LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 6 octobre 2015), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 7 mai 2014, pourvoi n° 13-13. 694), que, par acte du 18 juillet 2003, Gabriel X... et Fernande Y..., son épouse, ont vendu à Mme Z... un bien immobilier, la réitération par acte authentique étant fixée au plus tard au 15 juin 2004 ; que, le 21 mai 2004, les vendeurs ont déposé plainte pour escroquerie et abus de faiblesse ; que Mme Z... a assigné Gabriel X... et Fernande Y... en réitération de la vente et paiement de dommages-intérêts ; qu'après le décès de ceux-ci, leurs héritiers (les consorts X...) ont repris l'instance ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de déclarer la vente parfaite et de les condamner à payer à l'acquéreur le montant de la clause pénale ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la promesse synallagmatique de vente prévoyait qu'en cas de réalisation des conditions suspensives, la signature de l'acte authentique de vente aurait lieu au plus tard le 15 juin 2004 et que, dans l'hypothèse de non-réalisation d'une ou plusieurs de ces conditions suspensives aux dates convenues, la promesse serait considérée comme nulle et non avenue et retenu, sans dénaturation, que la réalisation des conditions suspensives devait s'apprécier au 15 juin 2004 et qu'à cette date, les vendeurs avaient leur pleine capacité civile, la cour d'appel a pu en déduire que la vente était parfaite et que les vendeurs étaient tenus au paiement de la clause pénale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu que consorts X... font le même grief à l'arrêt ;
Mais attendu qu'ayant constaté que Mme Z... justifiait de la réalisation, dans le délai imparti par la promesse de vente, d'un diagnostic révélant la présence d'amiante, relevé que cette information permettait à l'acquéreur d'apprécier et d'évaluer les éventuels travaux de désamiantage, dont le coût pouvait interférer sur sa décision d'acheter au prix fixé par la promesse et souverainement retenu, procédant à la recherche prétendument omise, que la condition tenant à l'absence d'amiante avait été stipulée dans l'intérêt de l'acheteur, qui seul, pouvait décider de se prévaloir de sa défaillance, la cour d'appel, qui a déduit de ces seuls motifs que la vente était parfaite et que les vendeurs étaient tenus au paiement de la clause pénale, a légalement justifié sa décision ;
Sur les troisième et quatrième moyens, ci-après annexés :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... et les condamne à payer à Mme Z... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois février deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour les consorts X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, d'avoir déclaré que la vente conclue le 18 juillet 2003 était parfaite et d'avoir condamné les héritiers des vendeurs (les consorts X..., les exposants) à payer à l'acquéreur (Mme Z...) la somme de 37 350 € à titre de clause pénale ;
AUX MOTIFS QUE la réalisation des conditions suspensives devait s'apprécier au 15 juin 2004 ; qu'à cette date, ni Gabriel X..., ni Fernande Y..., son épouse, n'étaient placés sous mesure de protection judiciaire ; qu'ils avaient leur pleine capacité civile ; que les exposants n'étaient pas fondés à se prévaloir d'un défaut de réalisation de cette condition ;
ALORS QUE la promesse de vente du 18 juillet 2003 prévoyait clairement que la vente était soumise à la condition que les vendeurs aient pleine capacité civile au jour de la réitération par acte authentique ; que cette promesse précisait tout aussi distinctement qu'elle devait être réitérée par acte authentique : qu'elle indiquait pour cela que, en cas de réalisation des conditions suspensives prévues à la promesse, la signature de l'acte authentique devait intervenir au plus tard le 15 juin 2004 ; qu'elle spécifiait que si, en revanche, les conditions suspensives n'étaient pas toutes réalisées à la date convenue, le délai serait automatiquement prorogé jusqu'à réception des pièces administratives nécessaires à la perfection de l'acte authentique ; qu'il était enfin convenu que, en toute hypothèse, la prorogation du délai pour réitérer la promesse par acte authentique ne pourrait excéder le 31 janvier 2013 ; qu'il s'en inférait que les vendeurs devaient avoir la pleine capacité juridique au jour de la réitération de la