LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mai 2015), que, le 25 janvier 2007, un aéronef appartenant à la compagnie Régional Air France s'est couché sur le côté au moment de son décollage, a franchi une route et a percuté un poids lourd, causant le décès de son conducteur ; qu'au cours de l'enquête préliminaire et de l'information judiciaire, l'avion a été placé sous scellés, avant d'être restitué, le 25 février 2009, à la société The Green Airliner, dont l'objet est la valorisation d'aéronefs et qui en avait acquis la propriété à titre gratuit ; que celle-ci a assigné l'Agent judiciaire de l'Etat en indemnisation de son préjudice causé par le maintien sous scellés de l'appareil ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société The Green Airliner fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'est un déchet tout bien meuble pour lequel aucune utilisation ultérieure n'est prévue et qui est ainsi destiné uniquement à un traitement terminal, notamment par valorisation ; qu'en écartant la qualification de déchet de l'épave de l'aéronef, au motif impropre que la société The Green Airliner le destinait à une valorisation, la cour d'appel a violé les articles L. 541-1 et L. 541-1-1 du code de l'environnement ;
2°/ que toute personne qui se trouve en possession d'un déchet en est détenteur ; qu'en considérant que les services judiciaires ne pouvaient être qualifiés de détenteur de l'épave de l'aéronef au motif inopérant qu'ils n'avaient pas vocation à procéder à l'élimination du bien dans un but environnemental, tandis qu'elle constatait que lesdits services en avaient la garde pendant le temps nécessaire à la réalisation de leurs investigations et des expertises techniques indispensables à la détermination des causes de l'accident, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 541-1 et L. 541-1-1 du code de l'environnement ;
3°/ que tout détenteur de déchets est tenu d'en assurer ou d'en faire assurer la gestion conformément aux dispositions légales ; qu'en jugeant que les services judiciaires n'avaient pas pour obligation de prendre d'autres mesures que celles découlant du traitement de scellés, la cour d'appel a violé les articles L. 541-1 et L. 541-2 du code de l'environnement ;
4°/ que le détenteur d'un déchet susceptible de valorisation n'est pas seulement tenu de le conserver dans des conditions ne portant pas atteinte à l'environnement mais doit, sauf justification particulière, favoriser ce traitement ; qu'en écartant toute manquement de l'État à ses obligations en qualité de détenteur de déchet au motif impropre qu'il n'était pas justifié que l'épave aurait été détenue dans des conditions de nature à avoir des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, dégrader les sites ou les paysages, polluer l'air ou les eaux, engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, la cour d'appel a violé les articles L. 541-1 et L. 541-2 du code de l'environnement ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'aéronef avait été placé sous main de justice au cours d'une enquête pénale pour déterminer les causes de l'accident, la cour d'appel en a exactement déduit que l'Etat ne pouvait en être considéré comme le détenteur au sens de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige, et que les demandes de la société The Green Airliner devaient être rejetées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société The Green Airliner fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de l'Etat à lui rembourser les frais de maintien sous scellés de l'épave, alors, selon le moyen, que, dès lors que le placement sous scellé judiciaire d'un bien a été ordonné par l'autorité compétente, l'ensemble des frais afférent à ce scellé est à la charge de l'État ; qu'en déboutant la société The Green Airliner de sa demande tendant au remboursement des frais de location de vérins, sur lesquels l'épave de l'aéronef avait été déposée pour le temps de son placement sous main de justice, à raison de ce que la location de vérins n'avait pas spécialement fait l'objet d'une réquisition judiciaire, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé les articles 800-1, R. 91 et R. 92 du code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le bon de commande de la location des vérins avait été signé par la société The Green Airliner qui souhaitait assurer une meilleure conservation de l'avion en vue de son démantèlement et relevé qu'aucune décision judiciaire n'avait ordonné le placement sur vérins qui n'était pas nécessaire au bon déroulement de la procédure, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande de remboursement de cette dépense au titre des frais de justice devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le deuxième moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société The Green Airliner aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société The Green Airliner et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à l'Agent judiciaire de l'Etat ;
