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26/01/2017 | FRANCE | N°15-26877;15-26882

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 janvier 2017, 15-26877 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° Z 15-26.877 et n° E 15-26.882 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Phone and Phone le 29 août 2012 en qualité de juriste ; que par jugement rendu le 4 novembre 2013, le tribunal de commerce de Paris a placé la société en redressement judiciaire et désigné Mme Y... en qualité d'administrateur ; que par jugement du 16 décembre 2013, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire ; que la société EMJ prise en

la personne de M. Z... a été désignée en qualité de liquidateur ; qu'à compter du...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° Z 15-26.877 et n° E 15-26.882 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Phone and Phone le 29 août 2012 en qualité de juriste ; que par jugement rendu le 4 novembre 2013, le tribunal de commerce de Paris a placé la société en redressement judiciaire et désigné Mme Y... en qualité d'administrateur ; que par jugement du 16 décembre 2013, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire ; que la société EMJ prise en la personne de M. Z... a été désignée en qualité de liquidateur ; qu'à compter du même jour, Mme X... a été en congé pathologique suivi d'un congé maternité à compter du 30 décembre 2013 ; que le 17 janvier 2014, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;
Sur le pourvoi n° Z 15-26.877 :
Sur la déchéance du pourvoi, relevée d'office, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 978 du code de procédure civile ;
Attendu que la salariée, qui s'est pourvue en cassation le 16 novembre 2015 contre un arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 15 septembre 2015, n'a pas remis au greffe de la Cour de cassation, dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, de mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée ; que la déchéance du pourvoi est encourue ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi n° E 15-26.882 :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ensemble l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de sa demande de dommages et intérêts, l'arrêt retient que la rupture d'un contrat de travail se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, qu'en l'espèce, la salariée ne conteste pas que la rupture de son contrat de travail lui a été notifiée par l'effet d'une lettre recommandée qui lui a été adressée le 10 décembre 2013 par l'administrateur judiciaire, qu'il résulte des éléments versés au débat et du dossier de la procédure que ce n'est que le 17 janvier 2014 que la salariée a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de faire prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail alors que la notification était intervenue le 10 décembre 2013, soit antérieurement à sa demande, qu'il s'ensuit que la demande tendant à la résiliation judiciaire, intervenue postérieurement à la rupture du contrat de travail, est nécessairement sans objet ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans le courrier du 10 décembre 2013, l'administrateur judiciaire, tout en informant la salariée de l'existence d'un plan de cession et de la disparition de son emploi lui écrivait : " afin de permettre une prise en charge des indemnités de rupture par l'AGS/CGEA, les dispositions légales ( L. 642-5 du code de commerce) imposent que les licenciements interviennent dans le mois qui suit le prononcé du jugement d'homologation du plan de cession. Néanmoins bénéficiant d'une protection particulière au titre de votre maternité en cours, la rupture de votre contrat de travail, à la date du plan de cession, ne peut être ni engagée ni vous être notifiée avant l'expiration du congé de maternité. Dans ce cadre, la présente lettre a pour seul objet de vous manifester mon intention, dans les délais prescrits par la loi afin de préserver vos droits à venir vis-à vis de l'AGS conformément aux dispositions de l'article L. 3253-9" et que, dans ses écritures oralement soutenues à l'audience, la salariée soutenait avoir été licenciée pour motif économique par courrier du 12 mai 2014, la cour d'appel, qui a dénaturé tant les termes clairs et précis de la lettre du 10 décembre 2013 que les écritures de la salariée, a violé le texte et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CONSTATE LA DECHEANCE du pourvoi n° Z 15-26.877 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 15 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société EMJ, prise en la personne de M. Z..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société EMJ, prise en la personne de M. Z..., ès qualités, à verser à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi n° E 15-26.882 par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR fixé la date de la rupture du contrat de travail au 16 décembre 2013, rejeté la demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail formulée par Mme X... ainsi que sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR fixé à une somme limitée sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société PHONE AND PHONE, d'AVOIR ordonné la remise des bulletins de paie, attestations d'emploi, certificat du contrat de travail conformes à l'arrêt et d'AVOIR débouté la salariée de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ; principe de droit applicable : le contrat de travail étant rompu par l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant le licenciement, la demande postérieure du salarié tendant au prononcé de la résiliation judiciaire de ce contrat est sans objet ; application du droit à l'espèce : Madame X... fait valoir que, même si elle a été licenciée pour motif économique, elle est en droit de maintenir sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail qui, selon elle, est antérieure ; la rupture d'un contrat de travail se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin et, en l'espèce, Madame X... ne conteste pas que la rupture de son contrat de travail lui a notifiée par l'effet d'une lettre recommandée qui lui a été adressée le 10 décembre 2013 par Maître Y... ès qualités d'administrateur judiciaire de le mandataire liquidateur de la société PHONE AND PHONE ; la salariée produit une convocation devant la formation de référé à une audience du 15 novembre 2013 suite à une saisine du 16 octobre 2013 ; cette pièce mentionne expressément les chefs de la demande de la salariée qui sont une prime (225 euros), un remboursement de frais (39,88 euros) et des dommages-intérêts pour préjudice moral (60,12) mais Madame X... ne sollicitait pas la résiliation judiciaire de son contrat de travail ; de plus, les conclusions produites pour l'audience de la formation de référé n'indiquent pas que xx entendait ultérieurement solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail ; il résulte ainsi des éléments versés au débat et du dossier de la procédure que ce n'est que le 17 janvier 2014 que Madame