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29/03/2017 | FRANCE | N°15-16452

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 mars 2017, 15-16452


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Everbal a commandé une chaudière à la société Weiss France (la société Weiss) qui a procédé à sa livraison et à son installation ; que les réserves émises par la société Everbal, le 5 mai 2009, à la livraison de la machine, ont été levées le 14 août suivant, à l'exception de quatre qui l'ont été au cours de l'été 2010 ; que la société Everbal n'ayant pas réglé le solde du prix, la société Weiss l'a assignée en paiement ; qu'à titre re

conventionnel, se plaignant de dysfonctionnements ayant entraîné l'arrêt de la machine, la ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Everbal a commandé une chaudière à la société Weiss France (la société Weiss) qui a procédé à sa livraison et à son installation ; que les réserves émises par la société Everbal, le 5 mai 2009, à la livraison de la machine, ont été levées le 14 août suivant, à l'exception de quatre qui l'ont été au cours de l'été 2010 ; que la société Everbal n'ayant pas réglé le solde du prix, la société Weiss l'a assignée en paiement ; qu'à titre reconventionnel, se plaignant de dysfonctionnements ayant entraîné l'arrêt de la machine, la société Everbal a demandé réparation du préjudice subi ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Weiss fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Everbal la somme de 139 906,05 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et de rejeter sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive alors, selon le moyen :

1°/ que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la cour d'appel a constaté en l'espèce que l'ensemble des réserves avait été levé après la livraison de la machine vendue ; que la cour d'appel ne pouvait donc revenir sur la levée de ces réserves en retenant la responsabilité de la société Weiss pour un prétendu manquement à une obligation de résultat de livrer la chose, tout en constatant que les réserves avaient été levées ; qu'en retenant malgré tout l'inexécution par la société Weiss de son obligation de livrer la chose vendue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que les parties étaient en l'espèce liées par un contrat de vente d'une machine, avec une garantie classique ; que cette obligation de garantie ne saurait se confondre avec l'obligation de délivrer la chose vendue ; que pour retenir l'inexécution par la société Weiss de son obligation de livrer une chose conforme au contrat et en bon état de marche, la cour d'appel a retenu des faits tenants à la garantie que doit tout vendeur ; que l'obligation de livrer une chose qui fonctionne ne se confond pas avec l'obligation qui consiste à garantir les défaillances qui naissent après une utilisation défectueuse de la chose vendue ; qu'en retenant l'inexécution par la société Weiss de son obligation de délivrer une chose conforme et en état de marche, la cour d'appel s'est fondée sur des faits qui tenaient à la garantie et non à la livraison ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que la responsabilité civile suppose la démonstration d'un lien de causalité entre le fait générateur, assimilé à une inexécution contractuelle, et le dommage allégué ; qu'en supposant que la société Weiss ait mal exécuté l'une de ses obligations, encore fallait-il constater un lien de causalité entre cette prétendue inexécution et le dommage que la société Everbal entendait voir réparer ; qu'en ne procédant pas à la caractérisation de ce lien de causalité, comme elle y était pourtant invitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

4°/ qu'il n'est pas permis aux juges du fond de considérer un point comme constant, alors qu'il est contesté par les parties ; qu'en l'espèce la société Weiss avait longuement contesté le préjudice invoqué par la société Everbal, non seulement en ce qui concerne le lien de causalité, mais aussi s'agissant de sa caractérisation et de son évaluation ; qu'en considérant, cependant, que la société Weiss ne contestait pas le préjudice invoqué par la société Everbal, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que les réserves ont été levées le 14 août 2009, à l'exception de quatre d'entre elles qui ont été levées au cours de l'été 2010, l'arrêt relève que les dysfonctionnements de la chaudière sont survenus dès les semaines qui ont suivi son installation et sa mise en oeuvre, en juin et septembre 2009, ainsi qu'en janvier, février et mai 2010 ; qu'il retient que la société Weiss avait l'obligation contractuelle non seulement de livrer la chaudière mais aussi d'assurer son installation et sa mise en oeuvre et qu'elle devait s'assurer de la qualité de la chaudière livrée, de sa compatibilité avec les installations existantes et livrer une machine en état de fonctionner ; qu'il retient encore que la société Weiss, tenue d'une obligation de résultat, ne produit aucun élément tendant à établir que les dysfonctionnements constatés aient eu pour origine la mauvaise utilisation de l'acquéreur ou une cause extérieure ; qu'il en déduit que la société Everbal doit obtenir réparation exacte de son préjudice résultant des arrêts de la chaudière ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que les dysfonctionnements de la chaudière étaient antérieurs à la levée complète des réserves, c'est sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations que la cour d'appel, qui a caractérisé l'existence d'un lien de causalité entre les manquements relevés et le préjudice qu'elle indemnisait, a retenu la responsabilité de la société Weiss pour manquement à son obligation de délivrance ;

Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel n'a pas dit que la société Weiss ne contestait pas le montant du préjudice lié à l'arrêt de la chaudière, mais a retenu que les contestations de la société Weiss n'étaient pas fondées ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 564 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer irrecevable la demande en paiement de la facture n° FA002977 formée par la société Weiss, l'arrêt, après avoir constaté que le tribunal de Saint-Quentin a annulé, par jugement du 4 avril 2014, l'ordonnance d'injonction de payer rendue sur la requête de la société Weiss, et déclaré les demandes de cette dernière irrecevables aux motifs qu'elles avaient été évoquées dans le cadre de la procédure objet du jugement du 25 janvier 2013 et d'un appel pendant devant elle, retient que la demande en paiement de la facture litigieuse n'a pas été formée en première instance par la société Weiss et que cette demande est par conséquent nouvelle en application de l'article 564 du code de procédure civile et ne peut être déclarée recevable ; qu'il ajoute qu'il appartenait à la société Weiss d'interjeter appel du jugement en date du 4 avril 2014 afin de permettre à la cour d'appel de connaître éventuellement de sa demande en paiement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le jugement du 4 avril 2014, en ce qu'il avait annulé l'ordonnance d'injonction de payer obtenue par la société Weiss, constituait un fait dont la survenance au cours de l'instance d'appel était à l'origine de la demande en paiement de la facture dont elle était saisie, et que cette demande était en lien avec les prétentions initiales formées devant les premiers juges, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande en paiement de la facture n° FA002977 formée par la société Weiss France, l'arrêt rendu le 12 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne la société Everbal aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Weiss France la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Weiss France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR condamné la société Weiss France à payer à la société Everbal la somme de 139 906, 05 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et de l'AVOIR débouté de sa demande en dommage et intérêt pour résistance abusive ;

AUX MOTIFS QUE « il n'est pas contesté que dès les semaines qui ont suivi son installation et sa mise en oeuvre, la chaudière a connu des dysfonctionnements qui ont nécessité l'intervention de la société Weiss France au titre de sa garantie.

L'installation n'a pas été opérationnelle de façon continue pendant 15 mois.

La société Weiss France ayant l'obligation contractuelle non seulement de livrer la chaudière mais d'en assurer son installation et sa mise en oeuvre, les conditions de l'action en responsabilité contractuelles sont réunies pour l'ensemble de la prestation vendue. L'intimée devait s'assurer de la qualité de la chaudière livrée, de sa compatibilité avec les installations existantes et devait livrer une installation en état de fonctionner.

La société Weiss France, tenue d'une obligation de résultat, ne produit aucun élément tendant à établir que les dysfonctionnements constatés et sur lesquels elle ne conteste pas être intervenue aient eu pour origine la mauvaise utilisation de l'acquéreur ou une cause extérieure.

