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15/03/2017 | FRANCE | N°15-14589

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 mars 2017, 15-14589


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les associations Equipe [I] et The [I] society (les associations) ont confié à la société Piriou naval services (la société Piriou) la remise en état du navire « Calypso » ; qu'après avoir obtenu une expertise judiciaire, elles l'ont assignée en résiliation des contrats à ses torts et en paiement de diverses sommes ; que, reconventionnellement, la société Piriou a sollicité la résiliation des contrats aux torts des associations, leur condamnation au paiement

du solde des travaux et d'une certaine somme au titre de l'occupation du ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les associations Equipe [I] et The [I] society (les associations) ont confié à la société Piriou naval services (la société Piriou) la remise en état du navire « Calypso » ; qu'après avoir obtenu une expertise judiciaire, elles l'ont assignée en résiliation des contrats à ses torts et en paiement de diverses sommes ; que, reconventionnellement, la société Piriou a sollicité la résiliation des contrats aux torts des associations, leur condamnation au paiement du solde des travaux et d'une certaine somme au titre de l'occupation du hangar, et leur condamnation sous astreinte à reprendre le navire ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que les associations font grief à l'arrêt de prononcer la résiliation des contrats à leurs torts et de les condamner à payer à la société Piriou une certaine somme au titre du solde des travaux exécutés, alors, selon le moyen, que le maître de l'ouvrage a toujours la faculté, lorsque l'entrepreneur lui demande de payer le solde du prix, d'exciper de la compensation entre la créance de ce solde et la créance qu'il détient contre l'entrepreneur en raison des non-façons ou des malfaçons de l'ouvrage ; que, pour refuser d'ordonner la compensation des conséquences des manquements aux règles de l'art que les associations imputaient à la société Piriou, avec le solde du prix que réclamait cette dernière, la cour d'appel relève que l'expert s'appuie sur l'hypothèse erronée d'une remise en état « complète » permettant à la Calypso d'accomplir des traversées transocéaniques ; qu'en s'abstenant de s'expliquer, non sur l'inexécution des travaux permettant à la Calypso d'accomplir des traversées transocéaniques, mais sur les simples manquements aux règles de l'art dont se prévalaient les associations, la cour d'appel a violé les articles 1289 et 1787 du code civil ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a estimé, d'abord, que les travaux commandés visaient uniquement à la mise aux normes du navire destiné à recevoir du public dans un cadre muséologique et non pas à sa rénovation pour des traversées transocéaniques, laquelle nécessitait une quasi remise à neuf, ensuite, que, contrairement aux conclusions de l'expert, qui avait mal analysé l'objet réel du contrat, les malfaçons constatées consistaient en fait dans l'inexécution de prestations excédant le marché limité à la rénovation de la coque et des parties acier, enfin, que l'interruption du chantier a eu pour cause déterminante les nouvelles commandes de nature à remettre en cause l'équilibre du marché, après le rejet d'offres de refonte réalistes, et l'arrêt injustifié des paiements ; que, de ces constatations et appréciations, elle a pu déduire que le non-paiement des travaux réalisés et la modification des marchés en cours d'exécution par les associations justifiaient que la résiliation en soit prononcée à leurs torts et que celles-ci soient condamnées à payer le solde dû ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen :

Attendu que les associations font grief à l'arrêt de les condamner au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle du 2 septembre 2013 jusqu'à la date à laquelle le navire sera enlevé du hangar, et de les condamner à payer la somme de 37 713,05 euros au titre de la période ayant couru de septembre 2013 à novembre 2014, alors, selon le moyen, que le contrat d'entreprise que le chantier naval souscrit en vue de la réparation d'un navire, comporte, pour lui, l'obligation de garder et de conserver le navire qui lui est confié pendant toute la durée de l'exécution du contrat ; qu'en faisant courir à compter du 2 septembre 2013 l'indemnité d'occupation qu'elle alloue à la société Piriou, quand elle fixe au 11 octobre 2013 la date de la résiliation du contrat d'entreprise que cette société a conclu avec les associations, la cour d'appel, qui ne tire pas les conséquences légales de ses constations, a violé les articles 1147, 1787 et suivants et 1915 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant énoncé que le navire Calypso avait été maintenu sans motif dans le hangar de la société Piriou malgré l'arrêt de la cour d'appel du 2 juillet 2013 enjoignant aux associations de le reprendre en l'état dans un délai de deux mois, alors que les travaux avaient cessé et que les opérations d'expertise avaient eu lieu, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'indemnité d'occupation courrait à compter du 2 septembre 2013 ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la seconde branche du premier moyen :

Vu l'article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour condamner les associations à payer à la société Piriou la somme de 272 984,55 euros toutes taxes comprises, l'arrêt retient que les commandes ont été exécutées à hauteur de 35 % et qu'ayant commandé des travaux sur bois pour la somme de 1 452 500 euros hors taxes, outre 449 094 euros de prestations supplémentaires et sur aciers de 199 275 euros exécutés pour 528 683 euros, soit un total hors taxes de 2 430 277 euros, puis payé seulement 752 508 euros hors taxes, les associations restent débitrices d'une somme totale hors taxes de 228 247 euros [(2 430 277-752 508) x 35%], soit toutes taxes comprises 272 984,55 euros ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la somme payée par les associations devait être déduite dans sa totalité, et non à hauteur de 35 %, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne les associations Equipe [I] et The [I] society à payer à la société Piriou naval services la somme de 272 984,55 euros, toutes taxes comprises, au titre du solde des travaux, l'arrêt rendu le 9 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne la société Piriou naval services aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour les associations Equipe [I] et The [I] society.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif pour l'essentiel, D'AVOIR :

. prononcé, aux torts des premières, la résiliation du contrat de réparation navale que les associations Équipe [I] et The [I] society ont conclu avec la société Piriou naval services ;

. condamné les associations Équipe [I] et The [I] society à payer à la société Piriou naval services, au titre du solde de ce qui est dû sur les travaux exécutés, la somme de 272 984 € 55, augmentée des intérêts au taux légal à compte de la date de l'acte introductif d'instance ;

AUX MOTIFS QUE « l'interruption du chantier, dont chacun convient qu'il ne peut désormais reprendre entre les parties, a pour cause déterminante ensemble la non-ratification des nouvelles offres, les exigences croissantes de l'architecte naval mandataire des armateurs caractéristiques d'une immixtion, l'arrêt injustifié des paiements et l'inadéquation manifeste entre le but finalement poursuivi (navigation transocéanique) et les nouvelles commandes de nature à remettre en cause l'équilibre dudit marché, faites a minima par un professionnel (l'architecte naval) après le rejet d'offres de refonte réalistes ; que cette modification substantielle des marchés en cours d'exécution par l'association Équipe [I] et l'association The [I] society et le non-paiement des travaux réalisés justifient que la résiliation en soit prononcée à leurs torts » (cf. arrêt attaqué, p. 11, 4e considérant) ; « que la résiliation des marchés qui n'est pas une annulation, ne saurait avoir pour conséquence la restitution par le prestataire des sommes reçues alors qu'il a droit à la rémunération du travail accompli avant la rupture au tarif convenu, sous réserve d'éventuelles malfaçons » (cf. arrêt attaqué, p. 12, 4e considérant) ; « que la cour retiendra un pourcentage d'exécution des commandes à hauteur de 35 % visé par l'expert et tiré des décomptes mêmes de la sas Piriou naval services ; que la modification substantielle du marché, avec des demandes ne nouveaux travaux répétées, ne permet pas aux armateurs d'en invoquer le caractère forfaitaire » (cf. arrêt attaqué, p. 13, 1er considérant) ; « qu'il résulte des explications et des pièces produites qu'ayant commandé des travaux sur bois pour 1 452 500 € ht, outre 449 094 € de prestations supplémentaires, et sur aciers de 199 275 € exécutées pour 528 683 € soit un total ht de 2 430 277 € puis payé seulement 752 508 € ht, l'association Équipe [I] et l'association The [I] society restent débitrices d'une somme totale de 228 247 € [(2 430 277 – 752 508) x 35 %] soit ttc 272 984 € 55 » (cf. arrêt attaqué, p. 13, 2e considérant) ; « que l'association Équipe [I] et l'association The [I] society seront condamnées au paiement de cette somme » (cf. arrêt attaqué, p. 13, 3e considérant) ; que, « sur la notion de malfaçons l'expert s'appuie sur l'hypothèse de remise en état "complète" du navire pour le voir réaliser des traversées transocéaniques » (cf. jugement entrepris, p. 8, 4e alinéa) ; que « le tribunal ne retenant pas cette hypothèse, comme vu précédemment, les calculs financiers correspondant seront rejetés » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 5e alinéa) ;

1. ALORS QUE le maître de l'ouvrage a toujours la faculté, lorsque l'entrepreneur lui demande de payer le solde du prix, d'exciper de la compensation entre la créance de ce solde et la créance qu'il détient contre l'entrepreneur en raison des non-façons ou des malfaçons de l'ouvrage ; que, pour refuser d'ordonner la compensation des conséquences des manquements aux règles de l'art que les associations Équipe [I] et The [I] society imputaient à la société Piriou naval services, avec le solde du prix que réclamait cette dernière la cour d'appel relève que l'expert s'appuie sur l'hypothèse erronée d'une remise en état « complète » permettant à la Calypso d'accomplir des traversées transocéaniques ; qu'en s'abstenant de s'expliquer, non sur l'inexécution des travaux permettant à la Calypso d'accomplir des traversées transocéaniques, mais sur les simples manquements aux règles de l'art dont se prévalaient les associations Équipe [I] et The [I] society, la cour d'appel a violé les articles 1289 et 1787 du code civil ;

2. ALORS QUE le paiement partiel éteint, à concurrence de son taux, l'obligation en exécution de laquelle il est fait ; que, pour calculer le montant du prix dont, du fait de la résiliation, à la date du 11 octobre 2013, du contrat de louage d'industrie qui les liait à la société Piriou naval services, les associations Équipe [I] et The [I] society demeurent débitrices, la cour d'appel applique la formule(2 430 277 – 752 508) x 35 %, où le chiffre de 2 430 277 représente le prix global des travaux prévus, celui de 752 508, la part du prix que les associations Équipe [I] et The [I] society ont payée et celui de 35 %, le pourcentage des travaux qui ont été effectivement accomplis avant la résiliation ; qu'en amputant ainsi, sans la moindre justification, 65 % de l'effet extinctif des paiements que les associations Équipe [I] et The [I] society ont faits à la société Piriou naval services, la cour d'appel a violé l'article 1234 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné :

. l'association Équipe [I] et l'association The [I] society à payer à la société Piriou naval services une indemnité d'occupation mensuelle de 2 580 € 87 du 2 septembre 2013 jusqu'à la date à laquelle le navire la Calypso sera enlevé du hangar de la seconde ;

. l'association Équipe [I] et l'association The [I] society à payer à la société Piriou naval services, pour la période ayant couru de septembre 2013 à novembre 2014, une indemnité d'occupation de 37 713 € 05, augmentée des intérêts au taux légal à compter de sa notification et des intérêts desdits intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

AUX MOTIFS QUE « le jugement sera […] confirmé en ce qu'il a décidé à compter de son prononcé [11 octobre 2013] la résiliation aux torts la résiliation aux torts de l'association Équipe [I] et l'association The [I] society des commandes passées entre celles-ci et la sas Piriou naval services » (cf. arrêt attaqué, p. 12, 1er considérant) ; « que le maintien sans motif du navire Calypso dans le hangar de la sas Piriou naval services malgré l'arrêt de cette cour rendu le 2 juillet 2013 enjoignant les armateurs de le reprendre tel qu'il était à leurs frais alors que de leur fait les travaux avaient cessé et que les opérations d'expertise avaient eu lieu, justifie leur condamnation à indemniser le chantier des frais d'occupation de ce local ; que l'indemnité à ce titre sera fixée à 2 880 € 87 par mois à compter du 2 septembre 2013, délai d'exécution de l'arrêt précité jusqu'au retrait effectif du navire à leurs frais par l'association Équipe [I] et l'association The [I] society ; que d'ores et déjà l'association Équipe [I] et l'association The [I] society seront condamnées à payer la somme de 38 713 € 05 correspondant aux frais de location de septembre 2013 à novembre 2014 » (cf. arrêt attaqué, p. 13, 4e considérant) ;

. ALORS QUE le contrat d'entreprise que le chantier naval souscrit en vue de la réparation d'un navire, comporte, pour lui, l'obligation de garder et de conserver le navire qui lui est confié pendant toute la durée de l'exécution du contrat ; qu'en faisant courir à compter du 2 septembre 2013 l'indemnité d'occupation qu'elle alloue à la société Piriou naval services, quand elle fixe au 11 octobre 2013 la date de la résiliation du contrat d'entreprise que cette société a conclu avec les associations Équipe [I] et The [I] society, la cour d'appel, qui ne tire pas les conséquences légales de ses constations, a violé l'article 1147, 1787et suivants et 1915 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-14589
Date de la décision : 15/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 09 décembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 mar. 2017, pourvoi n°15-14589


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.14589
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