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15/03/2017 | FRANCE | N°15-19506

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 mars 2017, 15-19506


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 2000 du code civil et l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu que si les juges apprécient souverainement la commune intention des parties de déroger aux dispositions de l'article 2000 du code civil, ils ne peuvent rechercher cette intention en méconnaissant les termes clairs et précis de la convention ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés AB Droits Audiovisuels, AB pr

oductions et Studio Animage, aux droits de laquelle vient la société AB Droits audi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 2000 du code civil et l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu que si les juges apprécient souverainement la commune intention des parties de déroger aux dispositions de l'article 2000 du code civil, ils ne peuvent rechercher cette intention en méconnaissant les termes clairs et précis de la convention ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés AB Droits Audiovisuels, AB productions et Studio Animage, aux droits de laquelle vient la société AB Droits audiovisuels, sociétés de production et de distribution de films et de programmes audio-visuels relevant du groupe AB (les sociétés AB), ont donné mandat à la société de droit suisse Audiovisual Properties Management (la société APM), spécialisée dans la gestion des droits de propriété intellectuelle, de les représenter auprès des sociétés de gestion collective de droits, moyennant le versement de commissions prévues à l'article 3 ; qu'à la suite de la dénonciation du mandat par les sociétés AB, la société APM, estimant qu'elles lui ont fait supporter des frais indus et fait perdre une rémunération sur l'exécution du mandat, les a assignées en paiement de diverses indemnités ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la société, l'arrêt, après avoir énoncé que les dispositions de l'article 2000 du code civil selon lesquelles le mandant doit indemniser le mandataire des pertes qu'il a subies à l'occasion de sa gestion n'étant pas d'ordre public, il peut y être dérogé par la convention des parties, retient que le contrat qui prévoit, dans son article 3, une commission forfaitaire, déroge aux dispositions d'ordre privé de l'article 2000 du code civil, en ce qu'il a bien été convenu que la société APM prenne en charge les risques de l'opération, ainsi qu'elle l'a indiqué par lettre en date du 26 mai 2003, et que la commune intention des parties était de ne jamais mettre à la charge des sociétés AB aucune indemnisation d'éventuelles pertes, comme la société APM l'a confirmé par lettre du 16 janvier 2004 ; qu'il en déduit que la seule rémunération sous forme de commissions forfaitaires fixée par les parties couvrait également les pertes d'exploitation ;

Qu'en statuant ainsi, alors que cette stipulation ne pouvait avoir pour objet de couvrir les pertes d'exploitation subies par le mandataire, dès lors qu'elle prévoyait seulement que celui-ci percevait une commission forfaitaire au titre de la déclaration et vérification des comptes et de l'établissement de l'état des sommes que le mandant n'aurait pas encore perçues pour l'exploitation des oeuvres catalogues, sans préciser qu'elle englobait les pertes essuyées à l'occasion de la gestion du mandat, la cour d'appel a violé les texte et principe susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société AB Droits audiovisuels SAS, et la société AB Productions SAS aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Audiovisual Properties Management la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Audiovisual Properties Management.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes formées par la société AUDIOVISUAL PROPERTIES MANAGEMENT ;

Aux motifs que « Sur l'existence d'un mandat à partir de 2003

Considérant que l'article 1984 du code civil dispose que "le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. Le contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire." ;

