LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 690 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, dans un litige l'opposant à M. X..., la société Les Caves HP (la société) a été condamnée par un jugement rendu le 3 mai 2012 par un tribunal de grande instance à démolir, sous astreinte, un tertre d'infiltration ; que ce jugement, signifié au siège de la société le 18 juin 2012, est devenu irrévocable ; qu'en l'absence de diligence de la société, l'astreinte a été liquidée par un jugement du juge de l'exécution rendu le 11 juin 2013 dont la société a relevé appel ;
Attendu que, pour dire que le jugement du 3 mai 2012 n'avait pas été régulièrement signifié et que l'astreinte n'avait pas couru, l'arrêt retient que, dès lors qu'à l'adresse où l'acte avait été signifié, la société ne disposait manifestement d'aucun établissement, l'huissier de justice devait tenter de signifier l'acte à la personne de son représentant légal ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'adresse à laquelle l'huissier de justice avait effectué la signification était celle du siège social, la cour d'appel, en retenant pour l'annuler que l'acte aurait dû être signifié à l'adresse personnelle du gérant, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans autrement composée ;
Condamne la société Les Caves HP aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Les Caves HP, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X....
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le jugement du 3 mai 2012 du tribunal de grande instance de Tours n'avait pas été régulièrement signifié à la SCI Les Caves HP et que l'astreinte assortissant, passé trois mois après sa signification, la condamnation qu'il avait prononcée n'avait pas couru et d'AVOIR débouté M. X... de tous ses chefs de prétention, dont sa demande de liquidation de l'astreinte ;
AUX MOTIFS QU'il est pris acte de ce que la SCI Les Caves HP déclare acquiescer au jugement du 3 mai 2012 qui la condamne à supprimer le tertre d'infiltration sous astreinte passé trois mois à compter de la signification de la décision ; qu'elle n'en est pas moins fondée à objecter que l'astreinte n'a pas couru, faute de régularité de la signification de cette décision ; qu'en effet, l'huissier de justice chargé de signifier le jugement à la SCI Les Caves HP a procédé le 18 juin 2012 selon l'article 656 du code de procédure civile par voie de remise de l'acte en son étude et avis de passage, après avoir énoncé qu'il n'avait pu rencontrer le destinataire de l'acte, absent à l'adresse de La Vindernière à Vouvray dont l'exactitude résultait des indications d'Infogreffe et de la confirmation par un voisin ; qu'or, attendu que selon l'article 690 du code de procédure civile, la notification destinée à une personne morale de droit privé est faite au lieu de son établissement et, à défaut d'un tel lieu, elle l'est en la personne de l'un de ses membres habilités à la recevoir ; qu'aux termes de l'article 654, la signification doit être faite à personne, et s'agissant d'une personne morale, elle l'est lorsque l'acte est délivré à son représentant légal ou à toute autre personne habilitée à cet effet ; que l'établissement ne se confond pas avec le siège social, et une signification peut, en dehors du siège social, être valablement faite au domicile de fait de la personne morale, dès lors que l'acte est signifié à une personne habilitée (cf Cass Civ 2e 20/ 01/ 2005 P n° 03-12267) ; et qu'en application de l'article 655, l'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire, et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification ; que la signification litigieuse était destinée à une société civile immobilière au capital de 762 euros (pièce n° 18 de M. X...), dont le siège était statutairement fixé depuis sa création au domicile personnel de l'un des cogérants, et elle portait sur un acte grave, puisqu'il s'agissait d'un jugement la condamnant sous astreinte à exécuter des travaux, et réputé contradictoire, donc prononcé sans qu'elle eût comparu ; que l'instrumentaire devait donc particulièrement tenter de signifier l'acte à la personne de M. Thierry Z..., représentant légal du destinataire ; qu'or, l'huissier de justice n'a pu rencontrer ni M. Z..., ni personne habilité à recevoir l'acte pour la société, lorsqu'il s'est présenté à La Vindernière à Vouvray ; qu'à cette adresse, simple maison d'habitation occupée par la seule Mme Z..., la société ne disposait manifestement d'aucun établissement ; que le nom de la SCI ne figurait pas sur la boîte aux lettres, ainsi qu'il résulte des indications fournies par Mme Z... sur sommation interpellative (pièce n° 13 de l'appelante), et l'a cte de signification du 18 juin 2012 ne