LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 décembre 2015), qu'un jugement du 24 septembre 1991, confirmé par arrêt du 8 juin 1995, a condamné la société Groupe Drouot, aux droits de laquelle vient la société Axa France, assureur dommage-ouvrage, à payer à la société civile immobilière Les Gradines (la SCI), maître de l'ouvrage, la somme de 5 879 462,84 francs (896 318,32 euros) ; que, le 17 juin 1992, la société Sacipec a fait délivrer à la société Axa France une saisie-arrêt sur les sommes dues à la SCI en exécution du jugement précité ; que, le 24 juin 1992, la société Sacipec a dénoncé cette saisie-arrêt à la société Groupe Drouot ; qu'un jugement du 10 novembre 2008, rectifié le 23 mars 2009, a validé la saisie-arrêt à hauteur de la somme de 896 318,33 euros ; que, parallèlement, la société Axa France a entrepris de procéder à l'exécution de l'arrêt du 8 juin 1995 en adressant, le 17 août 1995, à la SCP [D] et [T] (la SCP), son avoué mandaté pour la représenter à l'instance d'appel, un chèque d'un montant de 7 323 706,26 francs (1 116 491,80 euros) ; que la SCP s'est dessaisie de cette somme en procédant au règlement des états de frais établis par les avoués constitués dans l'intérêts des divers intimés, dont l'état de frais présenté par l'avoué de la SCI, pour un montant total de 6 512 182,96 francs (992 775,88 euros) ; que, le 22 décembre 2005, la société Sacipec a sollicité de la société Axa France le paiement de la somme de 5 879 462,84 euros sous peine de son recouvrement forcé ; que, à la suite de la transmission de cette demande à la SCP, celle-ci a répondu qu'elle avait établi divers chèques débités entre le 8 et le 18 septembre 1995, à l'ensemble des avoués de la cause, selon un décompte qu'elle a fourni, et a précisé ne plus détenir aucune somme ; que, courant juin 2010, la société Axa France IARD a adressé au représentant de la Sacipec un chèque de 1 605 065,39 euros en paiement des causes de la saisie ; qu'estimant que la SCP avait engagé sa responsabilité pour avoir adressé la totalité de la somme qu'elle lui avait versée, aux différents avoués de la cause, notamment à l'avoué de la SCI, sans tenir compte de l'indisponibilité des sommes que pouvait requérir la société Sacipec en raison de la saisie-arrêt pratiquée entre ses mains, la société AXA France a assigné l'assureur de la SCP, la société Covéa Risks, en réparation de son préjudice ;
Attendu que la société Axa France fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la société Axa France avait transmis à son avoué des instructions lui précisant : "il ne faudra pas perdre de vue la saisie-arrêt dont nous avons fait l'objet de la part du syndic de Sacipec, tel que rappelé dans notre lettre du 11 juillet dernier, merci d'y veiller", la cour d'appel a retenu, par une interprétation exclusive de dénaturation des termes de ce document que leur ambiguïté et leur imprécision rendaient nécessaire, que, les instructions données ne pouvant s'analyser en une demande de conservation de la somme due pour son compte, la société Axa France ne saurait se prévaloir d'une mission de séquestre conventionnel donnée à son avoué ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Axa France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 25 octobre 2013 ayant déclaré la société AXA France IARD SA irrecevable en son action ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que l'action directe du tiers lésé prévue par l'article L. 124-3 du code des assurances, exercée à l'encontre de l'assureur de responsabilité de l'auteur présumé de faits dommageables se prescrit dans le même délai que l'action de ce tiers contre le responsable desdits faits ; que selon l'article 2277-1 ancien du code civil, l'action dirigée contre les personnes habilitées à représenter ou à assister les parties en justice à raison de la responsabilité qu'elles encourent de ce fait, se prescrivaient par 10 ans à compter de la fin de leur mission ; que ce délai de prescription a été réduit à 5 ans, par l'article 2225 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; qu'il