LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 17 septembre 2015), que, le 15 décembre 2011, la société CP création (le franchiseur) a conclu respectivement avec les sociétés Solab Notre-Dame-de-Bondeville (la société Solab NDB) et Solab conquérant (les franchisées) constituées par M. et Mme X..., un contrat de franchise pour une durée de sept ans ayant pour objet l'exploitation de deux boutiques à l'enseigne « Bon Cuisinier traiteur », le concept commercial « Bon Cuisinier traiteur » ayant été créé, courant 2011, par MM. Y... et Z... qui ont constitué les sociétés CP création et Rouen créagro développement ; que, le 3 janvier 2013, un différend s'étant élevé entre le franchiseur et les franchisées, les parties ont conclu « un protocole d'accord transactionnel » rédigé dans les mêmes termes pour la société Solab NDB et la société Solab conquérant ; que, les 8 janvier et 5 février 2013, les sociétés CP création, Rouen créagro développement, Solab NDB, Solab conquérant, ainsi qu'une troisième société créée par M. et Mme X..., la société Solab investissement, détentrice des titres des sociétés Solab NDB et Solab conquérant, ont été mises en liquidation judiciaire, M. A... étant désigné en qualité de mandataire liquidateur des sociétés CP création et Rouen créagro développement, et Mme B... en qualité de mandataire liquidateur des sociétés Solab NDB, Solab conquérant, et Solab investissement ; que, le 31 mars 2014, Mme B..., ès qualités, a assigné M. A..., ès qualités, en nullité des contrats de franchise, restitution de diverses sommes et paiement de dommages-intérêts ; que celui-ci s'est prévalu de la transaction conclue entre les parties ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. A..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de dire que les actes transactionnels signés par les parties sont inopposables à Mme B..., ès qualités, et de juger en conséquence recevables les demandes formulées par celle-ci, alors, selon le moyen :
1°/ que les concessions réciproques dont l'existence conditionne la validité d'une transaction n'ont pas à être équivalentes ; que constituent des concessions réciproques la renonciation d'une partie à des créances non contestées ainsi que l'abandon de toute action relative à la résiliation du contrat qui la liait à l'autre partie, en contrepartie de la renonciation de cette dernière à toute action relative à la formation, l'exécution et la résiliation de ce même contrat ; que, dès lors, en jugeant que la renonciation du franchiseur au bénéfice de créances non contestées contre les sociétés franchisées, pour un montant respectif de 15 493,94 euros et 6 312,05 euros, étaient dérisoires au regard de la renonciation de ces dernières à leurs actions relatives à la conclusion, l'exécution ou la résiliation de leur contrat de franchise, la cour d'appel a violé l'article 2044 du code civil ;
2°/ que constituent des concessions réciproques la renonciation d'une partie à des créances non contestées ainsi que l'abandon de toute action relative à la résiliation du contrat qui la liait à l'autre partie, en contrepartie de la renonciation de cette dernière à toute action relative à la formation, l'exécution et la résiliation de ce même contrat ; que, dès lors, en jugeant que la renonciation du franchiseur au bénéfice de créances non contestées contre les sociétés franchisées, pour un montant respectif de 15 493,94 euros et 6 312,05 euros, étaient dérisoires au regard de la renonciation de ces dernières à leurs actions relatives à la conclusion, l'exécution ou la résiliation de leur contrat de franchise, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la renonciation complémentaire et corrélative du franchiseur aux actions en résiliation et en indemnisation qu'il détenait contre les sociétés franchisées sur le fondement de ces mêmes contrats ne caractérisait pas l'existence d'une concession réciproque, la cour d'appel a violé l'article 2044 du code civil ;
3°/ que les concessions réciproques dont l'existence conditionne la validité d'une transaction s'apprécient à la date de la signature de l'accord transactionnel en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l'acte ; que, dès lors, en déduisant le caractère dérisoire des concessions consenties par le franchiseur des procédures collectives ouvertes postérieurement contre les société franchisées et du passif établi à l'issue de la procédure de déclaration et de vérification des créances, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des éléments postérieurs à la signature de l'accord transactionnel sans tenir compte des prétentions formulées par les parties le jour de la signature de l'acte, a violé l'article 2044 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté qu'au moment de la signature de l'acte transactionnel, les franchisés se prévalaient de l'absence de transmission d'un savoir-faire spécifique ainsi que du caractère insuffisamment abouti du concept « Bon Cuisinier traiteur » qui avait été un véritable échec commercial, tandis que le franchiseur se bornait à faire état, à l'encontre des franchisés, de deux factures impayées d'un montant de 15 493,94 euros et 6 312,05 euros, la cour d'appel a pu en déduire, sans encourir le grief énoncé à la première branche, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche, que les concessions faites par le franchiseur présentaient un caractère dérisoire, de sorte que celui-ci ne pouvait pas se prévaloir de cet acte pour s'opposer aux demandes formées par le représentant des franchisés ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. A..