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02/02/2017 | FRANCE | N°15-29527

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 02 février 2017, 15-29527


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Simon X... a été victime le 19 septembre 2000 d'un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par Mme Y... et assuré auprès de la Matmut (l'assureur) ; qu'en 2004, il a été indemnisé d'une partie de ses préjudices ; que le 9 décembre 2011, assisté de son curateur, M. Mathieu X..., il a assigné l'assureur, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Nord, en indemnisation, notamment, des frais liés à son logement et à son véhic

ule ; que le tribunal a condamné l'assureur a payer à M. Simon X... le coû...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Simon X... a été victime le 19 septembre 2000 d'un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par Mme Y... et assuré auprès de la Matmut (l'assureur) ; qu'en 2004, il a été indemnisé d'une partie de ses préjudices ; que le 9 décembre 2011, assisté de son curateur, M. Mathieu X..., il a assigné l'assureur, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Nord, en indemnisation, notamment, des frais liés à son logement et à son véhicule ; que le tribunal a condamné l'assureur a payer à M. Simon X... le coût d'acquisition de son logement, outre une somme au titre des aménagements de celui-ci ;

Sur le second moyen :

Attendu que MM. X... font grief à l'arrêt de confirmer le jugement qui a débouté M. Simon X... de sa demande de condamnation de l'assureur à lui verser la somme de 130 821,72 euros au titre d'une participation au coût d'acquisition du véhicule Kangoo adapté à son handicap et de son adaptation et de la capitalisation pour l'avenir, alors, selon le moyen, que la victime atteinte d'un handicap permanent doit être indemnisée des dépenses qu'elle a engagées ou qu'elle engagera après la date de consolidation afin de procéder à l'adaptation d'un ou plusieurs véhicules conformément à ses besoins ; que les frais de véhicule adapté auxquels peut prétendre la victime et inhérents à l'équipement du véhicule au moyen d'un dispositif technique permettant son utilisation malgré le handicap ne sont pas subordonnés à la condition que la victime conduise elle-même le véhicule ; que dès lors, en l'espèce, en refusant d'indemniser M. Simon X... motif pris de ce que celui-ci n'avait pas son permis de conduire, la cour d'appel a derechef méconnu le principe de la réparation intégrale, en violation de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, qu'à l'appui de sa demande, M. Simon X... se borne à produire une offre commerciale faisant état de l'acquisition d'un véhicule et de son aménagement sans que soit déterminé si cet aménagement concerne le poste de conduite ou le transport du passager, que M. Simon X... n'indique pas par quels moyens il se déplace actuellement ni si ceux qui le transportent utilisent un véhicule adapté ou pas, qu'au vu du rapport d'expertise, ses perspectives de réussir l'examen du permis de conduire sont inexistantes, de sorte qu'il ne pourra pas conduire de véhicule, même adapté, s'il demeure dans son état actuel, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur le seul fait que M. Simon X... ne justifie pas être en possession du permis de conduire, a rejeté la demande sans encourir le grief du moyen ;

Mais sur le premier moyen :

Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

Attendu que pour rejeter la demande en paiement présentée au titre des frais d'acquisition du logement, l'arrêt retient que M. Simon X... peut prétendre à l'indemnisation des frais de logement aménagé, lesquels comprennent non seulement l'aménagement du domicile mais aussi le surcoût découlant de l'acquisition d'un logement mieux adapté au handicap permettant par exemple l'usage d'un fauteuil roulant ; qu'il aurait en tout état de cause exposé des frais pour se loger de sorte qu'en application du principe de la réparation intégrale du préjudice, l'indemnisation doit être limitée aux frais d'aménagement de son logement en fonction de ses besoins pour qu'il puisse mener une vie normale sans ressentir de gêne ; qu'au vu des pièces du dossier, ce préjudice représente la somme versée en première instance pour les frais d'aménagement, mais aussi le surcoût correspondant à l'acquisition d'une surface complémentaire liée au handicap qu'il a fixée à 50 m² ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'acquisition d'un logement mieux adapté était en relation avec l'accident pour avoir été rendue nécessaire à raison du handicap de la victime et du mode de vie qu'il lui impose, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande en paiement au titre des frais d'acquisition du logement, l'arrêt rendu le 5 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la société Matmut aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Simon X... et à M. Mathieu X..., ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. Simon X... et M. Mathieu X..., ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande en paiement de monsieur X... présentée au titre des frais d'acquisition du logement ;