Condamne la société The Green Airliner à payer une amende civile de 3 000 euros envers le Trésor public ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société The Green Airliner
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société The Green Airliner de sa demande tendant à la condamnation de l'État à lui payer la somme de 128 000 euros au titre du remboursement des frais de maintien sous scellés de l'épave, 2 550 000 euros au titre de la perte de chance de réaliser un profit de l'opération de valorisation du fait de la dégradation de l'épave, 212 932,44 euros au titre de la perte financière consécutive à l'immobilisation de l'épave et 1 508 444 euros au titre de la dégradation physique de l'épave ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' aux termes de l'article L. 541-2 du code de l'environnement tel que rédigé au jour de l'accident, le 27 janvier 2007 et comme tel applicable au présent litige : « Toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l'air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, à porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination conformément aux dispositions du présent chapitre, dans des conditions propres à éviter lesdits effets. L'élimination des déchets comporte les opérations de collecte, transport, stockage, tri et traitement nécessaires à la récupération des éléments et matériaux réutilisables ou de l'énergie, ainsi qu'au dépôt ou au rejet dans le milieu naturel de tous autres produits dans des conditions propres à éviter les nuisances mentionnées à l'alinéa précédent. » ; que le déchet est défini à l'article L. 541-1 du même code applicable au litige comme suit : « Est un déchet au sens du présent chapitre tout résidu d'un processus de production, de transformation ou d'utilisation, toute substance matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon. » ; que l'aéronef est un bien meuble ; que, toutefois, il n'est ni abandonné ni destiné à l'abandon ; qu'en effet, la société appelante en est devenue propriétaire à la suite d'un acte de transfert et délaissement de la part des assureurs membres du GIE La Réunion aérienne pour le valoriser conformément à son objet social et retraiter toutes les matières et composants susceptibles de faire l'objet d'un recyclage ; qu'en principe le propriétaire du lieu sur lequel se trouve le déchet en est le détenteur sauf à ce qu'il démontre que le déchet ne lui appartient pas ou qu'il a pris toute mesure pour éviter qu'il ne soit entreposé sur sa propriété ; que la société Sabena technics n'en est pas le détenteur dès lors que l'épave se trouve dans ses locaux sur réquisition judiciaire ; que l'Etat n'est ni propriétaire des locaux ni de l'épave ; que l'Etat ne peut donc être qualifié de détenteur au sens du texte ; qu'il convient de ne pas confondre la notion de gardien lié au placement sous scellés et celle de détenteur telle que visée au code de l'environnement ; que les services judiciaires ne retiennent l'avion que pendant le temps nécessaire à la réalisation de leurs investigations et des expertises techniques indispensables à la détermination des causes de l'accident ; qu'ils n'ont pas vocation à procéder à l'élimination de l'avion dans un but environnemental ; qu'ils le restituent à son propriétaire n'ayant aucun motif de le conserver ; que c'est d'ailleurs ce qui a été fait ainsi que le démontre le procès-verbal de gendarmerie du 25 février 2009, date à laquelle le président de la société a repris possession des scellés ; que l'aéronef n'est pas un déchet au sens de l'article L. 541-1 du code de l'environnement et les services judiciaires ne peuvent être qualifiés de détenteur de ce bien ; qu'au surplus, la société appelante ne verse aux débats aucune pièce et ne fournit aucun élément démontrant que l'épave aurait été détenue dans des conditions de nature à avoir des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, dégrader