LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;
Attendu que l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion, s'apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 30 janvier 2007, la société NG Distribution (la société NG), dont Mme X... était la gérante, a été mise en redressement judiciaire, cette procédure étant convertie en liquidation judiciaire le 25 octobre 2007, Mme Y... étant désignée liquidateur (le liquidateur) ; que le liquidateur a assigné Mme X... en responsabilité pour insuffisance d'actif de la société NG ;
Attendu que, pour condamner Mme X... à contribuer à l'insuffisance d'actif de la société débitrice, l'arrêt, après avoir relevé qu'il résulte de l'analyse des bilans comptables des exercices 2004 et 2005 que la débitrice se trouvait en état de cessation des paiements dès la fin de l'exercice 2005, retient que cette dirigeante a commis une faute de gestion en s'abstenant d'en faire la déclaration dans le délai légal ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser la date de la cessation des paiements résultant du jugement d'ouverture de la procédure collective ou d'un jugement de report de cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et attendu que la condamnation au titre de l'insuffisance d'actif ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l'une d'entre elles entraîne, en application du principe de proportionnalité, la cassation de l'arrêt de ce chef ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'appel de Mme X... régulier et recevable en la forme, l'arrêt rendu le 27 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne Mme Y..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société NG Distribution, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Mme X... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à supporter les dettes de la SARL NG DISTRIBUTION à hauteur de 40 000 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les bilans des années 2005 et 2006, arrêtés le 30 septembre, ont été établis et sont versés aux débats ; qu'ils révèlent en 2005, pour un chiffre d'affaires de 250 825,33 €, un résultat d'exploitation positif de 7 774,55 €, un résultat net de 4 507,82 €, et des dettes fournisseurs, fiscales et sociales d'un total de 80 078,91 € alors que l'actif disponible, constitué de liquidités et d'autres créances, était limité à 15 896,57 € ; qu'en 2006, la situation s'est aggravée, le chiffre d'affaires ayant été limité à 150 856,15 €, la débitrice ayant enregistré une perte d'exploitation de 10 433,39 € et un résultat net négatif de 8 942,65 €, et les dettes fournisseurs, fiscales et sociales s'étant élevées à 91 726,7 € alors que les disponibilités et autres créances réunies ne se montaient plus qu'à 4 208,65 € ; qu'il peut en être déduit que la débitrice se trouvait en état de cessation des paiements dès la fin de l'exercice 2005 ; que la débitrice a été condamnée par un jugement du 29 novembre 2005 à payer à la société YATOU dont elle avait racheté le fonds de commerce une somme de 26 748,56 €, la confirmation étant ultérieurement intervenue le 31 janvier 2008 en l'absence de contestation ; qu'abstraction faite du prétendu caractère invendable du stock de la société YATOU, simplement affirmé dans la présente procédure alors qu'il n'a pas été invoqué à l'appui de l'appel du jugement du 29 novembre 2005, il peut être dès lors retenu que la dirigeante a maintenu au cours de la totalité de l'année 2006 une exploitation qui ne pouvait déboucher que sur une déclaration de cessation des paiements alors pourtant qu'un indispensable suivi de la situation financière au jour le jour imposait cette déclaration bien avant la remise du bilan le 8 janvier 2007 et même avant la fin de l'exercice comptable clos le 30 septembre 2006 ; que la dirigeante s'est en outre accordé une rémunération sans l'aval de l'assemblée générale qui devait être obligatoirement consultée ; que même si un lien de causalité entre une position débitrice transitoire de son compte courant et l'aggravation du passif n'est pas démontrée, et s'il n'est pas établi qu'elle a accaparé de l'actif qui a disparu entre deux interventions du commissaire-priseur, les premiers juges, qui ont exactement analysé les déclarations de créances, ont justement considéré que les fautes mises en évidence avaient contribué à l'insuffisance d'actif dans une mesure qu'ils ont justement chiffrée à 40 000 € » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Mme Nathalie Z... a, en tant que gérante de la SARL NG DISTRIBUTION, signé l'acte de vente du fonds de commerce de la société YATOU à la SARL NG DISTRIBUTION, que dans cet acte, il est précisé que le stock a fait l'objet d'un inventaire physique dressé contradictoirement par les parties en date du 8 juillet 2004 et que ce stock a été évalué au prix d'achat éventuellement minoré afin de tenir compte de l'état réel des marchandises et de leur probable prix de vente, le Tribunal dira que Mme Nathalie Z... ne peut se prévaloir du caractère invendable du stock racheté à la société YATOU pour s'exonérer de sa responsabilité dans ses difficultés financières et constatera que Mme Nathalie Z... a fait preuve de légèreté en signant l'acte de vente du fonds qui mentionnait une valeur de stock de 54 912,60 euros hors taxes ; qu'en vertu de l'article L. 122-12, alinéa 2, et L. 122-12-1, alinéa 2, du Code du travail, l'acheteur d'un fonds de commerce s'engage à reprendre les salariés du précédent exploitant, le Tribunal constatera, encore