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19/01/2017 | FRANCE | N°15-28591

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 janvier 2017, 15-28591


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 septembre 2015), que, se plaignant d'une perte d'ensoleillement consécutive à la construction d'un immeuble collectif sur le fonds voisin de leur propriété comprenant une maison, une cour et un jardin, M. et Mme X... ont assigné la société Dutles Invest en indemnisation de leur préjudice sur le fondement des troubles anormaux du voisinage ;

Attendu que la SELARL Erwan Flatres, qui a repris l'instance en

gagée par la société Dutles Invest en sa qualité de liquidateur judiciaire de c...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 septembre 2015), que, se plaignant d'une perte d'ensoleillement consécutive à la construction d'un immeuble collectif sur le fonds voisin de leur propriété comprenant une maison, une cour et un jardin, M. et Mme X... ont assigné la société Dutles Invest en indemnisation de leur préjudice sur le fondement des troubles anormaux du voisinage ;

Attendu que la SELARL Erwan Flatres, qui a repris l'instance engagée par la société Dutles Invest en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette société, fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. et Mme X... des dommages-intérêts pour perte de la valeur de leur immeuble et pour préjudice permanent de jouissance ;

Mais attendu qu'ayant relevé que, compte tenu de la configuration en longueur et de faible largeur de la parcelle, la propriété de M. et Mme X... avait subi une perte d'ensoleillement significative, tant dans la cour intérieure qu'au niveau des ouvertures du rez-de-chaussée et du premier étage, à la suite de la construction, sur la parcelle contiguë, d'un immeuble d'une hauteur supérieure à seize mètres et bien plus importante que celle du bâtiment préexistant et exactement retenu que le fait que l'immeuble, objet de la perte d'ensoleillement, fût implanté en milieu urbanisé n'excluait pas par principe toute indemnisation au titre des troubles anormaux du voisinage, la cour d'appel en a souverainement déduit que la demande de M. et Mme X... devait être accueillie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SELARL Erwan Flatres, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Dutles Invest, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SELARL Erwan Flatres, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Dutles Invest, et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. et Mme X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la SELARL Erwan Flatres, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Dutles Invest

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Dutles Invest à verser à M. et Mme X... les sommes de 30 000 € pour la perte de valeur de l'immeuble et 3 000 € pour le préjudice permanent de jouissance ;