les sites ou les paysages, polluer l'air ou les eaux, engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement ; que la seule fiche de données de sécurité relative à un produit Skydrol présentée par la société appelante a une portée générale et il n'est pas prouvé que ce produit était un de ceux susceptibles d'être trouvés dans l'avion et qu'à supposer qu'il l'ait été, qu'il était encore dans l'épave au moment de son placement sous scellés ; que le simple fait que la carlingue de l'avion et certains de ses éléments constitutifs aient été entreposés dans un hangar ne suffit pas à établir que des risques auraient existé pour la santé de l'homme ou l'environnement alors que, pour des raisons de sécurité, les matières dangereuses ou inflammables n'ont pas manqué d'être enlevées avant l'entreposage de l'avion ; que dès lors que ni les dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'environnement ni celles de l'article L. 541-2 de ce même code ne sont susceptibles de recevoir application dans le cadre du présent litige ; que le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société The Green Airliner formée contre l'agent judiciaire de l'Etat au titre d'une responsabilité objective de l'Etat sur le fondement des textes susvisés ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE la propriété de l'aéronef a été transférée à la société The Green Airliner, qui en est le détenteur au sens de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, alors même que pendant un temps limité cet engin a été saisi et placé sous scellés pour les besoins d'une procédure pénale ; qu'il ressort en effet des dispositions de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au jour de la mise sous scellés de l'aéronef en cause, que « Toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l'air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, à porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination conformément aux dispositions du présent chapitre, dans des conditions propres à éviter lesdits effets. L'élimination des déchets comporte les opérations de collecte, transport, stockage, tri et traitement nécessaires à la récupération des éléments et matériaux réutilisables ou de l'énergie, ainsi qu'au dépôt ou au rejet dans le milieu naturel de tous autres produits dans des conditions propres à éviter les nuisances mentionnées à l'alinéa précédent » ; que cette disposition ne s'applique pas à l'autorité judiciaire qui a compétence pour décider de placer sous scellés une pièce à conviction au cours d'une procédure pénale, pour les seules nécessités de la manifestation de la vérité et pendant le temps utile à l'instruction et éventuellement au jugement, en ce que cette autorité aurait l'obligation de prendre elle-même des mesures de valorisation susceptibles au demeurant d'aboutir à la destruction de ladite pièce ; qu'il n'est pas contestable que la qualité de pièce à conviction de tout bien régulièrement saisi, et qui dès lors doit être immédiatement placé sous scellés, prime tout autre caractère que pourrait avoir ledit bien ; que la décision judiciaire, qui n'a pas été contestée en son principe et dont les modalités ont été jugées régulières, est fondée sur la nécessité de permettre toutes constatations, expertises et discussions au cours de la procédure d'enquête, éventuellement d'instruction et de jugement aux fins de permettre la manifestation complète de la vérité et la discussion des éléments de preuve par l'ensemble des parties en cause dans la procédure, qu'elles soient mises en cause ou parties civiles ; que les autorités en charge du dossier pénal, qui ne sont ni producteurs de déchets ni détenteurs de ceux-ci lorsqu'ils sont placés sous scellés, au sens du code de l'environnement, n'ont pas pour obligation de prendre d'autres mesures que celles découlant du traitement de scellés et il ne peut leur être imputé à faute de ne pas avoir cherché à valoriser l'aéronef en cause, en récupérant ou faisant récupérer les éléments et matériaux utilisables ; qu'en tout état de cause, il ne ressort d'aucun élément produit aux débats que l'aéronef en cause a été conservé dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l'air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, à porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement ; que la société demanderesse, qui indique qu'elle a perdu une chance de valoriser dans de bonnes conditions l'aéronef en cause, ne peut pas plus soutenir qu'en ne lui remettant pas immédiatement l'aéronef placé sous scellés avant son acquisition et dont elle connaissait parfaitement la situation juridique, les autorités judiciaires ont manqué à une obligation qui pèserait sur elles de favoriser la valorisation de cet objet ; que, dès lors, la demande ne peut être accueillie de ce chef ;
