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06/03/2017 | FRANCE | N°15-21203

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mars 2017, 15-21203


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme [A] a été engagée le 1er janvier 1982 par la société Harmonie cliniques Pays de la Loire ; qu'ayant été victime, le 26 janvier 2006, d'une chute sur le lieu de travail, elle a été licenciée le 26 janvier 2009 pour inaptitude ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé :

Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'

appel des éléments de fait et de preuve produits par les parties, dont elle a déduit ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme [A] a été engagée le 1er janvier 1982 par la société Harmonie cliniques Pays de la Loire ; qu'ayant été victime, le 26 janvier 2006, d'une chute sur le lieu de travail, elle a été licenciée le 26 janvier 2009 pour inaptitude ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé :

Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve produits par les parties, dont elle a déduit que l'inaptitude avait une origine professionnelle et que l'employeur avait eu connaissance de cette origine ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, sans modifier l'objet du litige, ni les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit tant l'existence de faits précis permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral que l'absence de justification par l'employeur d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :

Vu l'article L. 1226-13 du code du travail ;

Attendu, selon ce texte, que toute rupture prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-8 et L. 1226-18 est nulle ;

Attendu que pour prononcer la nullité du licenciement, l'arrêt retient la violation des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail ainsi que l'absence de règlement par l'employeur d'une indemnité de douze mois de salaire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la sanction de la nullité du licenciement n'est prévue, ni dans le cas de violation des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail, ni dans celui de non-paiement par l'employeur d'une somme due en application de l'article L. 1226-15 de ce code, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche :

Vu l'article L. 1226-14 du code du travail ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que l'employeur est tenu de verser au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, l'emploi occupé précédemment et dont le contrat a été rompu, une indemnité compensatrice, laquelle n'a pas la nature d'une indemnité de préavis, d'un montant égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 de ce code ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer à la salariée des sommes à titre d'indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, l'arrêt retient, d'une part que cette condamnation se déduit de la nullité du licenciement, d'autre part que cet employeur ne justifie pas avoir sollicité des conclusions écrites du médecin du travail, ni avoir consulté les délégués du personnel, ni avoir fait connaître à la salariée les motifs qui s'opposaient à son reclassement ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs, qui, soit sont dans la dépendance de la cassation sur les troisième et quatrième branches, soit ne justifient que la condamnation au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en application de l'article L. 1226-15 du code du travail, la cour d'appel, qui a alloué, tant une indemnité compensatrice de préavis correspondant à quatre mois de salaire que, en méconnaissance de la nature de cette indemnité, des congés payés afférents, a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer à la salariée la somme de 3 203,22 euros à titre de rappel de salaire du mois de janvier 2009, l'arrêt retient que bien que cette salariée n'ait pas été reclassée et n'ait pas alors été licenciée, cet employeur n'a pas réglé le salaire de ce mois ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'employeur soutenant que la somme de 3 203,22 euros correspondait au calcul du salaire pour la période du 1er au 31 janvier 2009, et non pour celle du 1er janvier à la date du licenciement, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et attendu que le premier moyen, pris en ses deux premières branches, étant rejeté, la cassation n'atteint pas le chef de dispositif de l'arrêt, non critiqué par d'autres moyens ou branches, relatif à la condamnation au paiement de la somme de 11 660,28 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la nullité du licenciement de Mme [A] et condamne le GIE Harmonie cliniques Pays de la Loire à lui payer les sommes de 12 812,88 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 1 281,28 euros brut au titre des congés payés y afférents et 3 203,22 euros brut à titre de rappel de salaire pour janvier 2009, l'arrêt rendu le 7 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef relatif à la nullité ;

Déboute Mme [A] de sa demande en annulation du licenciement ;

