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08/03/2017 | FRANCE | N°15-26956

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 mars 2017, 15-26956


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 2015) que le président et la secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la plate forme de préparation et de distribution du courrier (PPDC) de Nanterre-Rueil, établissement de La Poste, ont établi l'ordre du jour de sa réunion du 26 juin 2015 comportant dix points dont le huitième relatif au « projet d'adaptation de l'organisation de la distribution ménage, des services supports et distribution CEDEX de Rueil-Malmais

on ; qu'outre la convocation à cette séance, datée du 10 juin 2015, l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 2015) que le président et la secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la plate forme de préparation et de distribution du courrier (PPDC) de Nanterre-Rueil, établissement de La Poste, ont établi l'ordre du jour de sa réunion du 26 juin 2015 comportant dix points dont le huitième relatif au « projet d'adaptation de l'organisation de la distribution ménage, des services supports et distribution CEDEX de Rueil-Malmaison ; qu'outre la convocation à cette séance, datée du 10 juin 2015, le président du CHSCT a adressé le surlendemain aux membres de cette instance une nouvelle convocation à assister à une réunion le mardi 30 juin à 9 heures avec l'indication que « dans l'hypothèse où la réunion du 26 juin prochain ne permettrait pas de traiter de l'ensemble des points visés à l'ordre du jour (ci-joint), nous en poursuivrons l'étude lors de cette séance» ; que par ordonnance du 26 juin 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance saisi par La Poste d'une assignation dirigée contre quatre membres du CHSCT, après avoir relevé que l'ordre du jour de la séance se tenant le jour-même prévoyait une information sur deux projets de réaménagement des services courriers, modifiés, auxquels était joint un « projet d'accord relatif aux régimes de travail du service distribution ménage » n'ayant « fait l'objet d'aucune procédure d'information consultation alors qu'il est à l'évidence dans les attributions du CHSCT de donner un avis » à ce sujet, a dit que « sera mis à l'ordre du jour de la réunion du CHSCT du 30 juin 2015 le point suivant : « consultation sur le projet de modification de l'organisation des services distribution ménage, Cedex et services de support et sur le projet d'accord relatif au régime de travail du service distribution ménage et avis du CHSCT » ; que par acte du 13 juillet 2015, le CHSCT, Mme [B] et M. [Z], en leur qualité de représentants du personnel au sein de ce comité, ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile aux fins, notamment, qu'il ordonne à La Poste d'une part de mettre en oeuvre l'expertise votée lors de la réunion du CHSCT du 30 juin 2015, d'autre part, de convoquer avant le 27 juillet 2015, une réunion du CHSCT avec pour ordre du jour le point relatif à ce projet et de faire interdiction à La Poste de mettre en oeuvre le projet dans l'attente de la restitution de l'expertise et de l'avis régulier du CHSCT ;

Sur le premier moyen :

Attendu que La Poste fait grief à l'arrêt de constater l'existence d'un trouble manifestement illicite, d'ordonner à l'établissement de la Plate-forme de préparation et de distribution du courrier de Nanterre-Rueil de La Poste la suspension, à la date du 26 juin 2015, de son projet de réorganisation dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise et de l'avis du CHSCT, d'ordonner à cet établissement de La Poste de convoquer le CHSCT en réunion extraordinaire pour délibérer sur l'ordre du jour proposé par courrier des représentants du personnel en date du 2 juillet 2015, alors, selon le moyen :

