Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Philippe X..., - Mme Evelyne Y..., épouse X..., - La société Pharmacie X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 31 mars 2015, qui a condamné solidairement, les deux premiers, pour omission de tenir une comptabilité matière et infractions à la législation sur les contributions indirectes, la troisième, pour infractions à la législation sur les contributions indirectes, à des pénalités fiscales ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 janvier 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Pichon, conseiller rapporteur, MM. Soulard, Steinmann, Mmes de la Lance, Chaubon, M. Germain, Mmes Planchon, Zerbib, M. d'Huy, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Gaillardot ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire PICHON, les observations de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocat en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général GAILLARDOT ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire personnel commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la pharmacie X... a fait l'objet d'un contrôle par les agents des douanes portant sur l'application de la réglementation relative à la vente d'alcool en suspension de droits d'accises, prévue notamment à l'article 302 D bis II g du code général des impôts, qui correspond à la transposition de la directive 92/ 83/ CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur l'alcool et les boissons alcooliques ; que l'administration des douanes a notamment relevé, aux termes de procès-verbaux d'infractions des 8 septembre 2010 et 2 février 2011, qu'il n'est justifié que partiellement de l'usage à des fins pharmaceutiques et médicales de l'alcool acquis, seules de nature à justifier l'exonération de droits ; que M. X..., Mme Y..., épouse X..., et la société Pharmacie X... ont été cités par l'administration des douanes devant le tribunal correctionnel pour avoir, au cours des années 2007, 2008, 2009, 2010, contrevenu à la législation fiscale applicable à la détention et à l'utilisation d'alcool éthylique à des fins pharmaceutiques dans une pharmacie, par défaut de tenue de comptabilité matières et défaut de justification, par tout moyen ou document, de l'utilisation des alcools à des fins médicales ou pharmaceutiques dans la pharmacie, ainsi que, s'agissant des deux premiers, pour ne pas avoir tenu une comptabilité matière ; que le tribunal les a relaxés du chef de la première infraction et a déclaré les époux X... coupables du chef de la seconde par un jugement dont l'administration des douanes a interjeté appel ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 551 du code de procédure pénale ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité des citations tirée de leur imprécision, l'arrêt énonce, après en avoir rappelé les mentions, qu'à celles-ci sont annexés les procès-verbaux de notification d'infractions établis par les agents des douanes qui décrivent avec minutie les faits reprochés, que les prévenus ont été parfaitement informés des infractions reprochées, des textes de loi les réprimant, des sanctions encourues et des faits précis au titre desquels ils sont poursuivis, et qu'il est ainsi répondu aux prescriptions de l'article 551 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les prévenus ont été mis en mesure de préparer leur défense, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 178 du livre des procédures fiscales, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation des prévenus qui soutenaient qu'en application de l'article L. 178 du livre des procédures fiscales, les procès-verbaux dressés par l'administration des douanes ne pouvaient constater que des infractions commises dans le délai de reprise et qu'en conséquence, l'entière procédure était prescrite, l'arrêt retient que lorsque l'administration opte pour la voie pénale, la prescription applicable est celle triennale prévue par l'article 8 du code de procédure pénale, et non celle de l'article susvisé qui concerne exclusivement le droit de reprise de l'administration fiscale ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le huitième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 48 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que ce moyen, pris d'une éventuelle nullité de la procédure de contrôle et de redressement conduite par l'administration des douanes, nouveau et mélangé de fait, est irrecevable ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 27 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012, 302 D bis du code général des impôts dans sa rédaction issue de cette loi, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
Et sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 112-1 du code pénal, 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
Et sur le septième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 112-1 du code pénal ;
Attendu qu'il doit être fait application au prévenu de la loi la plus favorable lorsque, postérieurement à une infraction commise sous l'empire d'une première loi, est entrée en vigueur une deuxième loi d'incrimination moins sévère qui est ensuite remplacée par une troisième disposition plus sévère ;
Attendu que, pour infirmer le jugement, écarter l'argumentation des prévenus fondée sur les principes de légalité des délits, d'application immédiate de la loi plus douce et de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, et retenir la culpabilité des trois prévenus du chef d'infractions aux contributions indirectes, l'arrêt énonce notamment que l'article 27 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012, qui a modifié l'article 302 D bis II g du code général des impôts en prévoyant rétroactivement depuis 2002 une exonération de l'alcool vendu en pharmacie à hauteur d'un contingent fixé par un décret à venir, a été abrogé par l'article 56 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 ; que les juges en déduisent que les moyens soulevés à ce titre sont inopérants ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'article 27 de la loi du 14 mars 2012 prévoit que sont exonérés de droits, non plus seulement les alcools utilisés à des fins médicales ou pharmaceutiques dans les pharmacies, mais aussi l'alcool pur acquis par les pharmaciens, dans la limite d'un contingent annuel fixé par l'administration, peu important qu'il soit abrogé par un texte postérieur rétablissant l'incrimination initiale, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure de s'assurer que par application de l'article 27 de la loi du 14 mars 2012, aucun droit n'était dû ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 31 mars 2015, en ses dispositions relatives à la condamnation pour infraction aux contributions indirectes, seules les dispositions relatives à l'omission de tenir une comptabilité matière étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux février deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.