Considérant qu'APM soutient qu'elle a reçu mandat d'AB dès 2003 ; que toutefois, si elle s'est présentée auprès de plusieurs organismes de gestion collective des droits comme étant mandatée par AB - ainsi que cela ressort des courriers qu'elle a adressés le 19 décembre 2003 à l'AGICOA (association de gestion internationale collective d'oeuvres audiovisuelles) ("APM a été mandatée par AB PRODUCTIONS et par AB DROITS AUDIOVISUELS pour représenter l'ensemble de son catalogue d'oeuvres et de droits dans le secteur de leur gestion secondaire. Ce mandat vaut mandat de représentation, d'administration, de gestion, de perception, notamment en mains de l'AGICOA pour les droits de la retransmission par câble." - pièces n° 21 et 22 communiquées par APM), au CRC pour couvrir les droits de la gestion collective au Canada (pièces n° 23 et 24), à la PROCIREP (pièce n° 25), et, le 22 décembre 2003, à 1 'AGICOA URHEBERRECHTS S CHUTZ GmbH (pièces d 26 et 27) - ces seuls courriers ne sauraient constituer la preuve qu'AB lui aurait donné mandat dès cette date ; que la remise à APM de la liste des oeuvres audiovisuelles susceptibles d'être gérées est insuffisante à constituer cette preuve ; que ne peut davantage constituer une telle preuve l'accord de confidentialité et de nonexploitation signé le 24 juin 2004, cet accord prévoyant qu'il avait pour objet de "permettre d'apprécier le caractère rentable de la mission" proposée par APM, que l'audit pratiqué n'entraînait aucune obligation ni de moyen, ni de résultat quant à l'aboutissement des pourparlers" et que cette condition était essentielle et déterminante pour le Groupe AB (...) à l'ouverture des négociations." - éléments qui confirment qu'AB et APM étaient encore, à cette date, en pourparlers ; que le périmètre d'intervention et la méthodologie d'APM étaient encore en cours de définition en 2004 puisque, par lettre d'APM à AB du 21 juillet 2004, APM proposait de définir sa mission à venir selon trois axes : la gestion des oeuvres dont l'exploitation a été identifiée, la gestion de celles dont l'exploitation n'est pas identifiée, la valorisation du portefeuille de droits par la rectification des classifications pénalisantes (pièce n° 34 communiquée par APM), ce qui confirme que les pourparlers se poursuivaient à cette date ; qu'il est enfin constant que la convention du 4 mai 2005 a pris effet au 1er janvier 2005, et non à une date antérieure ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la preuve n'était pas rapportée de l'existence d'un mandat tacite antérieurement au 4 mai 2005 ;

Sur la demande de condamnation des sociétés du Groupe AB

Considérant que, le 4 mai 2005, APM a signé, avec les sociétés AB Droits Audiovisuels, AB Productions et Studio Animage, une convention de mandat pour une durée de deux ans à compter du 1er janvier 2005, tacitement reconductible ; qu'aux termes de ce contrat, la mission d'APM consistait à "effectuer toutes démarches utiles auprès des organismes de gestion collective, et notamment :

a) déclarer auprès des organismes les oeuvres du catalogue ;
b) vérifier, interroger et faire redresser si nécessaire les comptes afférents au catalogue adressés à APM par les organismes ;
c) établir un état des sommes qu'AB n'aurait pas encore perçues au titre des exploitations des oeuvres du catalogue ;
d) sur instruction écrite d'AB, assurer la gestion des conflits entre ayant droits et/ou pouvant survenir dans les relations avec les organismes." ;

Que, selon l'article 3 de la convention, AB s'obligeait à rémunérer APM

- au titre de la déclaration et vérification des comptes, par une commission de 4 % de toutes les sommes déclarées et encaissées par AB annuellement provenant des organismes de gestions collective pour l'exploitation des oeuvres, la période annuelle débutant le premier janvier et se terminant le 31 décembre de la même année, la première année débutant le 1er janvier 2005 ;

- au titre de l'établissement de l'état des sommes que AB n'aurait pas encore perçues au titre de l'exploitation des oeuvres catalogues, par une commission de 20 % des sommes effectivement encaissées par AB du fait de l'intervention directe de APM auprès des organismes de gestion collective ;

- seules les sommes encaissées par AB pour chaque pays, pour chacune des diffusions de chacune des oeuvres en complément du paiement initial donnant lieu au versement à APM de la commission de 20 % ;

Considérant qu'il n'est pas contesté qu'APM a reçu, en application de l'article 3 de la convention, la somme de 155.000,00 euros, conformément à sa facture émise le 6 avril 2009 ;

Considérant que l'appelante sollicite la condamnation des sociétés AB au titre : - des frais d'exploitation pour l'exécution du mandat, sur le fondement de l'article 2000 du code civil (page 35 de ses conclusions) ;
- du préjudice d'image ;
- de la perte de rémunération par rapport à ce qu'aurait dû percevoir APM si AB n'avait pas perturbé l'exécution du mandat ;

Considérant que les dispositions de l'article 2000 du code civil selon lesquelles le mandant doit indemniser le mandataire des pertes qu'il a subies à l'occasion de sa gestion n'étant pas d'ordre public, il peut y être dérogé par la convention des parties ; que le contrat du 5 mai 2005, qui prévoit, dans son article 3, une commission forfaitaire, déroge aux dispositions d'ordre privé de l'article 2000 du code civil en ce que :

