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15/03/2017 | FRANCE | N°15-14699

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 mars 2017, 15-14699


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société New Caro, désormais dénommée Caro, ayant résilié le contrat d'agence commerciale pour la distribution de ses produits dans un secteur exclusif de quarante et un départements du sud de la France, qui la liait à la société Loga, celle-ci l'a assignée en paiement de commissions et d'une indemnité de cessation de contrat ;

Sur le premier moyen :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu que pou

r condamner la société Caro à payer à la société Loga une certaine somme au titre de comm...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société New Caro, désormais dénommée Caro, ayant résilié le contrat d'agence commerciale pour la distribution de ses produits dans un secteur exclusif de quarante et un départements du sud de la France, qui la liait à la société Loga, celle-ci l'a assignée en paiement de commissions et d'une indemnité de cessation de contrat ;

Sur le premier moyen :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu que pour condamner la société Caro à payer à la société Loga une certaine somme au titre de commissions, l'arrêt, après avoir relevé que l'article VII, intitulé « rémunération », stipule que « l'agent commercial perçoit sur les ventes de sacs à main de son secteur, uniquement des nouveaux clients prospectés ou gagnés par l'agent commercial, une commission égale à 15 % du montant HT des factures »,retient que « l'exclusivité dont bénéficiait la société Loga impliquait dès lors un droit à commission sur toutes les opérations conclues sur le secteur, qu'elles aient été ou non réalisées par son intervention, l'article VII ne prévoyant que des modalités de calcul des commissions » ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de cet article que la société Loga devait percevoir une commission égale à 15 % du montant hors taxes des factures sur les seules ventes effectuées auprès des nouveaux clients prospectés ou gagnés par elle dans son secteur, et non sur celles réalisées directement par la société Caro auprès des clients existants ou prospectés dans ce secteur sans son intervention, la cour d'appel, qui en a méconnu les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation intervenue sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, celle du chef du dispositif de l'arrêt ayant condamné la société Caro à payer à la société Loga une indemnité de rupture ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société New Caro, devenue Caro, à payer à la société Loga la somme de 129 081,52 euros toutes taxes comprises au titre des commissions dues et celle de 97 431,21 euros au titre de l'indemnité de rupture, statue sur l'article 700 du code de procédure civile ainsi que sur les dépens, l'arrêt rendu le 7 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Loga aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Caro la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Caro.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société New Caro à payer à la société Loga la somme de 129 081,52 euros TTC au titre des commissions dues ;

