LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 16 et 431 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que [A] [P] est décédé le [Date décès 1] 2011 dans un accident d'hélicoptère ; que Mme [J] [V] [Z], veuve [P], son épouse, et ses enfants, M. [I] [P] et Mme [M] [P] (les consorts [P]) ont saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions ;
Attendu que l'arrêt mentionne que « le dossier a été communiqué au ministère public qui a émis le 20 octobre 2015 un avis conforme aux conclusions du Fonds de garantie » ; qu'il résulte de la cote du dossier, sur laquelle a été porté l'avis de l'avocat général que cet avis était le suivant : « vu au parquet général, le 20 octobre 2015, et avis conforme aux conclusions du Fonds de garantie » ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que les parties avaient eu communication des conclusions du ministère public, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions et le condamne à payer aux consorts [P] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour les consorts [P].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté les consorts [P] de toutes leurs demandes ;
AUX ENONCIATIONS QUE le dossier a été communiqué au ministère public qui a émis le 20 octobre 2015 un avis conforme aux conclusions du Fonds de garantie ;
ET AUX MOTIFS QUE l'enquête réalisée par le bureau BEA enseigne que la courroie de distribution du moteur a été retrouvée détendue et la distribution des cylindres 1 à 3 décalée de quatre dents, que des enfoncements ont été constatés sur ces mêmes cylindres dus à des contacts avec les soupapes d'échappement qui peuvent se produite lorsque la distribution se décale ; M. [K] [B], chef d'atelier de la marque Subaru dont est originaire le moteur équipant l'hélicoptère, explique qu'une pause défectueuse du galet tendeur pouvait être à l'origine du décalage de la distribution, les soupapes venant alors au contact des pistons et se déformant entrainant l'arrêt du moteur. Cet arrêt est corroboré par les différents témoins [E] [X], [U] [D] et [A] [N] faisant tous état d'un bruit anormal des pâles ? phénomène de « flapping »?, mentionnant que le moteur « ratatouillait », avait calé et que le pilote tentait de le remettre en marche. Le bureau BEA conclut en ces termes : « l'accident est probablement dû à une action tardive du pilote à la suite d'une diminution du régime du moteur et du rotor. Au moment où le pilote semble avoir réagi, la situation était difficilement récupérable en raison d'un faible régime du rotor. L'absence d'alarme sonore a pu contribuer à la réaction tardive du pilote. L'examen de l'épave du moteur n'a pas permis de déterminer avec certitude l'origine du problème technique. L'hypothèse la plus probable est une perte progressive de puissance du moteur à la suite d'un décalage de la distribution. Ce décalage a pu être provoqué par un tendeur qui n'assurait plus une tension suffisante de la courroie de distribution ». Dans son rapport d'analyse toxicologique l'expert [Y] [W] requis dans le cadre de l'enquête de gendarmerie a procédé à des analyses chromatographies en phase gazeuse et liquide et spectrométriques des prélèvements sanguins réalisés sur le corps du pilote par le médecin légiste [T] révélant une présence de 0,21 ug/ml de bromazépam pour une valeur thérapeutique située entre 0,08 et 0,17, la valeur toxique étant fixée à 0,5 ainsi que 0,06 ug/ml de doxylamine, la valeur thérapeutique allant de 0,05 à 0,25 et la valeur toxique de 1 à 2. Il explique que « ces molécules contenues dans les spécialités pharmaceutiques Lexomil et Noctyl sont des dépresseurs de systèmes nerveux central susceptibles de provoquer une altération modérée des fonctions cognitives centrales et d'altérer la vigilance, que cette association et (sic) déconseillée pour la conduite d'engins automobiles et à plus forte raison pour le pilotage d'un aéronef ». Il ajoute que : « Le jugement de la situation et les prises de décision adaptées pourraient en être affectées sans pour autant que cela soit décisif par rapport à l'accident. En cela l'enquête du BEA est primordiale ». C'est donc par une lecture manifestement erronée des conclusions de cet expert que les consorts [P] prétendent que [F] [S] pilotait « bourré de sédatifs ». L'expertise officieuse de M. [Q] [H] dans ses longs développements sur la manœuvre d'auto rotation qu'aurait dû entreprendre le pilote n'apporte aucun éclairage meilleur sur les circonstances de l'accident puisqu'il admet finalement qu'à la hauteur où évoluait l'appareil cette manœuvre n'était plus possible, étant rappelé que s'agissant d'un vol d'essai le pilote a procédé à des atterrissages et décollages successifs et pouvait se trouver en phase descendante en vue d'un nouvel atterrissage. S'il est certain que l'hélicoptère a subi un incident technique avant son écrasement au sol, les enquêtes et rapports produits n'émettant que des hypothèses ou des probabilités tant sur son origine que sur la gestion de l'incident par le pilote, ne permettent pas de caractériser les éléments matériels d'une infraction pénale et la décision déférée mérite dès lors confirmation ;
