LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [G] a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il était passager d'une motocyclette assurée par la société Generali Belgium ; qu'il a assigné cette dernière, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Savoie, en indemnisation de ses préjudices ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu que, pour allouer à M. [G] une certaine somme après avoir écarté sa demande d'indemnisation d'une perte de gains professionnels actuels, l'arrêt énonce que selon une lettre de la société Gastromer, celui-ci devait effectuer à partir du 1er août 2005 une période d'essai pour deux mois et que, si cet essai était concluant, il aurait été engagé pour une période indéterminée, ce qui n'a pu se faire à la suite de l'accident, mais qu'il existait une période d'essai et que l'embauche dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée n'était pas acquise ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si M. [G], se trouvant privé de la possibilité d'effectuer la période d'essai, n'avait pas subi, d'abord une privation de revenus pendant cette période, ensuite une perte de chance d'occuper cet emploi, ayant entraîné pour lui un préjudice économique antérieur à sa consolidation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu que pour allouer à M. [G] seulement une certaine somme en réparation de sa perte de chance de progresser professionnellement au sein de l'entreprise qui l'emploie, l'arrêt énonce qu'il devait commencer son activité auprès de la société Gastromer à partir du 1er août 2005, que l'accident survenu le 14 juillet 2005 a ruiné ce projet, qu'il a repris une activité salariée le 17 mars 2006, que les séquelles qu'il conserve restreignent son indépendance et son efficacité et que les déplacements trop lointains lui sont difficiles ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si M. [G] n'avait pas perdu une chance d'être embauché par la société Gastromer et si, compte tenu de cette probabilité et du salaire perçu dans son nouvel emploi, il ne subissait pas un préjudice économique postérieur à la consolidation de son état, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la société Generali Belgium aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour M. [G].
Il est reproché à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Generali Belgium à payer à Monsieur [G], au titre de l'indemnisation des préjudices résultant de l'accident survenu le 4 juillet 2005, la somme globale de 121.689,57 euros, soit un solde de 111.689,57 euros déduction faite de la provision de 10.000 euros déjà versée ;
AUX MOTIFS, D'ABORD, QUE, s'agissant de la perte invoquée de gains professionnels actuels, il résulte d'un courrier du 17 janvier 2011 de la société Gastromer que Monsieur [G] [H] devait effectuer à partir du 1er août 2005 une période d'essai dans cette entreprise, pour deux mois et si cet essai avait été concluant, il aurait été engagé pour une période indéterminée, ce qui n'a pu se faire à la suite de l'accident ; que par une correspondance antérieure du 13 mars 2006, il était indiqué l'existence d'un contact pour un emploi de préparateur vendeur en poisson avec un salaire brut de 4.500 chf dès le 1er août 2005 mais qui n'a pas eu de suite à cause de l'accident ; comme l'a indiqué le premier juge, la perte économique doit s'apprécier en fonction des revenus réellement perdus et au vu des justificatifs produits ; qu'en l'espèce, une certaine hésitation existe quant à la réalité de l'embauche fût-ce à titre d'essai dans le premier courrier de 2006, qui parle d'un simple contact en vue d'un emploi ; que cette hésitation est levée par le courrier du 17 janvier 2011 qui reste cependant non équivoque : il existait une période d'essai et l'embauche dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée n'était pas acquise ; que ce poste sera donc écarté ;