promesse par acte authentique et non nécessairement à la date du 15 juin 2004, qui d'ailleurs n'était pas celle de la réitération ; qu'en présumant que la réalisation des conditions suspensives devait s'apprécier à la date du 15 juin 2004 et qu'à cette date, n'étant pas placés sous mesure de protection judiciaire, les vendeurs avaient la pleine capacité civile et que, par conséquent, les exposants ne pouvaient invoquer un défaut de réalisation de la condition suspensive de capacité juridique, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ladite promesse en violation de l'article 1134 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, d'avoir déclaré que la vente conclue le 18 juillet 2003 était parfaite et d'avoir condamné les héritiers des vendeurs (les consorts X..., les exposants) à payer à l'acquéreur (Mme Z...) la somme de 37 350 € à titre de clause pénale ;
AUX MOTIFS QUE Mme Z... justifiait de la réalisation d'un diagnostic amiante par la société Lamy dans le délai imparti par le compromis de vente ; que, dans son rapport daté du 27 janvier 2004, le cabinet de diagnostic immobilier avait fait état de la présence de canalisations type amiante ciment dans les WC et le garage ; que si le diagnostic avait révélé la présence d'amiante, les consorts X... n'étaient pas pour autant fondés à invoquer une défaillance de la condition suspensive ayant empêché la naissance de l'obligation ; qu'en effet, l'information relative à la présence d'amiante permettait à l'acheteur d'apprécier et d'évaluer les éventuels travaux de désamiantage, en cas de diagnostic positif, et interférait sur sa décision d'acheter aux conditions de prix du compromis, compte tenu du coût élevé que pouvaient engendrer de tels travaux ; que la condition tenant à l'absence d'amiante avait été stipulée dans l'intérêt du seul acheteur qui pouvait décider ou non de se prévaloir de la défaillance de la condition ; qu'autrement dit, la défaillance de la condition tenant à l'absence d'amiante n'avait pas empêché Mme Z... d'invoquer le bénéfice de la promesse de la vente (arrêt attaqué, p. 7, alinéas 2 à 6) ;
ALORS QUE, d'une part, la défaillance d'une condition suspensive emporte caducité de la promesse synallagmatique de vente dont peuvent se prévaloir les deux parties, sauf à justifier que la condition a été stipulée dans l'intérêt exclusif d'une seule ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir (v. leurs conclusions signifiées le 27 août 2015, pp. 15 à 19) que la condition suspensive relative à la réalisation d'un diagnostic amiante avait été aussi conclue en faveur du vendeur, la validité de la clause de non responsabilité du vendeur stipulée dans le contrat étant subordonnée à l'existence d'un tel diagnostic ; qu'en se bornant à envisager la condition tenant à l'absence d'amiante et en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si le vendeur avait intérêt à se prévaloir de la condition suspensive de réalisation d'un diagnostic amiante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1168 du code civil, ensemble l'article L. 1334-7 du code de la santé publique et l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation ;
ALORS QUE, d'autre part, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que le compromis de vente du 18 juillet 2003 prévoyait expressément que l'acquéreur ne pouvait se prévaloir de la présence d'amiante, dont il devait faire son affaire personnelle, et que, par conséquent, la condition suspensive tenant à l'absence d'amiante était prévue dans le seul intérêt du vendeur ; qu'en déclarant que la condition d'absence d'amiante était consentie dans le seul intérêt de l'acquéreur, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS QUE, enfin, la condition suspensive relative à l'absence d'amiante étant stipulée dans le seul intérêt du vendeur, celui-ci pouvait en invoquer la défaillance ; qu'après avoir constaté que la présence d'amiante était avérée, l'arrêt attaqué ne pouvait pas retenir que le vendeur ne pouvait invoquer une défaillance de la condition suspensive tenant à l'absence d'amiante ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 1134 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, d'avoir déclaré que la vente conclue le 18 juillet 2003 était parfaite et n'était pas entachée de nullité, et d'avoir condamné les héritiers des vendeurs (les consort X..., les exposants) à payer à l'acquéreur (Mme Z...) la somme de 37 350 € à titre de clause pénale ;