Renvoie pour le surplus devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne Mme [A] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Harmonie cliniques Pays de la Loire.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la nullité du licenciement de Mme [O] [A] et d'AVOIR en conséquence condamné le GIE Harmonie Cliniques Pays de Loire à verser à Mme [O] [A] les sommes de 12.812,88 E brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que 1.281,28 € brut au titre des congés payés y afférents ; 45.000 E net au titre de l'article L. 1226-15 du code du travail du travail et 11.660,28E net au titre de complément d'indemnité de licenciement, outre une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Le caractère professionnel de l'accident survenu le 26 janvier 2006 n'a été reconnu que par la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale en date du 15 janvier 2010 confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 17 janvier 2012. Mais dès le 6 novembre 2006, date du courrier de constitution de l'avocat du GIE Harmonie Cliniques Pays de Loire adressé au greffe du tribunal des affaires de sécurité sociale et évoquant le recours engagée par l'appelante, l'employeur avait connaissance de ce dernier. Par ailleurs, la salariée verse également aux débats un courrier daté du 6 avril 2007 adressé à son employeur au sujet du recours judiciaire engagé par elle-même et la réponse de ce dernier en date du 16 avril 2007. Il s'en déduit qu'à la date de la rupture intervenue le 26 janvier 2009, le GIE Harmonie Cliniques Pays de Loire était informé du recours exercé par la salariée pour contester la décision de la cpam et afin de voir reconnaître le caractère professionnel de l'accident survenu le 6 janvier 2006.
Pour se dispenser d'appliquer les dispositions des articles L. 1226-10 et suivants du code du travail, le GIE Harmonie Cliniques Pays de Loire ne peut pas valablement invoquer l'utilisation par le médecin, à compter du 4 septembre 2006, d'imprimés relatifs à la maladie s'agissant d'un seul et même arrêt de travail depuis le 26 janvier 2006, ce qu'il n'ignorait pas étant destinataire de l'arrêt initial et des arrêts de prolongation. En conséquence, il lui appartenait, au regard des recours exercés par Mme [O] [A] tant amiable que judiciaire et afin de préserver les droits de cette dernière, de respecter les dispositions relatives à l'inaptitude consécutive à un accident du travail dans la mesure où l'examen des avis du médecin du travail démontre que l'inaptitude trouve son origine dans l'accident du travail.
Il en résulte que l'employeur devait proposer à la salariée un autre emploi approprié à ses capacités, après avis des délégués du personnel, des conclusions écrites du médecin du travail et des indications formulées sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant au sein de l'entreprise ou à bénéficier d'une formation dans les entreprises d'au moins cinquante salariés et que s'il était dans l'impossibilité de proposer un autre emploi, il devait lui faire connaître par écrit les motifs s'opposant au reclassement.
Or, le GIE Harmonie Cliniques Pays de Loire ne justifie pas avoir sollicité des conclusions écrites de la part du médecin du travail, ni avoir consulté les délégués du personnel, ni avoir fait connaître à Mme [O] [A] les motifs s'opposant à son reclassement comme l'y obligeaient les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail.
En cas de méconnaissance de cette obligation et en l'absence de réintégration de la salariée, ce qui était le cas en l'espèce, Mme [O] [A] n'ayant pas sollicité sa réintégration et le GIE Harmonie Cliniques Pays de Loire ne l'ayant pas proposée, l'article L. 1226-15 du code du travail prévoit l'octroi au bénéfice du salarié d'une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires qui se cumule avec l'indemnité compensatrice et l'indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.
La violation des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du code du travail ainsi que l'absence de règlement d'une indemnité d'au moins douze mois de salaire compte tenu de l'absence de réintégration du salarié entraîne la nullité du licenciement de Mme [O] [A].
Il s'en déduit que le GIE Harmonie Cliniques Pays de Loire est redevable à l'égard de Mme [O] [A] des sommes suivantes :
- 12.812,88 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que 1.281,28 € brut au titre des congés payés y afférents,
- 45.000 € net au titre de l'article L. 1226-15 du code du travail du travail,
- 11.660,28€ net au titre de complément d'indemnité de licenciement, L'indemnité sollicitée par Mme [O] [A] au titre de la réparation du préjudice résultant de l'absence de notification des motifs s'opposant à son reclassement ne se cumule pas avec l'indemnité sanctionnant l'irrégularité du licenciement fondée sur la méconnaissance des règles relatives au licenciement d'un salarié dont l'inaptitude résulte d'un accident du travail »

1/ALORS QUE les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; qu'il appartient au juge de caractériser le lien entre l'inaptitude du salarié et l'accident du travail ou la maladie professionnelle ; qu'il était constant en l'espèce que Mme [A] avait été déclarée inapte le 29 octobre 2008 suite à des arrêts maladie d'origine non professionnelle depuis le 5 septembre 2006 et sans qu'il soit fait mention dans son avis d'inaptitude que celle-ci était consécutive à un accident du travail ; que dès lors en se bornant à constater qu'à la date de la rupture intervenue le 26 janvier 2009, l'employeur était informé du recours exercé par la salariée pour voir reconnaître le caractère professionnel de l'accident survenu le 26 janvier 2006, sans caractériser en quoi l'inaptitude de la salariée du 29 octobre 2008 était en lien avec cet accident, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article l 1226-10 du Code du travail ;

2/ ALORS QU' il appartient au juge de caractériser le lien entre l'inaptitude du salarié et l'accident du travail ou la maladie professionnelle ; qu'en l'espèce l'employeur faisait valoir qu'à la date du licenciement, le médecin traitant de Mme [A] avait établi des arrêts de travail d'origine professionnelle uniquement jusqu'au 4 septembre 2006, les arrêts suivants étant à compter de cette date consécutifs à une maladie simple jusqu'au licenciement de la salariée, ainsi que l'établissaient les arrêts de travail versés aux débats ; qu'il ajoutait que suite à l'arrêt rendu en matière de sécurité sociale par la Cour d'appel de Rennes le 17 janvier 2012, la Cpam n'avait pris en charge au titre des accidents du travail que la période d'arrêt maladie du 28 janvier au 4 septembre 2006 (conclusions d'appel de l'exposante p 6) ; qu'il faisait enfin valoir que la salariée consultait depuis 2003 un psychiatre en raison d'une situation conjugale difficile (conclusions d'appel de l'exposante p 17) ; que dès lors en affirmant que la salariée avait fait l'objet d'un seul et unique arrêt de travail depuis son accident jusqu'à son licenciement, sans cependant s'expliquer sur le changement de qualification de ses arrêts de travail à compter du 4 septembre 2006 par le médecin traitant qui instaurait une distinction entre la période consécutive à l'accident du 26 janvier 2006 jusqu'au 4 septembre 2006 et la période postérieure, ni rechercher comme elle y était invitée si les arrêts maladie établis à compter du 4 septembre 2006 n'étaient pas liés aux difficultés personnelles rencontrées par la salariée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1226-10 du Code du travail ;

3/ ALORS EN OUTRE QUE le non-respect des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail n'a pas pour sanction la nullité du licenciement ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L 1226-10, L 1226-13 et L 1226-15 du Code du travail ;

4/ ALORS ENCORE QUE le non-respect des dispositions de L 1226-12 du code du travail n'a pas pour sanction la nullité du licenciement ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L 1226-12, L 1226-13 et L 1226-15 du Code du travail ;

5/ ALORS QUE l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, soit deux mois de préavis pour un salarié ayant deux ans d'ancienneté, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis ; qu'en accordant à Mme [A] la somme de 12.812,88 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que 1.281,28 € brut au titre des congés payés y afférents, soit l'indemnité de préavis conventionnelle correspondant à 4 mois de salaires, et en l'assortissant de congés payés, la Cour d'appel a violé l'article L 1226-14 du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné le GIE Harmonie Cliniques Pays de Loire à verser à Mme [O] [A] la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral

AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l'article L. 1152 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d'altérer sa santé physique, mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L. 1154 de ce même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Mme [O] [A] invoque les faits suivants :
- sa mise à l'écart à compter du 17 janvier 2006 : retrait des dossiers de contentieux et demande de réalisation d'un travail ne correspondant pas à sa qualification, en l'espèce, la recherche informatique de dossiers, leur désarchivage, leur tri et leur classement ;
- le déplacement de son lieu de travail consistant désormais en une banque d'accueil en face de la salle d'attente, avec peu de mobilier consacré au rangement, un matériel informatique obsolète et sans ligne téléphonique, ni bureau individuel ;
- un entretien daté du 26 janvier 2006 avec M. [L] qui lui aurait reproché son incapacité à fournir le travail demandé et aurait affirmé qu'elle mettait en difficulté les autres services et que son licenciement avait été évité pour l'instant mais ne pourrait pas l'être indéfiniment.
Pour étayer ses affirmations, elle produit notamment des photocopies de photographies en noir et blanc du bureau alloué, une fiche établie par ses soins récapitulant les différents postes occupés depuis 1982 et l'enquête réalisée par la cpam dans le cadre du recours exercé devant la commission de recours amiable.

Mme [O] [A] établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.
Les photographies démontrent que le bureau attribué à Mme [O] [A] était en réalité un espace non fermé donnant sur un large couloir où étaient installés plusieurs bureaux accueillant le public. Cet espace n'était effectivement pas très grand et ne possédait que très peu de rangements. L'employeur n'établit pas que Mme [O] [A] avait besoin de recevoir du public. En revanche, il soutient que l'appelante avait émis le souhait de travailler dans un bureau isolé.
Sur la mise à l'écart de Mme [O] [A], l'employeur a effectivement reconnu que ses tâches avaient évolué à compter du 17 janvier 2006 jusqu'au 26 janvier 2006.
Concernant l'entretien du 26 janvier 2006, Mme [M], responsable du secteur administratif au sein de la clinique, a précisé que le rendez-vous avec M. [L] avait pour objet de faire le point sur la situation du poste de travail confié à Mme [O] [A], plus précisément sur le dysfonctionnement total dans la gestion des dossiers médicaux imputable, pensait-elle, à l'organisation de l'appelante qui n'avait pas voulu prendre en considération les conseils prodigués par ses collègues et avait géré le poste à sa façon. Elle précisait que M. [L] avait dit à Mme [O] [A] qu'il n'avait pas d'autre poste correspondant à ses compétences et qu'il lui avait demandé ce à quoi elle aspirait. Elle indiquait que le poste occupé par Mme [O] [A] était un poste clé et que la situation ne pouvait pas perdurer. Elle ajoutait qu'elle ne se souvenait pas avec précision des termes employés par M. [L]. Mme [I], secrétaire, a précisé avoir formé Mme [O] [A] pendant une semaine et être restée à sa disposition. Elle a indiqué qu'elle avait tenu le poste confié à Mme [O] [A] sans difficulté et mettait en cause la méthodologie de cette dernière, précisant en outre qu'elle était à mi-temps alors que l'appelante bénéficiait d'un plein temps. Elle précisait avoir vu Mme [O] [A] une fois en larmes lors de la semaine de formation, celle-ci lui ayant déclarée qu'elle avait besoin de temps pour accepter la décision d'affectation.
Mme [Q], agent administratif, a également précisé qu'au cours du mois de janvier 2006, elle et Mme [I] avaient aidé Mme [O] [A] qui leur avait précisé qu'elle était débordée. Elle confirmait qu'il s'agissait d'un poste qu'elle avait occupé et qui représentait un temps plein nécessitant une très bonne organisation. Mme [Z] a précisé qu'après une période d'adaptation, elle parvenait à assumer l'intégralité de cette fonction.
