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12/01/2017 | FRANCE | N°15-27908

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 janvier 2017, 15-27908


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 10 septembre 2015), que le 14 décembre 1993, M. X... a souscrit auprès de la société Abeille vie, aux droits de laquelle vient la société Aviva vie (l'assureur), un contrat d'assurance sur la vie multisupports dénommé « Sélectivaleurs croissance » comportant une clause dite d'arbitrage à cours connu permettant au souscripteur de passer des ordres d'arbitrage entre différents supports financiers sur la base des cour

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 10 septembre 2015), que le 14 décembre 1993, M. X... a souscrit auprès de la société Abeille vie, aux droits de laquelle vient la société Aviva vie (l'assureur), un contrat d'assurance sur la vie multisupports dénommé « Sélectivaleurs croissance » comportant une clause dite d'arbitrage à cours connu permettant au souscripteur de passer des ordres d'arbitrage entre différents supports financiers sur la base des cours de la bourse de la semaine précédente, en parfaite connaissance du résultat de l'opération ; qu'en janvier et juillet 1998, l'assureur a modifié la liste des supports éligibles à l'arbitrage ; qu'il a proposé en juin 1998 à M. X... de signer un avenant au contrat d'assurance, aux termes duquel, moyennant renonciation à la clause d'arbitrage à cours connu, il aurait accès à une liste de supports plus étendue ; que M. X... n'a pas donné suite à cette proposition ; qu'à la suite du refus opposé par l'assureur en décembre 2009 de procéder à un arbitrage vers un support qu'il avait précédemment utilisé, M. X... a assigné ce dernier en réparation du préjudice causé par son refus d'exécuter ses ordres d'arbitrage ;
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de dire qu'il a commis une faute en dénaturant le contrat souscrit le 14 décembre 1993 et d'ordonner en conséquence une mesure d'expertise avant dire droit sur le préjudice, alors, selon le moyen :
1°/ que la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en retenant que l'assureur n'était pas fondé à faire évoluer la liste des supports financiers du contrat d'assurance-vie Sélectivaleurs croissance, sauf à établir que le maintien de la liste originaire de supports l'aurait placé dans une situation de péril économique ou aurait nui aux autres souscripteurs, ce après avoir pourtant relevé, par motifs propres et adoptés, que les stipulations contractuelles excluaient que la liste originaire des supports éligibles pût demeurer figée, que l'assureur n'avait pas à recueillir l'accord de l'assuré pour faire évoluer les supports, que cette faculté contractuellement offerte ne revêtait pas en elle-même de caractère abusif, et que l'assuré ne pouvait prétendre avoir un droit acquis sur la liste des supports éligibles à la date de la souscription du contrat, laquelle était dépourvue de valeur contractuelle, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en subordonnant l'exercice, par l'assureur, de la faculté contractuelle de modification de la liste des supports éligibles du contrat Sélectivaleurs croissance, dont elle relevait expressément l'existence, à la démonstration préalable de ce que le maintien de la liste originaire de supports l'aurait placée dans une situation de péril économique ou aurait nui aux autres souscripteurs, ainsi qu'à la nécessité d'une renégociation contractuelle, la cour d'appel a dénaturé le contrat en y ajoutant des conditions que celui-ci ne prévoyait pas et a méconnu, par là-même, les dispositions de l'article 1134 du code civil ;
3°/ que l'utilisation d'une prérogative contractuelle n'est pas, en elle-même constitutive d'un abus ; qu'en affirmant, pour retenir l'exercice d'un supposé abus, par l'assureur, de sa faculté contractuelle de modification de la liste des supports éligibles du contrat Sélectivaleurs croissance, que la mise en oeuvre de cette faculté, au sein d'un contrat comportant une clause d'arbitrage à cours connu, aurait en soi constitué une dénaturation du contrat au seul bénéfice de la partie économiquement la plus forte, sans caractériser une telle « dénaturation » au regard de l'objet même du contrat d'assurance-vie, ni procéder sur ce point aux recherches qui lui étaient demandées par l'assureur, notamment quant à l'absence de tout engagement contractuel portant sur une liste de supports éligibles à dominante actions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4°/ qu'en se fondant pour retenir que l'assureur aurait cherché à "sauvegarder ses propres intérêts" en modifiant la liste des supports éligibles dans le cadre d'un contrat contenant une clause d'arbitrage à cours connu, sur les énonciations d'un procès-verbal d'assemblée d'une filiale de l'assureur, entité juridique distincte, sans vérifier si ce procès-verbal concernait l'assureur et se rapportait au contrat litigieux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ;
