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07/03/2017 | FRANCE | N°15-18491

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 mars 2017, 15-18491


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article R. 1452-6 du code du travail alors applicable, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;

Attendu que la règle de l'unicité de l'instance résultant du premier de ces textes n'est applicable que lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement sur le fond ; qu'aux termes du second, constitue une fin de non-recevoir, tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, po

ur défaut de droit d'agir telle que la prescription ;

Attendu, selon l'arrê...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article R. 1452-6 du code du travail alors applicable, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;

Attendu que la règle de l'unicité de l'instance résultant du premier de ces textes n'est applicable que lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement sur le fond ; qu'aux termes du second, constitue une fin de non-recevoir, tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir telle que la prescription ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [R], engagé le 1er octobre 1961 en qualité de contremaître par la société Constructions navales et industrielles de la Seyne-sur-Mer, devenue société Normed, a été licencié pour motif économique le 19 mars 1987, à la suite de quoi, il a été placé en congé de conversion du 1er avril au 30 juin 1989 ; que la société ayant été placée en liquidation judiciaire, la selafa Mandataires judiciaires associés, en la personne de Mme [S], a été désignée comme mandataire liquidateur ; que le 2 janvier 2001, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à ce que lui soient allouées diverses sommes à titre de rappel de salaire, pour la période allant du 1er avril 1987 au 31 décembre 2000, et de dommages-intérêts pour rupture abusive, perte de chance et préjudice moral ; que par jugement du 12 avril 2002, confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 29 mars 2005, le conseil de prud'hommes de Toulon a rejeté l'ensemble de ses demandes en lui opposant la prescription quinquennale ; que par arrêt du 13 février 2008 (n° 06-41.484), la Cour de cassation a rejeté son pourvoi ; que le 14 mai 2008, il a saisi la juridiction prud'homale d'une nouvelle demande de dommages-intérêts ; que par jugement du 28 juillet 2009, confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 15 février 2011, le conseil de prud'hommes de Toulon a rejeté l'ensemble de ses demandes en lui opposant l'autorité de chose jugée ; que par arrêt du 5 décembre 2012 (n° 11-16.034), la Cour de cassation a rejeté son pourvoi ; que le 11 juillet 2011, il avait de nouveau saisi la juridiction prud'homale aux fins d'indemnisation de son préjudice d'anxiété ;

Attendu que pour déclarer irrecevables au regard de l'unicité de l'instance les demandes du salarié en indemnisation de son préjudice d'anxiété, l'arrêt retient que les deux jugements qui ont statué sur une fin de non-recevoir, dans le cadre de la contestation par le salarié de la rupture de son contrat de travail, constituent des jugements sur le fond au sens de l'article 480 du code de procédure civile ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les décisions rendues dans les précédentes instances ne s'étaient prononcées que sur la recevabilité des demandes au titre de la fin de non-recevoir tirée de la prescription et qu'aucune décision sur le fond n'avait donc été rendue, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de M. [R] et le condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 20 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société MJA, prise en la personne de Mme [S], ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société MJA, prise en la personne de Mme [S], ès qualités, à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [R]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'avoir confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et d'avoir par conséquent, débouté Monsieur [Y] [R] de sa demande en réparation du préjudice spécifique d'anxiété,

