LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1132-2 et L. 2511-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en référé, qu'engagé le 30 mars 2009 par La Poste en qualité de facteur, M. [U] a participé à un mouvement de grève ayant débuté le 4 février 2014 à la suite d'un préavis déposé par le syndicat Sud activités postales des Hauts-de-Seine ; que par lettre du 31 mars 2014, il a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 8 avril suivant ; que le salarié a été licencié pour faute lourde par lettre du 12 juin 2014 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en référé, le syndicat Sud activités postales des Hauts-de-Seine intervenant à l'instance ;
Attendu que pour dire n'y avoir lieu à référé, l'arrêt retient que s'agissant des fautes imputées personnellement au salarié dans la lettre de licenciement à l'occasion des faits de grève survenus le 20 février au siège du groupe La Poste, le 5 mars au siège de la direction du courrier, le 6 mars dans la plate-forme de préparation et de distribution du courrier de Boulogne [Localité 1], les 13, 17 et 24 mars 2014 dans les locaux de la «DOTC" des Hauts-de-Seine, d'une part, il est suffisamment démontré au regard des productions que le salarié a participé à ces faits de grève, ce qu'il reconnaît pour l'essentiel selon le compte rendu de son entretien préalable et d'autre part que les constatations de l'huissier de justice systématiquement mandaté à ces occasions par l'employeur ainsi que la plainte de la personne agissant en qualité de "directrice de la sûreté de la poste courrier des Hauts-de-Seine", relatives à des intrusions avec violence, à des bousculades, à des dégradations, notamment d'éléments de sécurité, à un floutage ou à une obturation des caméras de surveillance et à une occupation des locaux où travaillaient des salariés non-grévistes, ne permettent pas, en cet état de référé, d'exclure la qualification de faute lourde retenue par l'employeur à l'encontre du salarié ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le salarié avait personnellement participé aux faits ou à certains des faits ainsi reprochés et si ceux-ci pouvaient être qualifiés de faute lourde, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'intervention du syndicat Sud activités postales des Hauts-de-Seine, l'arrêt rendu le 17 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société La Poste aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société La Poste à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour M. [O] [U] et le syndicat Sud activités postales des Hauts-de-Seine
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à référé ;
AUX MOTIFS QUE « en application des dispositions de l'article L. 2511-1 du code du travail, "l'exercice du droit de grève peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l'article L. 1132-2, notamment en matière de rémunération et d'avantages sociaux. Tout licenciement prononcé en l'absence de faute lourde est nul de plein droit" ; que tout d'abord et contrairement aux motifs du premier juge, c'est vainement que les intimés se prévalent du "guide memento des règles de gestion RH" en matière de discipline, référencé PX 10, qui définit en page 6 (paragraphe 122-23) la faute lourde de la façon suivante : "elle est constituée par une faute d'une gravité exceptionnelle caractérisée par une intention de nuire à l'entreprise. La mise à pied conservatoire du salarié durant la procédure est incontournable" (pièce n°9 des intimés) ; qu'en effet, ce vade-mecum est un document de travail à l'attention de la direction des ressources humaines, qui ne crée aucun droit en faveur des salariés en ce qu'il définit exclusivement des instructions et orientations dans l'intérêt de l'employeur, dont les salariés ne sauraient se prévaloir, étant précisé que l'absence de mise à pied conservatoire ne constitue pas un préalable nécessaire au licenciement d'un salarié gréviste pour faute lourde ; qu'il importe peu que par décision en date du 20 juin 2014 intervenue dans le cade du même mouvement de grève, l'inspecteur du travail ait notamment retenu cet argument pour refuser l'autorisation de licencier un salarié protégé (M. [B]), cette décision ne s'imposant pas à l'autorité judiciaire dès lors qu'elle concerne un autre salarié de la société La Poste (pièce n° 8, intimés) ; qu'ensuite, s'agissant des fautes imputées personnellement à M. [O] [U] dans la lettre de licenciement du 12 juin 2014 à l'occasion de faits de grève survenus les 20 février au siège du groupe