AUX MOTIFS, ENSUITE, QUE, s'agissant de la perte de gains professionnels future et de l'incidence professionnelle, Monsieur [G] a été scolarisé jusqu'en 3ème, a obtenu un BEP et un Bac Pro Travaux paysagés en 2002 et suivi avec succès une formation technico-commerciale dans l'horticulture ; qu'il a été salarié deux mois, dans un logimarché et ensuite a obtenu un emploi en Suisse, à Lausanne, dans les métiers de bouche, de décembre 2003 à fin mai 2005, produits de la mer pour 35 heures par semaine (Covedis SA) qu'il a démissionné pour se faire engager par la société Gastromer à Genève où il devait commencer son activité à partir du 1er août 2005, comme il a été vu ci-dessus dans le cadre d'un essai de sorte que l'embauche définitive n'était cependant pas acquise ; que l'accident survenu le 14 juillet a ruiné ce projet ; qu'il a repris une activité salariée le 17 mars 2006 à temps partiel, 32 heures par semaine, aux Eaux d'Evian ; qu'il bénéficie aujourd'hui d'un contrat à durée indéterminée ; que ses perspectives d'évolution sont décrites comme restreintes compte tenu du poste qu'il occupe ; que ses salaires ont été de 2.679 euros par mois en 2011, mais qu'il bénéficie d'une certaine progression, régulière dans l'entreprise, pour atteindre en 2014, un salaire mensuel net de 3.184 euros, chiffres tirés des bulletins de paye et des cumuls imposables indiqués à ce titre ; qu'il est décrit par plusieurs témoins comme quelqu'un d'efficace, très impliqué dans son métier avant l'accident, mais que les séquelles surtout d'ordre psychologique qu'il conserve restreignent son indépendance, son efficacité dans la mesure où il présente des phases d'angoisse, d'anxiété et que les déplacements trop lointains lui sont difficiles, ce qui constitue une perte de chance de progresser sur le plan professionnel au sein de l'entreprise ; qu'il sera alloué à ce titre une indemnité de 50.000 euros ;
ALORS QUE, D'UNE PART, le salarié qui, à cause de l'accident dont il a été victime, n'a pu exercer l'emploi qu'il devait occuper en vertu d'une promesse d'embauche conclue très peu avant l'accident, justifie par là même d'une perte de gains professionnels certaine en son principe, et ce si même le contrat de travail en cause était assorti d'une période d'essai, cette circonstance étant seulement de nature à faire naître une incertitude sur la durée de versement de la rémunération promise et donc sur l'étendue de la réparation ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations mêmes de l'arrêt que le doute qui avait pu naître à la lecture d'un premier courrier de la société Gastromer du 13 mars 2006, quant à la réalité même de l'embauche de Monsieur [G] au sein de cette entité à partir du 1er août 2005, avait été levé par un second courrier du 17 janvier 2011 qui confirmait cette embauche à la faveur d'un contrat de travail à durée indéterminée, sous réserve de l'accomplissement concluant d'une période d'essai de deux mois ; qu'il s'en déduisait nécessairement que Monsieur [G] justifiait d'une perte de gains professionnels actuels certaine en son principe, la date de l'embauche fixée au 1er août 2005 étant antérieure à celle de la consolidation, fixée au 30 juin 2009 ; qu'en niant pourtant jusqu'à l'existence même du préjudice invoqué, cependant que l'existence d'une période d'essai était seulement de nature à justifier que la perte de revenus fût indemnisée selon les règles gouvernant la perte d'une chance, la Cour, qui refuse de tirer les conséquences légales de ses constatations, viole l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, le principe de la réparation intégrale du dommage, ensemble les articles 4 du Code civil et 12 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, et s'agissant de la période postérieure à la consolidation, la Cour devait déterminer la perte d'une chance de gains professionnels futurs résultant de l'impossibilité dans laquelle s'était trouvé Monsieur [G] d'honorer le poste qui lui avait été promis par la société Gastromer en reconstituant fictivement les revenus qui auraient été les siens s'il avait été maintenu à ce poste à l'issue de la période d'essai et en fixant la part de ces revenus qui pouvaient être retenue au titre de la réparation de la perte d'une chance en considération de la plus ou moins grande probabilité qu'aurait eu Monsieur [G] d'être définitivement embauché à l'issue de ladite période d'essai ; que très loin de procéder de la sorte, la Cour n'alloue à Monsieur [G] qu'une indemnité globale de 50.000 euros sans même faire le départ entre ce qui relevait de la perte de gains professionnels futurs et ce qui relevait de l'incidence professionnelle, ce en quoi elle prive sa décision de base légale au regard des articles 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et du principe de la réparation intégrale du dommage, méconnaissance ce faisant les exigences de l'article 12 du code de procédure civile.