AUX MOTIFS QUE « selon l'article L. 134-16 du code de commerce, est réputée non écrite toute clause ou convention contraire aux dispositions des articles L. 134-2 et L. 134-4, des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 134-11, et de l'article L. 134-15 ou dérogeant, au détriment de l'agent commercial, aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 134-9, du premier alinéa de l'article L. 134-10, des articles L. 134-12 et L. 134-13 et du troisième alinéa de l'article L. 134-4 ; que selon l'article L. 134-6 dudit code, pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L. 134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre ; que lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe ; que selon l'article L. 134-5 dudit code, tout élément de la rémunération variant avec le nombre ou la valeur des affaires constitue une commission au sens du présent chapitre ; que les articles L. 134-6 à L. 134-9 s'appliquent lorsque l'agent est rémunéré en tout ou partie à la commission ainsi définie ; que dans le silence du contrat, l'agent commercial a droit à une rémunération conforme aux usages pratiqués, dans le secteur d'activité couvert par son mandat, là où il exerce son activité ; qu'en l'absence d'usages, l'agent commercial a droit à une rémunération raisonnable qui tient compte de tous les éléments qui ont trait à l'opération ; que l'article L. 134-6 du code de commerce n'est pas une disposition d'ordre public ; que les parties peuvent y déroger ; mais d'une part, selon l'article VII du contrat d'agent commercial ayant lié les parties, intitulé « rémunération », - l'agent commercial perçoit sur les ventes de sac à main de son secteur, uniquement des nouveaux clients prospectés ou gagnés par l'agent commercial, une commission égale à 15 % du montant HT des factures ; - l'agent commercial perçoit sur les ventes aux clients prospectés ou gagnés aux salons une commission sur les sacs à main de 5 % et sur les chaussures de 6 %. Ainsi qu'aux clients existants de la Sas Caro ou de la Sarl New Caro dont la liste est annexée au contrat ; que d'autre part, l'article IV dudit contrat intitulé « secteur » est ainsi rédigé : le secteur dans lequel l'agent commercial est chargé du mandat est constitué par les régions du sud de la France qui lui sont attribuées en exclusivité, à savoir… » ; que l'exclusivité dont bénéficiait la Sarl Loga impliquait dès lors un droit à commission sur toutes les opérations conclues sur le secteur, qu'elle aient été ou non réalisées par son intervention, l'article VII ne prévoyant que des modalités de calcul des commissions ; que selon l'attestation établie par l'expert-comptable de la Sarl New Caro, pendant la période des relations contractuelles entre les parties, soit du 8 juillet 2008 au 12 mai 2011, les ventes en HT dans les comptes de la Sarl New Caro, correspondant à des clients existants ou prospectés sans les interventions de la Sarl Loga se sont élevées à 719 518 euros et les ventes en HT facturées aux clients par l'intermédiaire de la Sarl New Caro, ventes commissionnées par la Sarl Loga, à 316 489 euros ; que la Sarl Loga sollicite la condamnation de la Sarl New Caro au paiement de la somme de 107 927,70 euros HT, soit 129 081, 52 euros TTC correspondant à 15 % de la somme de 719 518 euros ; qu'en l'absence de liste des clients existants annexée au contrat initial, les taux réduits ne s'appliquent qu'aux salons ; qu'il importe peu que pendant leurs relations contractuelles la Sarl Loga n'ait pas sollicité le paiement de ces commissions, dans la mesure où elle a été contrainte de saisir le juge des référés postérieurement à la rupture des relations afin d'obtenir les éléments chiffrés lui permettant de solliciter le paiement des commissions litigieuses ; que de plus, un avenant du 28 janvier 2010 intitulé « notifications » a été signé par les parties le 28 janvier 2010 ; que le second paragraphe est ainsi rédigé (sic) : « pour les clients déjà existant de notre base de données (au 28/10/10), (à l'exception de 14 clients mentionnés. Pour ces clients, les conditions restent inchangées) si vous êtes l'auteur d'une vente directement chez lui, ou bien en showroom, vous serez commissionné en totalité. Par contre, si la commande est passée chez nous pour x raison, nous restons sur les mêmes conditions qu'avant » ; que devant le caractère particulièrement obscur de cette clause qui ne permet pas de déterminer les clients visés comme le souligne à bon droit l'appelante, la cour estime que les conditions de rémunération n'ont pas été modifiées après cette notification ; qu'il est ainsi établi que la Sarl Loga a droit à des commissions sur les ventes en HT apparaissant dans les comptes de la Sarl New Caro, correspondant à des clients existants ou prospectés sans les interventions de la Sarl Loga, soit la somme de 107 927, 70 euros HT, soit 129 081,52 euros TTC correspondant à 15 % de la somme de 719 518 euros » ;

ALORS QUE, les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément retenu que l'article IV du contrat d'agent commercial intitulé « secteur » stipulait que le secteur de la société Loga était constitué par les régions du sud de la France, qui lui étaient attribuées en exclusivité ; que l'article VII, intitulé « rémunération », précisait que « l'agent commercial perçoit sur les ventes de sacs à main de son secteur, uniquement des nouveaux clients prospectés ou gagnés par l'agent commercial, une commission égale à 15 % du montant HT des factures » ; qu'il résultait nécessairement de ces termes clairs et précis, qui prévoyaient les hypothèses dans lesquelles l'agent commercial avait droit à commissionnement, que la société Loga ne devait percevoir une commission égale à 15 % du montant HT des factures que sur les ventes effectuées auprès des nouveaux clients prospectés ou gagnés par elle dans son secteur, à l'exception des ventes effectuées directement par la société New Caro auprès de clients existants ou prospectés sur ce secteur sans l'intervention de l'agent commercial, pour lesquelles ce dernier n'avait pas droit à commission ; qu'en retenant, pour décider que la société Loga avait droit à des commissions sur le montant des ventes HT (soit 719.518 euros) apparaissant dans les comptes de la société New Caro, et correspondant à des clients existants ou prospectés sans son intervention, que l'article VII du contrat d'agent commercial ne prévoyait que des modalités de calcul des commissions, de sorte que l'exclusivité dont bénéficiait l'agent commercial impliquait un droit à commission sur toutes les opérations conclues dans son secteur, qu'elles aient été ou non réalisées par son intervention, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article VII du contrat d'agent commercial et violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 1134 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société New Caro à payer à la société Loga la somme de 97 431,21 euros au titre de l'indemnité de rupture ;