Aux motifs propres qu'aux termes de l'article R. 1452-6 du code du travail, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule et même instance ; cette règle dite de l'unicité de l'instance n'est cependant pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ; qu'il convient de rappeler que M. [Y] [R], antérieurement à la présente procédure, a introduit successivement deux instances devant le conseil de prud'hommes ; que le 2 janvier 2001, il a saisi cette juridiction d'une demande tendant à ce que lui soient allouées diverses sommes à titre de rappel de salaires pour la période du 1er avril 1987 au 31 décembre 2000 ainsi que des dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat, perte de chance et préjudice moral ; que par jugement du 12 avril 2002, confirmé par arrêt de cette cour en date du 29 mars 2005, il a été débouté de l'ensemble de ses demandes en l'état de la prescription décennale ; qu'un arrêt de la Cour de cassation en date du 13 février 2008 a rejeté le pourvoi qu'il avait formé ; que le 14 mai 2008, il a saisi le conseil de prud'hommes d'une nouvelle demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ; que par jugement du 28 juillet 2009, cette juridiction l'a encore débouté de sa demande au motif de l'autorité de la chose jugée attachée à la précédente décision ; que ce jugement a été confirmé par arrêt de cette cour en date du 15 février 2011 qui a retenu l'irrecevabilité de la demande eu égard au principe de l'unicité de l'instance ; que là encore, M. [Y] [R] a formé un pourvoi ; que par arrêt de la Cour de cassation en date du 5 décembre 2012, cet arrêt a été cassé mais uniquement en ce qu'il avait été condamné à des dommages et intérêts pour procédure abusive ; que pour dénier l'application de la règle de l'unité de l'instance à sa demande en réparation d'un préjudice d'anxiété, M. [Y] [R] fait d'abord valoir que celle-ci ne peut trouver à s'appliquer lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement sur le fond ce qu'il conteste en l'espèce ; que cependant, et contrairement à ce qui est soutenu, un jugement qui statue sur une fin de non recevoir, comme tel a été le cas des deux jugements précités, constitue un jugement sur le fond au sens de l'article 480 du code de procédure civile ; que ce moyen sera donc écarté ; que M. [Y] [R] soutient encore, en se référant au second alinéa de l'article R1452-6, que les procédures engagées l'ont été antérieurement à la naissance du fondement de sa présente demande qui résulterait d'un arrêt de la Cour de cassation en date du 11 mai 2010 ; qu'il doit être objecté que le préjudice d'anxiété découlant pour M. [Y] [R] de son exposition à l'amiante pendant l'exécution du contrat de travail le liant à la Normed est supposé avoir pris naissance au moment du classement de cette société sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice d'une allocation ACAATA, soit par arrêté du juillet 2000, alors même qu'il n'avait pas introduit sa première procédure devant le conseil de prud'hommes de Toulon et qu'en conséquence, il lui appartenait d'en faire état dans le cadre de celle-ci ; que dès lors, en déclarant irrecevable, au regard des conditions posées par l'article R.1452-6 du code du travail, les demandes introduites devant lui au titre du même contrat de travail, dans le cadre d'une troisième instance, le premier juge a fait une exacte application de ce texte ;

Et aux motifs adoptés que par jugement en date du 12 avril 2002, le Conseil de Prud'hommes de Toulon a débouté Monsieur [R] de sa demande en paiement de rappel de salaire et de dommages et intérêts fondée sur la rupture de son contrat de travail ; que par arrêt en date du 29 mars 2005, la Cour d'appel confirmait sa décision ; que par arrêt en date du 13 février 2008, la Cour de cassation rejetait le pourvoi formé par Monsieur [R] ; que Monsieur [R] saisissait à nouveau le Conseil de Prud'hommes de Toulon par requête en date du 14 mai et demandait au Conseil de déclarer abusive la décision de licenciement du 19 mars 1989 et de condamner la NORMED à lui payer la somme de 365.302 euros au titre de son préjudice économique et 305.000 euros à titre de dommages intérêts ; que par jugement en date du 28 juillet 2009 le Conseil de Prud'hommes déboutait Monsieur [R] de ses demandes, eu égard à l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions précédemment rendues, que par arrêt en date du 15 février 2011, la Cour déclarait les demandes de Monsieur [R] irrecevables et confirmait le jugement rendu ; que la présente procédure est la troisième engagée sur le fondement du même contrat de travail ; que la première procédure avait donné lieu à un arrêt déclarant irrecevable la procédure engagée ; que le deuxième arrêt de la Cour d'appel en date du 15 février 2011 constatait l'irrecevabilité des demandes de Monsieur [R], eu égard au principe de l'unicité d'instance résultant des dispositions de l'article R.1452-6 du Code du Travail ; que les présentes demandes se heurtent également au principe de l'unicité d'instance, lequel interdit à Monsieur [R] d'engager plusieurs procédures sur le fondement du contrat de travail ayant lié les mêmes parties ; que le problème de santé soulevé par Monsieur [R] n'est en effet pas nouveau et existait au moins depuis septembre 2000, date à laquelle le salarié se voyait attribuée une allocation au titre de l'ATA ;

Alors, d'une part, que si, aux termes de l'article R.1452-6 du Code du travail, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule et même instance, cette règle n'est applicable que lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement sur le fond ; qu'en opposant aux demandes du salarié le principe de l'unicité de l'instance quand celles-ci ayant été déclarées irrecevables lors de la première procédure n'avaient jamais fait l'objet d'une décision sur le fond, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R.1452-6 du Code du travail ;