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de dire que le franchiseur n'a pas respecté son obligation de renseignement précontractuelle, qu'il a engagé, de ce chef, sa responsabilité et que la clause exonératoire de responsabilité stipulée au document précontractuel d'information est non écrite, et de fixer les créances des sociétés Solab NDB et Solab conquérant au passif de la société CP création à une certaine somme, alors, selon le moyen :
1°/ que n'engage pas sa responsabilité le franchiseur qui transmet spontanément à son franchisé des estimations excédant ses obligations légales et assorties, compte tenu de la nouveauté et de l'absence d'exploitation préalable du concept, de réserves et de mises en garde expresses invitant le franchisé à réaliser ses propres estimations ; que le document précontractuel d'information remis à Mme X..., en sa qualité d'associé fondateur des sociétés franchisées en cours de formation, stipulait expressément que les études de marché et les informations comptables et financières qui y figuraient avaient un caractère strictement indicatif, étaient dépourvues de valeur contractuelle et reposaient sur l'aléa inhérent à toute activité de commerçant indépendant, le document invitant même expressément le candidat à faire réaliser lui-même une étude de marché et un prévisionnel d'activité afin d'apprécier la viabilité de son projet ; que, dès lors, en imputant à faute au franchiseur d'avoir transmis aux sociétés franchisées des pronostics excessivement favorables au regard du chiffre d'affaires et de la marge commerciale effectivement réalisés au cours de l'année suivante, quand les réserves et les mises en garde qui leur étaient associées excluaient toute croyance légitime des sociétés franchisées en la réalité des estimations avancées, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ que le juge est tenu de préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en jugeant que devait être réputée non écrite la clause stipulant l'exonération de responsabilité du franchiseur sans préciser le fondement juridique de cette décision, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
3°/ que la faute de la victime ayant contribué à son propre dommage exonère totalement ou partiellement celui dont la responsabilité est recherché ; qu'en sa qualité de commerçant indépendant et responsable, il appartient au franchisé, informé du défaut d'exploitation préalable du concept innovant apporté par le franchiseur ainsi que de la nécessité de faire réaliser sous sa propre responsabilité une étude de marché, d'apprécier lui-même la valeur économique de son projet ; que, dès lors, en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si les sociétés franchisées, expressément alertées sur le défaut d'exploitation antérieure du concept et sur la nécessité de procéder personnellement à des prévisions d'activité, n'avaient pas commis une faute à l'origine de leur propre dommage, de nature à exonérer totalement ou partiellement le franchiseur de sa responsabilité, en ne réalisant aucune étude ni aucun prévisionnel d'activité qui leur auraient permis d'apprécier elles-mêmes la viabilité économique de leur projet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé les dispositions d'ordre public de l'article L. 330-3 du code de commerce qui mettent à la charge du franchiseur l'obligation de fournir au franchisé un document donnant des informations sincères de nature à lui permettre de s'engager en connaissance de cause, l'arrêt relève, d'une part, qu'aucun document d'information précontractuelle n'a été remis à la société Solab NDB, d'autre part, que celui qui a été remis à la société Solab conquérant fait état d'un chiffre d'affaires moyen de 500 000 euros hors taxe par an et d'une marge commerciale de 55 %, alors que le chiffre d'affaires hors taxe réalisé par la société Solab NDB entre décembre 2011 et janvier 2013 s'est élevé seulement à 109 250 euros et celui de la société Solab conquérant à 271 059 euros, et que la marge n'était que de 28 %, démontrant ainsi le caractère peu sérieux des pronostics avancés par le franchiseur ; qu'il constate, encore, que le rapport d'expertise de M. C..., désigné dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire des deux sociétés franchisées, souligne que, outre la surévaluation du double du taux de marge commerciale prévisionnel, les franchiseurs n'avaient pas prévu la rémunération des gérants dans le prévisionnel ni le point mort comptable permettant de déterminer le chiffre d'affaires minimum pour générer du bénéfice, alors que le franchiseur avait la maîtrise complète de la marge commerciale en fixant les prix de vente publics et les prix d'achat des produits à sa centrale d'achat ; que l'arrêt constate, enfin, que Mme X... avait une expérience en matière bancaire et non commerciale et M. X... en matière agricole ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche invoquée par la troisième branche, qui ne lui était pas demandée, a tranché le litige conformément aux règles de droit qui lui étaient applicables ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. A..., pris en qualité de mandataire liquidateur de la société CP création, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne, ès qualités, à payer à Mme B..., prise en qualité de mandataire liquidateur des sociétés Solab NDB, Solab conquérant, et société Solab investissement, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delaporte et Briard, avocat aux Conseils, pour M. A..., ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les protocoles transactionnels signés par les parties en date du 3 janvier 2013 sont inopposables à Maître B... es qualité et d'avoir, en conséquence, jugé les demandes formulées par ce dernier recevables ;
Aux motifs que « l'article 2044 du code civil dispose que ‘‘la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit'' ; qu'il est admis qu'une transaction implique l'existence de concessions réciproques des parties et que ces concessions doivent être réelles ; qu'en l'espèce il est constant que : - la société CP Création a conclu respectivement avec les sociétés Solab Notre Dame de Bondeville (NDB) et Solab Conquérant (les franchisées) un contrat de franchise le 15/12/2011 pour une durée de sept ans portant sur un concept original commercial et novateur de boutiques offrant à la vente aux consommateurs sous l'enseigne Bon Cuisinier Traiteur des plats cuisinés et des produits charcutiers à emporter ; - que suivant protocoles d'accord transactionnel en date du 3/01/2013 les parties ont décidé de rompre d'un commun accord le contrat de franchise qui les liait initialement jusqu'au 15/12/2018 sans qu'aucune réclamation financière ne puisse être revendiquée par l'une ou l'autre des parties à ce titre ; qu'en préambule de cet acte les sociétés franchisées faisaient notamment savoir qu'elles tenaient pour responsables les sociétés CP Création et Rouen Creagro de leurs difficultés financières, estimant qu'aucun savoir-faire spécifique ne leur avait été finalement apporté, le concept dans sa globalité étant un véritable échec commercial et n'étant pas suffisamment abouti ; - que l'ouverture de la liquidation judiciaire des trois sociétés susvisées et de la société Rouen Creagro a été prononcée par jugements du tribunal de commerce des 8/01 et 5/02/2013 ; que le mandataire liquidateur des sociétés franchisées invoque le caractère frauduleux de ces transactions conclues peu de temps avant le prononcé de leur liquidation judiciaire ; qu'il résulte de l'article L. 632-1 I du code de commerce que sont nuls lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements les actes suivants : … 2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de d'autre partie... ; qu'en l'espèce la période suspecte court à compter du 9/01/2013 date de la cessation des paiements de la société Solab NDB et du 19/01/2013 date de celle de la société Solab Conquérant, de sorte que les protocoles d'accord transactionnels en date du 3/01/2013 ne peuvent être annulés sur le fondement de ce texte ; qu'en revanche l'examen de ces actes montre que les sociétés franchiseurs ont accepté de renoncer au bénéfice de leurs factures de redevances et de publicité à hauteur de 15.493,94 € pour la société CP Création et de 6.312,05 € pour la société Rouen Créagro, en contrepartie de quoi les sociétés franchisées renonçaient à toute action tant arbitrale que devant les juridictions de droit commun pour tout ce qui concerne la conclusion l'exécution ou la résiliation du contrat de franchise évoqué ci- dessus, pour quelques motifs que ce soit ; qu'eu égard aux procédures collectives des sociétés franchisées dont le passif est très important et à l'échec extrêmement rapide du projet et de la potentielle responsabilité des franchiseurs dans cet échec, il apparaît que les concessions octroyées par ces derniers sont dérisoires au regard des concessions faites par les franchisées ; que ces transactions sont donc inopposables à Me B... es qualité ; que par conséquent la demande est recevable » (arrêt attaqué, p. 6 et s.) ;
Alors, d'une part, que les concessions réciproques dont l'existence conditionne la validité d'une transaction n'ont pas à être équivalentes ; que constituent des concessions réciproques la renonciation d'une partie à des créances non contestées ainsi que l'abandon de toute action relative à la résiliation du contrat qui la liait à l'autre partie, en contrepartie de la renonciation de cette dernière à toute action relative à la formation, l'exécution et la résiliation de ce même contrat ; que dès lors, en jugeant que la renonciation de la société CP Création au bénéfice de créances non contestées contre les sociétés Solab Notre Dame de Bondeville et Solab Conquérant, pour un montant respectif de 15.493,94 € et 6.312,05 €, étaient dérisoires au regard de la renonciation de ces dernières à leurs actions relatives à la conclusion, l'exécution ou la résiliation de leur contrat de franchise, la Cour d'appel a violé l'article 2044 du Code civil ;