AUX MOTIFS QU'au soutien de son appel la compagnie d'assurances expose qu'en application du principe de la réparation intégrale l'indemnisation du préjudice de la victime au titre des frais de logement adapté doit être limitée aux frais d'aménagement spécial du logement en fonction des besoins de celle-ci, afin qu'elle puisse mener une vie normale sans ressentir de gêne ; que selon la nomenclature Dinthillac ainsi que la jurisprudence de la Cour de Cassation, le poste de préjudice frais de logement adapté inclut non seulement l'aménagement du domicile préexistant mais éventuellement celui découlant de l'acquisition d'un domicile mieux adapté prenant en compte le surcoût financier engendré par cette acquisition ; qu'en l'espèce le coût du projet immobilier de M. F. ne peut pas se confondre avec l'indemnisation des frais de logement adapté dès lors qu'il aurait dû engager de toute façon des frais pour se loger ; que les frais d'aménagement sont justifiés à hauteur de 13 833,60 € lesquels ont été indemnisés en première instance ; que subsidiairement si la Cour devait estimer que cette indemnisation à hauteur de 13 833,60 € est insuffisante pour couvrir les préjudices de M. X... elle offre pour réparer ce préjudice un surcoût de l'acquisition correspondant à une surface complémentaire ; que le surcroît d'espace nécessaire à l'utilisation d'un fauteuil roulant permet de comptabiliser une surface complémentaire de 23,5 m² arrondie à 25 m² ; que le prix moyen du mètre carré à Roubaix ville dans laquelle était domiciliée la victime au moment de l'accident, représente la somme de 1551 € soit 1500 € pour tenir compte d'une marge de négociation, de sorte que le préjudice qui en résulte s'élève à 25 m² x 1500 € = 37 500 € ; qu'à cette somme s'ajoute le coût des travaux d'aménagement précités, ce qui représente au total une somme arrondie à 55 000 € ; que M. X... fait valoir en réponse qu'il est en droit de prétendre au paiement d'une indemnité couvrant le coût de l'acquisition de son logement laquelle constitue une conséquence de l'accident ; que la victime de l'accident de la circulation ayant entraîné la survenance d'un handicap nécessitant un aménagement de son logement peut prétendre à l'indemnisation des frais de logement aménagé lesquels comprennent non seulement l'aménagement du domicile mais aussi le surcoût découlant de l'acquisition d'un domicile mieux adapté aux handicap permettant par exemple usage d'un fauteuil roulant ; qu'en l'espèce la victime aurait en tout état de cause exposé des frais pour se loger de sorte qu'en application du principe de la réparation intégrale du préjudice, l'indemnisation doit être limitée aux frais d'aménagement spécial du logement en fonction des besoins de celle-ci pour qu'elle puisse mener une vie normale sans ressentir de gêne ; qu'au vu des pièces du dossier ce préjudice représente la somme de 13 833,60 € déjà versée en première instance, mais aussi le surcoût correspondant à l'acquisition d'une surface complémentaire liée au handicap ; que cette surface globale évaluée par la Matmut à 25 m² doit être fixée à 50 m², ce qui représente la somme de 75 000 € à raison de 1500 € le m² à Roubaix ville près de laquelle est domicilié l'intimé ; qu'il convient, réformant de ce chef le jugement déféré, de condamner la Matmut à verser à monsieur X... la somme de 88 833,60 € au titre des frais de logement adapté ;