résulte de l'article 2222 du code civil dans sa rédaction issue de cette même loi, qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que l'article 420 du code de procédure civile prévoit que l'avocat, et anciennement l'avoué, remplit les obligations de son mandat sans nouveau pouvoir, jusqu'à l'exécution du jugement pourvu que celle-ci soit entreprise moins d'un an après que ce jugement soit passé en force de chose jugée ; qu'en l'espèce, la SCP [D] et [T] a été chargée de l'exécution de l'arrêt rendu le 8 juin 1995 par la cour d'appel d'Aix, dans l'année ; qu'après fourniture par l'avoué le 27 juillet 1995 du décompte détaillé des sommes dues par Axa France Iard, mentionnant notamment la créance de la SCI les Gradines pour 6.444.690,50 Francs comprenant le principal et les intérêts, le service de la comptabilité d'Axa France Iard a adressé le 7 août 1995, un chèque global de 7.323.706,25 Francs à son avoué, puis un second et dernier chèque de 22.743,95 Francs en règlement des frais de Maître [W], qui a été payé par la SCP [D] et [T] le 24 janvier 1996 ; qu'Axa France prétend, pour réfuter cette date comme point de départ de la prescription de 10 ans, que la SCP [D] et [T] n'a pu achever sa mission sans en rendre compte, ce qu'elle n'a fait que le 4 janvier 2006 ; qu'en outre en lui donnant le conseil, le 18 janvier 2006, de ne pas donner suite à la demande de paiement présentée par Maître [C], représentant le mandataire de la société Sacipec, elle a poursuivi sa mission ; qu'enfin, la SCP [D] et [T] a été investie d'une mission de séquestre conventionnel des fonds litigieux qui lui avaient été remis sous réserve de les remettre à son tour au bon destinataire, compte tenu de l'existence de l'a saisie-arrêt pratiquée par la Sacipec ; qu'elle n'a pu être libérée de cette mission avant le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulon validant ladite saisie-arrêt le 10 novembre 2008 ; mais que le mandat de représentation et d'assistance en justice est un mandat spécial régi par les dispositions des articles 411 et suivants du code de procédure civile lesquelles ne font pas obligation à l'avocat ou à l'avoué de rendre systématiquement des comptes relatifs à l'exécution d'une décision, acte par laquelle sa mission prend fin, même s'il peut y être invité, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ; qu'en effet Axa France Iard a attendu le 5 décembre 2003, pour demander à la SCP [D] et [T] de "bien vouloir ressortir cet ancien dossier classé depuis quelques années" afin de connaître les conditions dans lesquelles l'arrêt avait été exécuté et plus exactement, à qui les fonds remis en 1995, avaient été transmis ; qu'à supposer que cette demande s'analyse en une demande de comptes, la réponse donnée à celle-ci par la SCP [D] et [T] ne saurait pour autant constituer le point de départ du délai de prescription précédemment énoncé, le dernier acte d'exécution de l'arrêt étant constitué par le paiement effectué par la SCP [D] et [T] le 24 janvier 1996, en tous points conforme au décompte détaillé préalablement fourni par elle à Axa France Iard ; qu'il sera en outre relevé que la SCP [D] et [T] a répondu par courrier du 4 janvier 2006 pour fournir toutes précision utiles sur la destination des sommes qui lui avaient été remises ; qu'à cette date la prescription n'était pas acquise ; qu'en second lieu, le fait pour l'étude d'avoué d'exprimer à la compagnie Axa France Iard qu'elle ne devait pas donner suite à la demande de paiement formée par Maître [C] au motif que celui-ci était le conseil de la SCI les Gradines, laquelle était déjà réglée, ne saurait s'analyser en la poursuite de sa mission de conseil, laquelle s'est achevée le 24 janvier 1996 ; qu'au demeurant la SCP [D] et [T] indiquait également "ceci étant, le règlement de la créance de la SCI les Gradines n'est pas libératoire à l'égard de la société saisissante et la SA Sacipec serait fondée à poursuivre l'exécution de la saisie-arrêt" ; que ce double constat a priori contradictoire, procédait du fait que