LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2015), qu'aucun accord n'étant intervenu sur le montant de l'indemnité due par la commune de Levallois-Perret (la commune) à la société de l'Aigo à la suite de l'expropriation à son profit d'un bien lui appartenant, la commune a saisi le juge de l'expropriation en fixation de cette indemnité ; que, la commune ayant relevé appel du jugement, l'instance a été radiée le 13 décembre 2011 ; que, par mémoire du 12 décembre 2013, la commune a sollicité le rétablissement de l'instance ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :
Attendu que la société de l'Aigo fait grief à l'arrêt de juger recevable l'appel formé par la commune ;
Mais attendu que, n'ayant pas relevé que les pièces adressées le 8 novembre 2011 étaient produites au soutien du mémoire de l'appelant, la cour d'appel a légalement justifié sa décision en ne prononçant pas la déchéance de l'appel ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu l'article R. 13-49 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, applicable à la cause, ensemble l'article 386 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour constater la péremption de l'instance, l'arrêt retient que, si les parties ayant déposé leurs mémoires dans les délais n'ont plus de diligences à accomplir de nature à faire progresser l'instance, il en va autrement quand une radiation a été prononcée et que, celle-ci n'ayant pas d'effet interruptif, la péremption n'a été interrompue que par les dernières diligences de la commune constituées par l'envoi de pièces adressées le 9 novembre 2011 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en matière d'appel exercé contre une décision fixant les indemnités d'expropriation, les parties n'ont plus à accomplir de diligences de nature à faire progresser l'instance après avoir déposé leurs mémoires dans les délais prescrits, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un motif inopérant tiré de la radiation de l'instance, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société de l'Aigo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la commune de Levallois-Perret, agissant par son maire, demanderesse au pourvoi principal
Il est reproché à l'arrêt attaqué, faisant droit au moyen soulevé par la SCI DE L'AIGO, d'avoir constaté la péremption de l'instance engagée par la Commune de Levallois-Perret ;
Aux motifs que : « conformément à l'article R 13-49 du code de l'expropriation, l'appelant doit, à peine de déchéance, déposer ou adresser son mémoire et les documents qu'il entend produire au greffe de la chambre dans un délai de deux mois à dater de l'appel.
Et selon ce même article, l'intimé doit à peine d'irrecevabilité, déposer ou adresser son mémoire en réponse et les documents qu'il entend produire au greffe dans le mois de la notification du mémoire de l'appelant.
En l'espèce, l'appel a été enregistré le 7 septembre 2010. L'appelant a déposé son mémoire le 4 novembre 2010 notifié par le greffe le 9 novembre 2010 aux intimés, soit la SCI de l'Aigo et le commissaire du gouvernement.
La SCI de l'Aigo a posté un mémoire le 3 décembre 2010, enregistré par ce greffe le 6 décembre 2010. La commune a posté un deuxième mémoire le 22 décembre 2010 qui est hors délai.
Par arrêt de cette cour du 28 juin 2011, il a été rejeté le moyen d'irrecevabilité tenant à l'envoi par la SCI de l'Aigo de son mémoire le 6 décembre 2010, ce dernier étant dans les délais et une réouverture des débats a eu lieu. Par arrêt de cette cour du 13 décembre 2011, il a été prononcé la radiation de l'affaire.
Dans ce contentieux, les parties ayant déposé leurs mémoires dans les délais n'ont plus de diligences à accomplir de nature à faire progresser la procédure, elles perdent la direction de la procédure, le greffe devant les convoquer après fixation par le président de la date d'audience conformément aux articles R 13-50 et R 13-51 du code de l'expropriation.
Toutefois, il a été prononcé une radiation, la cour ayant fait droit à la demande dans l'attente des procédures en cours au plan administratif.
Par lettre du 11 décembre 2013 enregistrée le 16 décembre 2013, confirmée par mémoire du 12 décembre 2013, la ville de Levallois-Perret demande afin d'éviter la péremption de rétablir l'affaire et de prononcer un sursis à statuer.
Par mémoire du 1er décembre 2014, posté le 2 décembre 2014, la SCI Aigo demande de constater la péremption de l'instance, de débouter la commune et de la condamner aux entiers dépens.
Par mémoire posté le 13 mars 2015 et enregistré le 16 mars 2015, la ville demande de la dire recevable et de rejeter le mémoire de la SCI visant la péremption et de prononcer un sursis à statuer.
Conformément à l'article L 13-4 du code de l'expropriation, le juge est saisi soit par l'expropriant à tout moment, après l'ouverture de l'enquête prescrite à l'article L 11-1, soit par l'exproprié à partir de l'ordonnance d'expropriation.
