LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 2265 et 2272 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 12 novembre 2015), qu'en 2013, Mme X...a assigné M. et Mme Y..., propriétaires de parcelles cadastrées C 500 et C 501, acquises, le 21 août 1985, de M. et Mme Z..., en démolition d'ouvrages construits sur la parcelle C 502, dont elle a revendiqué la propriété ; que M. et Mme Y... se sont opposés à cette demande en invoquant la prescription acquisitive ;
Attendu que, pour dire que Mme X... est propriétaire de la parcelle C 502, l'arrêt retient qu'elle l'a acquise par acte du 28 novembre 1981 et que, si M. et Mme Y... ont, depuis l'acquisition de leur maison, procédé à de nombreux aménagements établissant ainsi une possession publique, paisible et non équivoque de la parcelle litigieuse, celle-ci ne figure pas dans leur acte de propriété et qu'ils ne peuvent, dès lors, solliciter la jonction de leur possession à celle de leur auteur et utilement invoquer des attestations concernant l'usage de la parcelle antérieurement à leur acte d'achat ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, d'une part, si la parcelle C 502 ne constituait pas, depuis au moins 1949, l'unique accès à la propriété de M. et Mme Y..., n'avait pas fait l'objet d'une possession exclusive de leurs auteurs avant 1985 et n'avait pas été comprise dans le tènement immobilier dont ceux-ci sont propriétaires, d'autre part, si la vente par M. et Mme Z... n'avait pas porté, dans l'intention des parties, sur l'ensemble de la propriété possédée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demane de Mme X... et la condamne à payer 3 000 euros à M. et Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la parcelle C 502 commune de Villapourçon appartient à Mme X... et d'avoir, en conséquence, condamné M. Y..., sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard pendant trois mois à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la signification de la décision, à supprimer tous les ouvrages construits sur cette parcelle et de l'avoir encore condamné à payer à Mme X... la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la propriété de la parcelle cadastrée C 502 lieu-dit « Rangère » commune de VILLAPOURCON : qu'il résulte de l'acte dressé par Maître A..., notaire à Château-Chinon, le 28 novembre 1981 ayant fait l'objet d'une publication à la conservation des hypothèques le 15 janvier 1982, que Marie B...veuve C...a fait donation à Madame X... – sa petite-fille – de divers immeubles situés sur la commune de VILLAPOURCON ; que la page 3 de cet acte authentique mentionne les parcelles concernées par cette donation en faisant expressément référence à la parcelle C 502 en nature de terre, d'une superficie de 1 a et 25 ca ; que le Premier Juge a ainsi à juste titre rappelé que l'intimée disposait d'un titre de propriété clair s'agissant de la parcelle litigieuse ; qu'il est en revanche constant que l'acte authentique établi le 21 août 1985 par lequel Monsieur et Madame Y... ont fait l'acquisition de diverses parcelles de terre de la part de René Z... ne mentionne aucunement et de façon expresse ladite parcelle ; que si cet acte indique – dans le paragraphe intitulé « conditions » et non pas dans le paragraphe intitulé désignation des biens vendus »- qu'il existe une servitude de passage en application d'un acte sous-seing privé du 13 décembre 1934 faisant état de la vente d'une « parcelle d'un are environ, au levant de la maison de Monsieur Z... », il y a lieu d'observer que cette description ne peut concerner la parcelle litigieuse – laquelle se trouve au Sud de ladite maison et non à l'Est – et qu'en outre la contenance mentionnée ne correspond pas à la contenance réelle de la parcelle C 502 (un are et non un are 25 centiares) ; que dans ces conditions, la Premier Juge – qui a rappelé par ailleurs que les impôts fonciers afférents à la parcelle litigieuse avaient toujours été réglés par l'intimée – a pertinemment retenu que Madame X... disposait d'un titre de propriété qui n'est pas remis en cause par les éléments produits aux débats par les appelants ;