une fois, que Mme Nathalie Z... ne peut arguer, pour justifier ses difficultés financières, de l'importance de la masse salariale des employés repris dans la mesure où elle a elle-même signé l'acte d'achat du fonds de commerce au sein duquel figuraient ses engagements en matière salariale et qu'elle avait le libre choix de ne pas acheter ce fonds de commerce dans la mesure où, apparemment, il s'agissait d'une mauvaise affaire ; que le passif de la SARL NG DISTRIBUTION est constitué de diverses créances : dette YATOU pour 27.902,83 euros pour une facture de septembre 2004, dette CEPAM pour 20.932,38 euros pour des factures d'octobre et novembre 2004, dette FERRY DISTRIBUTION SARL pour 2.844,86 euros pour une facture de juin 2006, dette MORTREUX SA pour 1.992,53 euros pour des factures de novembre et décembre 2005, dette IMAGIN pour 2.210,68 euros pour des factures de novembre 2005 et juin 2006, dette ESI pour 645,84 euros pour une facture de février 2006, dette JOJA IMPORTATION pour 1.821,79 euros pour une facture de janvier 2006, dette TERSOL PLUS pour 790,95 euros pour une facture de septembre 2006, dette SOCIETE NOUVELLE DISTRI ESCAUT pour 2.234,67 euros pour des factures de juin et août 2006, dette KB8 IMPORT EXPORT INTERNATIONAL pour 3.547,04 euros pour une facture de septembre 2006, dette SOCIETE VAROISE pour 1.759,21 euros pour une facture d'août 2006, dont la plus ancienne date d'octobre 2004 pour une créancier fournisseur CEPAM alors que le fonds de commerce a été racheté en date du 2 septembre 2004, le Tribunal constatera que la date de cessation des paiements est bien antérieure à la date d'ouverture de la procédure, soit le 30 janvier 2007 ; que, compte tenu du nombre de créances fournisseurs restées impayées au cours de l'année 2006, Mme Nathalie Z... ne pouvait ignorer que la SARL NG DISTRIBUTION était en situation de cessation des paiements, quand bien même, elle n'avait pas encore reçu son bilan de l'exercice 2005/2006, le Tribunal constatera que Mme Nathalie Z... n'a pas procédé à la déclaration de l'état de cessation des paiements dans les quarante-cinq jours ; que le compte courant de Mme Nathalie Z... est débiteur du 3 avril 2006 au 30 septembre 2006, que ce dernier redevient positif par l'octroi d'une rémunération de la gérante pour 7.700 euros alors que la société NG DISTRIBUTION est en état de cessation des paiements, quand bien même cette rémunération aurait été autorisée par une assemblée en bonne et due forme, le Tribunal constatera que Mme Nathalie Z... a aggravé le passif de la procédure en s'attribuant une rémunération alors que la SARL NG DISTRIBUTION n'a toujours pas réglé le solde de la facture d'achat du stock initial de la société YATOU, soit 27.902,83 euros (créance confirmée par un jugement de condamnation du Tribunal de commerce de Draguignan du 5 janvier 2005 ; que Maître Jean-Dominique A..., commissaire-priseur judiciaire associé, s'est rendu au magasin de la SARL NG DISTRIBUTION le 20 février 2007 et le 13 novembre 2007 et qu'entre ses deux visites, une partie du stock et du matériel a disparu, le Tribunal constatera que Mme Nathalie Z... a détourné à son profit une partie de ce stock et du matériel » ;
1°) ALORS, D'UNE PART, QUE pour apprécier si l'omission de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal est susceptible de constituer une faute de gestion, le juge doit se référer à la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report ; qu'en l'espèce, pour condamner Mme X... à supporter les dettes de NG DISTRIBUTION à hauteur de 40 000 euros, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que la débitrice se trouvait en cessation des paiements dès la fin de l'exercice 2005 mais sans préciser le jour de la cessation des paiements tel que fixé par le jugement d'ouverture ou un jugement de report ; qu'ainsi la Cour d'appel n'a pas caractérisé la condition nécessaire pour retenir à l'encontre du dirigeant une faute de gestion résultant de la déclaration tardive de cessation des paiements, et n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du Code de commerce, ensemble le principe de proportionnalité ;
2°) ALORS, D'AUTRE PART, QUE le dirigeant social qui a commis une faute de gestion ne peut être tenu de supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif de la société, qu'à la condition que cette faute ait contribué à cette insuffisance d'actif ; qu'en se bornant à affirmer, pour condamner Mme X... à supporter les dettes de la société à hauteur de 40 000 euros, que, « même si un lien de causalité entre une position débitrice transitoire de son compte courant et l'aggravation du passif n'était pas démontré, et s'il n'était pas établi qu'elle avait accaparé de l'actif qui a disparu entre deux interventions du commissaire-priseur, les premiers juges, analysant les déclarations de créances, avaient justement considéré que les fautes mises en évidence avaient contribué à l'insuffisance d'actif », la Cour d'appel, qui n'a pas relevé le moindre élément susceptible de caractériser une relation de cause à effet entre les fautes retenues et l'insuffisance d'actif, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
3°) ALORS, ENFIN, QUE les juges du fond sont tenus de motiver leur décision ; qu'en se bornant à affirmer que les fautes mises en évidence par les premiers juges avaient contribué à l'insuffisance d'actif, sans préciser, même de façon sommaire, la nature desdites fautes, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.