LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'établissement de personnes âgées dépendantes accueillant Mme [V] a assigné les sept enfants de cette dernière, dont M. [H] [Q], pour obtenir la fixation du montant de leur contribution alimentaire à l'entretien de leur mère ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches, ci-après annexé :
Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur la deuxième branche du moyen :
Vu l'article 208 du code civil ;
Attendu que, pour fixer à la somme mensuelle de 177,02 euros la contribution de M. [H] [Q] à l'entretien de sa mère, l'arrêt retient que ce dernier disposait d'un revenu mensuel moyen en 2013 de 4 440 euros, dont 2 455 euros en qualité d'aide familial de son épouse gravement handicapée, et que le couple a déclaré des revenus fonciers à concurrence de 5 411 euros ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans tenir compte des charges que le débiteur détaillait dans ses conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
Et sur la troisième branche du moyen :
Vu l'article 208 du code civil ;
Attendu que, pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que l'épouse de M. [H] [Q] a perçu en 2013 un salaire moyen de 3 953 euros ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la dette du débiteur d'aliments est une dette personnelle, dont le montant doit être fixé eu égard à ses ressources et que les revenus de Mme [Q] ne pouvaient être pris en considération que dans la mesure où ils réduisaient les charges de M. [H] [Q], la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne, à compter du 22 juillet 2014, M. [H] [Q] à verser à l'EHPAD [Établissement 1] la somme mensuelle de 177,02 euros et en ce qu'il le condamne aux dépens de première instance, l'arrêt rendu le 24 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ;
Condamne Mmes [M] et [V] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Delamarre, avocat aux Conseils, pour M. [H] [Q]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur [Q] à verser à l'EHPAD [Établissement 1] la somme mensuelle de 177,02 euros et de l'avoir condamné à payer les dépens de première instance ;
AUX MOTIFS QUE
« Pour être libérés de leur obligation alimentaire, les deux débiteurs sollicitent l'application des dispositions de l'article 207 alinéa 2 du code civil qui énonce que quand le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire ; que les deux intimés font ainsi grief à leur mère de ne pas les avoir protégés de la violence, de l'humiliation et de la cupidité exercées sur eux par les maris successifs de celle-ci et même de s'être associée aux maltraitances imputables à ces hommes indignes et de les avoir fait placer, un temps, en familles d'accueil ; qu'il faut constater que les cinq autres enfants ne reprennent pas à leur compte le moyen de droit sur lequel se fondent les consorts [S] et [H] [Q], et font plutôt état de la situation d'une mère passive, incapable de s'opposer à des conjoints déviants et débordée par ses difficultés financières et d'un contexte qui à l'époque était loin de privilégier la place de l'enfant ; qu'à l'actif de Mme [V] qui a mis au monde 7 enfants dans des circonstances assimilables à de la grande précarité, il convient de faire valoir qu'en 1956, ce qui n'était pas si fréquent, elle a divorcé de son premier mari [Q] pour protéger ses trois enfants auxquels leur père faisait boire de l'alcool ainsi qu'il est relaté dans ses conclusions d'alors ; que certes le divorce été prononcé aux torts partagés le 9 février 1956, ce qui se justifie par le fait que dès la séparation intervenue en 1954, elle s'était remise en ménage avec le sieur [M] et donnera naissance à [G] le [Date naissance 1] 1956 ; qu'il est vrai que les cinq premiers enfants ont fait l'objet d'un placement du 4 mars 1959 au 5 août 1960 ; qu'il n'est pas démontré que ce placement à titre temporaire ait été justifié par une intervention judiciaire ; qu'il correspond davantage à une période de grandes difficultés financières éprouvées par le couple [M] qui ayant trouvé du travail au sein d'un cirque n'aurait pas eu d'autre solution que de confier temporairement leurs enfants à