ALORS QUE le ministère public qui fait connaitre son avis par voie de réquisitions écrites, est tenu de mettre ses conclusions à la disposition des parties au plus tard le jour de l'audience ; qu'en rendant son arrêt au visa d'un avis du ministère public conforme aux conclusions du Fonds de garantie sans constater que les consorts [P] en avaient eu communication, ni qu'ils avaient eu la possibilité d'y répondre, la cour d'appel a violé l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 16 et 431 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté les consorts [P] de toutes leurs demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'enquête réalisée par le bureau BEA enseigne que la courroie de distribution du moteur a été retrouvée détendue et la distribution des cylindres 1 à 3 décalée de quatre dents, que des enfoncements ont été constatés sur ces mêmes cylindres dus à des contacts avec les soupapes d'échappement qui peuvent se produite lorsque la distribution se décale ; M. [K] [B], chef d'atelier de la marque Subaru dont est originaire le moteur équipant l'hélicoptère, explique qu'une pause défectueuse du galet tendeur pouvait être à l'origine du décalage de la distribution, les soupapes venant alors au contact des pistons et se déformant entrainant l'arrêt du moteur. Cet arrêt est corroboré par les différents témoins [E] [X], [U] [D] et [A] [N] faisant tous état d'un bruit anormal des pâles [phénomène de « flapping »], mentionnant que le moteur « ratatouillait », avait calé et que le pilote tentait de le remettre en marche. Le bureau BEA conclut en ces termes : « l'accident est probablement dû à une action tardive du pilote à la suite d'une diminution du régime du moteur et du rotor. Au moment où le pilote semble avoir réagi, la situation était difficilement récupérable en raison d'un faible régime du rotor. L'absence d'alarme sonore a pu contribuer à la réaction tardive du pilote. L'examen de l'épave du moteur n'a pas permis de déterminer avec certitude l'origine du problème technique. L'hypothèse la plus probable est une perte progressive de puissance du moteur à la suite d'un décalage de la distribution. Ce décalage a pu être provoqué par un tendeur qui n'assurait plus une tension suffisante de la courroie de distribution ». Dans son rapport d'analyse toxicologique l'expert [Y] [W] requis dans le cadre de l'enquête de gendarmerie a procédé à des analyses chromatographies en phase gazeuse et liquide et spectrométriques des prélèvements sanguins réalisés sur le corps du pilote par le médecin légiste [T] révélant une présence de 0,21 ug/ml de bromazépam pour une valeur thérapeutique située entre 0,08 et 0,17, la valeur toxique étant fixée à 0,5 ainsi que 0,06 ug/ml de doxylamine, la valeur thérapeutique allant de 0,05 à 0,25 et la valeur toxique de 1 à 2. Il explique que « ces molécules contenues dans les spécialités pharmaceutiques Lexomil et Noctyl sont des dépresseurs de systèmes nerveux central susceptibles de provoquer une altération modérée des fonctions cognitives centrales et d'altérer la vigilance, que cette association et (sic) déconseillée pour la conduite d'engins automobiles et à plus forte raison pour le pilotage d'un aéronef ». Il ajoute que : « Le jugement de la situation et les prises de décision adaptées pourraient en être affectées sans pour autant que cela soit décisif par rapport à l'accident. En cela l'enquête du BEA est primordiale ». C'est donc par une lecture manifestement erronée des conclusions de cet expert que les consorts [P] prétendent que [F] [S] pilotait « bourré de sédatifs ». L'expertise officieuse de M. [Q] [H] dans ses longs développements sur la manœuvre d'auto rotation qu'aurait dû entreprendre le pilote n'apporte aucun éclairage meilleur sur les circonstances de l'accident puisqu'il admet finalement qu'à la hauteur où évoluait l'appareil cette manœuvre n'était plus possible, étant rappelé que s'agissant d'un vol d'essai le pilote a procédé à des atterrissages et décollages successifs et pouvait se trouver en phase descendante en vue d'un nouvel atterrissage. S'il est certain que l'hélicoptère a subi un incident technique avant son écrasement au sol, les enquêtes et rapports produits n'émettant que des hypothèses ou des probabilités tant sur son origine que sur la gestion de l'incident par le pilote, ne permettent pas de caractériser les éléments matériels d'une infraction pénale et la décision déférée mérite dès lors confirmation ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE lors de l'enquête de gendarmerie plusieurs témoins ont été entendus ; que M. [U] [D] qui se trouvait dans son champ lorsque que l'hélicoptère s'est écrasé, a notamment déclaré : "Oui et à un moment donné les hélices tournaient doucement malgré le bruit du moteur. Puis il y a eu une coupure du moteur, les hélices se sont arrêter de tourner, hélicoptère est descendu un peu en travers puis s'est écrasé au sol sur le côté. Je pense que le pilote avait un problème technique