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02/02/2017 | FRANCE | N°16-11738

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 02 février 2017, 16-11738


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 13 novembre 2015), que M. et Mme X...ont confié le lot charpente et menuiserie des travaux de transformation d'une grange à la société Menuiserie Bertrand assurée en responsabilité décennale par la société Allianz ; que, les travaux ayant fait l'objet de réserves à la réception et de réclamations postérieures, ils ont obtenu la désignation d'

un premier expert, M. Z..., puis d'un second, pour les désordres acoustiques, M. A......

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 13 novembre 2015), que M. et Mme X...ont confié le lot charpente et menuiserie des travaux de transformation d'une grange à la société Menuiserie Bertrand assurée en responsabilité décennale par la société Allianz ; que, les travaux ayant fait l'objet de réserves à la réception et de réclamations postérieures, ils ont obtenu la désignation d'un premier expert, M. Z..., puis d'un second, pour les désordres acoustiques, M. A..., sans que la société Allianz n'ait été appelée à participer aux mesures d'instruction ; que les maîtres d'ouvrage ont assigné la société Menuiserie Bertrand, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, et la société Allianz en indemnisation ;

Attendu que, pour rejeter la demande de M. et Mme X... pour les désordres acoustiques, l'arrêt retient que, si le juge peut fonder sa décision sur un rapport d'expertise non contradictoire, soumis à la discussion des parties, c'est à la condition que le rapport soit corroboré par d'autres pièces ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'assureur, qui a eu la possibilité de discuter les conclusions d'une expertise opposable à son assuré, ne peut, sauf s'il y a eu fraude à son encontre, soutenir qu'elle lui est inopposable, la cour d'appel, qui pouvait se déterminer en considération de ce seul rapport d'expertise judiciaire, a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa première branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. et Mme X... contre la société Allianz pour les désordres acoustiques, l'arrêt rendu le 13 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Allianz IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Allianz IARD et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. et Mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris qui a dit que la Société Allianz n'est pas tenue à garantir la Société Menuiserie Bertrand ;

AUX MOTIFS QUE : « Sur les désordres affectant les menuiseries, objets de la première expertise : M et Mme X... demandent en appel de distinguer entre les désordres ayant fait l'objet de réserves qui relèvent de la responsabilité contractuelle et les désordres apparus après réception, relevant de l'article 1792 du code civil. Néanmoins, ils n'établissent pas un chiffrage distinct pour les deux catégories de désordres et demandent la garantie de la SA Allianz pour la totalité des travaux de reprise. Les malfaçons imputables à la société Menuiseries Bertrand sont relatifs aux menuiseries extérieures pour 15. 039, 85 HT, aux menuiseries intérieures, à la charpente et au plancher en bois et à l'isolation thermique pour 34. 0835, 81 € HT. La responsabilité de la société Menuiserie Bertrand n'est pas discutée en appel et résulte du rapport d'expertise. Les travaux de reprise s'élèvent au total à 49. 123, 66 € HT ou 58. 751, 89 € TTC. L'erreur commise dans le jugement, qui a additionné un montant HT et un montant TTC ne peut être réparée en appel afin de ne pas statuer ultra petita. Le montant de 1. 054 € retranché par le tribunal concerne un velux. L'expertise précise que ce chiffrage est relatif à une isolation thermique (et non acoustique). Faute de plus amples contestations de la part du mandataire liquidateur de la société Menuiserie Bertrand, défaillant, il y n'y a pas lieu de diminuer la fixation de créance du montant de 1. 054 €, ce en quoi le jugement sera infirmé. Sur la garantie de la SA Allianz au titre de ces désordres : Il ne peut qu'être constaté que l'expertise ne distingue pas les désordres qui ont fait l'objet de réserves et les désordres apparus après réception, seuls susceptibles d'être garantis par la SA Allianz, assureur décennal de la société Menuiserie Bertrand. L'expert n'a pas qualifié les désordres et n'a à aucun moment précisé s'ils rendaient l'ouvrage impropre à sa destination. Il a par ailleurs chiffré les travaux de reprise sans permettre la détermination de ceux relatifs aux réserves non levées. M et Mme X... sont donc dans l'incapacité de formuler une demande précise à l'encontre de la SA Allianz concernant les seuls désordres de nature décennale. Il leur appartenait de formuler un dire à expert en ce sens. Il leur appartenait également de mettre en cause la SA Allianz dès l'origine du litige. Dès lors, indépendamment de l'opposabilité ou non du rapport d'expertise à la SA Allianz, la demande de garantie à l'encontre de cette dernière ne peut prospérer en ce qui concerne les désordres affectant les menuiseries. (…). Sur la garantie de la SA Allianz quant aux désordres acoustiques : La SA Allianz soulève l'inopposabilité du rapport d'expertise de M. A... au motif qu'elle n'a pas participé aux opérations d'expertise. Si le juge peut fonder sa décision sur un rapport d'expertise non contradictoire, soumis à la discussion des parties, c'est à la condition que le rapport soit corroboré par d'autres pièces. En l'espèce, les époux X... ne mettent en avant aucune autre pièce évoquant les désordres acoustiques tenant à la non conformité des cloisons. En effet, le constat d'huissier du 2 octobre 2002, dressé après réception ne fait état que des défauts relatifs aux menuiseries (étanchéité des portes à l'air et à l'eau). Il est rappelé que la demande d'expertise sur les désordres acoustiques a été présentée après dépôt du rapport de M. Z.... Il est constaté que le rapport de M. A... est le seul document sur lequel la responsabilité de la société Menuiserie Bertrand est engagée, de sorte qu'il y a lieu de le déclarer inopposable à la SA Allianz. Le jugement sera confirmé de ce chef par substitution de motifs. »