AUX MOTIFS QUE « selon l'article L. 134-12 du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; que le contrat ayant lié les parties prévoit à l'article X intitulé « Indemnisation de la cessation du contrat » au point 1, qu'en cas de résiliation du présent contrat d'agence par le mandant (sauf si cette résiliation est consécutive à une faute grave de l'agent commercial) ou en cas de cessation d'activité de l'agent commercial provoquée par l'âge, l'infirmité ou la maladie, l'agent commercial aurait droit à une indemnité en réparation du préjudice subi (indemnité de rupture équivalente à la commission annuelle de l'année précédente) ; qu'une telle disposition est contraire à l'article L. 134-12 du code de commerce, disposition d'ordre public, en ce qu'elle limite à une année de commission l'indemnisation quelle que soit la durée des relations contractuelles ; que les relations contractuelles ont duré de juillet 2008 à mai 2011 soit pendant 34 mois ; qu'il est dès lors d'usage, quand la durée est supérieure à 24 mois, d'accorder à l'agent commercial l'équivalent de deux années de commissions ; qu'en prenant pour base de calcul le montant de toutes les ventes HT donnant droit à commission soit 1 036 007 euros, multiplié par 15%, à défaut d'indication de la part de la Sarl New Caro sur une ventilation des commissions telle que prévue à l'article VII du contrat, on obtient la somme de 155 401 euros, que l'on divise par 34 mois, correspondant à la durée des relations, soit 4 570 euros, et non 4 710 euros comme calculé par l'appelante ; qu'en multipliant 4 570 euros par 24, on obtient 109 680 euros, somme à laquelle il convient de déduire 12 248,79 euros remis par la société New Caro, soit 97 431,21 euros, somme que celle-ci sera condamnée à payer à la Sarl Loga » ;

1°/ ALORS QUE la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen entraînera, par voie de conséquence, celle du chef du dispositif de l'arrêt ayant condamné la société New Caro à payer à la société Loga la somme de 97 431,21 euros au titre de l'indemnité de rupture, et ce en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE si la clause d'évaluation a priori de l'indemnité de rupture n'est pas valable dans la mesure où elle a un caractère forfaitaire, il n'en est pas de même de la clause qui permet à l'agent d'obtenir, en cas de rupture, une indemnité compensatrice du préjudice subi fondée sur les commissions antérieurement perçues ; qu'en l'espèce, l'article X du contrat d'agent commercial précisait qu' « en cas de résiliation du présent contrat d'agence par le Mandant (sauf si cette résiliation est consécutive à une faute grave de l'Agent commercial), ou en cas de cessation d'activité de l'Agent commercial provoquée par l'âge, l'infirmité ou la maladie, l'Agent commercial aura droit à une indemnité en réparation du préjudice subi (indemnité de rupture équivalente à la commission annuelle de l'année précédente) » ; qu'en considérant qu'une telle disposition était contraire à l'article L. 134-12 du code de commerce, disposition d'ordre public, en ce qu'elle limitait à une année de commission l'indemnisation quelle que soit la durée des relations contractuelles, quand il s'agissait d'une indemnité compensatrice fondée sur le montant des commissions annuelles de l'année précédente et non d'une indemnité forfaitaire fixée à l'avance, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 134-12 du code de commerce ;

3°/ ALORS QUE l'indemnité de cessation de contrat a pour objet la réparation du préjudice qui résulte pour l'agent commercial de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune ; que l'indemnité allouée à l'agent commercial doit assurer la réparation intégrale de son préjudice, sans qu'il en résulte pour lui ni perte, ni profit ; qu'en accordant à la société Loga, dont elle a expressément constaté que les relations contractuelles avec la société New Caro n'avaient duré que 34 mois, une indemnité correspondant à deux années de commissions, au motif inopérant qu'il était d'usage, quand la durée des relations contractuelles était supérieure à 24 mois, d'accorder à l'agent commercial l'équivalent de deux années de commissions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 134-12 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-14699
Date de la décision : 15/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 07 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 mar. 2017, pourvoi n°15-14699


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.14699
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