AUX MOTIFS QU'il appartient aux époux X... de rapporter la preuve du caractère anormal du trouble de voisinage qu'ils invoquent en raison d'une construction contiguë à la leur ; qu'ils s'appuient à la fois sur les conclusions du rapport de l'expertise amiable et du rapport d'expertise judiciaire, qui font état d'une perte d'ensoleillement significative de leur immeuble et plus particulièrement de sa partie arrière donnant sur cour, ainsi que sur des photographies communiquées aux débats ; que compte tenu de la configuration en longueur de la parcelle cadastrée section BZ n° 46 et de son bâti existant avant les travaux de construction de l'immeuble voisin, la propriété de M. et Mme X... en raison de la construction sur la parcelle contiguë, au sud-ouest, d'un immeuble dont la partie la plus haute culmine au niveau du faîte du toit à 16, 44 mètres, alors que le garage préexistant avait une hauteur maximale de 3, 60 mètres, a indéniablement subi une perte d'ensoleillement significative dans la cour intérieure, mais aussi dans la maison elle-même au niveau des ouvertures du rez-de-chaussée et du premier étage ; qu'en effet, la largeur de la cour sur laquelle donnent les ouvertures arrières de la maison X... est de 2, 60 mètres ; qu'aussi, la construction d'un immeuble dont la partie habitée est située au droit de la limite sud-ouest de cette parcelle, côté par nature ensoleillé l'après-midi et l'été en fin de soirée, d'une hauteur bien plus importante que celui préexistant, a considérablement amplifié pour les époux X... les conséquences de l'exiguïté de leur parcelle sur la partie inférieure de celle-ci ; que les constatations de l'expertise amiable apportent l'essentiel des données recueillies pour déterminer cette perte d'ensoleillement en tenant compte de deux points S et T situés l'un à une hauteur de 8, 92 mètres et l'autre de 12, 50 mètres ; que l'ensoleillement passant par ces deux points a diminué respectivement en moyenne de et 46 % dans l'immeuble X... avec un pic de 61 %, depuis la construction de l'immeuble de la société Dutles Invest ; que le rapport judiciaire a confirmé ces mesures et ne sont pas pour autant inopérantes comme le soutient la société Dutles Invest puisqu'il s'agit d'investigations contradictoires venant conforter une expertise qui ne l'était pas ; que le fait que l'expert ne se soit pas, comme le demandait la société Dutles Invest dans son dire du 3 septembre 2104, livré à une description de l'environnement du quartier et des caractéristiques du développement du tissu urbain ne sauraient pour autant ôter toute valeur aux données techniques retenues, la mission de l'expert étant de déterminer la perte d'ensoleillement de l'immeuble X... en raison de la construction de l'immeuble voisin ; que la question du lieu d'implantation de l'immeuble objet de la perte d'ensoleillement en milieu urbanisé soumis à des contraintes d'urbanisme différentes de celles qui existaient dans une zone d'habitat diffus ne doit intervenir que dans la détermination du préjudice, celui-ci étant atténué dans le cas d'un immeuble situé en zone de densité d'urbanisme forte ; qu'en revanche, l'importance de la perte d'ensoleillement subie par une partie importante de la propriété des époux X..., résulte de la configuration particulière de cette propriété implantée sur une parcelle de faible largeur, qui subit ainsi plus fortement la construction voisine plus haute ; que, sur le préjudice des époux X..., ils invoquent deux sources de préjudice, liés directement à la perte d'ensoleillement de leur immeuble : une perte de valeur vénale de 60 000 € et un préjudice de jouissance permanent de 20 000 € ; que la perte de valeur vénale de 60 000 € est celle proposée par l'expert judiciaire ; que cependant, comme il a été dit plus haut, le fait que l'immeuble soit implanté en zone fortement urbanisée, en centre-ville, atténue la perte de valeur dont les époux X... font état ; qu'en effet, l'emplacement d'un immeuble demeure un élément déterminant particulièrement fort lorsqu'il s'agit d'une maison individuelle du centre-ville pour fixer sa valeur vénale ; qu'aussi, il ne peut être considéré que la perte d'ensoleillement aussi préjudiciable soit-elle, ait entraîné une perte de valeur de 20 % sur 300 000 €, mais de 10 %, le préjudice des époux X... s'élevant ainsi de ce fait à 30 000 € ; quant au préjudice de jouissance, il est plus faible que celui invoqué par les époux X..., qui certes, voient leur cour intérieure devenir plus sombre ainsi que les pièces de leur maison, mais qui continuent de bénéficier à l'arrière de celle-ci d'un jardin dont il n'est pas soutenu qu'il serait lui aussi atteint par une perte d'ensoleillement et même bien au contraire puisque le mur séparatif, en fond de propriété, est inférieur à celui de l'ancien garage, qui s'élevait à 3, 60 mètres et qu'en outre, les nuisances liées à une activité d'atelier de réparation, sonores pour l'essentiel, ont aujourd'hui disparu en raison de l'affectation à l'habitation de l'immeuble voisin, qu'ainsi, le préjudice de jouissance des époux X... lié à la perte d'ensoleillement sera limité à 3 000 € ;

ALORS QUE nul n'est assuré de conserver son environnement qu'un plan d'urbanisme peut toujours remettre en question ; qu'en indemnisant la perte de valeur et la perte d'ensoleillement causées au fonds voisin par la construction d'un immeuble de plusieurs étages, tout en constatant que la construction nouvelle respectait le plan local d'urbanisme dans un centre-ville densément construit, la cour d'appel a violé par fausse application le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-28591
Date de la décision : 19/01/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 22 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 jan. 2017, pourvoi n°15-28591


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.28591
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