- il a bien été convenu qu'APM prenne en charge les risques de l'opération, ainsi qu'elle l'a indiqué par lettre en date du 26 mai 2003 : "Comme nous en avons parlé, APM est disposée à conclure avec vous un accord portant sur le fait que vous n'encourez ni frais d'adhésion, ni cotisation annuelle. (...) Quant à cette gestion de tous vos droits secondaires (ceux que vous ne pouvez ni négocier ni gérer par vousmême pour d'évidentes raisons commerciales ou légales) vous n'avez rien à décaisser par avance. APM participe à votre risque commercial et économique en se rémunérant par prélèvement d'un pourcentage sur ce qu'elle sera parvenue à encaisser pour votre compte. Ce pourcentage doit être négocié avec votre groupe. Comme je vous l'ai indiqué, il est généralement compris entre 20 et 30 % des encaissements. De cette manière, APM partage votre risque d'entrepreneur (...)" ;

- la commune intention des parties était de ne mettre à la charge d'AB aucune indemnisation d'éventuelles pertes, comme APM l'a confirmé par lettre du 16 janvier 2004 "AB ne décaisse jamais pour la gestion collective, APM se rémunérant par prélèvement de la commission convenue sur les montants encaissés.") ;

Que la seule rémunération sous forme de commissions forfaitaires fixée par les parties couvrait donc également les pertes d'exploitation ; qu'APM ne saurait, dans ces conditions, réclamer le paiement d'une quelconque somme au titre "des frais d'exploitation de l'entreprise affectés à l'exécution du mandat des sociétés du Groupe AB" (1.593.457,00 euros) ; qu'en tout état de cause, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, APM, qui se borne, dans ses dernières écritures, à faire état "des nombreuses heures de mobilisation vaine de leur personnel pendant près de 3 années", n'établit pas la réalité d'un quelconque préjudice de ce chef ;

Considérant, pour le surplus, qu'APM ne rapporte la preuve :

- ni d'un quelconque préjudice d'image, l'appelante se bornant à faire état "du préjudice d'image et de réputation subi à l'égard des sociétés de gestion collective" ;

- ni d'un préjudice financier susceptible de résulter de manquements de ses mandantes à leurs obligations contractuelles - préjudice dont APM demande réparation sur le fondement de l'article 2000 du code civil (page 39 de ses conclusions) ; qu'à cet égard, aucune force probante ne peut être accordée à l'attestation, de Monsieur [G], ancien responsable d'APM (pièce 154 communiquée par APM), qui fait état, hors de toute démonstration, d'une créance d'AB sur les sociétés de gestion comprise entre 22.649.927,00 euros et 24.773.613,00 euros ; qu'enfin, comme l'a retenu à raison le tribunal, APM ne saurait tout à la fois souligner le comportement abusif du Groupe AB dans la revendication de certains droits et réclamer un complément de commissions sur des droits à percevoir ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté APM de ses demandes » ;

Alors, d'une part, que le mandant doit indemniser le mandataire des pertes que celui-ci a essuyées à l'occasion de sa gestion, sans imprudence qui lui soit imputable ; que la seule stipulation d'une commission forfaitaire en faveur du mandataire ne peut avoir pour objet de couvrir les pertes d'exploitation subies par lui ; qu'en estimant néanmoins que le contrat du 5 mai 2005 déroge aux dispositions d'ordre privé de l'article 2000 du Code civil, en ce qu'il prévoit, dans son article 3, une commission forfaitaire, la Cour d'appel a violé les dispositions dudit article ;

Alors, d'autre part, que si les juges apprécient souverainement la commune intention des parties de déroger aux dispositions de l'article 2000 du Code civil, ils ne peuvent rechercher cette intention en méconnaissant les termes clairs et précis de la convention ; qu'en estimant néanmoins que le contrat du 5 mai 2005 déroge aux dispositions d'ordre privé de l'article 2000 du Code civil, quand ce contrat ne prévoit pourtant aucune stipulation en ce sens et stipule seulement - ce qui est tout différent - une commission forfaitaire en faveur du mandataire, la Cour d'appel a dénaturé cette convention, en violation l'article 1134 du Code civil ;

Alors enfin, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se bornant, pour débouter l'exposante de ses demandes indemnitaires, à relever, par voie d'affirmation générale sans réelle motivation, que la société APM « se borne, dans ses dernières écritures, à faire état "des nombreuses heures de mobilisation vaine de leur personnel pendant près de 3 années" [et] n'établit pas la réalité d'un quelconque préjudice de ce chef », qu'elle ne rapporte par la preuve « d'un quelconque préjudice d'image (…) se bornant à faire état "du préjudice d'image et de réputation subi à l'égard des sociétés de gestion collective"» ni « d'un préjudice financier susceptible de résulter de manquements de ses mandantes à leurs obligations contractuelles », la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-19506
Date de la décision : 15/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 mar. 2017, pourvoi n°15-19506


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.19506
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