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19/01/2017 | FRANCE | N°15-20595

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 janvier 2017, 15-20595


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 7 décembre 2005 par la société Transports Latour aux droits de laquelle vient la société Mitrans en qualité de chauffeur routier, M. X... a été licencié pour motif économique par lettre du 24 mai 2012 ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la seconde branche du moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu

les articles L. 1233-5 et L. 1233-7 du code du travail ;
Attendu que la cour d'a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 7 décembre 2005 par la société Transports Latour aux droits de laquelle vient la société Mitrans en qualité de chauffeur routier, M. X... a été licencié pour motif économique par lettre du 24 mai 2012 ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la seconde branche du moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu les articles L. 1233-5 et L. 1233-7 du code du travail ;
Attendu que la cour d'appel a condamné l'employeur au versement de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour non respect des critères d'ordre des licenciements ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne peut être alloué au salarié licencié sans cause économique, en plus de l'indemnité fixée à ce titre pour réparer l'intégralité du préjudice subi par suite de la perte injustifiée de son emploi, des dommages-intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Mitrans à payer à M. X... la somme de 4 024 euros à titre de dommages-intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements, l'arrêt rendu le 28 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi et statuant de ce chef, déboute M. X... de sa demande indemnitaire au titre de l'inobservation de l'ordre des licenciements ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Mitrans.
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit le licenciement de M. Gérard X... par la société Mitrans sans cause réelle et sérieuse, condamné la société Mitrans à payer à M. X... la somme de 24.144 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 4.024 € à titre de dommages et intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements et ordonné le remboursement par la société Mitrans au Pôle emploi des indemnités de chômage servies à M. X... du jour de son licenciement jusqu'au jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnités ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'ordre des licenciements, l'article L.1233-5 du code du travail dispose que : « Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Ces critères prennent notamment en compte : 1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés. 2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise. 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés. 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article » ; que l'article L1233-7 du même code précise que : « Lorsque l'employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il prend en compte, dans le choix du salarié concerné, les critères prévus à l'article L.1233-5 » ; que M. X... soutient que la société Mitrans n'a pas respecté l'ordre des licenciements ; que la société Mitrans fait valoir que cette obligation ne s'impose pas en cas de licenciement individuel et que la suppression de poste ne concernait que le poste de M. X... ; que de plus le choix de licencier M. X... était justifié par la « faible qualité de ses prestations professionnelles », de son absence de charges de famille et de son ancienneté dans l'entreprise ; que, conformément aux textes rappelés, l'obligation d'établir un ordre des licenciements s'impose en matière de licenciement individuel ; que par ailleurs les critères fixant l'ordre des licenciements doivent être établis de façon globale et s'appliquer à l'ensemble du personnel, ou éventuellement au niveau d'une catégorie professionnelle ; que dès lors, l'appréciation de ces critères ne peut être effectuée que dans le cadre de l'entreprise sans pouvoir fractionner celle-ci ; que le lieu de travail dans le cadre duquel M. X... effectuait son service, s'il est géographiquement éloigné des lieux dans lesquels l'entreprise exerce principalement son activité, ne peut être considéré comme constituant un établissement distinct ; que si la société Mitrans expose dans ses écritures les critères qui l'auraient conduit à décider le licenciement de M. X..., elle n'apporte aucun élément sur les modalités de choix des critères de licenciement ni sur une éventuelle pondération de ceux-ci, alors qu'elle soutient avoir privilégié celui résultant des qualités professionnelles ; qu'elle n'apporte pas en particulier d'éléments de comparaison avec les autres salariés de la même catégorie, soit les chauffeurs routiers groupe 6 coefficient 138 M, notamment concernant les autres critères tel que les charges de famille ; qu'au vu des extraits du registre du personnel apporté par la société Mitrans, l'ancienneté de M. X... est relativement importante et que le seul élément évoqué concernant les « qualités professionnelles » des salariés concernés est une procédure disciplinaire à l'encontre de M. X... datant de l'année 2007 pour un accident de la circulation ; que, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la société Mitrans ne justifie pas des critères de l'ordre des licenciements concernant M. Gérard X... ; que ce manquement a nécessairement causé à l'intéressé un préjudice qu'il convient de réparer par l'octroi de dommages et intérêts correspondant à deux mois de salaire, soit la somme de 4024 € ;