maître [C], initialement le conseil de la SCI les Gradines, était devenu celui du mandataire de la SA Sacipec ; qu'Axa France Iard ne peut sérieusement soutenir que la SCP [D] et [T] dont, à cette date, les intérêts divergeaient des siens, compte tenu de la contestation née ou susceptible de naître, portant sur l'utilisation des sommes qu'elle lui avait remises en exécution de l'arrêt, aurait encore été investie d'une mission de conseil ou d'assistance à son égard ; qu'enfin si des éléments ont été fournis à la SCP [D] et [T] relativement à la saisie-arrêt pratiquée à titre conservatoire, sur la créance non encore déterminée de la société Sacipec, sur laquelle Axa France Iard avait attiré son attention lors de l'exécution de l'arrêt, il ne peut qu'être constaté que cet assureur, entre les mains duquel ladite saisie-arrêt avait été pratiquée, s'est lui-même volontairement dessaisi de la créance bloquée, aux fins de payer son propre créancier, la SCI les Gradines ; qu'Axa France Iard ne saurait se prévaloir d'une mission de séquestre conventionnel donnée à la SCP [D] et [T] ; qu'en effet, le séquestre conventionnel est, selon l'article 1956 du code civil, le dépôt fait par une ou plusieurs personnes, d'une chose contentieuse entre les mains d'un tiers qui s'oblige à le rendre à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir une fois la contestation terminée ; que toutefois, la remise de fonds, fût-ce à un professionnel du droit ne saurait entraîner la constitution d'un séquestre, que sous réserve de ce que l'existence d'une telle convention sois caractérisée entre le remettant et le dépositaire, qui doit résulter d'une convention claire, faisant apparaître la commune intention des parties ; qu'en l'espèce Axa France Iard qui s'est libérée entre les mains de son avoué de la totalité des sommes constituant les causes de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix n'a pas expressément demandé à la SCP [D] et [T] de conserver pour son compte les sommes correspondant à sa propre condamnation vis-à-vis de la SCI les Gradines ; que les instructions données à son avoué étaient vagues et imprécises, puisque énoncées en ces termes "il ne faudra pas perdre de vue la saisie-arrêt dont nous avons fait l'objet de la part du syndic de Sacipec, tel que rappelé dans notre lettre du 11 juillet dernier, merci d'y veiller" ; que la lettre d'Axa France Iard du 13 juillet 1995 faisait état de la saisie, "dont nous nous devons de tenir compte aujourd'hui quant au destinataire de notre règlement" ; que la société Sacipec, auteur de la saisie, ne disposait d'aucun titre résultant de la décision à exécuter, de sorte que si Axa France Iard avait voulu constituer son avoué comme séquestre conventionnel du montant de la saisie opérée jusqu'ç ce qu'il soit définitivement statué sur le sorte de cette saisie, encore aurait-il fallu qu'elle l'institue expressément ; que la seule dénonciation à la SCP [D] et [T] et la référence à la saisie opérée lors de la remise du chèque global, qui avait certes un effet conservatoire mais vis-à-vis d'Axa France Iard seulement, à laquelle elle interdisait de se dessaisir des sommes dues à la SCI les Gradines, étaient insuffisantes et équivoques et ne sauraient s'analyser, comme le demande la compagnie d'assurance, en une demande de conservation de la somme due, pour son compte ; qu'un délai de plus de huit ans s'est écoulé entre la remise des fonds à la SCP [D] et [T] et la lettre que lui a adressée Axa France Iard le 5 décembre 2003 afin de l'interroger sur l'usage des fonds remis ; que le fait enfin qu'Axa France Iard demande à son avoué de ressortir cet ancien dossier "classé depuis quelques années" témoigne de ce qu'aucune convention de séquestre n'avait été convenue entre les parties, dont aucun compte le lui avait jamais été demandé ; qu'il sera remarqué que l'importance de la somme remise n'aurait pas manqué de justifier une stipulation d'intérêts au profit d'Axa France Iard, laquelle n'a jamais été envisagée ; qu'il en résulte que la SCP [D] et [T] n'ayant reçu d'autre