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02/03/2017 | FRANCE | N°15-19562

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 mars 2017, 15-19562


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [D], engagé le 16 septembre 1985 par la société Colas Rail en qualité de maçon, a occupé en dernier lieu un poste de chef d'équipe ; que le médecin du travail l'a déclaré inapte à tous les postes de l'entreprise à l'issue de deux examens des 8 et 23 juin 2011 ; qu'ayant été licencié, le 18 août 2011, pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de

statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifes...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [D], engagé le 16 septembre 1985 par la société Colas Rail en qualité de maçon, a occupé en dernier lieu un poste de chef d'équipe ; que le médecin du travail l'a déclaré inapte à tous les postes de l'entreprise à l'issue de deux examens des 8 et 23 juin 2011 ; qu'ayant été licencié, le 18 août 2011, pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 1226-14 du code du travail ;

Attendu que l'indemnité prévue par ce texte, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et que, dès lors, elle n'ouvre pas droit à congés payés ;

Attendu qu'après avoir dit que l'inaptitude était d'origine professionnelle et condamné l'employeur au paiement de l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, l'arrêt condamne l'employeur à payer au salarié une somme à titre de congés payés afférents à cette indemnité ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Colas Rail à payer à M. [D] la somme de 622,50 euros à titre de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 7 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute M. [D] de sa demande en paiement des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail ;

Condamne M. [D] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Colas Rail

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;

