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02/03/2017 | FRANCE | N°15-27374

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 mars 2017, 15-27374


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [R] a été engagé à compter du 12 février 1996, par la société Brit'air, aux droits de laquelle vient la société Hop !, en qualité de personnel navigant technique ; qu'il a été nommé commandant de bord CRJ 100 à compter du 5 avril 2003 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale en invoquant une erreur dans le calcul des points, erreur ayant une incidence sur son rang dans la l

iste de classement professionnel ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa dema...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [R] a été engagé à compter du 12 février 1996, par la société Brit'air, aux droits de laquelle vient la société Hop !, en qualité de personnel navigant technique ; qu'il a été nommé commandant de bord CRJ 100 à compter du 5 avril 2003 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale en invoquant une erreur dans le calcul des points, erreur ayant une incidence sur son rang dans la liste de classement professionnel ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts à titre de réparation des préjudicies subis du fait de la violation par son employeur de la disposition de l'accord d'entreprise applicable sur l'attribution de points supplémentaires, l'arrêt retient que sous le couvert d'une demande de dommages-intérêts « toutes causes confondues » destinée à compenser le retard pris dans l'évolution de sa carrière tant en ce qui concerne son passage aux fonctions de commandant de bord en 2003, qu'à l'évolution de sa carrière de commandant de bord quant au pilotage d'avion d'une plus grande capacité, il s'agit en fait de demande de rappels de salaires, or il est constant que l'on ne peut s'affranchir des règles gouvernant la prescription des salaires, sous le couvert d'une demande de dommages-intérêts sauf exception liée à la discrimination ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié demandait l'indemnisation d'une perte de chance liée à l'impossibilité de se porter candidat à certains postes du fait de l'insuffisance du nombre de points attribués, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts à titre de réparation des préjudices subis du fait de la violation par son employeur de la disposition de l'accord d'entreprise applicable sur l'attribution de points supplémentaires, l'arrêt rendu le 23 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la société Hop ! aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Hop ! à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. [R]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'AVOIR débouté M. [R] de sa demande tendant à la condamnation de la société Brit Air à lui payer la somme de 200 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de la violation par son employeur de la disposition de l'accord d'entreprise applicable sur l'attribution de points supplémentaires.

