LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :
Vu l'article 843 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Jacqueline X... est décédée le 6 mai 2010, laissant pour lui succéder ses deux enfants, Monique Y..., épouse Z..., et Alain A... ; que des difficultés sont survenues au cours des opérations de liquidation et de partage de sa succession ;
Attendu que, pour dire que M. A... doit rapporter à la succession le montant des loyers dont il a fait l'économie en occupant gratuitement, du 1er juin 1982 au 26 juillet 2006, la maison d'habitation située à Pontault-Combault dépendant de la succession, l'arrêt retient que les dépenses qu'il y a exposées, notamment pour l'aménagement des combles, la pose de double vitrage et l'installation d'un système d'alarme, ne peuvent suffire à constituer une contrepartie à la dispense d'acquitter un loyer dont il a bénéficié ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater l'intention libérale de la défunte, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. A... devra rapporter à la succession le montant des loyers dont il a fait l'économie en occupant gratuitement la maison d'habitation située ... du 1er juin 1982 au 26 juillet 2006, l'arrêt rendu le 18 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux février deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. A...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que monsieur Alain A... devra rapporter à la succession de madame Jacqueline X... le montant des loyers dont il a fait l'économie en occupant gratuitement la maison d'habitation située ... du 1er juin 1982 au 26 juillet 2006 ;
AUX MOTIFS QU'à madame Z... qui fait valoir que son frère a occupé, de 1982 à 2007, la maison située ..., dont leur mère avait l'usufruit, sans acquitter le moindre loyer, ce qui constitue une donation indirecte qui, doit être rapportée à la succession, monsieur A... réplique que selon l'article 815-10, alinéa 3, du code civil, aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l'être ; que cependant, ainsi que le soutient l'intimée, ce texte est relatif à la situation de l'indivisaire qui occupe un bien appartenant à l'indivision post successorale ou communautaire, et ne trouve à s'appliquer que lorsqu'une demande d'indemnité d'occupation est formée à son encontre ; Or, qu'en l'espèce, monsieur A... a occupé la maison dont sa mère était usufruitière, avant le décès de celle-ci et la situation d'indivision successorale qui en est résultée, de sorte que la demande formée à son encontre s'analyse, non comme une demande en paiement d'une indemnité d'occupation, mais comme une demande tendant au rapport à succession d'un avantage indirect; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté le moyen tiré de la prescription prévue à l'article 815-10 alinéa 3 du code civil ; que monsieur A... s'oppose à la demande au motif que seule une libéralité qui suppose une appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession, et que sa mère ne s'est pas appauvrie dans la mesure où, en contrepartie de la jouissance de l'immeuble dont elle était usufruitière, il a effectué de nombreux travaux d'entretien et d'amélioration, et acquitté tous les frais y afférents de 1983 jusqu'à la vente de cet immeuble, en 2007 ; qu'il résulte de la police d'assurance multirisques habitation souscrite, à compter du 30 juin 1982, par Mme Jacqueline A..., pour assurer la maison d'habitation située ..., que le risque se composait d'un bâtiment principal de cinq pièces, ainsi que d'un bâtiment annexe de trois pièces, et que l'assuré agissait tant en son nom personnel que pour le compte de son fils, occupant des locaux ; que celui-ci produit, en ce qui concerne cet immeuble, les justificatifs de la taxe d'habitation établis à son nom à compter de l'année 1984, ainsi que ceux de la taxe foncière établis au nom de Mme Jacqueline A... seule, puis, à partir de 1995, au nom de celle-ci et de son fils, Alain A... ; que cependant, en l'absence d'extraits de compte bancaire, ces éléments ne suffisent pas à établir que ce dernier aurait acquitté l'intégralité de ces impôts locaux ; que monsieur A... produit aussi, outre des devis, des factures établies à son nom, alors qu'il était domicilié ..., factures dont le total s'élève à la somme de 29 179,92 francs, et qui correspondent à divers travaux tels que l'aménagement des combles, la pose de double vitrage, l'installation d'un système d'alarme ; que toutefois, alors que ces dépenses, notamment celles consistant en la mise en place de menuiseries à double vitrage, étaient susceptibles, en vertu des articles 605 et 606 du code civil, d'incomber au nu-propriétaire, elles ne peuvent suffire à constituer une contrepartie à la dispense d'acquitter un loyer dont monsieur A... a bénéficié durant la période comprise entre l'année 1984 et l'année 2007; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit qu'il devait rapporter à la succession de sa mère une somme correspondant au montant des loyers qui auraient pu être réclamés par celle-ci durant cette période qui devra néanmoins être considérée comme ayant commencé, non pas au mois de décembre 2003, mais au mois de juin 2002, et ayant pris fin, non pas en 2007, mais le 26 juillet 2006, date de la vente de la maison d'habitation située à Pontault-Combault ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE, sur l'occupation de la maison située ..., l'occupation gratuite d'un logement par un héritier présomptif constitue un avantage indirect sujet à rapport ; que ce rapport n'est pas soumis à la prescription de l'article 815-10 du code civil qui n'est relatif qu'aux revenus des biens indivis et ne trouve pas à s'appliquer en matière de rapport des libéralités ; qu'à défaut d'élément précis rapporté par les parties sur l'entrée dans les lieux, madame Monique Z... indiquant 1983 et monsieur Alain A... 1984, il y a lieu de retenir que monsieur Alain A... devra rapporter le montant des loyers évalués pour la période de décembre 1984 à juin 2007 ; qu'au surplus, celui-ci ne produisant aucun élément sur l'occupation d'une simple « dépendance » qui n'apparaît pas dans l'acte de juillet 2006, la valeur locative du pavillon dans son ensemble devra être retenue ; qu'au surplus, le fait que des travaux aient été réalisés par le défendeur ne justifie pas de dispense de rapport dès lors que ce dernier est relatif à l'occupation de l'immeuble et non à la valeur de celui-ci ; qu'enfin, sur le montant des loyers, la demanderesse ne demandant pas à ce stade des opérations que la valeur locative de l'immeuble soit fixée par la présente juridiction, il conviendra qu'elle soit évaluée par le notaire avec l'accord des parties et que la juridiction soit saisie en application de l'article 1373 du code de procédure civile en cas de désaccord ;
ALORS QUE, D'UNE PART, en l'absence d'intention libérale établie, un avantage indirect ne constitue pas une libéralité et, partant, n'est pas soumis au rapport à la succession ; qu'en l'espèce, pour décider que monsieur A... devait rapporter à la succession de sa mère le montant des loyers dont il a fait l'économie en occupant gratuitement la maison d'habitation située 22/24 venue du Général de Gaulle à Pontault-Combault du 1er juin 1982 au 26 juillet 2006, la cour s'est bornée à énoncer que les dépenses exposées par monsieur A... pour l'entretien et la conservation du bien ne pouvaient suffire à constituer une contrepartie à la dispenser d'acquitter un loyer ; qu'en statuant de la sorte, sans constater l'intention libérale de madame Jacqueline A... à l'égard de son fils, la cour d'appel a violé l'article 843 du code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, une libéralité n'est rapportable à la succession qu'à hauteur de l'appauvrissement du disposant ; qu'en l'espèce, la cour a dit que monsieur Alain A... devait rapporter à la succession de sa mère le montant des loyers dont il a fait l'économie en occupant gratuitement la maison d'habitation située ... ; qu'en tenant compte, pour reconstituer la masse successorale à partager, de l'économie de loyers réalisée par l'héritier et non de l'appauvrissement du défunt, la cour d'appel a violé l'article 843 du code civil.