X... a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS aux fins de faire prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail alors que la notification était intervenue le 10 décembre 2013, soit antérieurement à sa demande ; il s'ensuit que la demande tendant à la résiliation judiciaire, intervenue postérieurement à la rupture du contrat de travail, est nécessairement sans objet ; que la procédure suivie et le motif du licenciement notifié lettre du 10 décembre 2013 ne sont par ailleurs pas discuté ; en conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté Madame X... de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé sur ce point » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail du fait des manquements de l'employeur : par courrier du 10 décembre 2013, Maître Y... ès-qualités d'administrateur a clairement fait connaître son intention de licencier Madame X... ; il expose dans ce courrier les problèmes juridiques rencontrés pour formaliser ce licenciement du fait des délais qui lui sont impartis et de la suspension du contrat de travail due au congé pathologique (suivi du congé maternité) dont bénéficiait Madame X... ; il l'informe que le licenciement interviendra à la fin de la période de suspension du contrat de travail et lui demande de bien vouloir l'informer de la date de fin du congé maternité ; le licenciement n'est donc pas intervenu et il convient de fixer la date de la rupture du contrat de travail de Madame X... ; le mandataire liquidateur ne pouvait faire autrement et aucun reproche ne peut être retenu à son encontre ; la saisine du conseil le 17 janvier 2014, pendant la période de suspension du contrat de travail, a légitimement bloqué la suite des formalités ; les manquements pouvant justifier la résolution judiciaire du contrat de travail ne sont pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite de ce contrat ; en l'espèce, le grief tiré de l'accroissement des fonctions de Madame X... ne peut être retenu : l'énumération des tâches précisées dans le contrat de travail n'est pas exhaustive ; le retard dans le paiement des primes et l'éventuel non règlement de ces dernières ne constituent pas des manquements graves compte tenu du contexte ; il en est de même pour la remise de documents ; Madame X... sera donc déboutée de sa demande de résolution judiciaire du contrat de travail ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour non versement des salaires ».
1°) ALORS, D'UNE PART, QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que si par une lettre en date du 10 décembre 2013 de Me Y..., ès qualités d'administrateur judiciaire de la société PHONE AND PHONE, Mme X... a été informée de ce qu'un plan de cession des activités de cette société avait été arrêté par un jugement du 9 décembre 2013 rendu par le tribunal de commerce de Paris, lequel avait autorisé la suppression de deux postes, dont le sien, la lettre précisait toutefois expressément que bénéficiant d'une protection particulière au titre de sa maternité en cours, la rupture du contrat de travail de Mme X..., à la date du plan de cession, ne pouvait ni être engagée, ni lui être notifiée, avant l'expiration du congé maternité ; qu'en affirmant dès lors que la rupture de son contrat de travail lui avait été notifiée par l'effet d'une lettre recommandée qui lui a été adressée le 10 décembre 2013 par Me Y..., la Cour d'appel a dénaturé ladite lettre et a violé le principe susévoqué ainsi que l'article 4 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS, D'AUTRE PART, QU'à l'appui de ses conclusions, la salariée faisait valoir et justifiait de ce son licenciement lui avait été notifié par une lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 12 mai 2014 par Me Y..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société PHONE AND PHONE, laquelle énonçait expressément que bénéficiant d'une protection particulière au titre de sa maternité en cours, la rupture de son contrat de travail, à la date du plan de cession, n'avait pu ni être engagée, ni lui être notifiée, avant l'expiration du congé maternité et lui notifiait, en application des articles L.642-5 du Code de commerce et L.1233-16 du Code du travail, son licenciement pour motif économique, son congé de maternité ayant pris fin le 20 avril 2014 ; que la salariée produisait également les documents relatifs à la fin de son contrat de travail fixée à la date du 27 mai 2014 ; qu'en affirmant toutefois que la rupture du contrat de travail lui avait été notifiée par lettre recommandée adressée le décembre 2013 par Me Y..., la Cour d'appel a dénaturé par omission la lettre du 14 mai 2014, ainsi que les documents précités, et a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS, AUSSI, QUE dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience, Mme X... faisait valoir et justifiait qu'elle avait été licenciée pour motif économique le 12 mai 2014, à l'issue de son congé maternité qui avait pris fin le avril 2014, ainsi qu'il résultait de la lettre de congédiement pour motif économique ; qu'en affirmant toutefois que la salariée ne contestait pas que la rupture de son contrat de travail lui avait été notifiée par l'effet d'une lettre recommandée qui lui a été adressée le 10 décembre 2013 par Me Y..., quand il résultait expressément des conclusions soutenues oralement par la salariée qu'une contestation existait sur ce point, la Cour d'appel a dénaturé lesdites conclusions en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS, ENCORE, QU'à l'appui de ses conclusions, la salariée faisait valoir et justifiait de ce que la date de fin de son contrat de travail avait été fixée au 27 mai 2014, à la suite de la notification de son licenciement pour motif économique en date du 12 mai 2014, ce qui ressortait de l'attestation pôle emploi qui lui a été remise, ainsi que de son certificat de travail et des fiches de paie qui lui ont été adressées pour la période courant du 1er janvier 2014 au 27 mai 2014 ; qu'en se bornant à affirmer que le licenciement avait été notifié par lettre du 10 décembre 2013 sans vérifier si, précisément, la salariée ne contestait pas l'existence d'une rupture à cette date et sans rechercher si la notification ne procédait pas uniquement de la lettre recommandée du 12 mai 2014 qui mentionnait expressément qu'aucune notification du licenciement n'avait été possible avant la fin du congé de maternité fixé au 20 avril 2014, la Cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles L.1225-4, L.1225-4-1, L.1225-5, L.1231-1, L.1233-2, L.1233-3, L.1233-15, L.1233-16 du Code du travail, ainsi que de l'article 1184 du Code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-26877;15-26882
Date de la décision : 26/01/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 jan. 2017, pourvoi n°15-26877;15-26882


Composition du Tribunal
Président : Mme Guyot (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Coutard et Munier-Apaire

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.26877
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