Il en résulte que contrairement à ce qu'indique la ville, les recours formés devant la juridiction administrative visant tant à l'annulation de l'arrêté préfectoral, que de la procédure d'expropriation ne sont pas suspensifs et n'ont pas d'incidence sur la fixation du montant de l'indemnité. Il en est de même de la procédure engagée à l'encontre du propriétaire du 116 de la même rue. La demande de sursis à statuer en ce sens n'est pas recevable nonobstant la procédure administrative en cours.
Enfin, les dernières diligences de la ville datent du 8 novembre 2011 par l'envoi de pièces postées le 9 novembre 2011, l'arrêt de cette cour de radiation du 13 décembre 2011 n'est pas suspensif, il en résulte que la péremption est acquise et qu'il y a lieu de faire droit à ce moyen soulevé par la SCI de l'Aigo » ;
1. Alors que, d'une part, en matière d'appel exercé contre une décision rendue par le Juge de l'Expropriation, une fois les mémoires déposés dans les délais prescrits, les parties n'ont plus à accomplir de diligences de nature à faire progresser l'instance, de sorte que celle-ci ne saurait faire l'objet d'une péremption pour défaut d'accomplissement de diligences pendant deux ans ; qu'en l'espèce, en se fondant sur la circonstance, inopérante, tirée de ce qu'un arrêt de radiation avait été prononcé le 13 décembre 2011 pour considérer que les parties devaient tout de même accomplir des diligences pendant un délai de deux ans afin de faire progresser l'instance et qu'à défaut, celle-ci était périmée, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article R. 13-49 ancien du Code de l'Expropriation et, par fausse application, l'article 386 du Code de Procédure civile ;
2. Alors que, d'autre part et à titre subsidiaire, même à estimer qu'en matière d'appel exercé contre une décision rendue par le Juge de l'Expropriation, la radiation de l'affaire puisse exceptionnellement exposer l'instance au risque d'une péremption pour défaut d'accomplissement de diligences pendant deux ans, ce délai de deux ans ne pourrait pas, rétroactivement, commencer à courir avant ladite radiation; qu'en l'espèce, en considérant qu'en raison de la radiation prononcée le 13 décembre 2011, le délai de deux ans de péremption de l'instance avait, rétroactivement, commencé à courir à compter du 8 novembre 2011, la Cour d'appel a donc violé, par refus d'application, l'article R. 13-49 ancien du Code de l'Expropriation et, par fausse application, l'article 386 du Code de Procédure civile ;
3. Alors qu'enfin et à titre infiniment subsidiaire, la péremption est interrompue par les actes intervenus dans une instance différente lorsqu'il existe entre les deux procédures un lien de dépendance directe et nécessaire ; qu'en l'espèce, en écartant le moyen de la Commune de Levallois-Perret tiré de l'existence d'un tel lien entre la procédure judiciaire d'indemnisation de l'exproprié et la procédure administrative contentieuse tendant à l'annulation des actes en vertu desquels l'expropriation avait été prononcée, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 386 du Code de Procédure civile.
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société de l'Aigo, demanderesse au pourvoi incident
Il est reproché à la cour d'appel d'avoir jugé recevable l'appel interjeté par la commune de Levallois-Perret ;
AUX MOTIFS QUE conformément à l'article R. 13-49 du code de l'expropriation, l'appelant doit, à peine de déchéance, déposer ou adresser son mémoire et les documents qu'il entend produire au greffe de la chambre dans un délai de deux mois à dater de l'appel ; QUE selon ce même article, l'intimé doit à peine d'irrecevabilité, déposer ou adresser son mémoire en réponse et les documents qu'il entend produire au greffe dans le mois de la notification du mémoire de l'appelant ; QU'en l'espèce, l'appel a été enregistré le 7 septembre 2010 ; QUE l'appelant a déposé son mémoire le 4 novembre 2010 notifié par le greffe le 9 novembre 2010 aux intimés, soit la SCI de l'Aigo et le commissaire du gouvernement ; (…) QU'enfin, les dernières diligences de la ville datent du 8 novembre 2011 par l'envoi de pièces postées le 9 novembre 2011, l'arrêt de cette cour de radiation du 13 décembre 2011 n'est pas suspensif, il en résulte que la péremption est acquise et qu'il y a lieu de faire droit à ce moyen soulevé par la SCI de l'Aigo.
ALORS QUE l'appelant qui dépose après l'expiration du délai de l'article R. 13-49, alinéa 1er, du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique les pièces produites au soutien de son mémoire, est déchu de son appel ; que la cour d'appel, qui a constaté que la commune de Levallois-Perret avait relevé appel le 7 septembre 2010 et déposé son mémoire le 4 novembre 2010, mais qu'elle avait déposé des pièces le 8 novembre 2011, n'a pas caractérisé le dépôt, dans les deux mois de l'appel, des pièces produites au soutien du mémoire de l'appelant ; qu'en jugeant néanmoins l'appel recevable, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 13-49 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dans sa version applicable à l'espèce.