MONDON ;
Vu les mémoires personnel et ampliatif produits ;
Sur le moyen de cassation relevé d'office, pris de la violation des articles 433-5 du code pénal, 31 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces textes que les expressions diffamatoires ou injurieuses proférées publiquement par l'un des moyens énoncés à l'article 23 de la loi susvisée sur la liberté de la presse, contre une personne chargée d'une mission de service public ou dépositaire de l'autorité publique à raison de ses fonctions ou à l'occasion de leur exercice, sans être directement adressées à l'intéressé, n'entrent pas dans les prévisions de l'article 433-5 du code pénal incriminant l'outrage, et ne peuvent être poursuivies et réprimées que sur le fondement des articles 31 et 33 de ladite loi ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de procédure que M. [H] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef d'outrage à personne dépositaire de l'autorité publique pour avoir tenu des propos visant M. [Y]-[Z], brigadier de police, à l'occasion d'une conférence de presse qu'il avait organisée afin de critiquer publiquement, en sa qualité d'avocat, une opération de police intervenue la veille, à laquelle ce brigadier avait participé ; que ces paroles, prononcées en présence de policiers, ont été rapportées à l'intéressé par son supérieur et un de ses collègues ; que le ministère public a relevé appel du jugement ayant renvoyé le prévenu des fins de la poursuite ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d'outrage à personne dépositaire de l'autorité publique, l'arrêt retient qu'en affirmant "le [Y], on aura sa tête", le prévenu n'a pas simplement entendu contester la régularité des actes de procédure établis par le brigadier de police, mais a voulu porter publiquement, devant des personnes assemblées et des journalistes, une atteinte personnelle à son autorité morale et diminuer le respect dû à sa fonction ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations que les propos incriminés n'avaient pas été adressés à la personne dépositaire de l'autorité publique visée, mais prononcés lors d'une conférence de presse publique, hors la présence de celle-ci, et sans qu'il soit établi que le prévenu ait voulu qu'ils lui soient rapportés par une personne présente, la cour d'appel a méconnu les textes précités et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de cassation proposés :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 17 mars 2016 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf mars deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.