5°/ qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la liste des supports éligibles modifiée en 1998 ne continuait pas à comporter des supports variés à base notamment d'actions françaises et étrangères, et si les gains dégagés substantiels de M. X... dans ses opérations accomplies postérieurement aux modifications de supports litigieuses n'excluaient pas toute dénaturation du contrat originaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
6°/ qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés, que l'assureur aurait fait disparaître de la liste des supports originaires les fonds les plus spéculatifs au profit de fonds obligataires présentant un aspect spéculatif moindre, par la considération que l'assureur aurait supprimé deux fonds orientés vers les actions, quand il résultait par ailleurs de ses propres constatations que les deux fonds « composés d'actions » Option équilibre et Option performance n'avaient pas été affectés par la modification de la liste originaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient par motifs propres et adoptés que la clause d'arbitrage à cours connu et la diversité des supports éligibles sont des conditions essentielles de l'engagement de l'assuré ; que s'il n'est pas stipulé que l'assureur s'engage à maintenir la liste des supports initialement proposés, ce qui empêche l'assuré de soutenir valablement avoir un droit acquis sur une liste de supports, l'économie du contrat exige que des supports diversifiés comparables en nombre et en nature à ceux existant lors de la souscription, soient proposés à l'assuré à l'occasion de chacune des demandes d'échange ; que ladite liste proposait onze supports dont deux fonds composés notamment d'actions (Option équilibre et option performance) et deux fonds orientés vers les actions (Victoire France et Victoire performance) ; qu'il ressort de l'examen des documents applicables à compter du 1er juillet 1998 que l'assureur a réduit ce nombre à neuf et supprimé les fonds Victoire France et Victoire performance ; qu'en faisant disparaître les fonds les plus spéculatifs au profit de ceux qui, essentiellement orientés vers les obligations, présentaient un caractère spéculatif moindre, l'assureur a dénaturé le contrat ; que la mauvaise foi de l'assureur est d'autant plus avérée qu'il a, dans le même temps, proposé à l'assuré de souscrire un avenant par lequel il renonçait à la clause d'arbitrage à cours connu, mais qui lui aurait ouvert une gamme de quinze supports, dont une SICAV d'actions françaises et trois FCP orientés vers les actions ; que l'assureur ne démontre ni que le maintien d'une offre de supports diversifiée l'aurait placé dans une situation économique grave ni qu'elle aurait nui aux autre souscripteurs ; que l'assureur ne pouvait modifier de manière unilatérale l'offre de supports afin de priver d'une grande partie de son intérêt le jeu de la clause d'arbitrage à cours connu et de limiter ses coûts ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder aux recherches inopérantes visées par le moyen, a pu déduire, sans se contredire ni ajouter au contrat des conditions qu'il ne comportait pas, que l'assureur avait commis un abus dans l'exercice de la faculté contractuelle lui permettant de fixer unilatéralement la liste des supports éligibles à l'arbitrage ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Aviva vie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la société Aviva vie.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué D'AVOIR dit que la société Aviva Vie avait commis une faute en dénaturant le contrat souscrit par Monsieur Hervé X... le 14 décembre 1993, et D'AVOIR en conséquence ordonné une mesure d'expertise avant-dire droit sur le préjudice,