Sur l'usucapion invoquée de la parcelle : qu'en application du premier alinéa de l'article 2272 du code civil, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de 30 ans ; que l'article 2265 du même Code précise que « pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux » ; qu'il est toutefois de jurisprudence constante que l'acquéreur ne peut joindre à sa possession celle de son vendeur pour prescrire un bien resté en dehors de la vente ; qu'en l'espèce, et ainsi que cela a été indiqué ci-dessus, la parcelle cadastrée C 502 ne figure pas dans l'acte de propriété des époux Y... en date du 21 août 1985 ; que ces derniers ne peuvent, dès lors, solliciter la jonction de leur possession à celle de leur auteur et utilement invoquer des attestations concernant l'usage de la parcelle litigieuse antérieurement à leur acte d'achat ; que la décision du premier juge – qui a rappelé que l'acte d'acquisition des appelants était en date du 21 août 1985 et que l'assignation introductive d'instance avait été délivrée le 6 mars 2013 – ayant rejeté la demande formée au titre de l'usucapion devra donc être confirmée – le délai requis par l'article 2272 précité n'étant pas acquis en l'espèce ;
Sur la demande de suppression des ouvrages : que l'intimée se trouve bien fondée à solliciter, en application de l'article 544 du code civil, la suppression des ouvrages édifiés par les appelants sur la parcelle C 502 ; que la décision de condamnation à procéder à cette suppression sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard pendant 3 mois à l'issue d'un délai d'un mois devra donc être confirmée, sans qu'il n'apparaisse nécessaire d'élever le montant de ladite astreinte ainsi que cela est sollicité par l'intimée dans ses écritures » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la propriété de la parcelle C 502 : que la propriété immobilière se prouve par tous moyens ; qu'il ressort de l'acte du 28 novembre 1981 que Marie B...veuve C...a donné à Colette C...et son frère Alain C...des immeubles et terrains dont la parcelle C 502, d'une superficie de 1 a 25 ca, reçue dans la succession de sa tante Marie D...décédée le 17 février 1953 ; que la parcelle C 502 lui a été attribuée après partage de l'indivision avec son frère ; qu'elle dispose ainsi d'un titre visant explicitement la parcelle C 502 ; qu'elle démontre par ailleurs régler les impôts fonciers relatifs à cette parcelle ; qu'il ressort de deux courriers de la Direction des Archives Départementales de la NIEVRE et de l'examen comparé des plans cadastraux et après rénovation cadastrale que les anciennes parcelles C 268, C 269 et C 270 ont fait l'objet d'un partage en 1891 entre René E... (aux droits duquel est venu François Z... en 1926) et François C...(aux droits duquel est venu Henri C...en 1935) suivant une ligne Nord-Sud ; que, à la suite de la rénovation de 1962, les parcelles C 500 et C 501 correspondent au regroupement des anciennes parcelles C 265 et C 266 et des parties des parcelles C 268, C 269 et C 270 attribuées initialement à René E... ; que l'examen du plan cadastral napoléonien semble montrer que la parcelle C 268 se terminait au sud par une bande de terrain allant jusqu'à la voie publique au sud de la maison bâtie sur la parcelle C 266, sans qu'il soit possible de repérer avec précision la limite séparative entre ces deux parcelles ; que contrairement aux affirmations de la DAD de la Nièvre en 2005, les imperfections dans les tracés visibles lorsque les deux plans sont superposés, ne permettent pas de déterminer par leur comparaison de quelle ancienne parcelle est issue la nouvelle parcelle C 502 ; que l'examen des comptes du cadastre démontre en tout état de cause que la partie de la parcelle C 268 appartenant à Henri C...(compte 1825) est demeurée sa propriété jusqu'à son décès en 1956 puis a été inscrite au compte de ses héritiers Marie B...et Robert C...en 1958 (compte 2477) ; qu'il ressort de l'acte de propriété des époux Y... que l'ensemble des biens provenait d'une acquisition par les époux Z... aux consorts E...-F...en 1926 à l'exception d'un are acheté par acte du 13 décembre à 1934 à Henri C...« au levant de la maison de Monsieur Z... et restant à tenir de tous autres côtés à Mr C..., celui-ci entendant se réserver expressément le droit de passage sur le terrain vendu » ; que cette transaction a été enregistrée en 1935 et portée aux comptes des parties au titre de la parcelle C 269 ; que l'examen du plan cadastral démontre que cette désignation est une erreur manifeste, la parcelle C 269 étant séparée de la parcelle C 266 sur laquelle est implantée la maison par la parcelle C 268 et se trouvant au Nord ; que, compte tenu de la description dans l'acte d'un are « au levant de la maison de Mr Z... » et donc à l'est, alors que la parcelle C 502 se situe au sud du bâtiment, et en l'absence de limite claire entre les parcelles C 266 et C 268 sur le plan cadastral napoléonien, il doit en être déduit que l'are vendu en 1934 ne correspond pas à l'actuelle parcelle C 502 mais au terrain situé entre le mur est de la maison et la voie publique ; que, ajoutant à la confusion sur les modalités du remaniement cadastral, il ressort de la donation de 1981 que Marie C...avait reçu la parcelle C 502 non de son mari Henri C...mais de sa tante Marie D..., en même temps que plusieurs terrains situés dans la partie non cadastrée du plan fourni, au sud de la parcelle C 268, ce qui laisserait penser que la parcelle C 502 peut être issue non de la parcelle C 268 mais des terrains situés au sud ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que seule Colette C...dispose d'un titre de propriété clair qu'aucun des éléments soumis au débat n'est de nature à contrer et que ce titre (est) conforté par les indices tirés du cadastre ; que les époux Y... prétendent cependant avoir acquis la propriété de cette parcelle par usucapion ; que, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ; que les époux Y... n'ayant pas de juste titre, la prescription acquisitive est trentenaire ; qu'il n'est pas contesté que les époux Y... ont, depuis l'acquisition de leur maison en 1985, procédé à de nombreux aménagements à ses abords et notamment sur la parcelle C 502 établissant ainsi une possession publique, paisible et non équivoque ; que la parcelle C 502 ne figurant pas à l'acte de vente de 1985, l'éventuelle possession par les époux Z... ne peut être jointe à la possession des époux Y... pour compléter la prescription en application des dispositions de l'article 2265 du code civil ; qu'il résulte de ces éléments que, la possession n'étant pas trentenaire à la date de l'assignation, la prescription n'est pas acquise ; qu'il résulte de ce qui précède que Colette C...est propriétaire de la parcelle C 502 ;
Sur la suppression des ouvrages construits sur la parcelle C 502 : qu'en application de l'article 544 du Code civil, il y a lieu d'ordonner la suppression de tous les ouvrages édifiés par les défendeurs sur la parcelle C 502 ; que Colette C...justifie de multiples démarches au cours des années pour parvenir à une solution amiable, en saisissant un conciliateur de justice et en proposant un échange de terrains ; qu'elle a mis en demeure à plusieurs reprises les époux Y... de remettre en état la parcelle ; que ces éléments justifient que la condamnation soit prononcée sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant trois mois à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision » ;
1) ALORS QUE la propriété immobilière se prouve par tous moyens ; qu'en se fondant uniquement, pour juger que Mme X... était propriétaire de la parcelle C 502, sur les titres de chacune des parties dont le plus ancien datait de 1981 seulement, sur les données cadastrales et foncières ainsi que sur des courriers de la direction des archives départementales de la Nièvre, sans se prononcer – après avoir pourtant relevé qu'il était impossible de déterminer de quelle ancienne parcelle est issue la parcelle C 502 créée lors de la rénovation cadastrale survenue en 1962 – sur les photographies et témoignages produits par les époux Y... qui établissaient que la parcelle en cause constituait l'unique accès à leur propriété depuis – à tout le moins – l'année 1949 et qu'elle avait toujours été comprise dans le tènement immobilier dont ils sont propriétaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du code civil ;
2) ALORS, en tout état de cause, QUE la propriété s'acquiert par la possession paisible, publique exercée à titre de propriétaire pendant au moins trente ans ; qu'il résultait des constatations des juges du fond que Mme X..., donataire selon acte du 28 novembre 1981 de diverses parcelles, dont la parcelle cadastrée C 502 en nature de terre à Villapourcon, n'avait jamais eu la possession de cette parcelle ; qu'en refusant de rechercher si les époux Y... et avant eux les époux Z..., n'avaient pas, pendant plus de trente ans, entretenu et occupé de manière continue, paisible, publique non équivoque et à titre de propriétaire cette bande de terre permettant l'accès de leur fonds à la voie publique, et si la transmission de l'ensemble de la propriété des époux Z... n'avait pas porté, dans l'intention des parties, sur la bande de terre litigieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 2261, 2265 et 2272 du code civil.