1°) ALORS QU' est un déchet tout bien meuble pour lequel aucune utilisation ultérieure n'est prévue et qui est ainsi destiné uniquement à un traitement terminal, notamment par valorisation ; qu'en écartant la qualification de déchet de l'épave de l'aéronef, au motif impropre que la société The Green Airliner le destinait à une valorisation, la cour d'appel a violé les articles L. 541-1 et L. 541-1-1 du code de l'environnement ;
2°) ALORS QUE toute personne qui se trouve en possession d'un déchet en est détenteur ; qu'en considérant que les services judiciaires ne pouvaient être qualifiés de détenteur de l'épave de l'aéronef au motif inopérant qu'ils n'avaient pas vocation à procéder à l'élimination du bien dans un but environnemental, tandis qu'elle constatait que lesdits services en avaient la garde pendant le temps nécessaire à la réalisation de leurs investigations et des expertises techniques indispensables à la détermination des causes de l'accident, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 541-1 et L. 541-1-1 du code de l'environnement ;
3°) ALORS QUE tout détenteur de déchets est tenu d'en assurer ou d'en faire assurer la gestion conformément aux dispositions légales ; qu'en jugeant que les services judiciaires n'avaient pas pour obligation de prendre d'autres mesures que celles découlant du traitement de scellés, la cour d'appel a violé les articles L. 541-1 et L. 541-2 du code de l'environnement ;
4°) ALORS QUE le détenteur d'un déchet susceptible de valorisation n'est pas seulement tenu de le conserver dans des conditions ne portant pas atteinte à l'environnement mais doit, sauf justification particulière, favoriser ce traitement ; qu'en écartant toute manquement de l'État à ses obligations en qualité de détenteur de déchet au motif impropre qu'il n'était pas justifié que l'épave aurait été détenue dans des conditions de nature à avoir des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, dégrader les sites ou les paysages, polluer l'air ou les eaux, engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, la cour d'appel a violé les articles L. 541-1 et L. 541-2 du code de l'environnement.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE) :IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société The Green Airliner de sa demande tendant à la condamnation de l'État à lui payer la somme de 128 000 euros au titre du remboursement des frais de maintien sous scellés de l'épave, 2 550 000 euros au titre de la perte de chance de réaliser un profit de l'opération de valorisation du fait de la dégradation de l'épave, 212 932,44 euros au titre de la perte financière consécutive à l'immobilisation de l'épave et 1 508 444 euros au titre de la dégradation physique de l'épave ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la mise en oeuvre de la responsabilité sans faute de l'État pour rupture d'égalité devant les charges publiques suppose la démonstration de l'existence d'un préjudice anormal et spécial en lien direct avec l'activité du service public de la justice ; que la société appelante ne peut pas se plaindre de ce que l'Etat aurait failli à une obligation de valorisation de l'épave lui faisant perdre une chance de procéder à celle-ci dans de bonnes conditions en ne lui remettant pas rapidement l'avion alors qu'elle avait obtenu le transfert de l'appareil à son profit par un acte qui mentionnait expressément sa situation juridique à savoir un placement sous séquestre de justice par décision du procureur de la République ; qu'elle savait que l'avion était à l'origine d'un accident ayant occasionné une victime et des blessés, que des investigations techniques étaient nécessaires rendant indispensable le placement sous main de justice de l'appareil jusqu'à l'issue de la procédure dans le cas où une contre-expertise serait sollicitée ; que l'appelante n'ignorait donc pas qu'elle pouvait ne pas disposer de l'épave dans un délai rapproché et court ; que cet aléa ne lui était pas inconnu ; que de plus l'Etat en sa qualité de gardien et non de détenteur au sens du code de l'environnement n'était pas