1°/ que seul le législateur peut conférer une force probante renforcée aux documents établis par certaines personnes disposant d'une qualité particulière ; qu'aucune disposition du code du travail ne confère au document établi unilatéralement par le secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et présenté par ce dernier comme un procès-verbal de réunion une force probante particulière, en cas de contestation judiciaire relative au contenu des débats et des délibérations adoptées au cours de cette réunion ; qu'au cas présent, la contestation portait sur l'existence, au cours de la réunion du CHSCT de l'établissement de Rueil-Nanterre de La Poste du 30 juin 2015 dont l'ordre du jour avait été fixé judiciairement par ordonnance du juge des référés du 26 juin de la manière suivante « consultation sur le projet de modification de l'organisation des services distribution ménage, Cedex et services de support et sur le projet d'accord relatif aux régimes de travail du service distribution ménage et avis du CHSCT », de délibérations désignant un expert et mandatant Mme [B] pour agir en justice ; qu'en estimant que le document établi par Mme [B] présenté comme le procès-verbal de réunion du 30 juin 2015 adressé à l'employeur le 2 juillet, ferait « foi du déroulement des débats et du votes des délibérations du CHSCT », sans relever le moindre texte conférant aux documents établis par le secrétaire du CHSCT une force probante renforcée, la cour d'appel a violé les articles 117 et 809 du code de procédure civile, 1331 et 1348 du code civil, L. 4614-1, L. 4614-2 et R. 4614-4 du code du travail, ensemble l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'à supposer qu'un document établi par le seul secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et présenté comme un procès-verbal de réunion puisse être considéré comme faisant foi jusqu'à preuve du contraire, il incombe au juge d'examiner l'ensemble des éléments produits aux débats afin de vérifier si la preuve contraire au procès-verbal n'est pas rapportée ; qu'au cas présent, en refusant d'examiner le procès-verbal de constat d'huissier et les attestations de personnes ayant assisté à la réunion qui étaient produits aux débats par l'employeur pour établir la teneur de la des débats et du votes des délibérations du CHSCT», sans relever le moindre texte conférant aux documents établis par le secrétaire du CHSCT une force probante renforcée, la cour d'appel a violé les articles 117 et 809 du code de procédure civile, 1331 et 1348 du code civil, L. 4614-1, L. 4614-2 et R. 4614-4 du code du travail, ensemble l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que si l'employeur ne peut substituer un huissier de justice au secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail pour l'établissement du procès-verbal de réunion, aucune disposition du code du travail ne lui interdit, ou aux membres du comité, de demander à un huissier de justice d'assister à tout ou partie de la réunion pour opérer des constatations ; qu'il résulte de l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 22 décembre 2010, que sauf en matière pénale, les constatations opérées par l'huissier font foi jusqu'à preuve contraire ; qu'au cas présent, il résulte du procès-verbal de constat établi par l'huissier de justice le 30 juin 2015 que celui-ci était entré à deux reprises dans la salle de réunion à la demande du président et avait constaté que les membre du CHSCT avaient refusé de donner un avis sur les projets qui leur étaient soumis, que le président leur avait rappelé à plusieurs reprises que l'absence d'avis équivalait à un avis négatif et qu'à 12 heures 35, le président avait déclaré la réunion du CHSCT close ; qu'en estimant que l'employeur ne pouvait, sous peine de délit d'entrave, mandater un huissier pour dresser un constat et que le procès-verbal de constat établi par l'huissier ne peut rapporter la preuve contraire au document établi unilatéralement par le secrétaire du comité, la cour d'appel a violé les articles L. 4614-1, L. 4614-2, R. 4614-1, R. 4614-2 et R. 4614-4 du code du travail, ensemble l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

4°/ que le principe de l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie à un procès, une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en se fondant exclusivement sur le document établi unilatéralement par le secrétaire du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail, auquel elle a conféré une force probante renforcée relativement au déroulement des débats et au vote des délibérations du comité, et en interdisant à la société La Poste de rapporter la preuve contraire par la production d'un procès-verbal de constat d'huissier et d'attestations de personnes ayant participé à la réunion du 30 juin 2015, la cour d'appel a rompu l'égalité des armes entre les parties en violation de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que le président du CHSCT n'avait pas contesté les termes du procès-verbal de la réunion du 30 juin 2015 dont le projet lui a été notifié le 2 juillet suivant, la cour d'appel a estimé que les constatations de l'huissier faites à la demande de l'employeur qui l'avait introduit en séance à deux reprises durant quelques minutes, pas plus que les attestations d'autres membres de l'instance, tels les deux cadres de La Poste ayant participé à la réunion en qualité de « responsable SST » et de « personne qualifiée », n'étaient de nature à rapporter la preuve contraire aux mentions du procès-verbal établi par la secrétaire du CHSCT ; que sous le couvert de violation de la loi, de l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par la cour d'appel de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits par l'employeur à l'appui de sa contestation ; que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen :

Attendu que La Poste fait les mêmes griefs à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que le CHSCT n'est pas fondé à se prévaloir d'un trouble manifestement illicite et à demander la suspension d'un projet d'aménagement modifiant les conditions de travail dès lors qu'il a reçu une information suffisante sur le projet et les conséquences de celui-ci sur les conditions de travail des salariés, et qu'il a été mis en mesure d'émettre un avis ; qu'en l'absence de toute insuffisance d'information, le refus d'émettre un avis équivaut à un avis négatif et la seule désignation d'un expert agréé par le comité n'a pas pour effet de suspendre la mise en oeuvre du projet ; qu'au cas présent, la société La Poste faisait valoir que la procédure d'information-consultation avait fait l'objet de plusieurs réunions au cours desquelles elle avait fourni toutes les informations nécessaires aux membres du comité, de sorte que le refus de ces derniers d'émettre un avis au cours de la réunion du 30 juin 2015 devait s'analyser en un avis négatif ; qu'elle faisait valoir que la mise en oeuvre du projet ne pouvait constituer un trouble manifestement illicite dès lors que le CHSCT n'invoquait dans ses écritures aucune insuffisance de l'information lui ayant été délivrée par l'employeur relativement au projet ; qu'en estimant néanmoins que le refus de l'employeur de convoquer un CHSCT extraordinaire à la suite de la désignation d'un expert constituait un trouble manifestement illicite justifiant la suspension du projet de réorganisation, sans caractériser la moindre insuffisance alléguée relativement à l'information délivrée par l'employeur au CHSCT, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile et des articles L. 4614-8 et L. 4614-12 du code du travail ;

2°/ que la désignation d'un expert ne saurait constituer un moyen pour le CHSCT, qui a été complètement informé par l'employeur relativement à un projet et mis en mesure de formuler un avis, de retarder la mise en oeuvre de ce projet ; qu'au cas présent, la société La Poste faisait valoir que le calendrier de procédure d'information-consultation sur le projet de réorganisation avait été défini par accord de fin de conflit en date du 17 juillet 2014 qui prévoyait que le CHSCT donnerait un avis en avril 2015 ; qu'elle faisait valoir qu'au cours de la réunion du 26 janvier 2015, elle avait indiqué aux membres du comité qu'ils disposaient de toutes les informations relatives au projet et qu'ils pouvaient s'ils l'estimaient utile procéder à la désignation d'un expert afin que celui-ci remette son rapport avant qu'ils émettent leur avis au mois d'avril et que les membres du CHSCT n'avaient alors pas procédé à la désignation d'un expert ; qu'elle exposait avoir été contrainte de saisir le juge des référés pour que la consultation sur le projet soit mise à l'ordre du jour de la réunion du CHSCT du 30 juin 2015 ; qu'elle exposait que l'ordre du jour de la réunion du 30 juin avait été fixé par une ordonnance du juge des référés de la manière suivante : « Consultation sur le projet de modification de l'organisation des services distribution ménage, Cedex et services de support et sur le projet d'accord relatif aux régimes de travail du service distribution ménage et avis du CHSCT » ; qu'elle exposait encore que le CHSCT ne faisait état d'aucune information qui n'aurait pas été délivrée par l'employeur, ni d'aucune interrogation restée sans réponse qui aurait été de nature à l'empêcher d'émettre un avis ; qu'elle exposait enfin que dans ces conditions, le vote d'une expertise avait pour seul objet de faire obstacle à la mise en oeuvre du projet et ne pouvait avoir pour effet de suspendre ce dernier ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme cela lui était demandé, si la désignation d'un expert lors de la réunion du 30 juin 2015 au cours de laquelle le comité devait émettre un avis, de par son caractère tardif et de l'absence de contestation en ce qui concerne le caractère suffisant de l'information délivrée par l'employeur, ne présentait pas un caractère dilatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile et des articles L. 4614-8 et L. 4614-12 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que La Poste s'était opposée à la mise en oeuvre de l'expertise votée le 30 juin 2015 par le CHSCT et avait refusé de convoquer un CHSCT extraordinaire sur le projet de réorganisation, malgré la demande motivée présentée par deux représentants du personnel en application de l'article L. 4614-10 du code du travail, la cour d'appel en a exactement déduit l'existence d'un trouble manifestement illicite ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne La Poste aux dépens ;

Vu l'article L 4614-13 du code du travail, condamne La Poste à payer au CHSCT de la plate-forme de préparation et de distribution du courrier de Nanterre-Rueil, Mme [B], M. [Z] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour La Poste

