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22/03/2017 | FRANCE | N°16-81337

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 mars 2017, 16-81337


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. [Y] [G],

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-12, en date du 10 février 2016, qui, pour fraude fiscale, passation d'écriture inexacte ou fictive dans un document comptable et omission d'écriture dans un document comptable, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et trois ans d'interdiction professionnelle, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;

La COUR, statuant après débats

en l'audience publique du 1er février 2017 où étaient présents dans la formation prév...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. [Y] [G],

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-12, en date du 10 février 2016, qui, pour fraude fiscale, passation d'écriture inexacte ou fictive dans un document comptable et omission d'écriture dans un document comptable, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et trois ans d'interdiction professionnelle, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 1er février 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Pichon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire PICHON, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD, de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;

Vu les mémoires produits,en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1741, 1743 et 1750 du code général des impôts, L. 123-12, L. 123-13, L. 123-14 du code de commerce, article 50 § 1 de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952, dénaturation des documents de la cause, défauts de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué, infirmant le jugement entrepris, a déclaré M. [Y] [G] coupable d'omission de déclarations, omission d'écritures dans un document comptable et de fraude fiscale ;

" aux motifs que seul M. [G] en assurait la gérance ; qu'il disposait d'un pouvoir général de gestion dont l'étendue va bien au-delà de son activité de directeur technique comme le recouvrement de créances, la passation des marchés, procéder à l'embauche et au licenciement de tout personnel, porter plainte en cas d'atteinte aux intérêts de la société et de façon générale dans le cadre de ce pouvoir « passer et signer tous actes et toutes pièces, élire domicile, remplir toute formalités légales et généralement faire le nécessaire dans l'intérêt de la société » ; qu'au surplus, son épouse avait la signature bancaire et agissait à sa demande ; que les investigations révèlent qu'il a agi dès la création de la société comme gérant de fait ; qu'il a déclaré dans ses auditions concernant Mme [U] : « elle était l'épouse de M. [U]. Elle ne devait pas avoir d'activité au profit de la société B2D. de plus, elle travaillait déjà ailleurs à l'époque. Elle servait juste de prête nom » ; que lorsque cette dernière a démissionné, il a continué la gérance sans pour autant la faire valider légalement ; que lors du contrôle fiscal il se revendiquait comme gérant, donnant toutes explications utiles aux manquements relevés ; que le fait de confier la gestion comptable à un tiers n'est pas exonératoire de responsabilité en matière fiscale ; que le prévenu ne peut méconnaître les obligations déclaratives fiscales au titre de la société et la tenue de la comptabilité ; qu'en effet, il a précédemment dirigé une société ayant la même activité, et pour laquelle il a été contrôlé et condamné pour des faits similaires ; qu'en conséquence, il y a lieu de réformer le jugement déféré, de retenir sa culpabilité ;

"1°) alors que la délégation de pouvoirs est consentie par l'employeur à un préposé pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour veiller efficacement au respect de l'ensemble des obligations légales, notamment des obligations fiscales et comptables ; qu'en l'espèce, dans le cadre de son poste de directeur technique, Mme [U], conservant le contrôle effectif du respect par l'entreprise de ses obligations à l'égard de l'administration fiscale, avait délégué à M. [G] dans un document du 12 mai 2006 des pouvoirs administratifs et commerciaux précis et limités : 1. Représenter la société auprès de la clientèle publique, semi-publique et privée à cette fin de prendre part à toute adjudication, faire toute proposition, signer toute soumission ou marché, y compris en cas d'engagement solidaire, avec un ou plusieurs autres entrepreneurs. 2. Passer avec les fournisseurs, tous traités et marchés d'acquisition de matériaux et fournitures pour les besoins des chantiers et établissements. 3. Sous-traiter tout marché ou contrat et satisfaire à toutes formalités préalables d'agrément auprès des maîtres d'ouvrage. 4. Veiller à respecter et faire respecter les règlementations économiques et en matière de droit du travail. 5. Recouvrer toutes sommes dues à la société, en principal et intérêts et accessoires pour quelque cause que ce soit, donner quittances et décharges de toutes sommes reçues, recevoir tous mandats, traites, bons de paiement sur tous particuliers et caisses. 6. Retirer de tous transporteurs, messageries, douanes et consignations, toutes marchandises et objets à destination de la société, en donner quittance et décharge, faire toutes déclarations, signer tous acquits et bordereaux. 7. Retirer de l'administration des postes, de tous ses bureaux, tous plis chargés ou recommandés, objets, lettres, mandats et valeurs déclarées, à destination de la société, en donner quittance et décharge. 8. Souscrire tous abonnements (téléphone, électricité, eau, etc…) auprès de tout service compétent. 9. Procéder à l'embauche de tout personnel et signer des contrats d'embauche avec fixation des rémunérations. Procéder et organiser les licenciements si nécessaire. 10. Porter plainte auprès du ministère public en cas d'atteinte délictueuse aux intérêts de la société, notamment en cas de vol, détournement de fonds et actes de malveillance. 11. Signer toutes correspondances au nom de la société dans la limite des pouvoirs ci-dessus. 12. Aux effets ci-dessus, passer et signer tous actes et toutes pièces, élire domicile, remplir toutes formalités légales et généralement faire le nécessaire dans l'intérêt de la société ; qu'en se bornant à considérer que M. [G] était gérant de fait responsable des obligations déclaratives fiscales de la société dès lors qu'il disposait d'un pouvoir général de gestion dont l'étendue allait au-delà de son activité de directeur technique comme le recouvrement de créances, la passation de marchés, procéder à l'embauche et au licenciement de tout personnel, porter plainte en cas d'atteinte aux intérêts de la société et, dans le cadre de ce pouvoir précis et limité, passer et signer tous actes et toutes pièces, élire domicile, remplir toutes formalités légales et généralement faire le nécessaire dans l'intérêt de la société, sans rechercher si ce pouvoir général de gestion pouvait s'analyser en une véritable délégation de pouvoirs consentie à un préposé en charge de l'ensemble des tâches administratives et financières, titulaire de la signature sur les comptes bancaires et signant les déclarations fiscales de l'entreprise permettant ainsi de veiller efficacement au respect des obligations légales, notamment des obligations fiscales et comptables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"2°) alors que le document intitulé « délégation de pouvoir administratifs et commerciaux » du 12 mai 2006 n'attribue pas la compétence, l'autorité et les moyens nécessaires à M. [G] pour veiller efficacement au respect des obligations fiscales et comptables ; que si M. [G] avait le pouvoir de « passer et signer tous actes et toutes pièces, élire domicile, remplir toutes formalités légales et généralement faire le nécessaire dans l'intérêt de la société », c'est uniquement dans le cadre des pouvoirs délégués et cela ne signifie pas qu'il était en charge de l'ensemble des tâches administratives et financières, qu'il était titulaire de la signature sur les comptes bancaires et qu'il signait les déclarations fiscales de l'entreprise ; qu'en affirmant que M. [G] disposait d'un pouvoir général de gestion dont l'étendue allait bien au-delà de son activité de directeur technique, énonçant implicitement ainsi qu'il possédait une délégation de pouvoir général lui permettant de veiller efficacement au respect des obligations fiscales et comptables, la cour d'appel a dénaturé les termes du document du 12 mai 2006 ;

"3°) alors que la direction de fait suppose l'existence d'une action positive de direction, d'administration ou de gestion de la personne morale, déployée en toute indépendance et supposant un véritable pouvoir de décision ; que la cour d'appel, qui a considéré que M. [G] disposait d'un pouvoir général de gestion dont l'étendue allait bien au-delà de son activité de directeur technique, ne pouvait retenir qu'il était le dirigeant de fait de la société B2D sans autrement s'expliquer, ainsi qu'elle y était expressément invitée, sur la circonstance que M. [G] n'était pas en charge des tâches administratives et financières, n'était pas titulaire de la signature sur les comptes bancaires, n'était pas titulaire d'une procuration bancaire, ne signait pas les déclarations fiscales de l'entreprise, et sur la circonstance que Mme [K] [W], épouse [U] avait reconnu avoir conservé notamment les tâches administratives, la signature sur les comptes bancaires de la société B2D et la gestion des comptes de la société B2D ; qu'en s'abstenant de répondre au moyen péremptoire dont elle était ainsi saisie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"4°) alors que la direction de fait suppose l'existence d'une action positive de direction, d'administration ou de gestion de la personne morale, déployée en toute indépendance et supposant un véritable pouvoir de décision ; qu'en affirmant que M. [G] avait était gérant de fait durant la période visée à la prévention à la faveur de motifs inopérants tenant au fait qu'il bénéficiait d'un pouvoir général de gestion, au fait que, lors du contrôle fiscal, M. [G] donnait toutes explications utiles aux manquements relevés ou que le fait de confier la gestion comptable à un tiers n'est pas exonératoire de responsabilité en matière fiscale ou encore du fait que M. [G] a précédemment dirigé une société ayant la même activité, sans rechercher si ledit pouvoir général pouvait s'analyser en une délégation de pouvoirs et sans relever aucun fait précis susceptible de caractériser que M. [G] exerçait, en toute souveraineté et indépendance, un véritable pouvoir de décision et un contrôle effectif et constant de la société et sans relever l'existence de la procuration bancaire qui est un élément essentiel de la caractérisation de la gestion de fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"5°) alors que la direction de fait suppose l'existence d'une action positive de direction, d'administration ou de gestion de la personne morale, déployée en toute indépendance et supposant un véritable pouvoir de décision ; qu'en affirmant que M. [G] avait était gérant de fait durant la période visée à la prévention à la faveur de motifs tenant au fait que lorsque la gérante de droit avait démissionné, il avait continué la gérance, sans relever que la gérante de droit démissionnaire n'avait pas procédé aux formalités administratives pour faire enregistrer sa démission et rendre sa démission effective, de sorte qu'elle était demeurée gérante et responsable des omissions et de la fraude fiscale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés";

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la vérification de la comptabilité de la société B2D, dont Mme [U] était la gérante de droit, a révélé que la déclaration de résultats, en vue du paiement de l'impôt sur les sociétés, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007, n'avait pas été déposée et que les déclarations de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) n'avaient pas été souscrites pour certains mois de 2008 et de 2009 ; que M. [G], directeur technique et titulaire d'une délégation de pouvoirs, a été cité, en sa qualité de gérant de fait, devant le tribunal correctionnel des chefs de fraude fiscale, passation d'écriture inexacte ou fictive dans un document comptable et omission d'écriture dans un document comptable ; que les premiers juges l'ont relaxé ; que le ministère public et l'administration fiscale, partie civile, ont interjeté appel ;

Attendu que, pour retenir la gestion de fait à l'encontre du prévenu et le déclarer coupable des faits reprochés, l'arrêt énonce notamment que la gérante de droit, Mme [U], n'a pas eu d'activité effective au sein de la société et que seul M. [G] en assurait, et ce, dès la création de la société, la gérance ; que la cour d'appel retient que ce dernier disposait d'un pouvoir général de gestion dont l'étendue allait bien au-delà de son activité de directeur technique comme le recouvrement de créances, la passation des marchés, procéder à l'embauche et au licenciement de tout personnel, porter plainte en cas d'atteinte aux intérêts de la société et de façon générale dans le cadre de ce pouvoir "passer et signer tous actes et toutes pièces, élire domicile, remplir toute formalités légales et généralement faire le nécessaire dans l'intérêt de la société" et que son épouse avait la signature bancaire et agissait à sa demande ; que les juges relèvent également que, lors du contrôle fiscal, M. [G] se revendiquait comme gérant, donnant toutes explications utiles aux manquements relevés ; qu'ils précisent enfin que le fait de confier la gestion comptable à un tiers n'est pas exonératoire de responsabilité en matière fiscale et que le prévenu, qui avait précédemment dirigé une société ayant la même activité, et pour laquelle il a été contrôlé et condamné pour des faits similaires, ne pouvait méconnaître les obligations déclaratives fiscales au titre de la société et la tenue de la comptabilité ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que la délégation de pouvoir dont bénéficie un préposé, même si elle ne porte pas sur l'ensemble des tâches administratives et financières, n'est pas de nature à exclure sa responsabilité, en qualité de gérant de fait, à l'égard des obligations fiscales de la société, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux mars deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-81337
Date de la décision : 22/03/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 février 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 mar. 2017, pourvoi n°16-81337


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Delaporte et Briard, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.81337
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