Alors, d'autre part, que constituent des concessions réciproques la renonciation d'une partie à des créances non contestées ainsi que l'abandon de toute action relative à la résiliation du contrat qui la liait à l'autre partie, en contrepartie de la renonciation de cette dernière à toute action relative à la formation, l'exécution et la résiliation de ce même contrat ; que dès lors, en jugeant que la renonciation des sociétés CP Création au bénéfice de créances non contestées contre les sociétés Solab Notre Dame de Bondeville et Solab Conquérant, pour un montant respectif de 15.493,94 € et 6.312,05 €, étaient dérisoires au regard de la renonciation de ces dernières à leurs actions relatives à la conclusion, l'exécution ou la résiliation de leur contrat de franchise, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la renonciation complémentaire et corrélative de la société CP Création aux actions en résiliation et en indemnisation qu'elle détenait contre les sociétés franchisées sur le fondement de ces mêmes contrats ne caractérisait pas l'existence d'une concession réciproque, la Cour d'appel a violé l'article 2044 du Code civil ;
Alors, enfin, que les concessions réciproques dont l'existence conditionne la validité d'une transaction s'apprécient à la date de la signature de l'accord transactionnel en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l'acte ; que dès lors, en déduisant le caractère dérisoire des concessions consenties par la société CP Création des procédures collectives ouvertes postérieurement contre les société Solab Notre Dame de Bondeville et Solab Conquérant et du passif établi à l'issue de la procédure de déclaration et de vérification des créances, la Cour d'appel, qui s'est fondée sur des éléments postérieurs à la signature de l'accord transactionnel sans tenir compte des prétentions formulées par les parties le jour de la signature de l'acte, a violé l'article 2044 du Code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société CP Création n'a pas respecté son obligation de renseignement précontractuelle et engage de ce chef sa responsabilité, d'avoir dit que la clause exonératoire de responsabilité stipulée au document précontractuel d'information est non écrite, d'avoir fixé en conséquence la créance de Maître B... es qualité de mandataire liquidateur de la société Solab Notre Dame de Bondeville au passif de la société CP Création aux somme de 200.000 € et 16.187,29 € et d'avoir fixé la créance de Maître B... es qualité de mandataire liquidateur de la société Solab Conquérant au passif de la société CP Création aux sommes de 250.000 € et 48.136,12 € ;
Aux motifs qu'« en l'espèce le document précontractuel d'information en date du 14/10/2011, dont il n'est pas démontré qu'il n'ait été signé que le jour de la conclusion du contrat de franchise, a été communiqué dans son intégralité en cause d'appel mais n'a été établi que pour la société Solab NDB, le franchiseur ne contestant pas s'en être abstenu pour la société Solab Conquérant ; que l'accord éventuel de cette dernière pour dispenser le franchiseur de la communication de ce document ne devait pas le conduire à méconnaître son obligation d'information d'ordre public pour la seconde boutique de Rouen alors même que les conditions du marché à Rouen sont nécessairement différentes de celles de Notre Dame de Bondeville ; que le franchiseur n'a donc pas respecté ses obligations à ce titre ; que s'agissant du projet de Notre Darne de Bondeville, il résulte du document précontractuel d'information que ‘‘les informations communiquées par CP Création au titre des études de marché et des données comptables et financières doivent être comprises comme ayant un caractère strictement indicatif ; que ces informations sont communiquées à titre d'exemple et il ne saurait en aucun cas leur être attribué une quelconque valeur contractuelle... que le présent document ne saurait en conséquence engager contractuellement CP Création quant au contenu des évaluations, recensements, et prévisions y figurant en raison du caractère nécessairement aléatoire de l'activité du candidat qui demeure commerçant indépendant… que la communication de ces informations ne saurait exonérer le candidat de réaliser lui-même une étude de marché comportant une analyse d'implantation précise et surtout un prévisionnel d'activité auprès de son conseil lui permettant d'apprécier le potentiel et par là -même la viabilité du fonds de commerce qu'il envisage de créer ; que CP Création décline en conséquence toute responsabilité de quelque sorte que ce soit quant au contenu des études de marché et des données comptables et financières et quant à l'absence de réalisation par le candidat des éventuels résultats (chiffres d'affaires) y figurant'' ; que l'examen des pièces versées aux débats révèle que les chiffres clés transmis par la société CP Création faisaient état d'un chiffre d'affaires moyen de 500 K€ HT par an et d'une marge commerciale de 55 % ; qu'or les éléments chiffrés produits par Me B... révèlent que le chiffre d'affaires HT de la société Solab NDB entre décembre 2011 et janvier 2013 s'est élevé seulement à 109.250 € et celui de la société Solab Conquérant à 271.059 €, la marge n'étant que de 28% ; que cette importante discordance entre les chiffres prévisionnels annoncés par les franchiseurs et les chiffres d'affaires effectivement réalisés par les sociétés franchisées démontre le caractère peu sérieux des pronostics avancés et caractérise un manquement au devoir précontractuel de renseignement de ceux-là , nonobstant la clause susvisée qui doit être réputée non écrite ; qu'il doit être également observé à cet égard que Mme X... avait une expérience en matière bancaire et non commerciale (en particulier le commerce de bouche), et M. X... en matière d'exploitation agricole ; que le rapport d'expertise de M. C..., validé par décision du tribunal de commerce de Rouen en date du 23/06/2015, le dit jugement ayant été sollicité en cours de délibéré par la Cour, souligne qu'outre la surévaluation du double du taux de marge commercial prévisionnel, les franchiseurs n'avaient nullement prévu la rémunération des gérants dans le prévisionnel ni le point mort comptable permettant de déterminer le chiffre d'affaires minimum pour générer du bénéfice ; que cependant selon l'expert le franchiseur avait la maîtrise complète de la marge commerciale en fixant les prix de vente publics et les prix d'achat des produits à sa centrale d'achat ; que dès lors, les sociétés franchiseurs engagent leur responsabilité délictuelle au stade de l'avant contrat et doivent être tenues d'indemniser les franchisées de leur préjudice né de la perte d'une chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ; qu'en considération de l'importance du préjudice subi au regard des procédures collectives des sociétés Solab dont le passif s'élève à 413.017 et 505.097 € et de l'investissement humain et matériel dans ce projet de franchise, les époux X... ayant souscrit d'importants prêts professionnels en qualité de représentants desdites sociétés pour lesquels ils se sont portés caution, il y a lieu de fixer la créance de Me B... au passif de la société CP Création à la somme de 200.000 € pour la société Solab NDB, et à 250.000 € sa créance au passif de la société Rouen Créagro pour la société Solab Conquérant » (arrêt attaqué, p. 10 et s.) ;
Alors, d'une part, que n'engage pas sa responsabilité le franchiseur qui transmet spontanément à son franchisé des estimations excédant ses obligations légales et assorties, compte tenu de la nouveauté et de l'absence d'exploitation préalable du concept, de réserves et de mises en garde expresses invitant le franchisé à réaliser ses propres estimations ; que le document précontractuel d'information remis à Mme X..., en sa qualité d'associé fondateur des sociétés Solab Notre Dame de Bondeville et Solab Conquérant en cours de formation, stipulait expressément que les études de marché et les informations comptables et financières qui y figuraient avaient un caractère strictement indicatif, étaient dépourvues de valeur contractuelle et reposaient sur l'aléa inhérent à toute activité de commerçant indépendant, le document invitant même expressément le candidat à faire réaliser lui-même une étude de marché et un prévisionnel d'activité afin d'apprécier la viabilité de son projet ; que dès lors, en imputant à faute à la société CP Création d'avoir transmis aux sociétés franchisées des pronostics excessivement favorables au regard du chiffre d'affaires et de la marge commerciale effectivement réalisés au cours de l'année suivante, quand les réserves et les mises en garde qui leur étaient associées excluaient toute croyance légitime des sociétés franchisées en la réalité des estimations avancées, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.
Alors, d'autre part, que le juge est tenu de préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en jugeant que devait être réputée non écrite la clause stipulant l'exonération de responsabilité de la société CP Création sans préciser le fondement juridique de cette décision, la Cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 12 du Code de procédure civile ;
Alors, enfin, en toute hypothèse, que la faute de la victime ayant contribué à son propre dommage exonère totalement ou partiellement celui dont la responsabilité est recherché ; qu'en sa qualité de commerçant indépendant et responsable, il appartient au franchisé informé du défaut d'exploitation préalable du concept innovant apporté par le franchiseur ainsi que de la nécessité de faire réaliser sous sa propre responsabilité une étude de marché, d'apprécier lui-même la valeur économique de son projet ; que dès lors, en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si les sociétés Solab Notre Dame de Bondeville et Solab Conquérant, expressément alertées sur le défaut d'exploitation antérieure du concept et sur la nécessité de procéder personnellement à des prévisions d'activité, n'avaient pas commis une faute à l'origine de leur propre dommage, de nature exonérer totalement ou partiellement la société CP Création de sa responsabilité, en ne réalisant aucune étude ni aucun prévisionnel d'activité qui leur auraient permis d'apprécier elles-mêmes la viabilité économique de leur projet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.