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite, d'avoir ordonné à l'établissement de la Plate-forme de préparation et de distribution du courrier de Nanterre-Rueil de La Poste la suspension, à la date du 26 juin 2015, de son projet de réorganisation dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise et de l'avis du CHSCT, d'avoir ordonné à cet établissement de La Poste de convoquer le CHSCT en réunion extraordinaire pour délibérer sur l'ordre du jour proposé par courrier des représentants du personnel en date du 2 juillet 2015, et d'avoir condamné la société La Poste à payer au CHSCT les sommes de 4.800 € TTC au titre des frais de première instance et de 4.800 € TTC au titre des frais de la procédure d'appel ;

AUX MOTIFS QU' « il résulte du procès-verbal de la réunion du CHSCT de l'établissement Nanterre-Rueil Malmaison en date du 30 juin 2015, signé par la secrétaire de l'instance et notifié le 2 juillet à son président, que ce dernier a déclaré en séance que le Comité était réuni pour traiter du seul point relatif à la réorganisation en vertu de la décision du juge des référés de [Localité 1], une réunion du CHSCT ayant eu lieu le 29 juin, à laquelle les représentants du personnel ne s'étaient pas présentés, pour étudier la suite de l'ordre du jour du 26 juin jusqu'à 14 heures 40 ; que les représentants du personnel ont fait valoir qu'ils entendaient examiner la suite de l'ordre du jour commencé le vendredi 26 juin, dans leur ordre d'apparition sur la convocation, soit à partir du point 5 ; qu'après lecture et vote d'une délibération exprimant leur surprise du refus du président d'aborder les points 5 à 7 de l'ordre du jour et de traiter immédiatement du point 8, les représentants du personnel ont lu et voulu soumettre au vote une seconde délibération tendant, d'une part, à faire appel à un expert en raison de l'importance du projet de réorganisation qui devait avoir un impact sur les conditions de travail et la sécurité des salariés de l'établissement, d'autre part, à donner mandat à Melle [C] [B], membre du CHSCT et secrétaire de l'instance pour contacter le cabinet d'expertise SECAFI et prendre toutes les dispositions nécessaires à l'exécution de cette décision ; que, refusant le vote de cette délibération, le président a fait entrer un huissier de justice afin de faire constater le refus des représentants du personnel de donner un avis ; que, ces derniers ont finalement, en dépit de l'opposition du président, mis leur délibération aux voix, celle-ci ayant recueilli « deux voix pour » ; Considérant, sur l'exception de nullité des assignations soulevée par La Poste, que le procès-verbal établi par le secrétaire du CHSCT fait foi jusqu'à preuve contraire ; que, dans ce cadre, et sauf à commettre le délit d'entrave, il n'appartient pas au président de se substituer au secrétaire du Comité, ni en rédigeant lui-même le procès-verbal, ni en le faisant rédiger par un huissier de justice, ni davantage en mandatant cet huissier pour dresser un constat ; Qu'en l'espèce, alors que le président du CHSCT n'a pas contesté les termes du procès-verbal de la réunion tenue le 30 juin 2015 de 9 heures à 12 heures 45, rédigé par [K] [B] qui lui en a notifié le projet dès le 2 juillet 2015, les constatations de l'huissier faites à la demande de l'employeur l'ayant introduit en séance à deux reprises durant quelques minutes ne peuvent, pas plus que les attestations d'autres membres de l'instance, tels les deux cadres de La Poste ayant participé à la réunion en qualité de «responsable SST » et de « personne qualifiée » pour le point 8, rapporter la preuve contraire au procès-verbal qui énonce que la secrétaire a lu chacune des délibérations dans leur intégralité avant de les faire voter malgré l'opposition de M. [J] ; que le procès-verbal litigieux, dont la secrétaire est seule responsable, fait donc foi du déroulement des débats et du vote des délibérations du CHSCT ; que le mandat donné à la secrétaire du CHSCT de « prendre toutes les dispositions nécessaires à l'exécution» de la délibération adoptée dans le cadre précis de la procédure de recours à une expertise en application de l'article L. 4614-10 du code du travail inclut indiscutablement le pouvoir d'agir en justice et d'intenter toutes les voies de droit y compris judiciaires pour parvenir à l'exécution de cette délibération ; Qu'il y a dès lors lieu de rejeter les exceptions de nullité de l'assignation lancée par le CHSCT de la Plateforme de Préparation et de Distribution du courrier de Nanterre-Rueil, Mme [K] [B] et M. [O] [Z], ès qualités de représentant du personnel audit Comité, soulevées par La Poste ; Considérant, sur l'existence d'un trouble manifestement illicite au sens