AUX MOTIFS QUE, Sur la prescription La SAS HOP BRIT AIR soulève la prescription de l'action en application des dispositions des articles L3245-1 du code du travail et 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi N°2008-561 du 17 juin 2008, les demandes de M. [K] [R] portant sur une période antérieure au 16 avril 2007. M. [K] [R] soutient que ce n'est qu'en 2010 lors de la communication de la liste de classement professionnel qu'il s'est aperçu qu'à la suite d'une mauvaise interprétation des textes alors applicable, il n'avait pas été crédité pour la période écoulée entre 1998 et sa nomination aux fonctions de commandant de bord du nombre de points auquel il avait droit, puisque qu'à l'époque pour l'octroi des 3 points par mois pour les titulaires du PL théorique, il n'était pas exigé qu'il soit également titulaire du diplôme de droit aérien ; qu'en toute hypothèse il a obtenu ce diplôme le 22 Janvier 2002. Selon ses calculs, au 31 décembre 2002, il lui manquait 222 points et cette différence subsiste jusqu'à ce jour, ce qui a une incidence sur son rang de classement et d'une part a retardé au mois de janvier 2003 (au lieu de décembre 2001 ) sa promotion en qualité de commandant de bord, avec la perte de salaire correspondant et d'autre part fait échec à son évolution professionnelle et à sa nomination sur des appareils de plus grande capacité (Fokker puis CRJ1000) avec les augmentations de salaires associés. La cour relève que les demandes de M. [K] [R] s'articulent en deux points : l'obtention de 222 points dont il est privé depuis 2002, sur la liste de classement professionnel ; des dommagesintérêts pour compenser la perte de salaires auxquels il aurait pu prétendre si sa carrière n'avait été retardée en raison de cette erreur affectant l'attribution de ses points et donc son classement sur la liste professionnelle. En ce qui concerne le premier point, il s'agit d'une action personnelle mobilière qui était soumise jusqu'à l'entrée en application de la loi du 17 juin 2008 réformant la prescription à une prescription trentenaire. Le délai de droit commun de prescription des actions personnelles ou mobilières de droit commun est aujourd'hui de cinq ans à compter de la connaissance par la victime des faits dommageables (art. 2224 C.civ.). Toutefois, il faut composer avec les règles transitoires signifiées par l'article 26 de la loi du 17juin 2008. Précisément, l'article 26-II dispose que «les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure». Ainsi, le point de départ des actions non prescrites aux termes de la loi ancienne (prescription trentenaire - ce qui est le cas en l'espèce), est l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, sans que l'application de cette règle transitoire ait pour effet d'allonger le délai de prescription antérieur. Ici, au regard de la loi ancienne, le salarié pouvait agir en application de la loi ancienne jusqu'en 2032. Il le pouvait encore, en vertu des dispositions transitoires de la loi nouvelle, jusqu'en juin 2013. Son action introduite en 2012 n'est donc pas prescrite. En ce qui concerne la deuxième demande, la cour relève que sous couvert d'une demande de dommages et intérêts « toutes causes confondues » destinée à compenser le retard pris dans l'évolution de sa carrière tant en ce qui concerne son passage aux fonctions de commandant de bord en 2003, qu'à l'évolution de sa carrière de commandant de bord quant au pilotage d'avion d'une plus grande capacité, il s'agit en fait de demande de rappels de salaires, or il est constant que l'on ne peut s'affranchir des règles gouvernant la prescription des salaires, sous couvert d'une demande de dommages-intérêts sauf exception liée à la discrimination. En l'espèce le salarié n'articule aucun des cas d'ouverture d'une demande de dommages et intérêts relative à des faits de discrimination. Dans ces conditions, le délai de prescription des salaires de cinq ans, n'ayant pas été modifié par la loi du 17 juin 2008, les demandes antérieures au 16 avril 2007 sont prescrites. (…). Sur la perte de points M. [K] [R] conteste le fait que pour la mise en oeuvre de l'annexe 7, on ne l'a pas crédité de 3 points supplémentaires par mois, au motif qu'il n'était pas titulaire du diplôme de droit aérien, alors qu'à l'époque ce diplôme n'était pas exigé, l'annexe 7, applicable à l'époque, étant rédigé ainsi qu'il suit « PL théorique 3pts/mois depuis l'obtention (épreuve théorique+épreuve spécifique de langue depuis l'entrée dans la compagnie)» . D'après les calculs du salarié (pièce 16) il aurait dû être crédité au 31 décembre 2002 de 591 points. La cour relève que compte tenu de la rédaction des textes alors applicables et ci-dessus reproduits, l'octroi des trois points supplémentaires par mois n'étant pas subordonné à la possession du diplôme de droit aérien, c'est à juste titre que le salarié se plaint d'une erreur dans le mode de calcul des points qui lui ont été attribués. La cour observe que sur la liste de classement professionnel produite aux débats par M. [K] [R] (pièce 12-1), il était au 12 décembre 2002 crédité de 375 points. Les calculs détaillés du salarié mettent en évidence qu'au 31 décembre 2001, il aurait dû être crédité de 591 points, compte tenu de la majoration de 3 points par mois à laquelle il pouvait prétendre. Dans ces conditions, il est établi qu'il existait donc à l'époque un manque de 216 points, et non de 222 points, dû à une minoration de 3 points par mois par rapport au nombre de points qui aurait dû être attribué au salarié. A compter de 2003, M. [K] [R] est devenu commandant de bord. Il ne critique pas le nombre de points octroyés chaque année à partir de cette date, mais souligne que la base de calcul de 2002 est erronée puisque il lui manque toujours 222 points ce qui a une incidence sur son rang de classement déterminé en fonction des points attribués. La cour relève que l'article II de l'annexe 7 relatif à l'utilisation de la liste stipulait dans sa rédaction initiale qu'il existait deux listes de classement professionnel qui servaient « de base aux désignations pour les actes de carrière : la liste de commandants de bord et celle des officiers pilote » et que « le passage d'une liste à l'autre s'effectue en conservant l'ensemble des points acquis dans la précédente liste. ». L'examen de l'ensemble des listes professionnelles produit aux débats par le salarié permet de constater que le rang de classement de M. [K] [R] détermine par le nombre de points obtenus est demeuré affecté par l'erreur de calcul initial, sur une base de 375 points en décembre 2002, alors qu'à cette date le salarié aurait dû être crédité de 375+216 points soit 591, La modification de la rédaction de l'annexe 7 en 2011, n'a pas d'incidence sur les demandes du salarié dans la mesure où elle n'affecte que le mode de calcul des points à compter de 2003. Dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande de M. [K] [R] tendant à être recrédité chaque année de 216 points. M. [K] [R] soutient qu'il a subi du fait de ce rang de classement erroné sur cette liste, un préjudice quant à l'évolution de sa carrière ce que conteste l'employeur. Il allègue que sa nomination comme commandant de bord a été retardé d'un an, et que sa possibilité de candidature lors des appels d'offre pour accéder à d'autres avions continue à être retardée ; ce que conteste la SAS HOP BRIT AIR. La cour rappelle que M. [K] [R] ne peut demander qu'un rappel de salaires sur la période non prescrite, qui serait lié à un retard dans l'évolution de sa carrière, à la condition qu'il établisse que celui-ci soit en lien avec cette erreur de classement. C'est à juste titre que la société HOP-BRIT AIR souligne que la liste de classement professionnelle n'a pour effet que de départager des candidats à un poste, mais ne détermine pas la nomination à un poste qui reste subordonnée à la réussite d'épreuves théoriques et pratiques, ceci résultant de la rédaction de l'article XI de l'annexe 7 intitulé « échec en formation ». La cour relève en outre, que M. [K] [R] n'apporte pas la preuve de s'être porté candidat lors d'appel d'offre et avoir vu la candidature d'un autre salarié préférée à la sienne en application de la liste professionnelle. Il met en évidence la carrière plus rapide de M. [E], embauché en même temps que lui le 12 février 1996, mais la cour relève que dès l'établissement de la liste de classement en 1998, M. [L] [E] qui était crédité de 2840 heures de vol obtenait 254 points alors que lui-même qui n'était crédité que de 2000 heures de vol n'obtenait que 147 points. Dans ces conditions, la comparaison opérée n'est pas pertinente. En conséquence, il y a lieu de le débouter de sa demande.