et qui voulait se poser mais c'était trop tard." ; (…) que M. [L] [O] a indiqué aux gendarmes : "J'ai aperçu un hélicoptère qui volait à basse altitude, entre 30 et 40 mètres, mais j'étais loin. Je l'ai vu voler, puis d'un coup il est tombé. - Oui j'entendais le moteur au loin. Je pense que le moteur s'est arrêté l'hélicoptère est tombé d'un coup mais je n'en suis pas sûr" ; (…) que M. [E] [X] a d'abord déposé en ces termes : "Vers 12h15, j'ai entendu un bruit de moteur qui semblait mal tourner, comme s'il pétaradait. A un moment donné le bruit du moteur s'est arrêté, je pense qu'il a calé, et j'ai entendu le bruit d'un clash". (…) que lors de sa seconde audition M. [E] [X] a été plus précis : "J'ai entendu, je suis catégorique, le moteur s'arrêter, avant l'impact au sol. Suis professeur de mécanique et donc je vous garantis que le moteur tournait alors que la machine descend vers le sol. Cependant il "ratatouillait" et s'est totalement arrêté avant l'impact. Je rectifie, j'entendais comme si le pilote essayait de remettre le moteur en marche. Malgré ces tentatives le moteur n'est pas reparti. Donc au début de l'observation, il n'y avait pas de bruit de moteur du tout, ensuite l'appareil descendait vers le sol, un bruit de redémarrage mais sans la remise en marche. Je compare ce bruit à celui de ma tondeuse lorsque celle-ci, une fois démarrée ne tourne pas bien et ne se met pas en régime de fonctionnement normal." ; (…) que le Bureau d'Enquêtes et d'Analyses a écrit que les dommages constatés confirme l'absence d'énergie du rotor au moment de l'impact, que la courroie de distribution du moteur avait été retrouvée détendue, que la distribution sur le banc des cylindres 1 et 3 était décalée de 4 dents, que les pistons des cylindres présentaient des enfoncements situés vis-à-vis de chaque soupape d'échappements, elles-mêmes déformées ; (…) que le Bureau d'Enquêtes et d'Analyses a estimé que ces enfoncements des cylindres pouvaient être dus un décalage de la distribution ; (…) que M. [K] [B], mécanicien chez Subaru, a déclaré, au vu des photographies du moteur démonté : "pour moi il est clair que les soupapes ont touché les pistons, c'est certain" puis "Pour moi le galet standard mal posée au défaillant peut être à l'origine du décalage" ; (…) qu'interrogé sur le point de savoir si la belle formation des soupapes pouvaient entraîner l'arrêt du moteur, il a répondu : "dans ce cas précis et en raison du fait qu'au moins deux cylindres sont impactés, selon moi le moteur s'arrête de fonctionner de lui-même" ; (…) qu'au vu de ces éléments il est pratiquement certain le moteur a eu des ratés et s'est arrêté avant la chute de l'hélicoptère, qu'il est fort possible que c'est pas soit du un galet vendeur mal posé défaillant ; (…) dans ce cas le défaut de vigilance du pilote ne serait pas à l'origine de l'accident et ce d'autant que la panne est intervenue alors que l'hélicoptère n'était qu'à 40 m ou 50 m de haut et qu'aucune manœuvre d'autorotation ne pouvait être envisagée ; (…) qu'il n'est donc pas établi que le pilote ait commis le délit d'homicide involontaire ; (…) que l'hypothèse d'un décalage de la distribution mais à ce stade qu'une hypothèse, que même en la considérant comme certaine, il reste à déterminer l'origine de ce décalage ; (…) M. [K] [B] explique que celle-ci peut venir d'une mauvaise pose du galet tendeur mais aussi d'un galet tendeur défaillant, que dans cette dernière hypothèse l'existence d'une imprudence au sens des articles 221–6 121–3 du code pénal posterait à démontrer ; (…) Qu'il conviendrait encontre de déterminer l'auteur de cette imprudence ; (…) que les demandeurs envisagent eux-mêmes de causes possibles à l'accident mortel donc a été victime M. [A] [P] ; (…) qu'en l'état actuel du dossier il n'existe aucune certitude sur l'origine de l'accident même si la panne du moteur semble avoir été décisive, que l'origine de la panne du moteur n'est pas non plus clairement démontrée qu'il convient en conséquence de constater que l'existence d'une attraction pénale n'est pas démontré, qu'il convient en conséquence de dégoûter les consorts [P] de toutes leurs demandes ;
ALORS QUE toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne ; qu'en décidant que les enquêtes et rapports produits ne permettaient pas de caractériser les éléments matériels d'une infraction pénale, quand elle constatait, sur la base du rapport d'enquête du BEA et de l'expertise du Dr [W], que le pilote de l'hélicoptère avait absorbé, avant le vol, des substances médicamenteuses de nature à altérer sa vigilance et que sa réaction tardive l'avait empêché de gérer correctement la situation, mettant ainsi en évidence qu'une faute d'imprudence du pilote de l'hélicoptère et un manquement aux dispositions impératives du code de l'aviation civile étaient à l'origine de l'accident aérien dans lequel [A] [P] a trouvé la mort, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a ainsi violé les articles 121-3 et 221-6 du code pénal et 706-3 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1382 du code civil.