La société Everbal doit par conséquent obtenir réparation exacte de son préjudice résultant des arrêts de la chaudière » ;

1/ ALORS, premièrement, QUE les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la cour d'appel a constaté en l'espèce que l'ensemble des réserves avait été levé après la livraison de la machine vendue ; que la cour d'appel ne pouvait donc revenir sur la levée de ces réserves en retenant la responsabilité de la société Weiss pour un prétendu manquement à une obligation de résultat de livrer la chose, tout en constatant que les réserves avaient été levées ; qu'en retenant malgré tout l'inexécution par la société Weiss de son obligation de livrer la chose vendue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1134 du code civil ;

2/ ALORS, deuxièmement, QUE les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que les parties étaient en l'espèce liées par un contrat de vente d'une machine, avec une garantie classique ; que cette obligation de garantie ne saurait se confondre avec l'obligation de délivrer la chose vendue ; que pour retenir l'inexécution par la société Weiss de son obligation de livrer une chose conforme au contrat et en bon état de marche, la cour d'appel a retenu des faits tenants à la garantie que doit tout vendeur ; que l'obligation de livrer une chose qui fonctionne ne se confond pas avec l'obligation qui consiste à garantir les défaillances qui naissent après une utilisation défectueuse de la chose vendue ; qu'en retenant l'inexécution par la société Weiss de son obligation de délivrer une chose conforme et en état de marche, la cour d'appel s'est fondée sur des faits qui tenaient à la garantie et non à la livraison ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

3/ ALORS, troisièmement, QUE la responsabilité civile suppose la démonstration d'un lien de causalité entre le fait générateur, assimilé à une inexécution contractuelle, et le dommage allégué ; qu'en supposant que la société Weiss ait mal exécuté l'une de ses obligations, encore fallait-il constater un lien de causalité entre cette prétendue inexécution et le dommage que la société Everbal entendait voir réparer ; qu'en ne procédant pas à la caractérisation de ce lien de causalité, comme elle y était pourtant invitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

4/ ALORS, quatrièmement, QU'il n'est pas permis aux juges du fond de considérer un point comme constant, alors qu'il est contesté par les parties ; qu'en l'espèce la société Weiss avait longuement contesté le préjudice invoqué par la société Everbal, non seulement en ce qui concerne le lien de causalité, mais aussi s'agissant de sa caractérisation et de son évaluation (conclusions Weiss, p. 12, n°8 à p. 14) ; qu'en considérant, cependant, que la société Weiss ne contestait pas le préjudice invoqué par la société Everbal (arrêt attaqué p. 6, §1), la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble l'article 1134 du code civil ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR déclaré irrecevable la demande en paiement de la facture n° FA002977 formée par la société Weiss ;

AUX MOTIFS QUE « en application de l'article 562 du code de procédure civile l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent et la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs.

En conséquence, si la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs comme en l'espèce, l'étendue de la saisine de la cour est limité aux demandes formées en première instance.

En l'espèce, la demande en paiement de la facture n° FA002977 n'a pas été formée en première instance par la société Weiss France dans le cadre de la présente procédure.

Cette demande est par conséquent nouvelle au sein de la présente instance en application de l'article 564 du code de procédure civile et ne peut être déclarée recevable. Il appartenait à la société Weiss France d'interjeter appel du jugement en date du 4 avril 2014 afin de permettre à la cour de connaître éventuellement de sa demande en paiement » ;

ALORS QUE les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles reposent sur un fait survenu ou révélé postérieurement à la décision rendue en première instance ; que ce fait postérieur peut consistait en une décision de justice ; que la société Weiss faisait valoir que par un jugement du 4 avril 2014, soit postérieurement au jugement de première instance du 25 janvier 2013, le tribunal de commerce de Saint-Quentin a jugé que seule la cour d'appel d'Amiens, saisie dans le cadre de l'appel du jugement du 25 avril 2013, pouvait connaître du litige relatif à la facture n° FA002977 ; que ce jugement du 4 avril 2014 constituait donc un fait révélé postérieur au jugement de première instance du 25 avril 2013 ; que la demande de la société Weiss, fondée sur le jugement du 4 19 avril 2014, n'était donc pas irrecevable, puisque sa nouveauté était justifiée par un fait postérieur ; qu'en qualifiant malgré tout cette demande de nouvelle et d'irrecevable, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-16452
Date de la décision : 29/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 12 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 mar. 2017, pourvoi n°15-16452


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Marc Lévis, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.16452
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