mentionne d'ailleurs pas la présence d'un tel nom comme élément attestant la réalité de la domiciliation de la SCI ; que dans ces conditions, l'huissier de justice ne pouvait valablement s'en tenir aux indications d'Infogreffe désignant toujours cette adresse comme celle du siège social où il constatait l'absence manifeste de tout établissement de la société et de toute personne habilitée à recevoir l'acte, et légalement tenu en application de l'article 654 du code de procédure civile de délivrer son acte au représentant légal de la personne morale destinataire, il lui incombait de rechercher son adresse, étant observé que M. Z... était établi chef d'entreprise à Tours, soit donc à proximité de Vouvray, où il était aisément localisable par une recherche sur internet et où il recevait déjà à son adresse professionnelle les courriers fiscaux destinés à la SCI ; qu'ainsi, aucune circonstance caractérisant l'impossibilité de signifier le jugement à personne n'est établie en l'espèce et, en raison de l'atteinte portée aux droits de la défense de la SCI Les Caves HP, celle-ci est fondée à soutenir que la signification du jugement opérée le 18 juin 2012 était irrégulière ; qu'en conséquence, l'astreinte n'a pas pu courir puisque le jugement qui la prononce dit qu'elle est due, faute de suppression du tertre, passé le délai de trois mois à compter de sa signification ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'infirmer le jugement entrepris et de débouter M. X... de ses demandes en liquidation d'astreinte et fixation d'une nouvelle astreinte ;
1°) ALORS QU'en matière de signification à une personne morale de droit privé, l'huissier de justice n'a l'obligation de la tenter qu'au lieu du siège social de la société, qui est réputé être le lieu de son établissement, et n'a pas à rechercher le domicile du gérant ; qu'au cas d'espèce, dès lors qu'il était constant que la SCI Les Caves HP avait son siège social à l'adresse où l'huissier avait tenté la signification, l'officier public n'avait pas à rechercher le lieu où une signification à la personne du gérant aurait pu être réalisée ; qu'en retenant au contraire que la signification faite à domicile était irrégulière faute pour l'huissier d'avoir mis en oeuvre les démarches nécessaires pour localiser le gérant de la SCI et lui signifier l'acte, la cour d'appel a violé les articles 654, 655, 656 et 690 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE seul le siège social mentionné au registre du commerce et des sociétés est opposable aux tiers et toute signification faite en ce lieu, qui est réputé être celui de son établissement, est régulière, peu important que la société n'y ait pas d'activité ou que son gérant n'y demeure pas ; qu'au cas d'espèce, étant constant que la signification du jugement du 3 mai 2012 délivrée à la requête de M. X... avait bien été faite au siège social de la SCI Les Caves HP, tel que résultant des mentions du registre du commerce et des sociétés, elle était régulière peu important que la société n'y ait pas d'activité ou que son gérant ait déménagé ; qu'en décidant le contraire motif pris de ce que la société n'avait plus d'« établissement » au lieu du siège social statutaire, la cour d'appel a violé les articles 1837 alinéa 2 du code civil, L. 123-1 et L. 123-9 du code de commerce, ensemble les articles 654, 655, 656 et 690 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE, subsidiairement, nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; que de surcroît, les parties sont astreintes à un devoir de loyauté procédurale ; qu'au cas d'espèce, M. X... faisait valoir que la SCI Les Caves HP, qui avait parfaitement connaissance de la procédure l'opposant à lui dès lors notamment qu'elle avait participé aux opérations d'expertise dans le cadre de l'instance ayant conduit au jugement du 3 mai 2012, ne pouvait se prévaloir de sa propre négligence à avoir fait modifier son siège social au registre du commerce et des sociétés et transférer son courrier, trompant de la sorte les tiers, pour soutenir ensuite que les actes de procédure qui lui étaient délivrés en ce lieu étaient irréguliers (conclusions d'appel en date du 3 juillet 2014, p. 6, antépénultième, avant-dernier et dernier alinéas et p. 7) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur le comportement de la SCI et son dirigeant, avant de conclure que la signification du jugement du 3 mai 2012, faite au lieu du siège social statutaire, était irrégulière, la cour d'appel n'a en tout état de cause pas donné de base légale à sa décision au regard du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui et du principe de la loyauté procédurale, ensemble les articles 654, 655, 656 et 690 du code de procédure civile.