Deux autres salariées confirmaient avoir vu Mme [O] [A] pleurer.
Mme [U] précisait que celle-ci avait déclaré se sentir harcelée au sujet de la manière dont elle gérait son travail, ajoutant que dans les jours ayant précédé son malaise, l'intéressée présentait un état psychologique défaillant. Mme [F] précisait que Mme [O] [A] s'était mise à pleurer lorsqu'elle lui avait fait part de l'accumulation des dossiers mais qu'elle ignorait si les pleurs étaient dus à des motifs professionnels.
Mme [P], infirmière, précisait qu'en l'espace d'une année, Mme [O] [A] avait occupé quatre postes différents et qu'elle n'occupait pas un poste de cadre.
Les qualifications de Mmes [I] et [Q], respectivement secrétaire médicale et employée administrative, qui ont précisé avoir occupé les fonctions confiées à Mme [O] [A], confirment qu'effectivement, les fonctions qui lui avaient été confiées, bien qu'importantes pour le bon fonctionnement de la clinique, ne correspondaient pas à un poste de cadre.
Les auditions examinées ci-dessus établissent la fragilité de Mme [O] [A], élément confirmé par l'expertise du docteur [T] réalisée en 2008 dans le cadre du recours exercé par l'appelante, celui-ci faisant état de troubles en rapport avec des manifestations anxiodépressives réactionnelles à des difficultés professionnelles chez une patiente fragilisée depuis 2003 en raison d'une pathologie présentée par son conjoint.
Mme [O] [A] présentait donc un état de fragilité avéré, celui-ci ayant été constaté par plusieurs de ses collègues au cours des jours précédents le 26 janvier 2006. Mais plusieurs éléments ont contribué à la dégradation des conditions de travail de Mme [O] [A] en altérant sa santé mentale : les fréquents changements opérés par son employeur au cours de la dernière année, l'attribution d'un poste certes important mais ne correspondant pas à ses qualifications, la localisation de l'intéressée dans un espace non fermé près de l'accueil des patients et donc peu adapté à l'exercice de ses fonctions, l'entretien du 26 janvier 2006 organisé par le supérieur hiérarchique afin de dénoncer, environ une semaine après son affectation à ce nouveau poste, le manque d'adaptation de Mme [O] [A] et la difficulté de lui trouver une place au sein de l'établissement.
L'employeur s'est contenté de rétorquer que Mme [O] [A] présentait des difficultés d'adaptation professionnelle récurrentes et de contester l'existence de pressions et de harcèlement moral. Il n'a versé aucune pièce aux débats.
Le GIE Harmonie Cliniques Pays de Loire a donc échoué à démontrer que les faits matériellement établis par Mme [O] [A] étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Ses agissements répétés sont constitutifs d'un harcèlement moral.
Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée et des conséquences dommageables qu'il a eu pour Mme [O] [A] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, le préjudice en résultant est réparé par l'allocation d'une somme de 8.000 €. »

1/ ALORS QUE le harcèlement moral suppose des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en retenant que l'affectation de Mme [A] au poste de gestionnaire des dossiers médicaux qui avait pris effet le 23 janvier 2006, dans un bureau non fermé proche de l'accueil des patients et l'entretien qu'elle avait eu avec son supérieur hiérarchique le 26 janvier 2006 pour faire le point sur cette prise de poste, caractérisaient un harcèlement moral, sans avoir constaté d'autres agissements que son affectation au poste de gestionnaire des dossiers médicaux, la Cour d'appel qui n'a pas caractérisé que la salariée avait fait l'objet d'agissements distincts et répétés de l'employeur, a violé l'article L 1152-1 du Code du travail ;