ALORS, D'UNE PART, QUE les juges du fond ne doivent pas dénaturer les termes du litige ; qu'après avoir demandé à être crédité des points dont il a été indûment privé depuis son engagement, M. [R] a sollicité des dommages et intérêts en réparation du préjudice passé et actuel correspondant à la perte de chance de promotion professionnelle, et non un rappel de rémunération ; que pour débouter M. [R] de sa demande de dommages et intérêts, la cour d'appel a affirmé que M. [R] avait demandé des dommages et intérêts pour compenser la perte de salaires auxquels il aurait pu prétendre si sa carrière n'avait pas été retardée en raison de l'erreur affectant l'attribution des points et que donc sa demande correspondait en fait à une demande de rappel de salaire qui devait être soumise à la prescription correspondante ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la méconnaissance par l'employeur de dispositions de la convention collective constitue une faute qui cause nécessairement un préjudice au salarié, dont celui-ci peut obtenir réparation par une demande de dommages et intérêts qui n'est pas soumise à la prescription des salaires ; que pour débouter M. [R] de sa demande de dommages et intérêts, la cour d'appel a affirmé que l'action complémentaire de M. [R] était en fait une demande de rappels de salaire, car destinée à compenser le retard pris dans l'évolution de sa carrière, et dans les affectations sur des appareils ; qu'en statuant ainsi, après avoir elle-même admis que l'employeur avait depuis 1998 violé la convention collective, en sorte que le salarié pouvait prétendre à la réparation du préjudice causé par cette violation des obligations de l'employeur, demande ainsi non prescrite, et ce indépendamment de la perte de rémunération, la cour d'appel a violé les article L.2262-12 du code du travail et 1147 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'AVOIR débouté M. [R] de sa demande tendant à la condamnation de la société Brit Air à lui payer la somme de 200 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de la violation par son employeur de la disposition de l'accord d'entreprise applicable sur l'attribution de points supplémentaires.

AUX MOTIFS énoncés au premier moyen, ALORS QUE, pour débouter M. [R] de ses demandes, la cour d'appel a affirmé que la liste de classement professionnel ne détermine pas la nomination à un poste mais n'a pour effet que de départager des candidats à un poste laquelle reste subordonnée à la réussite à des épreuves théoriques et pratiques ; qu'en statuant ainsi alors qu'était demandée la réparation d'une perte de chance, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs inopérants, et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et de l'annexe VII de la convention collective PNT Brit Air

ALORS aussi QU'en se fondant sur le fait que M. [R] n'apportait pas la preuve de s'être porté candidat lors d'appel d'offre, sans rechercher si, comme il était soutenu, le manque de points ne le privait pas de toute possibilité de candidater utilement à des appels pour être affecté sur des appareils de plus grande capacité, ou pour être promu commandant de bord, en sorte que le salarié privé de ses points ne pouvait candidater, et était privé de sa chance de progresser dans sa carrière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'annexe VII de la convention collective PNT Brit Air et de l'article 1147 du code civil

ALORS, ENCORE QUE, pour débouter M. [R] de ses demandes, la cour d'appel a aussi affirmé qu'il met en évidence la carrière plus rapide de M. [E], embauché en même temps que lui le 12 février 1996, mais que la comparaison n'est pas pertinente dès lors que M. [E] qui était crédité de 2840 heures de vol obtenait 254 points alors que M. [R] n'était crédité que de 2000 heures de vol et n'obtenait que 147 points ; qu'en statuant ainsi, sur le fondement du principe de l'égalité de traitement, alors que M. [R] demandait la réparation du préjudice lié à l'évolution de la carrière, la cour d'appel a de nouveau statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l'annexe VII de la convention collective PNT Brit Air et de l'article 1147 du code civil


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-27374
Date de la décision : 02/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 23 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 mar. 2017, pourvoi n°15-27374


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.27374
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