D'AVOIR dit que l'inaptitude est d'origine professionnelle, connue de l'employeur au moment du licenciement, que l'employeur a prononcé le licenciement en méconnaissance des articles L.1226-10 et L.1226-12 du code du travail et en conséquence l'avoir condamné à verser au salarié les sommes de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article L.1226-15 du code du travail, 11 263,21 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement, 6 225 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 622,50 euros au titre des congés payés afférents, outre la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « l'article L. 1226-10 du code du travail prévoit que : "Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail " ; que l'article L. 1226-12 suivant prévoit que: "Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions. S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III." ; qu'il est constant que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que plus précisément, la décision de reconnaissance ou de refus de prise en charge d'une maladie professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie est sans incidence sur l'appréciation par le juge prud'homal de l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude, à qui il appartient de constater si l'employeur a, antérieurement au licenciement, été averti de l'introduction par la salariée d'une demande en reconnaissance d'une maladie professionnelle ; en l'espèce que figurent au dossier les pièces suivantes : une déclaration d'accident du travail du 26 avril 2011; un arrêt de travail sur formulaire accident du travail le 27 avril 2011 prolongé jusqu'au 18 mai 2011 (soins sans arrêt de travail, reprise le 4 mai 2011) ; un courrier du 3 mai 2011 de l'employeur proposant au médecin traitant une reprise du travail de M. [D] sur un poste aménagé suite à son accident du travail et demandant qu' il reprenne le travail le 4 mai ; un certificat médical sur formulaire AT/MP du 19 mai 2011 prolongeant les soins au titre de l'accident du travail jusqu'au 18 juin 2011; une visite "périodique" le 26 mai: ''pas d'avis ce jour, à revoir le 8 juin" ; une visite "supplémentaire" le 8 juin '' 1ère visite inapte au poste à revoir dans 15 jours" ; une visite de "reprise" du travail le 23 juin 2011 "2ème visite inapte à tous postes de l'entreprise" ; une déclaration de maladie professionnelle (surdité) le 21 octobre 2011, transmise à l'employeur par la caisse le 26 octobre 2011, et comportant un certificat médical initial du 8 septembre 2011 ; un rapport de décembre 2011 sur la surdité renseigné de la main de l'employeur et mentionnant comme "date de constatation" le 27 juin 2011 ; un questionnaire sur la surdité rempli par M. [D] mentionnant un "audiogramme du juin 2011" ; un courrier du 4 septembre 2012 du docteur [V] à l'employeur indiquant que "l'inaptitude n'a pas été consécutive à l'accident du travail du 26 avril 2011 ni à la maladie professionnelle nº 42" ; une attestation du docteur [V] de mars 2013 mentionnant : "l'inaptitude totale et définitive au travail de M [D] était sous tendue au moins partiellement par l'atteinte auditive reconnue par la suite en tant que maladie professionnelle" ; qu'il résulte de cette chronologie que M. [D] a été victime d'un accident du travail fin avril 2011, qu'il a rapidement repris son travail sur un poste aménagé; que l'avis du médecin traitant sur la reprise au 4 mai sur un poste adapté ne peut s'analyser en une visite de reprise, ce qui n'est d'ailleurs pas soutenu ; que de même, il importe peu qu'une visite de reprise ne fut pas obligatoire compte tenu de la durée de l'arrêt de travail dès lors que I'employeur l'a organisée et l'a qualifiée comme telle dans la lettre de licenciement ; qu'à la suite de la visite du 8 juin, M. [D] a immédiatement cessé son travail qu'il n'a pas repris jusqu'au licenciement, prononcé le 18 août 2011; qu'aucune mention des avis d'inaptitude ne précise que celle-ci n'est pas en lien avec l'accident du travail du 26 avril 2011, intervenu moins d'un mois avant l'avis d'inaptitude définitive; que l'employeur ne produit aucune interrogation à ce sujet au médecin du travail et contemporaine du licenciement, mais uniquement l'attestation du docteur [V] versée dans le cadre de la procédure prud'homale, et contredite par celle obtenue par le salarié à la suite de sa plainte devant le conseil de l'ordre dont le procès-verbal produit en caractérise l'authenticité; que, de sorte, en toute logique, à la date des avis d'inaptitude, en l'absence de toute précision de ces derniers, l'inaptitude ne pouvait logiquement qu'être en lien avec l'activité professionnelle dans le cadre de laquelle M. [D] venait d'être victime de l'accident du travail précité; qu'en effet, le salarié a été déclaré inapte dans le cadre de la visite de reprise précisément suite à cet accident du travail, peu important qu'entre temps il ait repris son travail et que postérieurement, il ait déclaré une maladie professionnelle distincte de cet accident du travail ; qu'à la date de la déclaration de maladie professionnelle, le salarié était d'ailleurs encore dans l'entreprise (fin du contrat de travail le 28 novembre 2011, à l'issue d'un préavis de 3 mois non exécuté et non payé, selon courrier de l'employeur du 1er septembre 2011) et il appartenait alors à l'employeur de mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 1226-10 et de reprendre une procédure de licenciement conforme à celles-ci ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'au moment du licenciement, l'employeur avait ainsi connaissance de l'origine professionnelle, au moins partielle, de l'inaptitude du salarié ; qu'il s'ensuit que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent bien en l'espèce ; que la décision déférée sera donc infirmée sur ce point ; que l'article L.1226-15 du code du travail prévoit que: "Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié déclaré apte, prévues à l'article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12. En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaires. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 1226-14. Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l'article L. 1235-2 en cas d'inobservation de la procédure de licenciement." en l'espèce que l'employeur a prononcé le licenciement en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 alinéa 2 précités ; qu'il n'est pas contesté que les délégués du personnel n'ont pas été consultés ni le médecin du travail sollicité pour formuler "des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté", dans une entreprise comptant plus de cinquante salariés ; qu'en conséquence, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les conditions de recherche de reclassement de M. [D], ce dernier est bien fondé à solliciter une indemnité qui, en application de l'article L. 1226-15 précité, ne peut être inférieure à douze mois de salaire, et qu'il convient de fixer à la somme de 50 000 euros, compte tenu de l'ancienneté (26 ans) et de l'âge du salarié (61 ans) au moment du licenciement ; qu'en outre, l'article L. 1226-14 du code du travail dispose que la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l' article L. 1226-12 précité ouvre droit pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5, ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par I'article L. 1234-9 du même code; que dès lors, il convient de condamner la société Colas rail à payer à M. [D] la somme de 6 225 euros brute à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 622,50 euros brute de congés payés y afférents ; que selon les article R. 1234-1 et suivants du code du travail, l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines. ( ... ) cette indemnité ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auxquels s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté ; en l'espèce que l'indemnité spéciale de licenciement auquel le salarié pouvait prétendre était selon lui de 30 396,30 euros, soit le double de l'indemnité légale de licenciement d'un montant selon lui de 15 348,15 euros (sur la base d'un salaire mensuel brut de 2 075 euros, l'employeur l'estimant à 2 303,94 euros bruts page 26 de ses conclusions);
qu'ayant déjà perçu la somme de 19 433,09 euros, il convient de lui allouer le solde sollicité, soit la somme de 11 263, 21 euros brute ».

ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les conclusions des parties; que pour faire bénéficier le salarié des règles protectrices applicables aux victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle, la cour d'appel a affirmé que l'inaptitude du salarié avait pour origine l'accident du travail du 26 avril 2011 et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement prononcé le 18 août 2011; qu'en statuant ainsi, bien que comme l'a relevé la cour d'appel, le salarié soutenait exclusivement dans ses écritures exposées oralement à l'audience que son inaptitude résultait, non pas de l'accident du travail du 26 avril 2011, mais d'une surdité déclarée et reconnue comme maladie professionnelle postérieurement à son licenciement (page 3 de l'arrêt et page 7 des conclusions du salarié), la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.

ET ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction; qu'il ne peut fonder sa décision sur des moyens relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que, si dans les procédures sans représentation obligatoire de tels moyens sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, il peut être apporté la preuve du contraire ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de ce que l'inaptitude du salarié avait pour origine l'accident du travail du 26 avril 2011, bien qu'il ne résultait ni des conclusions du salarié, ni de l'exposé de ses prétentions que ce dernier avait soutenu ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.

ALORS, à titre subsidiaire, QUE les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelles ne trouvent à s'appliquer que si l'inaptitude du salarié a pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle et que l'employeur a connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; qu'il appartient aux juges de vérifier que ces deux conditions cumulatives sont remplies ; que pour faire bénéficier le salarié des règles protectrices applicables aux victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle, la cour d'appel a énoncé que les avis d'inaptitude des 8 juin et 23 juin 2011 ne précisaient pas que cette inaptitude n'était pas en lien avec l'accident du travail du 26 avril 2011 et qu'à la date de la déclaration de maladie professionnelle du 21 octobre 2011 pour surdité, le salarié, licencié par lettre recommandée du 18 août 2011, était encore dans l'entreprise; qu'en statuant par ces motifs qui ne sont pas de nature à caractériser le lien entre l'inaptitude et l'accident du travail du 26 avril 2011 et la connaissance par l'employeur au jour du licenciement du salarié de l'origine professionnelle de l'inaptitude consécutive à l'accident du travail du 26 avril 2011, la cour d'appel a violé les articles L.1226-10, L.1226-12, L.1226-14 et L.1226-15 du code du travail.

ALORS, enfin, à titre également subsidiaire, QU'un salarié ne peut bénéficier des règles protectrices applicables aux victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle que si l'employeur a connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude au jour du licenciement ; que la rupture d'un contrat de travail se situe à la date à laquelle l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est-à-dire au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture ; qu'en se fondant sur le terme du préavis pour dire que l'employeur avait connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude au jour du licenciement et non sur la date d'envoi de la lettre de licenciement, la cour d'appel a, à nouveau, violé les articles L.1226-10, L.1226-12, L.1226-14 et L.1226-15 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
SUBSIDIAIRE

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;

D'AVOIR condamné l'employeur à verser au salarié les sommes de 6 225 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 622,50 euros au titre des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE « l'article L. 1226-10 du code du travail prévoit que : "Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail " ; que l'article L. 1226-12 suivant prévoit que: "Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions. S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III." ; qu'il est constant que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que plus précisément, la décision de reconnaissance ou de refus de prise en charge d'une maladie professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie est sans incidence sur l'appréciation par le juge prud'homal de l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude, à qui il appartient de constater si l'employeur a, antérieurement au licenciement, été averti de l'introduction par la salariée d'une demande en reconnaissance d'une maladie professionnelle ; en l'espèce que figurent au dossier les pièces suivantes : une déclaration d'accident du travail du 26 avril 2011 ; un arrêt de travail sur formulaire accident du travail le 27 avril 2011 prolongé jusqu'au 18 mai 2011 (soins sans arrêt de travail, reprise le 4 mai 2011) ; un courrier du 3 mai 2011 de l'employeur proposant au médecin traitant une reprise du travail de M. [D] sur un poste aménagé suite à son accident du travail et demandant qu' il reprenne le travail le 4 mai ; un certificat médical sur formulaire AT/MP du 19 mai 2011 prolongeant les soins au titre de l'accident du travail jusqu'au 18 juin 2011; une visite "périodique" le 26 mai: ''pas d'avis ce jour, à revoir le 8 juin" ; une visite "supplémentaire" le 8 juin '' 1ère visite inapte au poste à revoir dans 15 jours" ; une visite de "reprise" du travail le 23 juin 2011 "2ème visite inapte à tous postes de l'entreprise" ; une déclaration de maladie professionnelle (surdité) le 21 octobre 2011, transmise à l'employeur par la caisse le 26 octobre 2011, et comportant un certificat médical initial du 8 septembre 2011 ; un rapport de décembre 2011 sur la surdité renseigné de la main de l'employeur et mentionnant comme "date de constatation" le 27 juin 2011 ; un questionnaire sur la surdité rempli par M. [D] mentionnant un "audiogramme du juin 2011" ; un courrier du 4 septembre 2012 du docteur [V] à l'employeur indiquant que "l'inaptitude n'a pas été consécutive à l'accident du travail du 26 avril 2011 ni à la maladie professionnelle nº 42" ; une attestation du docteur [V] de mars 2013 mentionnant : "l'inaptitude totale et définitive au travail de M [D] était sous tendue au moins partiellement par l'atteinte auditive reconnue par la suite en tant que maladie professionnelle" ; qu'il résulte de cette chronologie que M. [D] a été victime d'un accident du travail fin avril 2011, qu'il a rapidement repris son travail sur un poste aménagé; que l'avis du médecin traitant sur la reprise au 4 mai sur un poste adapté ne peut s'analyser en une visite de reprise, ce qui n'est d'ailleurs pas soutenu ; que de même, il importe peu qu'une visite de reprise ne fut pas obligatoire compte tenu de la durée de l'arrêt de travail dès lors que I'employeur l'a organisée et l'a qualifiée comme telle dans la lettre de licenciement ; qu'à la suite de la visite du 8 juin, M. [D] a immédiatement cessé son travail qu'il n'a pas repris jusqu'au licenciement, prononcé le 18 août 2011; qu'aucune mention des avis d'inaptitude ne précise que celle-ci n'est pas en lien avec l'accident du travail du 26 avril 2011, intervenu moins d'un mois avant l'avis d'inaptitude définitive; que l'employeur ne produit aucune interrogation à ce sujet au médecin du travail et contemporaine du licenciement, mais uniquement l'attestation du docteur [V] versée dans le cadre de la procédure prud'homale, et contredite par celle obtenue par le salarié à la suite de sa plainte devant le conseil de l'ordre dont le procès-verbal produit en caractérise l'authenticité; que, de sorte, en toute logique, à la date des avis d'inaptitude, en l'absence de toute précision de ces derniers, l'inaptitude ne pouvait logiquement qu'être en lien avec l'activité professionnelle dans le cadre de laquelle M. [D] venait d'être victime de l'accident du travail précité; qu'en effet, le salarié a été déclaré inapte dans le cadre de la visite de reprise précisément suite à cet accident du travail, peu important qu'entre temps il ait repris son travail et que postérieurement, il ait déclaré une maladie professionnelle distincte de cet accident du travail ; qu'à la date de la déclaration de maladie professionnelle, le salarié était d'ailleurs encore dans l'entreprise (fin du contrat de travail le 28 novembre 2011, à l'issue d'un préavis de 3 mois non exécuté et non payé, selon courrier de l'employeur du 1er septembre 2011) et il appartenait alors à l'employeur de mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 1226-10 et de reprendre une procédure de licenciement conforme à celles-ci ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'au moment du licenciement, l'employeur avait ainsi connaissance de l'origine professionnelle, au moins partielle, de l'inaptitude du salarié ; qu'il s'ensuit que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent bien en l'espèce ; que la décision déférée sera donc infirmée sur ce point ; que l'article L. 1226-15 du code du travail prévoit que: "Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié déclaré apte, prévues à l'article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12. En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaires. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 1226-14. Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l'article L. 1235-2 en cas d'inobservation de la procédure de licenciement." en l'espèce que l'employeur a prononcé le licenciement en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 alinéa 2 précités ; qu'il n'est pas contesté que les délégués du personnel n'ont pas été consultés ni le médecin du travail sollicité pour formuler "des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté", dans une entreprise comptant plus de cinquante salariés ; qu'en conséquence, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les conditions de recherche de reclassement de M. [D], ce dernier est bien fondé à solliciter une indemnité qui, en application de l'article L. 1226-15 précité, ne peut être inférieure à douze mois de salaire, et qu'il convient de fixer à la somme de 50 000 euros, compte tenu de l'ancienneté (26 ans) et de l'âge du salarié (61 ans) au moment du licenciement ; qu'en outre, l'article L. 1226-14 du code du travail dispose que la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l' article L. 1226-12 précité ouvre droit pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5, ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par I'article L. 1234-9 du même code; que dès lors, il convient de condamner la société Colas rail à payer à M. [D] la somme de 6 225 euros brute à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 622,50 euros brute de congés payés y afférents ; que selon les article R. 1234-1 et suivants du code du travail, l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines. ( ... ) cette indemnité ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auxquels s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté ; en l'espèce que l'indemnité spéciale de licenciement auquel le salarié pouvait prétendre était selon lui de 30 396,30 euros, soit le double de l' indemnité légale de licenciement d'un montant selon lui de 15 348,15 euros (sur la base d'un salaire mensuel brut de 2 075 euros, l'employeur l'estimant à 2 303,94 euros bruts page 26 de ses conclusions);
qu'ayant déjà perçu la somme de 19 433,09 euros, il convient de lui allouer le solde sollicité, soit la somme de 11 263, 21 euros brute ».

ALORS QUE l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et qu'elle n'ouvre pas droit à congés payés ; qu'en condamnant l'employeur à verser au salarié les sommes de 6 225 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 622,50 euros au titre des congés payés afférents, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-19562
Date de la décision : 02/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Cour d'appel d'Agen, 7 avril 2015, 14/00646

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 07 avril 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 mar. 2017, pourvoi n°15-19562


Composition du Tribunal
Président : Mme Guyot (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.19562
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