2/ ALORS QUE ne caractérise pas des faits de harcèlement moral les critiques fondées de l'employeur à l'égard du travail d'un salarié, dans le cadre de sa formation à de nouvelles fonctions clés pour la clinique, quand bien même celles-ci ne correspondraient pas exactement à la qualification de la salariée, et que cette dernière aurait été placée dans un bureau non fermé ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que Mme [A] avait été affectée à un poste de gestionnaire des dossiers médicaux le 23 janvier 2006 ne correspondant à sa qualification, dans un bureau « pas très grand » qui « ne possédait que très peu de rangements » et qui n'était pas fermé, et qu'elle avait rencontré dès les premiers jours des difficultés qui avaient nécessité l'assistance d'autres salariées de la clinique ; qu'en jugeant néanmoins que cette affectation et les remarques formulées par son supérieur hiérarchique le 26 janvier 2006 sur les difficultés rencontrées caractérisaient un harcèlement moral, la Cour d'appel a violé l'article L 1152-1 du Code du travail ;

3/ ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'au titre du harcèlement moral dont elle prétendait être victime, Mme [A] invoquait son affectation à la gestion des dossiers médicaux ayant pris effet le 23 janvier 2006, ne correspondant pas selon elle à ses qualifications, se plaignait du bureau correspondant à cette affectation et de l'entretien du 26 janvier 2006 ; qu'en retenant au titre du harcèlement moral « les fréquents changements opérés par son employeur au cours de la dernière année », la Cour d'appel a excédé les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné le GIE à verser à Mme [A] la somme de 3203, 22 euros au titre du salaire du mois de janvier 2009 ainsi que la somme de 320, 32 euros au titre des congés payés afférents

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur le salaire du mois de janvier 2009 : Il est établi que le GIE Harmonie Cliniques Pays de Loire n'a pas procédé au règlement du salaire du mois de janvier 2009 alors même que Mme [O] [A], bien que déclarée inapte, n'avait pas bénéficié d'un reclassement et n'était pas encore licenciée. En conséquence, la condamnation de la partie intimée au paiement de la somme de 3.203,22 € brut au titre du mois de janvier 2009 ainsi que 320,32 € brut au titre des congés payés y afférents est confirmée »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Vu l'article L 1226-4 qui stipule qu'à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, l'employeur verse son salaire au salarié déclaré inapte ou inapte à tout emploi, non reclassé et s'il n'est pas licencié ; qu'en l'espèce l'employeur a effectué la reprise du versement des salaires pour les mois de novembre et décembre 2008 et a suspendu le règlement su 1er janvier au 27 janvier 2009, date du licenciement ; qu'aucune réduction ne peut être opérée sur la somme fixée forfaitairement au montant du salaire antérieur et qu'elle ne peut faire l'objet d'aucune déduction au titre des sommes versées par un organisme de prévoyance ; le Conseil de Prud'hommes dit que la demande de madame [A] est fondée et, en conséquence, condamne le GIE HARMONIE SOINS ET SERVICES à payer à madame [A] la somme de 3.203,22 € bruts à titre de rappel de salaire »

ET QUE « le conseil des prud'hommes fixe à 3203, 22 Euros le salaire mensuel moyen de référence »

ALORS QUE l'employeur n'est tenu de reprendre le paiement du salaire à l'expiration du délai d'un mois à la date de l'examen médical de reprise, au bénéfice du salarié non reclassé ni licencié à cette date, que jusqu'à la date du prononcé de son licenciement pour inaptitude ; que le GIE faisait valoir que Mme [A] ayant été licenciée le 26 janvier 2009, la salariée ne pouvait prétendre au titre du mois de janvier 2009 à son salaire mensuel complet mais à la somme de 2632, 33 euros, correspondant au salaire dû pour la période du 1er au 27 janvier 2009 (conclusions d'appel de l'exposante p 24) ; qu'en accordant néanmoins à Mme [A] la somme de 3203, 22 euros correspondant à son salaire mensuel dû au titre du mois de janvier 2009 complet, la cour d'appel a violé l'article L 1226-11 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-21203
Date de la décision : 06/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle partiellement sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 07 mai 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mar. 2017, pourvoi n°15-21203


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.21203
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