ALORS QUE lorsque le handicap de la victime rend nécessaires des aménagements de son logement incompatibles avec le caractère provisoire d'une location, la nécessité de l'acquisition d'un nouveau logement plus adapté au handicap constitue un préjudice dont la réparation incombe intégralement au responsable de l'accident ou à son assureur ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que les séquelles de l'accident imposaient à Monsieur X... de vivre dans un logement adapté à son handicap, la cour d'appel a retenu que l'indemnisation devait être limitée aux frais d'aménagement spécial du logement dès lors que « la victime aurait en tout état de cause exposé des frais pour se loger » ; qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale, en violation de l'article 1382 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, par voie de confirmation, débouté monsieur X... de demande tendant à voir condamner la Matmut à lui verser la somme de 130.821,72 € au titre d'une participation du coût d'acquisition du véhicule Kangoo adapté au handicap du blessé et de son adaptation et de la capitalisation pour l'avenir ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'au soutien de son appel M. X... expose que selon le rapport de l'ergothérapeute et de l'assistante sociale en date du 24 juillet 2003 il devait pouvoir disposer d'un véhicule automobile adapté à ses besoins conduit par lui-même ou par un tiers; que le coût d'acquisition d'un véhicule Renault Kangoo permettant de transporter un fauteuil roulant est de 7900 € et son aménagement de 9895 € ; qu'au titre de la capitalisation pour l'avenir sur la base d'un renouvellement tous les cinq ans avec un premier renouvellement en 2016 il peut prétendre au paiement d'une indemnité de 113 026,72 € ; que la Matmut réplique que cette demande n'est pas davantage justifiée qu'en première instance ; que le handicap de M. X... ne lui permet pas de conduire ; qu'il se borne à verser au débat une offre commerciale sans préciser la nature des aménagements en relation avec le handicap ; qu'à titre subsidiaire elle revendique une réduction de l'indemnisation ; que M. X... ne justifie pas être en possession du permis de conduire comme l'a déjà rappelé le premier juge ; qu'au vu du rapport d'expertise faisant état d'une perte d'autonomie l'empêchant d'effectuer une quelconque tâche domestique ainsi que les actes de la vie civile, et de troubles comportementaux nécessitant incitation et surveillance, les perspectives pour M. X... de passer et de réussir cet examen sont inexistantes ; que par ailleurs, en première instance comme en cause d'appel, aucune des parties n'indique pas par quels moyens M. Simon X... se déplace actuellement et si ceux qui le transportent utilisent un véhicule adapté ou pas ; qu'il convient dans ces conditions de débouter M. X... de ce chef de demande et de confirmer le jugement sur ce point ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'à l'appui de sa demande, M. X... se borne à produire une offre commerciale faisant état de l'acquisition d'un véhicule et de son aménagement sans que soit déterminée la nature de cet aménagement (poste de conduite ou transport de M. Simon X... en tant que passager) ; qu'aucune des parties n'indique par quels moyens M. Simon X... se déplace actuellement et si ceux qui le transportent utilisent un véhicule adapté ou pas ; qu'en l'état, et alors que s'agissant de la conduite d'un véhicule, il résulte à l'évidence de l'expertise du 13 mai 2013 que M. Simon X... ne pourra pas conduire de véhicule, même adapté s'il demeure dans son état actuel, il convient de rejeter ce chef de demande ;

ALORS QUE la victime atteinte d'un handicap permanent doit être indemnisée des dépenses qu'elle a engagées ou qu'elle engagera après la date de consolidation afin de procéder à l'adaptation d'un ou plusieurs véhicules conformément à ses besoins ; que les frais de véhicule adapté auxquels peut prétendre la victime et inhérents à l'équipement du véhicule au moyen d'un dispositif technique permettant son utilisation malgré le handicap ne sont pas subordonnés à la condition que la victime conduise elle-même le véhicule ; que dès lors, en l'espèce, en refusant d'indemniser monsieur X... motif pris de ce que celui-ci n'avait pas son permis de conduire, la cour d'appel a derechef méconnu le principe de la réparation intégrale, en violation de l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-29527
Date de la décision : 02/02/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 05 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 02 fév. 2017, pourvoi n°15-29527


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.29527
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