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28/03/2017 | FRANCE | N°15-80508

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 mars 2017, 15-80508


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. [Q] [Q],
- Mme [C] [I], épouse [Q], parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 7 janvier 2015, qui, dans l'information suivie, sur leur plainte, notamment contre M. [T] [E], des chefs de mise en danger de la vie d'autrui et complicité, dénonciation calomnieuse, complicité de falsification par expert de données ou de résultat de l'expertise, recel et exécution de travail dissimulé

, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

La C...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. [Q] [Q],
- Mme [C] [I], épouse [Q], parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 7 janvier 2015, qui, dans l'information suivie, sur leur plainte, notamment contre M. [T] [E], des chefs de mise en danger de la vie d'autrui et complicité, dénonciation calomnieuse, complicité de falsification par expert de données ou de résultat de l'expertise, recel et exécution de travail dissimulé, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 février 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Buisson, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller BUISSON, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle BOULLOCHE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3 et 434-20 du code pénal, préliminaire, 176, 177, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu entreprise du chef de falsification de rapport par un expert et complicité de falsification ;

"aux motifs que dans leur plainte, déposée "pour faux et usage de faux par la rédaction intentionnelle d'un rapport d'expertise de complaisance et falsifié, contraire à la vérité, dans le cadre de sa fonction d'expert", les parties civiles formulent un ensemble de griefs tenant, tout à la fois, aux circonstances de la désignation de M. [E] en qualité d'expert qu'ils estiment très contestables, au choix de recourir à un professionnel exerçant la spécialité d'architecte pour remplir la mission impartie par le juge d'instance dans son expertise, à ses prétendus liens avec l'avocat de l'agence immobilière GFF Provence, aux conditions du déroulement des opérations expertales sur place et au contenu du rapport d'expertise ; qu'il convient de rappeler à titre liminaire que c'est le même juge d'instance qui a désigné par ordonnance du 31 mai 2006 M. [F] [Y], puis par une seconde ordonnance du 24 janvier 2007 M. [E], en motivant le changement d'expert par la circonstance que M. [Y] faisait "valoir ses droits à la retraite" et que vouloir suivre M. et Mme [Q] dans leurs raisonnements consisterait à considérer qu'ils seraient les victimes d'une cabale organisée tout à la fois par M. [S], par l'agence immobilière GFF-Icade, par leurs avocats ainsi que par l'avoué qui avait fait appel des précédentes décisions rendues par le juge d'instance, par le régisseur d'avances et de recettes et le greffier des expertises du tribunal d'instance de Marseille, par le juge d'instance, et enfin par les deux experts, MM. [Y] et [E], et ce dans l'unique but d'exonérer le propriétaire, qui vit en Algérie, de toute responsabilité dans le délabrement de son bien immobilier ; qu'en outre que, si les parties civiles dénoncent désormais le fait que M. [E] ait été désigné pour procéder à l'expertise de leur domicile, alors que sa qualification est celle d' "architecte", force est de constater que, d'une part, ils n'ont fait valoir aucune observation à ce titre, tant devant le juge d'instance à la suite de sa désignation pour demander son remplacement par un expert relevant d'une autre spécialité - qu'auprès de M. [E] lui-même auquel ils avaient cependant éprouvé le besoin d'adresser directement un courrier en date du 24 février 2007, contenant leurs recommandations ou exigences pour la réalisation de l'expertise ; que, d'autre part, la même critique n'avait pas été émise par ces mêmes M. et Mme [Q] lors de la désignation de MM. [Y] ou [Z], pourtant eux aussi architectes ; qu'enfin n'ont, en tout état de cause, été ni formé un recours contre la désignation de M. [E], ni sollicité qu'il s'adjoigne un sapiteur pour les chefs de sa mission qui ne relèveraient pas de sa compétence ; que M. et Mme [Q] font aussi grief à l'expert M. [E] d'établir des rapports de complaisance et d'être lié à un architecte, parent de l'avocat de l'agence GFF et avec lequel il aurait travaillé sur un projet commun ; que, toutefois, par delà la référence purement rhétorique à la réputation qu'aurait M. [E] de réaliser des expertises de complaisance, les parties civiles n'ont apporté aucun élément pour étayer leur accusation de partialité ; que M. [E] a réfuté toute complaisance ou compromission durant l'exercice de son activité d'expert ; qu'en outre, il a contesté, lors de la confrontation, avoir jamais travaillé avec l'architecte [G], disant ignorer s'il existait un quelconque lien de parenté entre cette personne et l'avocat de l'agence ; qu'en tout état de cause, aucun élément du dossier ne permet de considérer qu'il existait un rapport quelconque d'alliance ou de subordination de l'expert M. [E] avec l'une ou l'autre des parties ; qu'en outre, la cour relève que les époux [Q] n'ont jamais sollicité, dans le cadre de la procédure civile devant le juge d'instance, la récusation ou le remplacement de cet expert ; que M. et Mme [Q] critiquent encore le déroulement de la visite expertale sur les lieux le 6 mars 2007, qui aurait manifesté la partialité de l'expert ; qu'en particulier, Mme [Q] a soutenu dans un premier temps lors de la confrontation que M. [E] était arrivé en compagnie de l'avocat de l'agence, ce qui traduisait une connivence entre eux ; que, toutefois, dans la mesure où M. [Q] avait pour sa part indiqué lors d'une précédente audition que M. [E] est arrivé seul, en premier, et qu'il avait fait des photographies, Mme [Q] a dans un second temps prétendu que, pour ne pas montrer qu'ils étaient de connivence, M. [E] et Maître [D] avaient fait exprès de ne pas arriver ensemble ; que la cour ne saurait, à la différence de Mme [Q], tirer une conclusion identique de collusion selon que l'expert serait arrivé sur les lieux soit seul, soit accompagné de l'avocat d'une des parties ; que les parties civiles ont aussi soutenu n'avoir pu s'exprimer auprès de M. [E] qui ne faisait que noter ce qu'indiquait l'avocat de l'agence et ignorait délibérément leurs explications ; que, toutefois, M. [E] a précisé, au cours de sa déposition de témoin assisté le 25 août 2010, que son interlocuteur essentiel était le fils des époux [Q], ceux-ci étant demeurés silencieux ; qu'en outre, il résulte du rapport d'expertise que les locataires étaient assistés de leur avocat, Me [O] [O], et que les parties et leurs avocats ont exposé leurs positions ; que [L'expert] a invité les avocats à communiquer les pièces dont ils entendaient faire état ; que l'accedit s'est poursuivi par la visite des lieux" et de multiples photographies ont été prises ; que, dès lors, il n'apparaît pas qu'il ait été porté atteinte sur place aux droits des plaignants ; que les parties civiles font ensuite reproche à l'expert d'avoir manqué à son devoir de neutralité, puisqu'il aurait rempli sa mission de manière partiale et tendancieuse, en occultant leurs pièces et en ignorant totalement leur version des faits ; que toutefois qu'il résulte du rapport d'expertise que, comme l'a souligné l'expert dans sa note de bas de page figurant en page 18, de très nombreuses pièces lui ont été communiquées par les parties ; que ces documents ont été tous récapitulés en pages 11 à 17 du rapport et, pour certains d'entre eux, brièvement résumés ou commentés ; qu'en particulier, figurent des courriers et des pièces directement adressés par M. [Q] à l'expert les 8 mars et 27 avril-2007, outre des pièces remises par l'avocat des locataires le 13 février 2007 et un dire assorti de pièces annexes en date du 11 mai 2007; qu'en considération de cette liste, il n'est allégué par quiconque que des pièces, adressées par les parties, auraient été frauduleusement soustraites par l'expert à son rapport ou délibérément exclues de son énumération ; qu'en outre, l'expert a pris soin de synthétiser les pièces à lui communiquées par les parties ; que, notamment, il résume comme suit le courrier des M. et Mme [Q] du 27 avril 2007 :
- "jugeant diffamatoires les propos de GFF et de Me [D] affirmant que les M. et Mme [Q] ont empêché les travaux, contestant l'arrêt de la cour d'appel du 10 mars 2006 au motif que la cour ne disposait pas de l'ensemble des pièces, notamment du courrier de résiliation par GFF de son mandat avec M. [S] pour refus de financer les travaux,
- signalant que depuis la fin du mandat et jusqu'à ce jour, le propriétaire n'a mandaté aucune entreprise prouvant ainsi cette intention,
- affirmant que le seul objectif est de couvrir la lourde responsabilité de GFF et non la défense des intérêts de M. [S]" ; qu'il résume comme suit le courrier de l'avocat des parties civiles du 11 mai 2007 - "la facture Azur Maconnerie du 20 octobre 2000 relative aux travaux de remise en état de la toiture est une fausse facture, les travaux ayant en réalité été réalisés le 11 novembre 2000,
- M. [M] [V] mandaté par la GFF Provence pour intervenir chez M. et Mme [Q] afin d'éviter l'astreinte prononcée contre M. [S] de courir a été condamné pour exercice de manière illégale d'une activité d'électricien et de maçon - le devis d'ELEC Plomb 2000 ne mentionne pas l'existence de la chaudière et du chauffage central qui ne sont pas conformes ; que M. [K] de la société ELEC Plomb 2000 n'est que l'électricien et donc pas compétent pour procéder à la remise en état de la chaudière à gaz contrairement à ce qu'affirme GFF Provence, M. [W], menuisier, a bien été reçu par les [Q] le 14 octobre 2003 - GFF ayant informé les [Q] de la résiliation du mandat de gestion avec M. [S] on peut s'étonner qu'elle fasse actuellement bloc avec ce dernier alors qu'il y a un conflit d'intérêts entre eux - les factures EDF des époux [Q] entre le 9 décembre 2003 et le 3 décembre 2004 accusent une hausse de consommation de 98,8 % depuis l'utilisation du chauffe-eau électrique, le bailleur n'ayant pas modifié l'abonnement EDF les [Q] ont demandé par lettre recommandée avec accusé réception (LRAR) au propriétaire de procéder au remplacement des ouvrants, sans aucun résultat" ; qu'en conséquence qu'il ne saurait valablement soutenu que M. [E] aurait délibérément ignoré ou occulté la position des parties civiles et que son rapport refléterait uniquement la position d'une des parties en présence ; qu'au contraire il est dûment établi que l'expert a, à la fois, cité, résumé et examiné la position des parties, notamment celles des locataires, conformément aux exigences de l'article 276 du code de procédure civile ; qu'ainsi, le principe du contradictoire a bien été respecté ; qu'enfin les parties civiles contestent l'ensemble des appréciations techniques portées par l'expert à la suite de ses constatations, en faisant notamment valoir que 7e rapport serait falsifié de la première à la dernière page, l'expert [E] étant l'unique personne à maintenir que le bâtiment est en parfait état" et en prétendant que, "s'agissant d'un homme de l'art, il ne peut se tromper" ; que la cour constate tout d'abord que l'expert s'est rendu sur place, a pris divers clichés photographiques de l'appartement, a scrupuleusement listé les pièces qui lui avaient été remises et a répondu aux diverses questions qui lui étaient posées par le magistrat mandant, satisfaisant ainsi en la forme à sa mission ; que, sur le fond, au regard des chefs de mission confiés, tendant à "rechercher les éventuels désordres affectant l'appartement en relation avec les normes de décence et d'habitabilité...dire si les travaux de conformité du gaz, de l'électricité ont été réalisés conformément aux règles de sécurité ; fournir tous éléments utiles à la solution du litige dont un éventuel trouble de jouissance" l'expert a relevé l'état de délabrement avancé des teintures et tapisseries, ainsi que l'état de ruine des fenêtres, a considéré que ces désordres fonciers concernant les menuiseries relevaient de manquements du bailleur et que, pour le reste, le logement présentait une absence totale d'entretien, essentiellement imputable aux locataires, lesquels s'étaient opposés à la venue des divers corps de métier envoyés par l'agence pour procéder aux travaux de réparation ; qu'il a en outre étayé ses constatations de photographies des lieux, attestant du caractère particulièrement dégradé de l'appartement ; qu'ainsi, il n'apparaît nullement que l'expert aurait prétendu que l'immeuble était "en parfait état", les parties civiles dénaturant par une citation inexacte en page 8 de leur mémoire en cause d'appel le paragraphe 1 de la page 28 du rapport d'expertise ; que, par ailleurs, l'expert soutient qu'au jour où il a effectué son constat, soit le 6 mars 2007, le plafond ne portait, visuellement, pas de trace d'infiltration, et que les parties civiles ne sont pas en mesure d'apporter la preuve contraire, puisqu'elles ne font que se référer à des documents postérieurs de plusieurs mois à sa visite, le premier étant daté du 26 juillet 2007 et les autres étant extraits de la procédure administrative de péril qui a été initiée à partir de l'année 2008 ; qu'en outre, l'expert s'est référé à l'autorité d'une décision de justice, en l'espèce l'arrêt de la cour d'appel du 26 mars 2006, pour considérer que les locataires s'étaient opposés à la réalisation des travaux à l'intérieur de leur appartement ; que, certes, M. [E] a excédé le cadre strict de son mandat, d'une part, en se livrant à une évaluation des conditions juridiques dans lesquelles avaient été réalisés les travaux, ce qui ne relevait ni de sa mission, ni de sa compétence, et d'autre part, en procédant à une analyse des pièces transmises par les parties et en donnant son opinion sur les responsabilités respectives dans la détérioration de l'état du logement, ce qui ne relevait aucunement de ses attributions mais de celles du magistrat, comme, d'ailleurs, il en a lui même convenu dans le dernier paragraphe de sa conclusion ; que cette appréciation, purement personnelle et intrinsèquement subjective, pourrait, le cas échéant, susciter par la forme et le ton employés une discussion sur la valeur de l'expertise devant la juridiction qui l'a ordonnée, au regard du devoir d'impartialité de l'expert, mais elle ne saurait, à l'évidence, être constitutive en soi de l'infraction pénale de falsification d'un rapport d'expertise ; que c'est en réalité le sens général des constatations techniques figurant dans ledit rapport et concernant l'état de l'appartement, la cause des désordres et leur origine, lesquelles s'avèrent de manière patente contraires aux prétentions des locataires dans le cadre du litige qui les oppose à leur bailleur, que les parties civiles ont entendu dénoncer par la voie pénale en prétendant que celles-ci constitueraient des "faux et usage de faux", au motif qu'elles seraient simplement inexactes ; que toutefois une divergence d'appréciation sur la valeur des conclusions d'expert ne saurait, à elle seule, justifier le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile pour falsification d'expertise, alors même que le rapport de l'homme de l'art qui, comme tout individu, demeure faillible reste soumis à la libre discussion des parties, lesquelles disposent de toute faculté pour en critiquer le contenu, et que le juge n'est nullement lié par un rapport d'expertise technique, conformément à l'article 246 du code de procédure civile, mais conserve toute latitude pour l'homologuer ou non, en tout ou partie, et pour en tirer les conséquences d'ordre juridique qui conviennent ; que la procédure civile ménage par ailleurs des voies de droit pour contester une évaluation expertale qui serait estimée erronée, notamment la nullité, le complément d'expertise ou la contre-expertise ; qu'en l'espèce, il apparaît que M. et Mme [Q], après avoir allégué la nullité du rapport d'expertise au regard de l'article 237 du code de procédure civile, ont ensuite formulé une demande de sursis à statuer, à raison du dépôt de leur plainte pénale ; qu'en l'occurrence, si M. [Q] indique dans son mémoire en cause d'appel que la contre-expertise n'aurait été ni envisageable ni utile, l'immeuble étant interdit d'accès et épontillé pour éviter l'effondrement du plafond, cet argument n'apparaît nullement pertinent, un délai supérieur à un an s'étant écoulé entre le dépôt par M. [E] de son rapport devant le juge d'instance et la décision d'arrêté de péril imminent ; qu'en outre, la partie civile a évoqué le coût financier représenté par une nouvelle procédure d'expertise ; qu'ainsi, M. et Mme [Q] ont préféré renoncer à contester au fond l'expertise devant le juge civil pour dénoncer l'expert devant le juge pénal ; qu'en conséquence que la "falsification de données ou résultat" qui rendrait le comportement de l'expert justiciable des dispositions de l'article 434-20 du code pénal, n'apparaît nullement caractérisée en l'espèce ; (…) ; que le délit principal de falsification d'un rapport d'expertise n'étant aucunement établi, l'infraction de complicité, imputée par les parties civiles au cabinet GFF-Icade, ne saurait par voie de conséquence être constituée ;

"1°) alors que la juridiction d'instruction examine s'il existe contre la personne mise en examen des charges constitutives d'infraction, dont elle détermine la qualification juridique ; que dès lors, la chambre de l'instruction ne pouvait valablement considérer que la «falsification de données ou résultat » n'apparaît nullement caractérisée en l'espèce sans examiner précisément les charges pesant à l'encontre du mis en examen qui avait notamment faussement attesté de l'étanchéité de la toiture, comme il était expressément rappelé dans le mémoire régulièrement déposé par l'avocat des parties civiles ;

"2°) alors que la chambre de l'instruction ne pouvait, sans se contredire, confirmer le non-lieu et, dans le même temps, retenir que l'expert avait « excédé le cadre strict de son mandat, d'une part, en se livrant à une évaluation des conditions juridiques dans lesquelles avaient été réalisés les travaux, ce qui ne relevait ni de sa mission, ni de sa compétence, et d'autre part, en procédant à une analyse des pièces transmises par les parties et en donnant son opinion sur les responsabilités respectives dans la détérioration de l'état du logement, ce qui ne relevait aucunement de ses attributions mais de celles du magistrat » ; qu'à tout le moins, il lui appartenait d'analyser ces éléments, qui n'avaient pas seulement une incidence sur l'éventuel défaut de neutralité de l'expert ou la tonalité générale de son rapport, mais venaient conforter les accusations des parties civiles et ainsi caractériser des charges contre le mis en examen justifiant son renvoi devant la juridiction de jugement ;

"3°) alors que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que n'a pas légalement justifié sa décision la chambre de l'instruction qui n'a pas répondu au chef péremptoire du mémoire des parties civiles qui indiquait que l'expert avait fait délibérément abstraction de certaines pièces essentielles" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3 et 223-1 du code pénal, préliminaire, 176, 177, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu entreprise du chef de mise en danger de la vie d'autrui ;

"aux motifs que les parties civiles invoquent enfin la violation de l'article 223-1 du code pénal qui réprime "le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence et de sécurité" ; que les parties civiles reprochent à l'expert M. [E] d'avoir falsifié les résultats de son rapport en faisant une description inexacte de la situation réelle de l'immeuble et en dissimulant sciemment l'existence d'un péril grave pour les locataires ; que le délit de falsification de rapport d'expertise n'est pas constitué ; que, contrairement à ce que les parties civiles allèguent, l'expert judiciaire n'a jamais "mentionné sciemment dans son rapport que l'appartement est en parfait état, [qu'elles] n 'encourent aucun danger et que \leur] sécurité n'était pas remise ne cause" ; que, d'ailleurs, le contenu de sa mission n'était pas identique à celui de M. [Z] et ne concernait nullement la structure de l'immeuble mais uniquement l'habitabilité de l'appartement ; qu'ainsi, M. [E] n'avait pas, expressis verbis, pour mandat judiciaire de vérifier l'existence ou non d'un péril grave, et ce d'autant que, lors de sa visite et à l'occasion des dires, personne n'avait explicitement évoqué l'imminence d'un péril ; que de surcroît qu'il convient de relever que le constat d'huissier en date du 26 juillet 2007 ne démontre pas la réalité d'un péril imminent ; que c'est à la suite de l'établissement du rapport des services d'hygiène de la ville de [Localité 1] en février 2008, que le propriétaire, M. [S], a été invité par les services municipaux à faire part de ses intentions, puis a été mis en demeure d'effectuer les travaux et qu'a été enclenchée la procédure de péril non imminent, suivant arrêté du 4 août 2008 ; qu'enfin, l'existence d'un péril imminent n'est avérée que dans le rapport d'expertise de M. [Z], établi en novembre 2008, soit plus de dix-neuf mois après la visite sur place de M. [E] ; que, dès lors, l'existence d'un péril grave et imminent n'était aucunement établie à la date à laquelle l'expert M. [E] s'est rendu au domicile des époux [Q] pour faire les constatations sur place, voire à la date à laquelle il a déposé son rapport ; qu'en outre, n'est nullement caractérisée l'existence à la charge de l'expert d'une obligation particulière de prudence et de sécurité imposée par la loi ou le règlement qu'il aurait violée à l'occasion de la rédaction de son rapport d'expertise ; que, par ailleurs, les parties civiles reprochent au cabinet GFF-Icade la commission d'un délit de complicité de mise en danger la vie d'autrui, "en refusant de prendre les mesures d'urgence qui s'imposent et en niant les dégâts portant atteinte à [leur] sécurité" ; que, d'une part, et contrairement à ce qui est prétendu par M. et Mme [Q], la mise en danger n'était pas constituée, à tout le moins avant l'édiction de l'arrêté de péril imminent de novembre 2008 ; que, d'autre part, la charge de réaliser les travaux de réhabilitation de l'appartement n'incombait nullement à l'agence immobilière, laquelle ne disposait même plus d'un mandat de gestion depuis le début de l'année 2004 ; qu'enfin, n'est nullement caractérisée dans le chef de l'agence immobilière l'existence d'une quelconque obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, que cette dernière aurait violée en l'espèce ; que les locataires de l'appartement mettent en cause leur propriétaire, M. [A] [S], lequel aurait refusé d'effectuer les travaux d'extrême urgence rendus nécessaires par l'état de délabrement de l'appartement, mettant en danger leur sécurité, y compris postérieurement à la mise en oeuvre de la procédure de péril par la direction de la prévention et de la sécurité du public de la Ville de [Localité 1] ; que toutefois un refus par un propriétaire, même réitéré sur une longue période, de procéder aux aménagements rendus nécessaires par la dégradation de l'état de l'appartement donné à bail, ne permet pas d'établir l'existence d'une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement qui exposerait les locataires un risque immédiat de mort ou de blessures graves ; qu'en l'occurrence, ni l'irrespect persistant par M. [S] de son obligation contractuelle de mettre à disposition du locataire un logement décent, ni son refus d'exécuter les décisions de justice lui donnant injonction de faire, ni son inertie à la suite de l'arrêté de mise en demeure de la ville de [Localité 1] ne permettent la caractérisation de l'infraction précitée ; qu'en outre, les risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé n'ont été avérés que lors de la prise de l'arrêté de péril imminent du 6 novembre 2008 ; que, toutefois, à cette date, M. et Mme [Q] avaient déjà quitté leur appartement, de sorte qu'ils ne se trouvaient matériellement plus directement exposés à un quelconque danger ;

"alors que la juridiction d'instruction a l'obligation d'informer sur tous les faits résultant de la plainte et des pièces y analysées, sous toutes leurs qualifications possibles, sans s'en tenir à celles proposées par la partie civile ; qu'en se bornant à considérer que la mise en danger délibéré d'autrui n'était pas caractérisée aux motifs que « ni l'irrespect persistant par M. [S] de son obligation contractuelle de mettre à disposition du locataire un logement décent, ni son refus d'exécuter les décisions de justice lui donnant injonction de faire, ni son inertie à la suite de l'arrêté de mise en demeure de la Ville de [Localité 1] ne permettent la caractérisation de l'infraction précitée » sans vérifier si, au regard des pièces versées et en particulier des photographies, une autre qualification pénale était envisageable et notamment celle prévue par l'article 225-14 du code pénal, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, que l'information était complète et qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les délits reprochés, ni toute autre infraction ;

Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 2 000 euros la somme globale que les demandeurs au pourvoi devront payer à M. [T] [E] au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit mars deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-80508
Date de la décision : 28/03/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-En-Provence, 07 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 mar. 2017, pourvoi n°15-80508


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.80508
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