Aux MOTIFS PROPRES QUE sur la faute contractuelle reprochée à Aviva Vie, il sera retenu, comme l'a fait le tribunal, que M. X... s'est vu proposer par lettre du 17 juin 1998 d'Aviva un avenant au contrat, aux termes duquel, moyennant renonciation à la clause d'arbitrage à cours connu, il aurait, entre autres avantages, accès à une liste de supports plus étendue,· qu'était précisé, dans le même temps, que la liste des supports éligibles en cas de maintien de cette clause serait réduite ; qu'il n'a pas donné suite à cette proposition; que le tribunal, retenant l'argumentation développée devant lui par M. X..., a retenu que la diversité des supports éligibles et la clause d'arbitrage à cours connu étaient des conditions essentielles de l'engagement de l'assuré, et qu'en réduisant drastiquement la liste des supports éligibles et leur nature (les supports à base d'actions étant remplacés par des produits plus stables à base d'obligations), Aviva Vie avait dénaturé le contrat et manqué à son obligation de bonne foi dans son exécution ; qu 'il en a déduit que M. X... était donc fondé à demander le rétablissement du contrat en ce qui concerne l'intégralité des supports existant sur la liste valable jusqu'au 31 décembre 1994, et à obtenir réparation du préjudice ainsi subi ; qu 'Aviva observe à juste titre que tant la lettre que l'esprit du contrat, excluent que la liste des supports éligibles demeure figée ; qu 'en effet, les dispositions contractuelles ne laissent aucun doute sur ce point, puisque sous la rubrique « changement de support » il est expressément prévu dans les conditions générales que le remplacement des titres souscrits ne peut se faire que parmi les supports proposés par Abeille Vie, communiqués sur simple demande, et que le tableau des unités de compte disponible lors de la souscription du contrat mentionne expressément qu'il est valable jusqu'au 31 décembre 1993; que de même, il est justement rappelé que le bulletin de souscription indique que la liste des supports disponibles est publiée régulièrement ; qu'en outre, s'agissant d'un contrat illimité dans le temps, il est inconcevable qu'il ne puisse s'adapter à la conjoncture économique, intégrer de nouveaux supports ou supprimer ceux qui disparaissent ; que contrairement à ce que soutient M. X..., Aviva n'avait pas à recueillir son accord pour faire évoluer les supports, et cette faculté ne peut en elle-même être considérée comme abusive ; que M. X... est donc mal fondé à soutenir que la liste de supports remise en 1997 est contractuelle, étant observé que l'article A132-4, qui énumère les éléments d'information à fournir au souscripteur, n'en fait nulle mention ; que la demande d'Aviva Vie, tendant au rejet de la pièce 3 de M. X..., sur laquelle figure cette liste, n'est pas reprise au dispositif de ses écritures, et que la cour n'en est donc pas saisie, étant observé que cette pièce est par ailleurs sans intérêt ; qu'en revanche, cette évolution des supports éligibles ne pouvait se faire que dans le respect de l'économie du contrat ; qu'à cet égard, la cour renvoie à l'analyse complète et précise des dispositions contractuelles opérées par le tribunal, et adoptera la conclusion à laquelle elle conduit, à savoir que la combinaison entre la clause d'arbitrage à cours connu et la faculté d'arbitrer vers des supports volatils permettait au souscripteur d'optimiser la rentabilité de son placement en toute sécurité, ce qui démontre en effet que tant la clause d'arbitrage à cours connu que la diversité des supports éligibles constituaient des éléments essentiels du contrat ; qu'il importe peu que M. X... n'ait opéré que quelques arbitrages entre la souscription du contrat et 2009, date à laquelle il situe le premier refus d'arbitrage qui lui a été opposé par Aviva ; que pour contester tout abus de la faculté de modification des supports éligibles, Aviva fait valoir qu'au moment où les contrats avec arbitrage à cours connu ont été proposés au public, l'information financière disponible était très limitée; que toutefois les conditions dans lesquelles les souscripteurs pouvaient arbitrer ont totalement changé à la suite de la généralisation de la valorisation quotidienne des supports, de la plus grande pertinence des informations disponibles et de l'augmentation de la volatilité de certains supports, ce qui a provoqué un effet d'aubaine pour une minorité de souscripteurs, qui ont multiplié les aller retours entre supports volatils et supports garantis, transformant leur contrat d'arbitrage à cours connu en un véhicule de spéculation à court terme en contradiction avec l'objectif d'un contrat d'assurance-vie, qui est de constituer une épargne de longue durée ; que cette pratique entraînait pour l'assureur des pertes correspondant aux gains des arbitragistes, des frais de transaction plus élevés pour les autres porteurs de parts des fonds, et des contraintes pour les gérants des fonds astreints à conserver un niveau de liquidités plus important au besoin en vendant des actifs qui avaient vocation à être conservés à moyen ou long terme dans une optique de performance ; qu'il a ainsi été porté atteinte, toujours selon Aviva, à l'ordre public économique, ce qui justifiait pleinement les mesures prises en 1998 tendant à supprimer la faculté d'arbitrer à cours connu sur des supports volatils ; qu'Aviva Vie rappelle que l'arbitrage à cours connu conservait tout son intérêt après les restrictions opérées en 1998, et relève qu'après un arbitrage en 1994, M. X... a opéré entre 2008 et 2009 une douzaine d'échanges avec le support Option Performance qui lui ont permis de faire passer la valeur de son contrat de 294 538,22 euros à 458 878,98 euros, soit une augmentation de 56 % ; qu 'il est cependant ainsi reconnu, aux termes mêmes de cette argumentation, que c'est bien dans le but, entre autres considérations du même ordre, de sauvegarder ses propres intérêts, que la liste des supports à base d'actions éligibles dans le cadre d'un contrat contenant une clause d'arbitrage à cours connu a été réduite par Aviva ; qu 'il résulte ainsi d'un procès-verbal d'assemblée générale de l'une de ses filiales de juin 1998 que : « la majeure partie des contrats ayant été avenantée, le suivi et l'enregistrement des opérations ayant été améliorés, la rentabilité de notre société, tant en brut qu'en net de réassurance, ne devrait pas être affectée par les opérations d'arbitrage » ; qu'il n'est pas contesté cependant que cette rentabilité n'a jamais été en péril ; qu'Aviva Vie ne démontre aucunement ni que le maintien d'une offre de supports diversifiée dans le cadre d'un contrat avec arbitrage à cours connu au profit des souscripteurs refusant l'avenant proposé en 1998 l'aurait placée dans une situation économique grave, c'est-à-dire mettant en péril sa propre survie, ou même sa rentabilité, ni qu'elle aurait nui aux autres souscripteurs, en l'absence de données chiffrées précises; que cette preuve aurait-elle par ailleurs été rapportée, il lui incombait de solliciter de ses co-contractants la renégociation du contrat, et non de modifier de manière unilatérale l'offre de supports, afin de priver d'une grande partie de son intérêt le jeu de la clause d'arbitrage à cours connu ; qu'il a donc été justement retenu que l'atteinte unilatérale portée, à compter de juillet 1998, à la diversité des supports éligibles dans le cadre d'un contrat avec clause d'arbitrage à cours connu, opérée dans le seul intérêt de la partie la plus forte sur le plan économique, et à seule fin de limiter ses coûts, constituait une dénaturation du contrat, et, de la part de cette dernière, un abus de droit fautif engageant sa responsabilité ; que, sur le préjudice, la nécessité d'une mesure d'expertise n'est pas véritablement contestée ; que les dispositions du jugement l'ordonnant seront confirmées, ainsi que ses modalités pratiques, sous réserve des précisions ci-après, étant observé qu'il apparaît plus judicieux de trancher après dépôt du rapport d'expertise le point de savoir si le préjudice est constitué ou non par une perte de chance de procéder à des arbitrages ou par la perte entière des gains correspondants ; que les parties s'opposent sur la liste de référence à prendre en compte, le tribunal l'ayant fzxée à celle applicable jusqu'au 31 décembre 1994, M. X... demandant à ce que ce soit celle de 1997 et Aviva Vie celle applicable à la souscription du contrat ; que compte tenu de la faculté d'Aviva Vie de faire évoluer les supports éligibles, et cette évolution n'étant pas critiquée pour la période antérieure au 30 juin 1998, ce sera la liste de produits éligibles applicable jusqu'au 30 juin 1998 qui devra servir de référence ; qu'il n'y a pas lieu de demander à l'expert si, compte tenu de la suppression de certains supports volatils, la clause d'arbitrage à cours connu conservait un intérêt ; qu'en effet M. X... ne conteste pas la progression de la valeur de son placement en 2008 et 2009 telle qu'exposée par Aviva Vie, ce qui démontre son intérêt, même postérieurement à la modification de la liste des supports ; qu 'il est néanmoins évident que, si les supports sont stables, les possibilités de gains sont moindres, en