AUX MOTIFS QUE, à l'appui de leur demande en annulation de la promesse de vente sur le fondement de l'article 503 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, les consorts X... faisaient valoir que Fernande X... souffrait de la maladie d'Alzheimer dès 2002 ; qu'à cet effet, ils se prévalaient d'un courrier du docteur A..., en date du 5 mars 2002 qui mentionnait que celle-ci présentait « une détérioration intellectuelle débutante très suspecte d'authentique maladie d'Alzheimer » ; que, dans un rapport daté du 18 novembre 2004, le docteur B..., psychiatre commis par le juge d'instruction de Lyon ayant examiné l'intéressée ce jour-là, avait estimé que le processus évolutif de la maladie d'Alzheimer « permettait de faire suspecter que cette pathologie démentielle avait déjà débuté en 2003 » ; que ces éléments médicaux avaient conduit la chambre d'instruction de Lyon à conclure qu'il n'était pas possible de retenir que Fernande X... présentait un état de faiblesse « apparent pour les tiers » à la date de signature de la promesse ; que, postérieurement à l'arrêt de la chambre de l'instruction et au jugement déféré rendu par le tribunal de grande instance de Lyon, le docteur C... avait établi le 22 août 2011, à la demande de Mme Michèle X..., l'attestation suivante : « je soussigné déclare que Mme Fernande X... est venue consulter au cabinet le 10 juillet 2003. Elle présente une démence sénile de type Alzheimer, une insuffisance cardio-respiratoire » ; que ce document laconique et tardivement rédigé confirmait les éléments médicaux précédemment évoqués mais n'apportait aucun éclairage sur les manifestations de l'affaiblissement psychique dont souffrait Mme Fernande X..., ni sur leur intensité ; qu'il ne permettait pas d'affirmer que cet affaiblissement psychique était manifeste ; qu'au contraire, dans un courrier du 9 septembre 2004, Me D..., qui indiquait avoir été présent lors de la signature du compromis du 18 juillet 2003, expliquait qu'il « avait eu une conversation tout à fait normale avec M. et Mme X... » et que ceux-ci « avaient parfaitement compris qu'ils vendaient » ; que, sauf à admettre que cet officier ministériel était dépourvu de toute probité et avait violé délibérément les règles déontologiques de sa profession, le caractère notoire allégué de l'altération des facultés intellectuelles était contredit par ce témoignage ; que les éléments du dossier ne permettant pas de retenir que l'état de faiblesse de Fernande X... était flagrant et en tout cas connu de Mme Z... à la date du 18 juillet 2003, le compromis ne pouvait pas être annulé sur le fondement de l'article 503 du code civil ;
ALORS QUE, pour qu'un acte fait par une personne placée ultérieurement sous régime de tutelle puisse être annulé, il faut que la cause ayant déterminé l'ouverture de la tutelle ait été notoire à l'époque où l'acte a été passé ; qu'à cette notoriété est assimilée la connaissance personnelle que le bénéficiaire de l'acte litigieux avait, à l'époque de l'acte, de la situation de l'intéressé ; qu'il résultait des faits aux débats, ainsi que les exposants le faisaient valoir (v. leurs conclusions signifiées le 27 août 2015, pp. 30 à 33), que l'acquéreur avait été informé au moment de l'acte de vente des problèmes de santé mentale de la venderesse ; qu'en décidant cependant que l'état de faiblesse de Fernande X... n'était pas flagrant et, en tout cas, pas connu de l'acquéreur à la date du compromis de vente, la cour d'appel a violé l'article 503 du code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, d'avoir déclaré que la vente conclue le 18 juillet 2003 était parfaite et n'était pas entachée de nullité, et d'avoir condamné les héritiers des vendeurs (Mme Michèle et MM Philippe et Hervé X..., les exposants, ainsi que Mme Joëlle X...) à payer à l'acquéreur (Mme Z...) la somme de 37 350 € à titre de clause pénale ;
AUX MOTIFS QUE, en l'état des avis des docteurs A... et B... déjà évoqués, il pouvait être tenu pour acquis que Mme Fernande X... souffrait de la maladie d'Alzheimer à l'époque de la signature du compromis ; que les patients n'étaient pas affectés au même rythme par cette maladie qui dégradait en premier lieu les capacités de mémorisation ; que si le docteur B... avait pu constater lors de l'examen clinique réalisé le 18 novembre 2004 que « les capacités de compréhension » de Mme Fernande X... étaient « diminuées », il n'était pas possible d'inférer de ce constat que son consentement était altéré seize mois auparavant et qu'elle n'avait plus, dès cette époque conscience de la portée de sa signature, et ce d'autant moins que les époux X... avaient, dès avril 2001, fait part de leur intention de vendre, ainsi que l'avait rappelé la chambre d'instruction, et que le témoignage précis du notaire infirmait la thèse soutenue par les consorts X... ; que ces éléments conduisaient la cour à conclure que les exposants ne démontraient pas que le consentement de leur mère était entravé lorsqu'elle avait signé le compromis litigieux ; que, dans le cadre de l'information pour escroquerie et abus de faiblesse, M. Gabriel X... avait été examiné le 18 novembre 2004 par le docteur B... déjà cité ; que l'expert judiciaire avait observé que ses « fonctions mnésiques restaient relativement bien conservées », qu'« il n'était pas mis en évidence de trouble en rapport avec une pathologie démentielle involutive », que s'il existait « quelques déficits portant sur les capacités d'attention ou sur les épreuves symboliques telle que le calcul mental », M. Gabriel X... « ne présentait pas d'altération de ses fonctions intellectuelles supérieures » ; que ces constatations permettaient à l'expert de conclure : « on ne peut (…) considérer que l'intéressé présentait une altération de ses facultés mentales ni que de tels troubles pouvaient exister en 2002 et 2003 » ; que les consorts X... contestaient les conclusions de cet expert en s'appuyant sur les conclusions d'un second expert commis par le juge d'instruction, le docteur F..., que cet expert, après examen d'un certificat médical du docteur G... du 2 juillet 2004, et d'une grille dite AGGIR, remplie le 7 janvier 2002, par le docteur H..., auxquels se référaient également les consorts X..., avait notamment conclu à l'existence d'un « état de faiblesse physique et psychique du fait de son âge et sans doute de problèmes physiques et psychiques » en 2002 et 2003 ; qu'à la différence du docteur B..., ce second expert n'avait procédé qu'à un examen sur pièces et n'avait donc jamais rencontré M. Jean X... ; qu'un tel avis n'était pas de nature à remettre en cause les observations cliniques faites par le docteur B..., lors d'un entretien avec M. Jean X... ; que, dans ces conditions, il convenait de retenir que la preuve de l'insanité d'esprit de l'intéressé au moment de l'acte n'était pas rapportée ; qu'en conclusion, il n'existait aucun motif d'annuler la vente (arrêt attaqué, p. 8, alinéas 7 et 8, p. 9 et, p. 10, alinéa 1er) ;
ALORS QUE, d'une part, un acte est nul pour insanité d'esprit lorsque son signataire se trouve dans un état habituel de maladie mentale à l'époque où il a été rédigé, sauf à établir l'existence d'un intervalle de lucidité au moment de sa confection ; qu'après avoir constaté qu'il était démontré que, lors de la signature de la promesse de vente le 18 juillet 2003, Fernande X... souffrait de la maladie d'Alzheimer, l'arrêt attaqué ne pouvait distinguer les stades de la maladie et retenir qu'il n'était pas démontré que le consentement de la venderesse était altéré au moment de la signature de la promesse ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé l'ancien article 489 du code civil ;
ALORS QUE, d'autre part, le juge doit se prononcer sur tous les documents régulièrement versés aux débats ; qu'en l'espèce, à l'appui de leurs prétentions visant à démontrer l'insanité d'esprit de Gabriel X..., les exposants soutenaient (v. leurs conclusions signifiées le 27 août 2015, p. 56, § 78) qu'il résultait du certificat établi le 7 janvier 2002 par le docteur H... après examen du patient et utilisation d'une grille Aggir permettant d'évaluer le degré d'autonomie ou de dépendance physique et psychologique, que le vendeur n'était plus à même de s'occuper de son hygiène corporelle, de se déplacer à l'extérieur de son appartement, de gérer ses propres affaires, son budget et ses biens, et que par conséquent il n'était plus à même d'accomplir des actes juridiques au moment de la conclusion de la promesse de vente le 18 juillet 2003 ; qu'en ne tirant aucune conséquence de cet élément de preuve, pourtant soumis à son analyse, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil.