LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X... a acheté un billet d'avion auprès de la société Air France pour un vol Lyon-Bologne via Paris ; que ce vol ayant subi à l'arrivée un retard de plus de quatre heures, il a, le 20 février 2014, saisi la juridiction de proximité de Vienne, lieu de son domicile lors de l'achat du billet, d'une demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 7 du règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91 ; que la société Air France a soulevé l'incompétence territoriale de la juridiction saisie au profit de celle de Villeurbanne, dans le ressort de laquelle se situait le lieu de départ de l'avion ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société Air France fait grief à l'arrêt de déclarer compétente la juridiction de proximité du domicile du passager, alors, selon le moyen, que l'article 2 du règlement (CE) n° 44/2001, qui donne compétence en matière civile et commerciale aux juridictions de l'Etat membre du domicile du défendeur, renvoie, pour la détermination de la juridiction territorialement compétente, aux règles de compétence interne de l'Etat membre considéré ; qu'en décidant pourtant que la juridiction française territorialement compétente pour connaître de l'action en indemnisation pour retard de vol formée par un passager contre un transporteur aérien ne pouvait être déterminée par application des dispositions pertinentes du code des transports et du code de l'aviation civile, aux motifs inopérants que ces textes renvoient à la convention de Montréal qui n'a pas vocation à s'appliquer à une demande fondée sur le règlement (CE) n° 261/2004, la cour d'appel a violé l'article 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I), ensemble les articles R. 322-2 et R. 321-1 du code de l'aviation civile ;
Mais attendu qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêts du 9 juillet 2009, Rehder, C-204/08, du 19 novembre 2009, Sturgeon, C-402/07 et C-432/07 et du 23 octobre 2012, Nelson, C-581/10 et C-629/10) que le règlement (CE) n° 261/2004 instaure un régime de réparation standardisée et immédiate des préjudices que constituent les désagréments dus aux retards, lequel s'inscrit en amont de la Convention de Montréal et, partant, est autonome par rapport au régime issu de celle-ci ; qu'il s'en déduit que la cour d'appel a décidé, à bon droit, que les dispositions du code des transports et du code de l'aviation civile, qui renvoient à la Convention de Montréal, n'ont pas vocation à s'appliquer à une demande fondée sur ce règlement ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur la deuxième branche du moyen :
Vu les articles 2, 15, paragraphe 3, et 16, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, et sous réserve d'autres dispositions du règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre ;
Qu'en application du troisième, l'action intentée par un consommateur contre l'autre partie au contrat peut être portée devant le tribunal du lieu où le consommateur est domicilié ;
Que, cependant, en vertu du deuxième, les règles de compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs ne s'appliquent pas aux contrats de transport autres que ceux qui, pour un prix forfaitaire, combinent voyage et hébergement ;
Attendu que, pour déclarer compétente la juridiction de proximité du domicile du passager, l'arrêt retient que les deux parties étant domiciliées en France, les règles de compétence françaises sont applicables, notamment l'article L. 141-5, devenu R. 631-3 du code de la consommation ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que le passager avait conclu un contrat de transport sans hébergement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'en conséquence, et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne, en particulier des articles 2 et 15, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 44/2001, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux février deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Air France
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable et bien fondé le contredit formé par Virgile X..., d'AVOIR déclaré la juridiction de proximité de Vienne compétente pour trancher le litige opposant Virgile X... à la société Air France et d'AVOIR renvoyé la cause et les parties devant cette juridiction et ordonné la transmission de l'entier dossier ;
AUX MOTIFS QUE M. X... a fondé son action à l'encontre de la société Air France sur le règlement CE 261/2004 établissant les règles d'indemnisation et d'assistance des passagers notamment en cas d'annulation ou de retard important d'un vol. L'article 7 de ce règlement prévoit une indemnisation forfaitaire ; il s'agit d'une mesure réparatrice standardisée, distincte de l'action fondée sur l'article 29 de la convention de Montréal visant à obtenir des dommages et intérêts à titre de réparation individualisée. Les mesures de réparation standardisées et immédiates des préjudices liés aux annulations et retards de vols édictées par le règlement 261/2004 se situent hors du champ d'application de la convention de Montréal, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se référer aux règles de compétence prévues à son article 33. Le règlement 261/2004 ne prévoyant pas de règles de compétence déterminant la juridiction territorialement compétente pour connaître des litiges relatifs à son application, il convient de se référer au règlement 44/2001 relatif à la compétence judiciaire, à la reconnaissance et à l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. La société Air France ne conteste pas que les dispositions de la Convention de Montréal ne sont pas applicables du fait du fondement de la