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01/03/2017 | FRANCE | N°16-12490

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 01 mars 2017, 16-12490


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, soutenant que deux articles publiés par l'Association des responsables de copropriété (l'ARC) de Paris sur le site internet de l'Union nationale des ARC, dont l'un avait été communiqué à ses adhérents par l'ARC du Languedoc-Roussillon, au moyen d'un courrier électronique, présentaient un caractère diffamatoire à leur égard, M. Y... et la société Ethigestion immobilier ont assigné, par actes des 24 et 25 mars 2014, l'ARC de Paris, l'ARC du Languedoc-Roussillo

n et M. Z..., salarié de cette dernière, devant le juge des référés, sur ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, soutenant que deux articles publiés par l'Association des responsables de copropriété (l'ARC) de Paris sur le site internet de l'Union nationale des ARC, dont l'un avait été communiqué à ses adhérents par l'ARC du Languedoc-Roussillon, au moyen d'un courrier électronique, présentaient un caractère diffamatoire à leur égard, M. Y... et la société Ethigestion immobilier ont assigné, par actes des 24 et 25 mars 2014, l'ARC de Paris, l'ARC du Languedoc-Roussillon et M. Z..., salarié de cette dernière, devant le juge des référés, sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile, aux fins d'obtenir des mesures d'interdiction, de suppression, de publication judiciaire, ainsi que le paiement de provisions ; qu'à la suite de l'échange d'offres de preuve et de contre-preuve, ils les ont cités à comparaître, par acte intitulé "A-venir d'audience" du 11 avril 2014, pour les motifs de l'assignation initiale ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt prononce la nullité de l'assignation du 11 avril 2014, y compris en ce qu'il y est fait référence à l'acte du 24 mars 2014, pour ce qui concerne l'exposé des faits et des prétentions des demandeurs ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Y... et de la société Ethigestion immobilier, qui soutenaient que l'ARC de Paris n'était pas recevable à invoquer pour la première fois en cause d'appel l'exception de nullité de l'assignation fondée sur l'inobservation des dispositions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Sur la deuxième branche du moyen :

Vu l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ensemble les articles 53, 54 et 485 du code de procédure civile ;

Attendu que les formalités édictées à peine de nullité par le premier de ces textes s'appliquent au seul acte introductif d'instance et non aux citations ultérieures, lesquelles demeurent régies par le droit commun de la procédure civile ;

Attendu que, pour prononcer l'annulation de l'assignation du 11 avril 2014, y compris en ce qu'il y est fait référence à l'acte du 24 mars 2014, pour ce qui concerne l'exposé des faits et des prétentions des demandeurs, l'arrêt retient que l'article 55 du code de procédure civile dispose que l'assignation est l'acte d'huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge et que l'acte par lequel la société Ethigestion immobilier et M. Y... ont fait assigner leurs adversaires devant le juge des référés, pour l'audience à laquelle l'affaire a été plaidée, est bien l'acte du 11 avril 2014, lequel, d'une part, ne contient pas élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie, d'autre part, n'a pas été signifié au procureur de la République ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la demande initiale en référé avait été formée par l'assignation du 24 mars 2014, à laquelle renvoyait l'assignation du 11 avril 2014, de sorte que la régularité de la saisine du juge des référés était subordonnée au respect, par le seul acte du 24 mars 2014, des formalités de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur la septième branche du moyen :

Vu l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que, selon une jurisprudence constante, la chambre criminelle de la Cour de cassation décide qu'elle a le devoir de vérifier, d'office, si la citation délivrée est conforme au premier des textes susvisés et, notamment, qu'elle mentionne le texte qui édicte la peine sanctionnant l'infraction poursuivie ; que, pour sa part, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que la seule omission, dans l'assignation, de la mention de la sanction pénale encourue, que la juridiction civile ne peut prononcer, n'était pas de nature à en affecter la validité (1re Civ., 24 septembre 2009, pourvoi n° 08-17.315, Bull. 2009, I, n° 180) ; que, toutefois, par arrêt du 15 février 2013 (pourvoi n° 11-14.637, Bull. 2013, Ass. Plén., n° 1), l'assemblée plénière de la Cour de cassation, saisie de la question de la validité d'une assignation retenant pour le même fait la double qualification d'injure et de diffamation, a affirmé que l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 devait recevoir application devant la juridiction civile ;

Attendu que l'arrêt du 15 février 2013, qui consacre l'unicité du procès de presse, a conduit à une modification par la première chambre civile de la Cour de cassation de la jurisprudence précitée, justifiée par la nécessité d'unifier les règles relatives au contenu de l'assignation en matière d'infractions de presse, que l'action soit engagée devant la juridiction civile ou devant la juridiction pénale ; qu'ainsi, par arrêt du 6 avril 2016 (pourvoi n° 15-10.552, en cours de publication), la première chambre civile a jugé qu'il résulte de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, susvisé, que l'assignation doit, à peine de nullité, préciser et qualifier le fait incriminé, et indiquer le texte de loi applicable, de sorte que l'assignation qui ne fait pas mention du texte édictant la peine applicable aux faits de diffamation allégués encourt la nullité ;