mission que celle d'assistance et de représentation d'Axa France Iard dans le cadre du procès ayant abouti à la décision de 1995, dont l'exécution s'est achevée le 24 janvier 1996 au sens de l'article 420 du code de procédure civile, la prescription alors de 10 ans s'est trouvée acquise le 24 janvier 2006, et donc avant l'introduction de l'instance le 10 janvier 2012 ; qu'en effet, aucun acte tel que ceux visés par les articles 2242 et suivants du code civil dans leur ancienne rédaction n'est venue interrompre le délai de dix ans ; que les différents courriers échangés avec la SCP [D] et [T] évoquant sa possible responsabilité ne sauraient se voir reconnaître un tel effet interruptif de prescription au sens de ce texte ;
ET AUX MOTIFS DU TRIBUNAL QUE en l'espèce, la société AXA France IARD soutient que la SCP [D] ET [T] n'a rendu compte à son mandant de sa gestion, au titre du mandat de représentation en justice qui lui avait été confié, que le 4 janvier 2006, date de la lettre qu'elle a adressée à la société AXA détaillant les règlements effectués en 1995 en exécution de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 8 juin 1995 ; qu'elle soutient également que cette date marquerait la fin de la mission du mandataire en application de l'article 1993 du code civil ; que toutefois, le mandat de représentation en justice de l'avoué était régi par les dispositions spécifiques prévues aux articles 411 et suivants du code de procédure civile, primant le régime général du mandat ; que l'article 420 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2012-634 du 3 mai 2012 disposait que « l'avocat ou l'avoué remplit les obligations de son mandat sans nouveau pouvoir jusqu'à l'exécution du jugement pourvu que celle-ci soit entreprise moins d'un an après que de jugement soit passé en force de chose jugée » ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces produites par la société AXA France IARD que la SCP [D] ET [T] est intervenue en dernier lieu pour accomplir les actes nécessaires à l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 8 juin 1995 en procédant au payement, le 24 janvier 1996, du dernier état de frais qui lui avait été transmis par l'un de ses confrère, Maître [W], constitué devant la cour d'appel dans l'intérêt d'un des intimés ; que la SCP [D] ET [T] a rendu compte de l'exécution de ce paiement à son mandant par lettre du 25 janvier 1996 ; qu'il en résulte que la mission de la SCP [D] ET [T] a pris fin le 24 janvier 1996 ; que le fait que la société AXA ait demandé à la SCP [D] ET [T], par lettres des 5 et 22 décembre 2003, 20 janvier 2004 et 21 décembre 2005, de reprendre l'analyse de ce dossier pour préciser les paiements auxquels il avait été procédé par l'étude d'avoués, est impuissant à caractériser la poursuite de la mission de la SCP [D] ET [T] au-delà de cette date du 24 janvier 1996, dans la mesure où il s'agit alors d'une simple demande d'information non susceptible d'être constitutive d'un acte d'exécution de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence dont l'accomplissement met un terme à la mission du mandataire en justice ; que par suite l'action en responsabilité à l'encontre de la SCP [D] TE [T] à raison des manquements qu'elle aurait commis dans l'exécution de son mandat, était prescrite au 24 janvier 2006 ; que l'action directe de la société AXA France IARD engagée par acte du 10 janvier 2012 est donc prescrite par application des règles précitées ;
ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en affirmant que la société Axa France Iard n'avait pas donné d'instructions précises à la SCP [D] et [T] pour dénier l'existence d'un séquestre conventionnel relativement à la somme qui lui était remise quand elle constatait pourtant expressément que la société Axa France IARD avait indiqué qu'il « ne faudra pas perdre de vue la saisie-arrêt dont nous avons fait l'objet de la part du syndic de Sacipec, tel que rappelé dans notre lettre du 11 juillet dernier, merci d'y veiller », la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil.