LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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Mme [R] [Q], épouse [H], partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES, chambre correctionnelle, en date du 7 juillet 2015, qui, dans la procédure suivie contre M. [E] [D], Mme [M] [L] et la fédération départementale de Vaucluse du Parti Socialiste, comme civilement responsable, des chefs de diffamation publique envers un particulier et diffamation publique envers un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public, a constaté la prescription de l'action civile ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 janvier 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DURIN-KARSENTY, les observations de Me RÉMY-CORLAY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 65 de la loi du 29 juillet 1881, 6-1 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt a, au fond, constaté la prescription de l'action civile ;
"aux motifs que « plus de trois mois se sont écoulés depuis l'acte d'appel qui a saisi la cour, les citations n'ayant été délivrées que postérieurement au délai prévu par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 et en l'espèce les 15 et 18 juin 2015 ; que l'action civile exercée par la partie appelante, à laquelle il incombait de surveiller la procédure, se trouve prescrite en application de ce texte, rappel fait de ce que cette obligation n'est nullement, au terme d'une jurisprudence constante de la cour de cassation, incompatible avec les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme » ;
"1°) alors que l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 tel qu'interprété par la Cour de cassation est contraire à la Constitution notamment au principe d'égalité des armes et du droit à une recours effectif qui découlent des articles 6 et 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce que cette disposition vient créer un déséquilibre entre les parties et apporte une restriction injustifiée à l'accès au juges par l'interprétation qui en est faite, obligeant la partie civile à faire citer le prévenu alors même que le dossier n'a pas été transmis à la cour d'appel justement saisie dans le délai de prescription de trois mois ; que le prononcé de l'inconstitutionnalité de cette disposition emportera cassation de l'arrêt d'appel ;
"2°) alors que le devoir pour la partie civile de suivre la procédure et d'accomplir les diligences utiles pour interrompre la prescription de trois mois de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 trouve sa limite au cas de carence des services administratifs du Ministère de la justice qui ont laissé s'écouler le délai de prescription avant transmission du dossier à la cour d'appel, antérieurement régulièrement saisie de l'appel ; qu'en l'espèce, Mme [H] a régulièrement saisi, le 15 décembre 2015, la cour d'appel de Nîmes de l'appel du jugement correctionnel de tribunal de grande instance de Carpentras du 4 décembre 2014 ; que l'absence de citation par le ministère public, interruptive de la prescription de trois mois, a été causée par le retard pris par les services administratifs du ministère de la justice pour la transmission du dossier du tribunal à la cour d'appel, transmission seulement enregistrée au greffe de la cour d'appel le 1er juin 2015 ; qu'en constatant néanmoins la prescription de l'action civile en application de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, au motif qu'il appartenait à Mme [H] « l'obligation de surveiller la procédure », la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
"3°) alors que le devoir pour la partie civile de suivre la procédure et d'accomplir les diligences utiles pour interrompre la prescription de trois mois de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ne vaut que dans la mesure où le procureur général près la cour d'appel est lui-même susceptible de diligenter un acte de procédure par transmission du dossier pénal par le tribunal à la cour d'appel ; que l'impossibilité pour le ministère public de faire délivrer tout acte interruptif de prescription décharge la partie civile de son obligation de suivi de la procédure et d'accomplissement de diligences à ce titre ; qu'en l'espèce, Mme [H] a régulièrement saisi, le 15 décembre 2015, la cour d'appel de Nîmes de l'appel du jugement correctionnel de tribunal de grande instance de Carpentras du 4 décembre 2014 ; que le ministère public n'a pas été mis en mesure d'accomplir un quelconque acte interruptif de la prescription de trois mois de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 par suite de l'absence de transmission du dossier pénal par le tribunal dans ce délai, le dossier ayant été seulement enregistré au greffe de la cour d'appel le 1er juin 2015 ; que Mme [H] devait être corrélativement déchargée de son obligation de suivi de la procédure et d'accomplissement des diligences utiles pour interrompre la prescription ; qu'en constatant néanmoins la prescription de l'action civile en application de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, au motif qu'il appartenait à Mme [H] « l'obligation de surveiller la procédure », la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
"4°) alors que méconnaît le droit à un procès équitable le fait d'imposer à une partie l'obligation d'accomplissement d'un acte de procédure interruptif de la prescription quand la juridiction régulièrement saisie n'est elle-même pas détentrice du dossier de procédure par défaut de transmission ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Nîmes, régulièrement saisie le 15 décembre 2014 de l'appel du jugement correctionnel du 4 décembre 2014, ne pouvait imposer à Mme [H] l'obligation d'accomplir un acte de procédure interruptif de la prescription, en application de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, quand elle-même ne détenait pas le dossier de procédure avant l'expiration du délai de prescription, en raison du défaut de transmission du dossier pénal par le tribunal au greffe de la cour d'appel avant le 29 mai 2015 ; qu'en constatant, néanmoins, la prescription de l'action civile en application de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, au motif qu'il appartenait à Mme [H] « l'obligation de surveiller la procédure », la cour d'appel a méconnu les textes susvisés" ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que, par arrêt en date du 12 avril 2016, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question relative à la constitutionnalité des dispositions de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;
D'où il suit que le moyen, pris en sa première branche, est devenu sans objet ;
Sur le moyen, pris en ses autres branches :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Mme [H] a fait citer directement devant le tribunal correctionnel, du chef de diffamation publique envers un particulier et diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, M. [D], Mme [L] et la fédération départementale de Vaucluse du Parti Socialiste, comme civilement responsable, en raison des termes d'un tract distribué à Bollène le 7 novembre 2013 ; que, par jugement du 4 décembre 2014, les juges du premier degré ont relaxé les prévenus et débouté la partie civile de ses demandes ; que, par déclaration du 15 décembre 2014, Mme [H] a interjeté appel de cette décision ;
Attendu que, pour dire l'action civile prescrite, l'arrêt relève que plus de trois mois se sont écoulés depuis l'acte d'appel, les citations n'ayant été délivrées à la requête du procureur général que les 15 et 18 juin 2015, postérieurement au délai imparti par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ; que les juges ajoutent que l'action civile exercée par la partie appelante, à laquelle il incombait de surveiller la procédure, se trouve prescrite et que cette obligation n'est pas incompatible avec les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen ;
Qu' il appartient à la partie civile de surveiller le déroulement de la procédure et d'accomplir les diligences utiles pour poursuivre l'action qu'elle a engagée, en faisant citer elle-même les intimés à l'une des audiences de la juridiction, en cas d'inaction du ministère public, avant l'expiration du délai de prescription, la cour d'appel étant saisie, en l'espèce, dès la déclaration d'appel de sorte que le retard invoqué de communication du dossier de la procédure à cette juridiction ne constituait pas un obstacle de droit ou de fait mettant la plaignante dans l'impossibilité d'agir ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze mars deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.