AUX MOTIFS EN OUTRE QUE, sur les recherches de reclassement, l'article L.1233-4 du code du travail dispose que « le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation ou d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient » ; qu'il ressort de ces dispositions que l'employeur doit démontrer l'impossibilité du reclassement, et notamment de l'absence de poste disponible dans l'entreprise ; que la société Mitrans soutient que le reclassement dans l'entreprise était impossible ; que s'il ressort de la consultation du procès-verbal de la réunion de la délégation unique du 24 avril 2012 que des reclassements ont été recherchés pour certains conducteurs, il apparaît que cette recherche n'a pas été effectuée pour le poste de M. X... ; que l'argument selon lequel le poste de celui-ci était le seul basé dans l'Est de la France ne saurait suffire à justifier cette absence de recherche de reclassement, la société Mitrans ne démontrant pas qu'elle a proposé à l'intéressé une mutation géographique que celui-ci aurait refusée ; que par ailleurs il ressort du registre du personnel de la société Mitrans que celle-ci a embauché en contrat à durée déterminée cinq salariés dont la qualification correspondait à celle de M. X... entre le 2 avril et le 9 juillet 2012 ; que le salarié embauché le 13 mai 2011, soit à la période de la procédure de licenciement de M. X..., est resté dans l'entreprise jusqu'au 31 mai 2013 ; qu'un salarié embauché en contrat à durée déterminée le 6 août 2012 a bénéficié en février 2013 d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il ressort de ce qui précède que des postes étaient disponibles dans l'entreprise qui auraient permis le reclassement de M. X..., et que la société Mitrans ne démontre pas par la production d'éléments objectifs que l'intéressé ne pouvait pas se voir confier la conduite de certains types de véhicules ; qu'il résulte de ce qui précède que le licenciement de M. X... ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement contesté ;
ET AUX MOTIFS ENFIN QUE, sur l'indemnisation de M. X..., il convient de rappeler en préalable que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'indemnité relative au défaut de consultation des représentants du personnels sur les mesures de reclassement en cas de licenciement économique ne peuvent se cumuler ; qu'il ressort du dossier que M. X... avait six ans et cinq mois d'ancienneté dans l'entreprise à la date du licenciement ; qu'il avait soixante ans ; que, compte tenu de son âge, la probabilité de retrouver un emploi était faible ; que sa rémunération s'établissait à la somme mensuelle de 2.012 € ; qu'eu égard aux éléments évoqués plus haut, il y a lieu de fixer le montant du préjudice subi par M. X... à douze mois de salaire, soit la somme de 24.144 € ; Qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande sur ce point selon ces modalités ; qu'il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur à Pole emploi des indemnités chômage servies à M. Gérard X... du jour de son licenciement jusqu'au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnité ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il ne peut être alloué au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, en plus de l'indemnité fixée à ce titre pour réparer l'intégralité du préjudice subi par suite de la perte injustifiée de son emploi, des dommages et intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements ; qu'en condamnant la société Mitrans au versement de dommages et intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements en plus de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L.1233-5 du code du travail ;
ET ALORS, D'AUTRE PART, QU'il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement si l'employeur justifie de l'absence de poste disponible dans l'entreprise à l'époque du licenciement, ou s'il y a lieu dans le groupe auquel elle appartient ; que dans ses conclusions d'appel (p. 8, alinéa 3), la société Mitrans faisait notamment valoir que « compte tenu du comportement routier de M. X..., il n'était pas possible de lui permettre de le faire rouler sur un véhicule de haut gabarit et grand volume avec double pont (supérieur à 4 m de hauteur sur route) : si le licenciement n'a pas été prononcé pour cause personnelle, par contre les capacité de M. X... étaient limitées en raison de son passé (…) » ; qu'en jugeant que la société Mitrans avait manqué à ses obligations en matière de reclassement de M. X..., sans examiner sérieusement les justifications avancées par l'employeur établissant qu'il avait procédé à des recherches de reclassement, qui n'avaient pu aboutir en raison des compétences limitées et du comportement routier du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1233-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-20595
Date de la décision : 19/01/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 28 avril 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 jan. 2017, pourvoi n°15-20595


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.20595
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