de l'article 809 du code de procédure civile, qu'il ressort des mails échangés par le président du CHSCT tant avec la secrétaire qu'avec la société SECAFI CTS que La Poste s'est opposée à la mise en oeuvre de l'expertise confiée au cabinet d'expert, votée le 30 juin 2015 en fin de réunion du CHSCT et a refusé de convoquer un CHSCT extraordinaire sur le projet de réorganisation, ce malgré la demande motivée présentée par lettre recommandée et télécopie le 2 juillet 2015, puis le 6 et le 12, par deux représentants du personnel en application de l'article L. 4614-10 du code du travail ; que M. [J] a préféré renoncer à la convocation d'une réunion de cette instance à la date du 15 juillet 2015 —comprenant les points n'ayant pas été étudiés les 26 et 30 juin 2015, dont le plan « canicule » — plutôt que de laisser la secrétaire du Comité ajouter à l'ordre du jour un point 6 relatif au « projet d'adaptation de l'organisation de la distribution ménage, des services supports et distribution cedex de [Localité 2] » ; que ces faits constituent un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser ; Qu'il y a lieu dès lors d'ordonner à La Poste de suspendre, à la date du 26 juin 2015, le projet de réorganisation dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise et de l'avis du CHSCT et d'organiser une nouvelle réunion dudit Comité comportant le point 6 figurant dans la proposition d'ordre du jour de la réunion prévue pour le 15 juillet 2015 ; Qu'il n'y a pas lieu d'assortir ces mesures d'une astreinte à l'encontre de La Poste au regard de la volonté de l'entreprise de faire aboutir son projet dans les meilleurs délais possibles ; Considérant, sur les frais de procédure de première instance et d'appel engagés par le CHSCT qui ne dispose pas de budget de fonctionnement lui permettant de faire face aux frais qu'elle a exposés en première instance et en appel, qu'il y a lieu de faire droit à ses conclusions » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE seul le législateur peut conférer une force probante renforcée aux documents établis par certaines personnes disposant d'une qualité particulière ; qu'aucune disposition du code du travail ne confère au document établi unilatéralement par le secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et présenté par ce dernier comme un procès-verbal de réunion une force probante particulière, en cas de contestation judiciaire relative au contenu des débats et des délibérations adoptées au cours de cette réunion ; qu'au cas présent, la contestation portait sur l'existence, au cours de la réunion du CHSCT de l'établissement de Rueil-Nanterre de La Poste du 30 juin 2015 dont l'ordre du jour avait été fixé judiciairement par ordonnance du juge des référés du 26 juin de la manière suivante « consultation sur le projet de modification de l'organisation des services distribution ménage, Cedex et services de support et sur le projet d'accord relatif aux régimes de travail du service distribution ménage et avis du CHSCT », de délibérations désignant un expert et mandatant Mme [C] [B] pour agir en justice ; qu'en estimant que le document établi par Mme [B] présenté comme le procès-verbal de réunion du 30 juin 2015 adressé à l'employeur le 2 juillet, ferait « foi du déroulement des débats et du votes des délibérations du CHSCT », sans relever le moindre texte conférant aux documents établis par le secrétaire du CHSCT une force probante renforcée, la cour d'appel a violé les articles 117 et 809 du code de procédure civile, 1331 et 1348 du code civil, L. 4614-1, L. 4614-2 et R. 4614-4 du code du travail, ensemble l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QU'à supposer qu'un document établi par le seul secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et présenté comme un procès-verbal de réunion puisse être considéré comme faisant foi jusqu'à preuve du contraire, il incombe au juge d'examiner l'ensemble des éléments produits aux débats afin de vérifier si la preuve contraire au procès-verbal n'est pas rapportée ; qu'au cas présent, en refusant d'examiner le procès-verbal de constat d'huissier et les attestations de personnes ayant assisté à la réunion qui étaient produits aux débats par l'employeur pour établir la teneur de la réunion du 30 juin 2015 et l'absence de délibération relative à la désignation d'un expert et au mandatement de Mme [B] pour agir en justice, au motif que ces éléments « ne peuvent pas » rapporter la preuve contraire du procès-verbal, la cour d'appel a violé les articles 117 et 809 du code de procédure civile, 1315, 1331 et 1348 du code civil, L. 4614-1, L. 4614-2 et R. 4614-4 du code du travail, ensemble l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE si l'employeur ne peut substituer un huissier de justice au secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail pour l'établissement du procès-verbal de réunion, aucune disposition du code du travail ne lui interdit, ou aux membres du comité, de demander à un huissier de justice d'assister à tout ou partie de la réunion pour opérer des constatations ; qu'il résulte de l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 22 décembre 2010, que sauf en matière pénale, les constatations opérées par l'huissier font foi jusqu'à preuve contraire ; qu'au cas présent, il résulte du procèsverbal de constat établi par l'huissier de justice le 30 juin 2015 que celui-ci était entré à deux reprises dans la salle de réunion à la demande du président et avait constaté que les membre du CHSCT avaient refusé de donner un avis sur les projets qui leur étaient soumis, que le président leur avait rappelé à plusieurs reprises que l'absence d'avis équivalait à un avis négatif et qu'à 12 heures 35, le président avait déclaré la réunion du CHSCT close ; qu'en estimant que l'employeur ne pouvait, sous peine de délit d'entrave, mandater un huissier pour dresser un constat et que le procès-verbal de constat établi par l'huissier ne peut rapporter la preuve contraire au document établi unilatéralement par le secrétaire du comité, la cour d'appel a violé les articles L. 4614-1, L. 4614-2, R. 4614-1, R. 4614-2 et R. 4614-4 du code du travail, ensemble l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le principe de l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie à un procès, une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en se fondant exclusivement sur le document établi unilatéralement par le secrétaire du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail, auquel elle a conféré une force probante renforcée relativement au déroulement des débats et au vote des délibérations du comité, et en interdisant à la société La Poste de rapporter la preuve contraire par la production d'un procès-verbal de constat d'huissier et d'attestations de personnes ayant participé à la réunion du 30 juin 2015, la cour d'appel a rompu l'égalité des armes entre les parties en violation de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite, d'avoir ordonné à l'établissement de la Plate-forme de préparation et de distribution du courrier de Nanterre-Rueil de La Poste la suspension, à la date du 26 juin 2015, de son projet de réorganisation dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise et de l'avis du CHSCT, d'avoir ordonné à cet établissement de La Poste de convoquer le CHSCT en réunion extraordinaire pour délibérer sur l'ordre du jour proposé par courrier des représentants du personnel en date du 2 juillet 2015, et d'avoir condamné la société La Poste à payer au CHSCT les sommes de 4.800 € TTC au titre des frais de première instance et de 4.800 € TTC au titre des frais de la procédure d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « considérant, sur l'existence d'un trouble manifestement illicite au sens de l'article 809 du code de procédure civile, qu'il ressort des mails échangés par le président du CHSCT tant avec la secrétaire qu'avec la société SECAFI CTS que La Poste s'est opposée à la mise en oeuvre de l'expertise confiée au cabinet d'expert, votée le 30 juin 2015 en fin de réunion du CHSCT et a refusé de convoquer un CHSCT extraordinaire sur le projet de réorganisation, ce malgré la demande motivée présentée par lettre recommandée et télécopie le 2 juillet 2015, puis le 6 et le 12, par deux représentants du personnel en application de l'article L. 4614-10 du code du travail ; que M. [J] a préféré renoncer à la convocation d'une réunion de cette instance à la date du 15 juillet 2015 —comprenant les points n'ayant pas été étudiés les 26 et 30 juin 2015, dont le plan « canicule » — plutôt que de laisser la secrétaire du Comité ajouter à l'ordre du jour un point 6 relatif au « projet d'adaptation de l'organisation de la distribution ménage, des services supports et distribution cedex de [Localité 2] » ; que ces faits constituent un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser ; Qu'il y a lieu dès lors d'ordonner à La Poste de suspendre, à la date du 26 juin 2015, le projet de réorganisation dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise et de l'avis du CHSCT et d'organiser une nouvelle réunion dudit Comité comportant le point 6 figurant dans la proposition d'ordre du jour de la réunion prévue pour le 15 juillet 2015 ; Qu'il n'y a pas lieu d'assortir ces mesures d'une astreinte à l'encontre de La Poste au regard de la volonté de l'entreprise de faire aboutir son projet dans les meilleurs délais possibles ; Considérant, sur les frais de procédure de première instance et d'appel engagés par le CHSCT qui ne dispose pas de budget de fonctionnement lui permettant de faire face aux frais qu'elle a exposés en première instance et en appel, qu'il y a lieu de faire droit à ses conclusions » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le CHSCT n'est pas fondé à se prévaloir d'un trouble manifestement illicite et à demander la suspension d'un projet d'aménagement modifiant les conditions de travail dès lors qu'il a reçu une information suffisante sur le projet et les conséquences de celui-ci sur les conditions de travail des salariés, et qu'il a été mis en mesure d'émettre un avis ; qu'en l'absence de toute insuffisance d'information, le refus d'émettre un avis équivaut à un avis négatif et la seule désignation d'un expert agréé par le comité n'a pas pour effet de suspendre la mise en oeuvre du projet ; qu'au cas présent, la société La Poste faisait valoir que la procédure d'information-consultation avait fait l'objet de plusieurs réunions au cours desquelles elle avait fourni toutes les informations nécessaires aux membres du comité, de sorte que le refus de ces derniers d'émettre un avis au cours de la réunion du 30 juin 2015 devait s'analyser en un avis négatif ; qu'elle faisait valoir que la mise en oeuvre du projet ne pouvait constituer un trouble manifestement illicite dès lors que le CHSCT n'invoquait dans ses écritures aucune insuffisance de l'information lui ayant été délivrée par l'employeur relativement au projet ; qu'en estimant néanmoins que le refus de l'employeur de convoquer un CHSCT extraordinaire à la suite de la désignation d'un expert constituait un trouble manifestement illicite justifiant la suspension du projet de réorganisation, sans caractériser la moindre insuffisance alléguée relativement à l'information délivrée par l'employeur au CHSCT, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile et des articles L. 4614-8 et L. 4614-12 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la désignation d'un expert ne saurait constituer un moyen pour le CHSCT, qui a été complètement informé par l'employeur relativement à un projet et mis en mesure de formuler un avis, de retarder la mise en oeuvre de ce projet ; qu'au cas présent, la société La Poste faisait valoir que le calendrier de procédure d'information-consultation sur le projet de réorganisation avait été défini par accord de fin de conflit en date du 17 juillet 2014 qui prévoyait que le CHSCT donnerait un avis en avril 2015 ; qu'elle faisait valoir qu'au cours de la réunion du 26 janvier 2015, elle avait indiqué aux membres du comité qu'ils disposaient de toutes les informations relatives au projet et qu'ils pouvaient s'ils l'estimaient utile procéder à la désignation d'un expert afin que celui-ci remette son rapport avant qu'ils émettent leur avis au mois d'avril et que les membres du CHSCT n'avaient alors pas procédé à la désignation d'un expert ; qu'elle exposait avoir été contrainte de saisir le juge des référés pour que la consultation sur le projet soit mise à l'ordre du jour de la réunion du CHSCT du 30 juin 2015 ; qu'elle exposait que l'ordre du jour de la réunion du 30 juin avait été fixé par une ordonnance du juge des référés de la manière suivante : « Consultation sur le projet de modification de l'organisation des services distribution ménage, Cedex et services de support et sur le projet d'accord relatif aux régimes de travail du service distribution ménage et avis du CHSCT » ; qu'elle exposait encore que le CHSCT ne faisait état d'aucune information qui n'aurait pas été délivrée par l'employeur, ni d'aucune interrogation restée sans réponse qui aurait été de nature à l'empêcher d'émettre un avis ; qu'elle exposait enfin que dans ces conditions, le vote d'une expertise avait pour seul objet de faire obstacle à la mise en oeuvre du projet et ne pouvait avoir pour effet de suspendre ce dernier ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme cela lui était demandé, si la désignation d'un expert lors de la réunion du 30 juin 2015 au cours de laquelle le comité devait émettre un avis, de par son caractère tardif et de l'absence de contestation en ce qui concerne le caractère suffisant de l'information délivrée par l'employeur, ne présentait pas un caractère dilatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile et des articles L. 4614-8 et L. 4614-12 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-26956
Date de la décision : 08/03/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 mar. 2017, pourvoi n°15-26956


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.26956
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