tenu à une obligation de valorisation de l'épave ; que l'accident a eu lieu le 27 janvier 2007 et la restitution de l'épave est intervenue le 23 février 2009 soit à l'issue d'un délai de deux ans et un mois ; qu'une enquête du bureau d'enquêtes et d'analyse pour la sécurité de l'aviation civile a eu lieu ; qu'un pré-rapport a été déposé à une date ignorée ; que l'enquête préliminaire de gendarmerie s'est déroulée pendant l'année 2007 avant l'ouverture d'une information le 4 décembre 2007 ; qu'il ressort de l'information que de nombreuses auditions de témoins ont été réalisées ; que plusieurs personnes physiques et morales ont été d'abord entendues en qualité de témoins assistés puis mises en examen ; que plusieurs expertises techniques ont été diligentées ; que la complexité de l'affaire a amené le président du tribunal à désigner un second juge d‘instruction ; qu'il ne peut dès lors être reproché au service public de la justice de ne pas avoir restitué immédiatement l'épave à la société appelante ; que des impératifs procéduraux ont nécessité que l'avion reste sous scellé pour la poursuite de l'instruction ; qu'il convient de relever que lorsque le juge d'instruction a rendu une ordonnance refusant la restitution du scellé, confirmée par la chambre d'instruction, la société n'a pas formé de pourvoi en cassation contre cette décision ; que le délai écoulé avant la restitution n'est donc pas déraisonnable ; que le fait que dans une autre affaire suivie par un autre tribunal ainsi que l'invoque la société appelante, la restitution serait intervenue à l'issue d'un délai de six mois n'est pas pertinent dès lors que chaque dossier est distinct et que les causes de l'accident peuvent avoir été plus rapidement mises en évidence que dans la présente affaire ; que par ailleurs le fait que le bien ait été dévalorisé entre le moment de son placement sous scellés et sa remise entre les mains de son propriétaire est inhérente à cette situation de mise sous main de justice ; qu'il n'est pas démontré qu'aucune précaution n'ait été prise au sein des locaux de la société Sabena pour conserver le bien ; que le préjudice dont se plaint la société the Green Airliner ne lui est pas spécial ; qu'il n'est pas plus anormal alors qu'une enquête et des expertises étaient nécessaires pour connaître la cause de l'accident et que comme indiqué précédemment, la société n'ignorait pas ce fait ; qu'elle a accepté le transfert de l'appareil à son profit alors qu'il était déjà sous scellé pour les besoins de l'enquête ; qu'elle ne justifie pas avoir attiré l'attention du juge sur la nécessité de prendre des mesures particulières de conservation de l'aéronef ; que les conditions de conservation du bien n'ont pas été différentes de celles habituelles et conformes aux usages en la matière ; qu'il résulte, au demeurant, de procès-verbaux d'enquête que des éléments de l'appareil étaient emballés ; qu'il en est ainsi du réacteur et que des mesures de sécurité avaient été prises notamment d'obturation de divers orifices ; que de même des trappes et accès à l'intérieur de l'avion avaient été fermés ; qu'il s'en déduit que des précautions ont été prises pour la conservation du bien retenu ; qu'au surplus, l'appelante ne fournit aucun élément permettant de prouver que la déconstruction de l'aéronef telle que prévue aux termes du contrat qu'elle a passé avec la société Tarmac en 2009 après restitution n'est pas celui qu'elle aurait signé en 2007 après l'accident et que les possibilités de valorisation des produits obtenus de la découpe de l'appareil auraient été plus importantes et le recyclage plus conséquent ; que la demande de ce chef ne peut donc qu'être rejetée en l'absence de caractérisation du préjudice spécial et anormal subi par l'appelante ; que le jugement est aussi confirmé de ce chef ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE la société The Green Airliner, qui se dit tiers à la procédure pénale, fonde à titre subsidiaire son action sur la responsabilité sans faute de l'Etat pour rupture de l'égalité devant les charges publiques ; que cependant, elle ne démontre pas le caractère spécial et anormal de la charge supportée par elle en contrepartie des avantages résultant de l'intervention judiciaire ; qu'en effet, d'une part, le préjudice qu'elle invoque, résultant de la perte de chance d'avoir pu valoriser les éléments récupérables de l'avion en cause dans de très brefs délais après sa saisie, n'est pas spécial en ce que la société The Green Airliner ne pouvait pas ne pas savoir que les nécessités de l'enquête et de l'instruction dans une affaire ayant conduit à la mise en examen de plusieurs personnes à la suite du décès de la victime principale et des blessures causées par ailleurs, étaient susceptibles d'entraîner le maintien sous main de justice de l'aéronef à l'origine de l'accident éventuellement jusqu'à l'issue de la procédure et le prononcé d'une décision définitive ; qu'en acquérant dans les conditions rappelées plus haut l'aéronef alors saisi pour les motifs indiqués, elle a pris le risque de voir le bien rester sous main de justice ; qu'au demeurant, la durée de la conservation de l'aéronef sous scellés, de deux ans et un mois, n'apparaît nullement comme dépassant le délai raisonnable dans une telle procédure ; que, par ailleurs, l'importance du préjudice allégué n'est pas établie, étant observé que la sté The Green Airliner a pris possession de l'aéronef en février 2009 et qu'elle ne produit pas l'ensemble des documents relatifs au traitement qu'elle effectivement réalisé dans le cadre de l'opération de valorisation entreprise depuis cette date ; que, dans ces conditions, la demande n'est pas fondée de ce chef ;
1°/ ALORS QUE, la responsabilité de l'État est engagée, sans faute de sa part, sur le fondement de l'égalité devant les charges publiques, lorsqu'il résulte de son activité un préjudice anormal et spécial ; la condition de spécialité, à laquelle est subordonnée l'engagement de la responsabilité sans faute de l'État pour rupture d'égalité devant les charges publiques, suppose simplement que le préjudice résultant de l'activité régulière de l'État n'ait touché qu'une faible partie de la collectivité ; qu'en écartant la spécialité du préjudice dont se plaignait la société The Green Airliner aux motifs impropres qu'une enquête et des expertises étaient nécessaires pour connaître la cause de l'accident, qu'elles n'avaient pas excédé une durée raisonnable, que le fait que le bien ait été dévalorisé entre le moment de son placement sous scellés et sa remise entre les mains de son propriétaire est inhérente à cette situation de mise sous main de justice et qu'il n'est pas démontré qu'aucune précaution n'ait été prise au sein des locaux de la société Sabena pour conserver le bien, la cour d'appel a violé le principe de l'égalité devant les charges publiques ;
2°/ ALORS QUE la condition d'anormalité suppose simplement une gravité suffisante du préjudice ; qu'en écartant l'anormalité du préjudice dont se plaignait la société The Green Airliner aux motifs impropres qu'elle avait accepté le transfert de l'appareil à son profit tandis qu'il était déjà sous scellé pour les besoins de l'enquête, qu'elle ne justifiait pas avoir attiré l'attention du juge sur la nécessité de prendre des mesures particulières de conservation de l'aéronef et que l'épave de l'aéronef aurait été conservé dans des conditions conformes aux usages en la matière, la cour d'appel a violé le principe de l'égalité devant les charges publiques ;
3°/ ALORS QUE les préjudices dont la société The Green Airliner sollicitait l'indemnisation étaient constitués non seulement de la perte de chance de procéder aux opérations de valorisation de l'épave de l'aéronef, mais également de la perte financière consécutive à l'immobilisation de l'épave, de sa dégradation physique et des frais de location de vérins ; qu'en écartant le droit à indemnisation de la société The Green Airliner à raison de ce qu'elle n'aurait fourni aucun élément permettant de prouver que la déconstruction de l'aéronef telle que prévue aux termes du contrat qu'elle a passé en 2009 après restitution n'est pas celui qu'elle aurait signé en 2007 après l'accident et que les possibilités de valorisation des produits obtenus de la découpe de l'appareil auraient été plus importantes et le recyclage plus conséquent, sans ainsi se prononcer sur les autres chefs de préjudice invoqués, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ ALORS QUE si l'indemnisation de la victime pour rupture d'égalité devant les charges publiques peut être écartée en cas de réalisation d'un risque assumé, la responsabilité sans faute de l'État demeure engagée à proportion du préjudice réalisé excèdant celui prévisible ; qu'en écartant l'engagement de la responsabilité de l'État sur ce terrain, à raison de ce que le délai écoulé avant la restitution de l'épave n'était pas déraisonnable, compte tenu de la complexité de l'affaire, sans rechercher, ainsi qu'elle y était d'ailleurs invitée (conclusions, p. 43), si la durée du placement sous scellé, qui a atteint 2 ans et 1 mois, n'était pas néanmoins imprévisible pour la société The Green Airliner au moment où elle a accepté le transfert de propriété de l'aéronef, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de l'égalité devant les charges publiques.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE) :IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société The Green Airliner de sa demande tendant à la condamnation de l'État à lui payer la somme de 128 000 euros au titre du remboursement des frais de maintien sous scellés de l'épave ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 800 du code de procédure pénale prévoit qu'un décret en Conseil d‘Etat détermine les frais qui doivent être compris sous la dénomination de frais de justice criminelle, correctionnelle et de police ; que l'article R. 91 de ce même code dispose que : « Constituent des frais de justice les dépenses de procédure à la charge définitive ou provisoire de l'Etat, qui résultent d'une décision de l'autorité judiciaire ou de celle agissant sous sa direction ou sous son contrôle. Ils comprennent les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police ainsi que les frais qui leur sont assimilés. Les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police correspondant à des dépenses engagées au cours d'une procédure pénale. Ils sont énumérés à l'article R. 92. Leur sont assimilés les frais de la nature définie au premier alinéa, engagés au cours d'une procédure autre que celle mentionnée au deuxième alinéa. Ils sont énumérés à l'article R. 93. L'Etat paye les frais de justice et poursuit le recouvrement de ceux qui ne sont pas à sa charge définitive, le tout dans la forme et selon les règles établies par le présent titre. » ; que le 5° de l'article R. 92 du même code précise que sont compris dans les frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police : « les frais de mise sous séquestre, ceux de saisie, de garde et de destruction en matière de scellés judiciaires ainsi que, si le condamné ne les a pas payés, les frais d'enlèvement et de garde en fourrière de son véhicule faisant l'objet d'une immobilisation autorisée ou prononcée à titre de peine par l'autorité judiciaire. » ; qu'il résulte de ces textes que pour être considérés comme frais de justice, la location des vérins doit résulter d'une décision de l'autorité judiciaire ou d'une personne agissant sous sa direction ou son contrôle ; que la société The Green Airliner ne produit aucune réquisition de l'autorité judiciaire ayant imposé que l'avion soit placé sur vérins ; qu'il n'est pas plus démontré qu'un tel placement de l'appareil sur vérins était même nécessaire pour le bon déroulement de la procédure ; que la dépense générée par la location de ces vérins l'a été dans l'intérêt de l'appelante qui souhaitait assurer une meilleure conservation de l'avion en vue de ses opérations futures de démantèlement ; qu'il y a lieu de relever que la société Sabena fait référence au bon de commande signé par la société appelante le 8 octobre 2007 ; que les factures de cette société ne font aucun état d'une réquisition judiciaire à l'origine de cette location ; que la société the Green Airliner doit, dès lors, en assumer la charge ; que le jugement est donc confirmé en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QU' en l'absence de toute réquisition relative à la location de vérins, le coût résultant de la commande faite le lendemain de l'accident et que le propriétaire a régulièrement payé à la société Sabena Technics, son cocontractant, la demande de prise en charge de la dépense engagée au titre des frais de justice ne peut être accueillie ;
ALORS QUE dès lors que le placement sous scellé judiciaire d'un bien a été ordonné par l'autorité compétente, l'ensemble des frais afférent à ce scellé est à la charge de l'État ; qu'en déboutant la société The Green Airliner de sa demande tendant au remboursement des frais de location de vérins, sur lesquels l'épave de l'aéronef avait été déposée pour le temps de son placement sous main de justice, à raison de ce que la location de vérins n'avait pas spécialement fait l'objet d'une réquisition judiciaire, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé les articles 800-1, R. 91 et R. 92 du code de procédure pénale.