ALORS QUE 1°) le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu'en l'espèce, s'agissant des désordres affectant les menuiseries objets de l'expertise de Monsieur Z..., les exposants ont soutenu, sur la base des constations de l'expert judiciaire, le caractère décennal des désordres en cause et l'obligation de garantie de la Société Allianz ; qu'il a été en particulier fait valoir (p. 18) « Concernant les autres désordres, relatifs aux difficultés relatives aux menuiseries extérieures (…) ces désordres relèvent bien évidemment de la responsabilité de la Société Menuiserie Bertrand qui ne les a pas contestés. Ces désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination dans la mesure où ces menuiseries extérieures laissent passer l'eau et l'air. (…) Concernant les désordres relatifs aux charpentes et planchers bois et à l'isolation thermique, ils ne faisaient pas l'objet de réserves à réception dans la mesure où il s'agissait de désordres non apparents. L'expert judiciaire a indiqué que ces désordres étaient de nature décennale pour évaluer le montant des travaux à hauteur de 55. 815, 08 € TTC de laquelle il convient de déduire la somme provisionnelle déjà obtenue de 15. 867, 04 €. Dans ses conclusions, l'expert a noté en page 13, que la Sa Menuiserie Bertrand a reconnu l'erreur d'implantation de l'isolation thermique en laine de verre posée verticalement et suivant rampant, suite à une interprétation erronée des prescriptions modifiées par Monsieur B...dans un courrier antérieur au début des travaux. Monsieur C..., sapiteur qui a été désigné par Monsieur Z..., a d'ailleurs confirmé dans sa note jointe au rapport d'expertise, une impropriété à destination à ce sujet. Dans ces conditions, pour les désordres constatés par Monsieur Z... et les travaux préconisés par cet expert, la Société Allianz devra sa garantie puisqu'elle assurait à l'ouverture du chantier la Société Menuiserie Bertrand » ; qu'il appartenait aux juges du fond de qualifier la nature des désordres en cause afin de trancher la question en litige tenant à la garantie de la Société Allianz, assureur au titre de la garantie décennale ; qu'en s'abstenant d'y procéder au motif pris que le rapport d'expertise de Monsieur Z... (p. 7) « n'a pas qualifié les désordres et n'a à aucun moment précisé s'ils rendaient l'ouvrage impropre à sa destination » ou encore que « l'expertise ne distingue pas les désordres qui ont fait l'objet de réserves et les désordres apparus après réception », ce dont il se serait déduit que « M et Mme X... sont donc dans l'incapacité de formuler une demande précise à l'encontre de la SA Allianz concernant les seuls désordres de nature décennale », la Cour d'appel a violé l'article 12 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE 2°) l'assureur qui, en connaissance des résultats de l'expertise dont le but est d'établir la réalité et l'étendue de la responsabilité de son assuré qu'il garantit, a eu la possibilité d'en discuter les conclusions, ne peut, sauf s'il y a eu fraude à son encontre, soutenir qu'elle lui est inopposable ; que le juge peut alors se déterminer en considération du seul rapport d'expertise produit au débat sans qu'il soit nécessaire que le rapport soit obligatoirement corroboré par d'autres pièces versées au litige ; qu'en l'espèce, s'agissant des désordres acoustiques objets de la seconde expertise judiciaire de Monsieur A..., il a été constaté que le rapport régulièrement produit au litige avait mis en évidence l'existence de (p. 7 « sur les désordres acoustiques ») « désordres de non-conformité réglementaire et au DQE de l'architecte, désordres cachés à la réception et rendant l'ouvrage impropre à sa destination » ; qu'en refusant de statuer sur la garantie de la Société Allianz quant aux désordres acoustiques en considération du rapport d'expertise de Monsieur A... au motif que « Si le juge peut fonder sa décision sur un rapport d'expertise non contradictoire, soumis à la discussion des parties, c'est à la condition que le rapport soit corroboré par d'autres pièces » ce qui aurait fait en l'espèce défaut de sorte qu'il y aurait eu lieu de déclarer le rapport d'expertise inopposable à la Société Allianz, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 16-11738
Date de la décision : 02/02/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 13 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 02 fév. 2017, pourvoi n°16-11738


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.11738
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