demande de M. X... sur le règlement 261/2004. La compagnie aérienne ne conteste pas davantage l'application du règlement 44/2001 au titre de la détermination des règles de compétence. Toutefois elle s'oppose à M. X... en revendiquant l'application de l'article 5.1 de ce dernier règlement tel que retenu par la juridiction européenne dans son arrêt Rehder du 9 juillet 2009. Ledit article 5.1 situé dans la section 2 intitulée compétences spéciales dispose que : « une personne domiciliée sur le territoire d'un état membre peut être attraite, dans un autre état membre : a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ». En revanche, M. X... sollicite l'application des dispositions de compétence générale des articles 2 et 4 qui renvoient aux règles de compétence du droit national. L'article 2 dispose que les parties domiciliées sur le territoire d'un Etat membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet état membre. En l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des règles de compétences spéciales alors que les deux parties sont domiciliées dans le même Etat membre contrairement aux parties s'opposant dans l'arrêt rendu par la CJUE le 9 juillet 2009 qui étaient domiciliées dans deux Etats membres distincts. Subsidiairement, la société Air France entend se prévaloir des dispositions du code des transports et du code l'aviation civile. Les articles L. 6421-3 et suivants du code des transports, reprenant les dispositions du code de l'aviation civile qui renvoient à la Convention de Montréal laquelle n'a pas vocation à s'appliquer pour une demande fondée sur le règlement CE 261/2004 ne peuvent pas davantage être retenus. Les deux parties étant domiciliées en France, les règles de compétence françaises sont applicables, notamment l'article L. 141-5 du code de la consommation laissant au choix du consommateur la saisine de la juridiction du lieu où il demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la survenance du fait dommageable. Au regard du domicile, au moment de la conclusion du contrat, de M. X... dont la qualité de consommateur n'est pas contestée, la juridiction de proximité de Vienne est compétente. Le jugement déféré sera donc infirmé, la procédure et les parties étant renvoyées devant la juridiction de proximité de Vienne ;
1) ALORS QUE l'article 2 du règlement (CE) n° 44/2001 qui donne compétence en matière civile et commerciale aux juridictions de l'Etat membre du domicile du défendeur renvoie, pour la détermination de la juridiction territorialement compétente, aux règles de compétence interne de l'Etat membre considéré ; qu'en décidant pourtant que la juridiction française territorialement compétente pour connaître de l'action en indemnisation pour retard de vol formée par un passager contre un transporteur aérien, ne pouvait être déterminée par application des dispositions pertinentes du code des transports et du code de l'aviation civile, aux motifs inopérants que ces textes renvoient à la convention de Montréal qui n'a pas vocation à s'appliquer à une demande fondée sur le règlement CE 261/2004, la cour d'appel a violé l'article 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I), ensemble les articles R. 322-2 et R. 321-1 du code de l'aviation civile ;
2) ALORS QUE si l'article 2 du règlement (CE) n° 44/2001 qui donne compétence en matière civile et commerciale aux juridictions de l'Etat membre du domicile du défendeur renvoie, pour la détermination de la juridiction territorialement compétente, aux règles de compétence interne de l'Etat membre considéré, seules les règles de compétence interne compatibles avec l'effet utile du règlement (CE) n° 44/2001 peuvent être effectivement mises en oeuvre ; que n'est pas compatible avec l'effet utile du règlement, en matière de transport aérien de passagers, l'article L. 145-1 du code de la consommation qui confère au consommateur une option de compétence en faveur des juridictions de son domicile, dès lors que l'article 15-3 du règlement (CE) n° 44/2001 exclut expressément que la règle posée par l'article 16 du règlement, autorisant le consommateur à opter pour la compétence des juridictions de son propre domicile, puisse être appliquée aux contrats de transport « secs » ; qu'en décidant néanmoins que la juridiction de proximité du domicile des passagers était compétente pour connaître de l'action en indemnisation formée par ceux-ci contre le transporteur aérien en application de l'article L. 145-1 du code de la consommation, les juges d'appel ont violé les articles 2, 15 et 16 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I) ;
3) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'article L. 145-1 du code de la consommation institue en faveur du consommateur une règle de compétence complémentaire et alternative aux règles de compétences posées par le code de procédure civile ; que la compétence territoriale des juridictions françaises pour connaître des actions en responsabilité formées par les passagers contre les transporteurs aériens est définie par l'article R. 322-2 du code de l'aviation civile qui pose une règle de compétence dérogatoire aux règles de droit commun définies par le code de procédure civile ; que l'inapplicabilité à l'action du passager aérien des règles du code de procédure civile emporte celle de l'article L. 145-1 du code de la consommation, en sorte qu'en décidant que la juridiction de proximité du domicile des passagers était compétente pour connaître de l'action en indemnisation formée par ceux-ci contre le transporteur aérien en application de l'article L. 145-1 du code de la consommation, la cour d'appel a violé les articles R. 322-2 et R. 321-1 du code de l'aviation civile.