Attendu que, pour prononcer l'annulation de l'assignation du 11 avril 2014, l'arrêt retient que, même l'acte d'assignation du 24 mars précédent, auquel renvoie cette assignation, pour ce qui concerne l'exposé des faits et des prétentions des demandeurs, et qui comporte le dispositif de leurs demandes, n'est pas conforme aux dispositions de l'article 53, en ce qu'il ne comporte aucune indication relative au texte qui prévoit la répression qui, seul, permet de connaître la nature des faits qui sont reprochés, ce que ne permet pas le seul renvoi à l'article 29, qui énonce une définition générale des faits répréhensibles et vise tout à la fois la diffamation et l'injure publique ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a porté, sur la validité de l'assignation du 24 mars 2014, une appréciation qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 6 avril 2016, ne l'était pas à la date de l'action des parties ; que, si la jurisprudence nouvelle s'applique de plein droit à tout ce qui a été fait sur la base et sur la foi de la jurisprudence ancienne, la mise en oeuvre de ce principe peut affecter irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi, en se conformant à l'état du droit applicable à la date de leur action, de sorte que le juge doit procéder à une évaluation des inconvénients justifiant qu'il soit fait exception au principe de la rétroactivité de la jurisprudence et rechercher, au cas par cas, s'il existe, entre les avantages qui y sont attachés et ses inconvénients, une disproportion manifeste ;

Que l'assignation en cause, dont les énonciations étaient conformes à la jurisprudence de la première chambre civile antérieure au 6 avril 2016, a été délivrée à une date à laquelle M. Y... et la société Ethigestion immobilier ne pouvaient ni connaître ni prévoir l'obligation nouvelle de mentionner le texte édictant la peine encourue ;

Que l'annulation, par la cour d'appel, de l'assignation du 24 mars 2014, conforme à l'application immédiate, à la suite d'un revirement de jurisprudence, de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutirait à priver M. Y... et la société Ethigestion immobilier d'un procès équitable, au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en leur interdisant l'accès au juge ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne l'Association des responsables de copropriété de Paris, l'Association des responsables de copropriété du Languedoc-Roussillon et M. Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. Y... et à la société Ethigestion immobilier la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. Y... et la société Ethigestion immobilier

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la nullité de l'acte du 11 avril 2014, y compris en ce qu'il y était fait référence à l'acte du 24 mars 2014 pour l'exposé des faits et des prétentions des demandeurs, et d'avoir constaté que le premier juge n'avait pas été valablement saisi ;

Aux motifs que « faisant valoir que, les 13 et 27 février 2014, deux articles les mettant en cause avaient été publiés par l'Arc Paris sur le site de l'Unarc, le second de ces textes ayant été relayé par l'Arc Languedoc Roussillon, par courrier électronique du 27 février, auprès de ses adhérents locaux, faisant valoir que l'exercice d'un droit de réponse leur a été refusé, faisant valoir que ces articles sont diffamatoires et constituent un trouble manifestement illicite leur causant préjudice, Flavien Y... et la SARL Ethigestion immobilier ont, par actes des 24 et 25 mars 2014, fait assigner l'Arc Paris, l'Arc Languedoc Roussillon et Bruno Z... devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Montpellier aux fins de voir constater la diffusion par ces derniers de "propos diffamatoires et calomnieux" et d'obtenir :
- la condamnation de l'Arc et de Bruno Z..., sous peine d'une astreinte, à publier dans les conditions légales et réglementaires deux droits de réponse (l'un pour Flavien Y..., l'autre pour la SARL Ethigestion immobilier),
- la condamnation de l'Arc Languedoc Roussillon, sous peine d'une astreinte, à diffuser par e-mail à ses adhérents un droit de réponse pour Flavien Y... et un droit de réponse pour la SARL Ethigestion immobilier,
- la publication, sous peine d'une astreinte, de la décision à intervenir sur le site de l'Unarc ainsi que dans deux quotidiens nationaux et deux quotidiens régionaux,
- la suppression des articles litigieux,
- l'interdiction de toute nouvelle diffusion de ces articles,
- la condamnation des défendeurs au paiement d'une provision ;
que par suite de l'échange entre les parties d'offres de preuve et de contre preuve signifiées, respectivement, les 2 et 4 avril 2014, Flavien Y... et la SARL Ethigestion immobilier ont, par acte intitulé "A-venir d'audience" fait délivrer assignation à l'Arc Languedoc Roussillon, l'Arc et Bruno Z..., d'avoir à comparaître le 6 mai 2014 devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Montpellier, ledit acte comportant à la rubrique "Pour" la mention suivante "Les motifs de l'assignation qui vous a été signifiée les 24.03.2014 et 25.03.2014, et dont copie est jointe à la suite du présent acte, étant entendu que les pièces ont déjà été délivrées à ces dates" ; que l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 dispose : « La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite. Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu'au ministère public. Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite" ; que l'article 55 du code de procédure civile dispose que l'assignation est l'acte d'huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge ; que l'acte par lequel la SARL Ethigestion immobilier et Flavien Y... ont fait assigner leurs adversaires devant le juge des référés, pour l'audience à laquelle l'affaire a été plaidée, est bien celle en date du 11 avril 2014 laquelle, d'une part ne contient pas élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie, d'autre part n'a pas été signifiée à Monsieur le Procureur de la République ; que ces formalités substantielles sont prescrites à peine de nullité d'ordre public, l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 étant applicable aussi bien devant les juridictions civiles que devant les juridictions pénales ; qu'en outre, il doit être observé également que, même l'acte d'assignation du 24 mars précédent, auquel renvoie l'assignation du 11 avril pour ce qui concerne l'exposé des faits et des prétentions des demandeurs, et qui comporte le dispositif de leurs demandes, n'est pas conforme aux dispositions susvisées de l'article 53 en ce qu'il ne comporte aucune indication relative au texte qui prévoit la répression qui, seul, permet de connaître la nature des faits qui sont reprochés, ce que ne permet pas le seul renvoi à l'article 29 qui comporte une définition générale des faits répréhensibles et vise tout à la fois la diffamation et l'injure publique ; que par conséquent, faute pour la SARL Ethigestion immobilier et Flavien Y... d'avoir observé, dans leur acte introductif d'instance, les formalités prévues par l'article 53 susvisé, il convient d'en prononcer la nullité et la décision entreprise sera infirmée en ce que le premier juge a rejeté les exceptions de nullité soulevées devant lui » (arrêt attaqué, p. 15, § 2 à p. 16, dernier §) ;

1°) Alors que l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance, fondée sur l'inobservation des dispositions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, doit être soulevée in limine litis ; qu'elle ne saurait être présentée pour la première fois en cause d'appel ; qu'en prononçant la nullité de l'acte du 11 avril 2014 à l'égard des trois défendeurs à l'action, y compris l'Arc Paris, sans répondre aux conclusions par lesquelles M. Y... et la société Ethigestion faisaient valoir que l'Arc Paris ne s'était pas associée à l'exception de nullité soulevée en première instance par l'Arc LR et M. Z..., et qu'elle était par conséquent irrecevable à se prévaloir de cette exception en appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) Alors que les formalités édictées à peine de nullité par l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 concernent seulement l'acte introductif d'instance, et non les citations ultérieures qui demeurent régies par le droit commun ; qu'au cas présent, l'instance avait été introduite par les assignations des 24 et 25 mars 2014, et l'acte du 11 avril 2014 n'avait eu pour seul objet que d'inviter les défendeurs à comparaître à la nouvelle date à laquelle avait été reportée l'audience devant le juge des référés ; qu'en jugeant que les dispositions de l'article 53 de la loi de 1881 s'appliquaient à l'acte du 11 avril 2014, et en retenant l'irrégularité de la saisine du premier juge au motif que cet acte n'était pas conforme auxdites dispositions, la cour d'appel a violé ledit article 53, ensemble les articles 53, 54 et 485 du code de procédure civile ;

3°) Alors qu'aux termes de l'article 652 du code de procédure civile, lorsqu'une partie a chargé une personne de la représenter en justice, les actes qui lui sont destinés sont notifiés à son représentant sous réserve des règles particulières à la notification des jugements ; qu'il s'ensuit que l'indication, dans l'assignation, de la constitution d'un avocat domicilié dans la ville où siège le tribunal saisi vaut élection de domicile en cette ville, conformément aux exigences de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en énonçant que l'acte du 11 avril 2014 ne contenait pas l'élection de domicile imposée par l'article 53 de la loi de 1881, quand cet acte faisait mention de la constitution d'avocat en la personne de Me D..., domicilié [...] où siégeait le juge de première instance, la cour d'appel a violé ledit article 53, ensemble les articles 652 et 751, alinéa 2, du code de procédure civile ;

4°) Alors que la nullité en la forme des actes de procédure est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité ; qu'en première instance comme en appel, l'Arc LR et M. Z... ont soutenu une fin de non-recevoir tirée de l'absence de mise en cause de l'Unarc, ainsi que des défenses au fond relatives à la vérité des faits diffamatoires et à la justification du refus d'insérer un droit de réponse ; que l'Arc Paris s'est associée à ces moyens de défense en cause d'appel ; qu'à aucun moment, en revanche, les défendeurs à l'action n'ont invoqué l'inobservation de la formalité tenant à la notification de la citation au ministère public, telle que cette formalité est prescrite par l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en relevant d'office l'absence d'une telle notification, quand ce vice de forme, à le supposer même avéré, était en tout état de cause couvert par la fin de non-recevoir et les défenses au fond soutenus par les défendeurs à l'action, la cour d'appel a violé l'article 53 susdit, ensemble les articles 74 et 112 du code de procédure civile ;

5°) Alors que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'absence de notification de la citation au ministère public, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur cette exception de nullité, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation des articles 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme et 16 du code de procédure civile ;

6°) Alors que M. Y... et la société Ethigestion produisaient en cause d'appel, sous le n° 64, un acte d'huissier du 23 avril 2014 portant signification de la citation du 11 avril 2014 au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier ; qu'en affirmant que ladite citation n'avait pas été signifiée au ministère public, la cour d'appel a dénaturé par omission cette pièce n° 64, en violation de l'article 1134 du code civil ;

7°) Alors que, si la jurisprudence nouvelle s'applique de plein droit à tout ce qui a été fait sur la base et sur la foi de la jurisprudence ancienne, la mise en oeuvre de ce principe peut affecter irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi, en se conformant à l'état du droit applicable à la date de leur action, de sorte que le juge doit procéder à une évaluation des inconvénients justifiant qu'il soit fait exception au principe de la rétroactivité de la jurisprudence et rechercher, au cas par cas, s'il existe, entre les avantages qui y sont attachés et ses inconvénients, une disproportion manifeste ; qu'aux dates des actes signifiés le 24 mars, le 25 mars et le 11 avril 2014, l'absence de mention du texte édictant la peine applicable aux faits de diffamation reprochés, dans l'assignation délivrée devant le juge civil, était conforme à la jurisprudence de la première chambre civile de la Cour de cassation ; que ce n'est que par un arrêt du 6 avril 2016 que la première chambre civile a modifié sa position sur ce point ; que l'application immédiate de ce revirement de jurisprudence dans l'instance en cours aboutirait à priver M. Y... et la société Ethigestion d'un procès équitable, en leur interdisant l'accès au juge pour un motif qu'ils ne pouvaient pas connaître au moment de l'introduction de leur action ; qu'il s'ensuit qu'en reprochant à ces parties de n'avoir pas mentionné, dans les actes signifiés le 24 mars et le 11 avril 2014, le texte prévoyant la peine encourue en cas de diffamation, et d'avoir seulement fait référence à l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, la cour d'appel a violé l'article 53 de ladite loi, ensemble l'article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l'homme ;

8°) Alors subsidiairement que la sanction de l'inobservation des dispositions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 est la nullité en la forme de l'acte introductif d'instance ; que la nullité en la forme des actes de procédure ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ; qu'en prononçant la nullité de l'acte du 11 avril 2014, sans préciser en quoi les irrégularités qu'elle a retenues avaient causé grief aux défendeurs à l'action, la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard des articles 53 de la loi de 1881 et 114, alinéa 2, du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-12490
Date de la décision : 01/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PRESSE - Procédure - Action en justice - Assignation - Validité - Conditions - Indication du texte de loi applicable - Défaut - Sanction - Nullité de l'assignation en son entier

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6, § 1 - Equité - Egalité des armes - Violation - Cas - Application immédiate d'une règle jurisprudentielle nouvelle - Applications diverses - Règle de procédure imposant de faire mention, dans l'assignation, du texte édictant la peine applicable aux faits de diffamation allégués

En vertu de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l'assignation doit, à peine de nullité, préciser et qualifier le fait incriminer, et indiquer le texte de loi applicable. Encourt, par la suite, la nullité une assignation qui ne fait pas mention du texte édictant la peine applicable aux faits de diffamation allégués. Il n'y a pas lieu, cependant, d'annuler une telle assignation lorsque l'application immédiate, à la suite d'un revirement de jurisprudence, de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutirait à priver le demandeur d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en lui interdisant l'accès au juge


Références :

Sur le numéro 3 : article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de presse

articles 53, 54 et 485 du code de procédure civile

article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 26 novembre 2015

N2 SUR LA MISE EN OEUVRE DE L'ARTICLE 53 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881, À RAPPROCHER : CRIM., 9 JANVIER 1996, POURVOI N° 93-85.636, BULL. CRIM. 1996, N° 8 (1) (REJET).N3 Sur les conditions de validité de l'assignation en matière de presse devant les juridictions civiles et sur l'impossibilité d'appliquer immédiatement certains revirements de jurisprudence, à rapprocher : 1re Civ., 6 avril 2016, pourvoi n° 15-10552, Bull. 2016, I, n° 80 (cassation partielle), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 01 mar. 2017, pourvoi n°16-12490, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Delvolvé et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.12490
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