l'aide sociale à l'enfance ; que la période la plus discutable pour Mme [V] correspond à celle de son union avec M [B] , individu violent , alcoolique et tyrannique ; que les enfants [Q] n'étaient cependant pas loin, à cette époque, de gagner leur autonomie puisqu'ils ont tous les trois arrêtés l'école primaire à 14 ans et sont rentrés dans la vie active ; que la mise en cause repose essentiellement et directement sur le dénommé [B] ainsi qu'il résulte des pièces produites aux débats ; qu'il peut être reproché à Mme [V] sa passivité, sa lâcheté mais la situation de précarité dans laquelle elle s'est toujours débattue, et la peur qu'inspirait son mari, expliquent l'intérêt économique que représentait pour elle M. [B] qui apportait un salaire et tempèrent les griefs qui peuvent lui être faits et qui n'ont pas dissuadé les intimés [S] et [H] [Q] de conserver des liens avec leur mère ; qu'il n'est en conséquence pas fait droit à la demande de ces deux intimés d'être déchargés de leur obligation alimentaire ; que Mme [S] [Q] a perçu en 2013 un revenu mensuel moyen de 1396,50 euros ; que celui de son époux s'est élevé à la somme de 1907,50 euros pour la même année ; qu'il n'est fourni aucune autre information sur le compte de ce couple ; que le revenu mensuel moyen de M. [H] [Q] s'est élevé en 2013 à la somme de 4440 euros dont 2455 euros en qualité d'aide familial de son épouse qui est gravement handicapée ; que Mme [Q] a perçu pour la même année un salaire moyen de 3953 euros ; que le couple a déclaré des revenus fonciers à concurrence de 5411 euros » ;
ALORS, PREMIEREMENT, QUE
Le juge ne peut statuer que sur les dernières conclusions ; qu'en l'espèce, Monsieur [Q] avait régulièrement déposé et signifié sur RPVA, le 25 octobre 2015, ses dernières conclusions récapitulatives dans lesquelles il avait substantiellement complété sa précédente argumentation ; qu'en visant dès lors les conclusions inexistantes du « 7 juin 2005 », sans prendre en considération les moyens de Monsieur [Q] figurant dans les conclusions signifiées le 25 octobre 2015, la Cour d'appel a violé l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile ;
ALORS, DEUXIEMEMENT, QUE
Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit ; qu'en l'espèce, pour condamner Monsieur [Q] à verser une somme mensuelle de 177,02 euros à l'EHPAD [Établissement 1], la Cour d'appel a indiqué quelles étaient les ressources de l'exposant, sans toutefois tenir compte de ses charges, comme le demandait pourtant Monsieur [Q]; qu'en se prononçant ainsi, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 208 du Code civil ;
ALORS, TROISIEMEMENT, QUE
Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit ; que la dette du débiteur d'aliments étant une dette personnelle, dont le montant doit être fixé eu égard à ses ressources, les revenus du conjoint du débiteur ne peuvent être pris en considération que dans la mesure où ils réduisent les charges de celui-ci ; que, dans la présente espèce, la Cour d'appel a considéré que le revenu mensuel de Monsieur [Q] s'élevait en 2013 à la somme de 4.440 euros, dont 2455 euros en qualité d'aide familial de son épouse gravement handicapée ; que la Cour a également pris en compte le salaire perçu par l'épouse de Monsieur [Q], dont une part importante est liée à sa situation de handicap ; que la Cour d'appel a donc pris en compte des indemnités et des revenus attribués à l'épouse de Monsieur [Q] et qui ne pouvaient dès lors être considérées comme des ressources propres du débiteur d'aliment, violant ainsi l'article 208 du Code civil ;
ALORS, QUATRIEMEMENT, QUE
Lorsque le créancier d'aliment a lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge peut décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire ; que la Cour d'appel a relevé que Monsieur [Q] avait été soumis à la violence ainsi qu'à la tyrannie du compagnon de sa mère, et qu'il avait été placé pendant plus d'un an dans un foyer par sa mère ; qu'en jugeant néanmoins que Madame [V] ne s'était pas rendue indigne de recevoir des aliments de la part de Monsieur [Q], la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, violant ainsi l'article 208 du Code civil.