Alors, d'autre part, en tout état de cause, que si, aux termes de l'article R.1452-6 du Code du travail, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule et même instance, cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ; que la Cour d'appel a relevé qu'ayant saisi le Conseil de prud'hommes d'une demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif, Monsieur [R] avait été débouté par cette juridiction aux termes d'un jugement du 28 juillet 2009, confirmé par un arrêt de Cour d'appel du 15 février 2011, cet arrêt ayant été censuré par une décision de la Cour de cassation en date du 5 décembre 2012 « mais uniquement en ce qu'il avait été condamné à des dommages et intérêts pour procédure abusive » ; qu'elle en a déduit que, au regard des conditions posées par l'article R.1452-6 du Code du travail et du principe de l'unicité de l'instance, la demande introduite au titre du même contrat de travail le 11 juillet 2011 devant le Conseil de prud'hommes était irrecevable ; qu'en se prononçant en ce sens, alors qu'il se déduisait de ses propres constatations que l'instance engagée par le salarié était pendante devant la Cour de cassation lors de la saisine, par ce dernier, du conseil de prud'hommes de sa nouvelle demande, de sorte que la demande nouvellement introduite était recevable, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article R.1452-6 du Code du travail ;

Alors, en outre, que pour rejeter la demande, la Cour d'appel énonce « que le préjudice d'anxiété découlant pour M. [Y] [R] de son exposition à l'amiante pendant l'exécution du contrat de travail le liant à la NORMED est supposé avoir pris naissance au moment du classement de cette société sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice d'une allocation ACAATA, soit par arrêté du 7 juillet 2000 » ; qu'en se prononçant par de tels motifs, qui sont hypothétiques, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, par ailleurs, en tout état de cause, que la Cour de cassation a consacré pour la première fois, par un arrêt en date du 11 mai 2010, le droit à réparation du préjudice d'anxiété des salariés ayant travaillé dans un établissement figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, pendant une période où y étaient fabriqués ou traités de l'amiante ou des matériaux en contenant, au motif qu'ils se trouvaient par conséquent, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente; que le salarié n'était en mesure de solliciter la réparation de son préjudice d'anxiété qu'à l'issue de la procédure ayant donné lieu à cette décision ; que partant, si le préjudice d'anxiété de Monsieur [R] est né au cours de l'exécution de son contrat de travail, sa créance indemnitaire est devenue certaine le 11 mai 2010, date de la décision de la Cour de cassation; qu'il en résulte qu'en retenant que le préjudice d'anxiété découlant pour Monsieur [R] de son exposition à l'amiante pendant l'exécution du contrat de travail était « supposé avoir pris naissance au moment du classement de cette société sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice d'une allocation ACAATA, soit par arrêté du 7 juillet 2000, alors même qu'il n'avait pas introduit sa première procédure devant le Conseil de prud'hommes de TOULON et qu'en conséquence, il lui appartenait d'en faire état dans le cadre de celle-ci », la Cour d'appel a violé par fausse application l'article R.1452-6 du Code du travail ;

Alors, enfin, que la règle de l'unicité de l'instance ne peut être opposée lorsque les conséquences d'un fait générateur antérieur à la date de clôture des débats se sont poursuivies après l'extinction de la première instance ; qu'en décidant que le préjudice d'anxiété découlant pour le salarié de son exposition à l'amiante pendant l'exécution de son contrat de travail le liant à la NORMED était supposé avoir pris naissance au moment du classement de cette société sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice d'une allocation ACAATA, soit par arrêté du 7 juillet 2000, alors même qu'il n'avait pas introduit sa première procédure devant le Conseil de prud'hommes de TOULON et qu'en conséquence, il lui appartenait d'en faire état dans le cadre de celle-ci, de sorte que sa demande était irrecevable au regard des conditions posées par l'article R.1452-6 du Code du travail, alors que le préjudice d'anxiété, à supposer qu'il soit né lors de la publication de l'arrêté du 7 juillet 2000, s'était poursuivi après l'extinction de la première instance, la Cour d'appel a violé par fausse application l'article R.1452-6 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-18491
Date de la décision : 07/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 20 mars 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 mar. 2017, pourvoi n°15-18491


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.18491
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