La Poste, 5 mars au siège de la direction du courrier, 6 mars dans la plate-forme de préparation et de distribution du courrier de [Localité 2], 13, 17, 24 mars 2014 dans les locaux de la "DOTC" (nouvellement "DSCC") des Hauts de Sainte, d'une part, il est suffisamment démontré au regard des productions que M. [O] [U] a participé à ces faits de grève, ce qu'il reconnait d'ailleurs pour l'essentiel selon le compte rendu de son entretien préalable (sa pièce n°31) et d'autre part, les constatations de l'huissier de justice systématiquement mandaté à ces occasions par l'employeur ainsi en particulier que la plainte de Mme [H] agissant en qualité de "directrice de la sûreté de la poste courrier des Hauts de Seine", relatives à des intrusions avec violence, à des bousculades, à des dégradations, notamment d'éléments de sécurité, à un floutage ou à une obturation des caméras de surveillance et à une occupation des locaux où travaillaient des salariés non-grévistes, ne permettent pas en cet état de référé d'exclure la qualification de faute lourde retenue par l'employeur à l'encontre de M. [O] [U] (pièces n°9, 11, 16, 17, 18, 19, 21 et 22 de l'appelante) ; que par ailleurs il n'est pas allégué que le licenciement de M. [O] [U] revêtirait un caractère discriminatoire ; qu'il s'ensuit que le trouble manifestement illicite dont se prévalent à ce titre les intimés n'est pas davantage établi ; qu'en conséquence, il convient d'infirmer la décision entreprise sur ce point et de dire n'y avoir lieu à référé »
1°) ALORS QUE les dispositions conventionnelles qui limitent les possibilités de licenciement aux causes et conditions qu'elles déterminent, s'imposent à l'employeur ; qu'aux termes de l'article 12 paragraphe 122-123 du « guide memento des règles de gestion RH » référencé PX 10, pris en application des articles 72 à 77 de la Convention commune La Poste – France Telecom sur le droit disciplinaire applicable dans les deux entreprises, aucun licenciement pour faute lourde ne peut être notifié au salarié qui n'aurait pas fait l'objet, préalablement, d'une mise à pied conservatoire ; qu'en refusant d'ordonner la réintégration de M. [U] dans son emploi quand il était constant et non contesté qu'il n'avait pas fait l'objet d'une mise à pied conservatoire préalablement à son licenciement pour faute lourde de grève, motif pris que le « guide memento des règles de gestion RH » n'aurait pas de force contraignante à l'égard de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 12 paragraphe 122-23 du « guide memento des règles de gestion RH », les articles 72 à 77 de la Convention commune La Poste – France Telecom, L. 1132-2 et L. 2511-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE les motifs dubitatifs équivalent à un défaut de motif ; qu'en jugeant qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner la réintégration de M. [U] dans son emploi motif pris que les faits qu'il lui était reproché d'avoir commis au cours de la grève, dans la lettre de licenciement, « ne permettent pas en cet état de référé d'exclure la qualification de faute lourde », la cour d'appel qui s'est prononcé par des motifs dubitatifs lesquels ne permettent ni d'établir ni d'exclure l'existence d'une faute lourde, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE la faute lourde de grève ne peut résulter que d'une faute personnelle commise par le salarié dans le cadre de l'exercice de son droit de grève ; qu'en disant qu'il n'y avait pas lieu à référé aux motifs inopérants que M. [U] reconnaissait avoir participer aux journées de grève du 20 février, des 5 et 6 mars et des 13, 17 et 24 mars 2014, d'une part, et qu'à l'occasion de ces journées d'action, il aurait été constaté des faits de violence, des bousculades, des dégradations et un floutage des caméras de surveillance, d'autre part, la cour d'appel qui n'a pas recherché si M. [U] aurait personnellement participé aux agissements retenus à faute à l'égard des grévistes, a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1132-2 et L. 2511-1 du code du travail ;
4°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; que M. [U] faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (pp. 7 à 9), qu'aucun grief personnel ne lui était reproché au soutien de son licenciement et qu'aucune des pièces produites aux débats par la société La Poste n'était de nature à établir sa participation personnelle à des faits caractéristiques d'une faute lourde ; qu'en laissant ce moyen sans réponse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.