sorte que l'arbitrage peut devenir trop coûteux compte tenu des frais; que les circonstances du présent litige sont par ailleurs en elles-mêmes la preuve que cette clause avait un intérêt essentiellement parce qu'elle était combinée avec la possibilité de gains important, dus à la volatilité de certains supports; qu'en ce qui concerne les frais d'arbitrage, il est constant qu'Aviva les a réduits à 1% à compter de 1995 ; que néanmoins rien n'établit que cette réduction ait été pérenne, en sorte que le calcul du préjudice devra s'effectuer conformément aux stipulations contractuelles sur ce point ; que ce point sera également réservé en ce qui concerne l'exécution future du contrat ; qu'il résulte des écritures de M. X... (p. 85) que ce dernier s'est vu refuser une opération d'arbitrage pour la première fois le 18 décembre 2009 seulement, ce qui n'est pas contesté ; que c'est donc à juste titre que M. X... demande expressément tant dans les motifs de ses écritures (p. 85) que dans leur dispositif que les investigations de l'expert soient limitées à la période postérieure au 18 décembre 2009 ; que la mission de l'expert fixée par le tribunal sera modifiée sur ce point ; qu'il sera donc demandé à l'expert d'évaluer, pour la période postérieure au 18 décembre 2009, le préjudice résultant de l'impossibilité de réaliser les arbitrages souhaités vers des titres équivalents à ceux qui étaient disponibles lors de la souscription du contrat, et avant modification substantielle des supports éligibles au 1er juillet 1998, et de la perte de gains ainsi causée ; qu'en revanche, la demande tendant à ce que soit également évalué le préjudice résultant de l'impossibilité d'arbitrer davantage sur des supports équivalents à ceux éligibles à la souscription du contrat sera rejetée, comme totalement hypothétique; qu'ainsi que relevé par le tribunal, il y aura lieu de tenir compte des habitudes d'arbitrage de M. X..., telles qu'elles se sont manifestées à compter du 18 décembre 2009 ; qu'il sera enfin demandé à l'expert de préciser les supports éligibles à réintégrer, au besoin par équivalence, afin de restaurer l'économie originelle du contrat, et il sera sursis à statuer sur cette demande dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise (arrêt, pp. 4 - 7),
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE sur le manquement de l'assureur à ses obligations contractuelles, l'article 1134 du Code civil dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu 'elles doivent être exécutées de bonne foi; que l'assureur soutient que la cause du contrat était la valorisation de l'épargne de l'assuré, afin que celui-ci se constitue un capital ou une retraite destiné à lui fournir un complément de revenus ; qu'il conteste tout objectif spéculatif; qu 'il ajoute que l'assuré n'avait aucun droit au maintien des supports proposés par l'assureur et que ce dernier était libre d'en fixer la liste et de déterminer les conditions applicables à la demande de remplacement, à chaque sollicitation de l'assuré ; que monsieur X... fait valoir que la clause d'arbitrage à cours connu était une condition essentielle du contrat, puisqu'elle permettait de passer des ordres d'arbitrage en parfaite connaissance du résultat financier de l'opération, ce qui conférait au contrat un statut de placement de bon père de famille malgré la volatilité des supports qui y étaient attachés ; qu'il soutient que la liste des supports éligibles au contrat, remise par l'assureur en1997, a un caractère contractuel et qu'il a sur elle un droit acquis ; qu'il en déduit qu'en procédant au retrait illicite de certains supports de façon unilatérale, la société Aviva Vie a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat ; que le tribunal constatera que les conditions générales du contrat liant les parties stipulent : - en introduction: « Sélectivaleurs Croissance : [. . .) Liberté de vos placements : à vous de choisir librement les investissements que vous préférez. [ .. ] Parts de FCP, de SCI, du fonds VICTOIRE GARANTIE ou actions de SICAV, tous les placements vous sont ouverts » ; - au chapitre « Modalités d'alimentation de votre compte » : « le versement net de frais est investi en parts de FCP, de SCI, du fonds Victoire Garantie ou actions de SICAV ou de tout autre support autorisé [ . .]. Pour acquérir des parts ou actions supplémentaires vous pourrez effectuer des versements "libres" dont vous choisirez la date et le montant [ . .]. Vous pouvez aussi prévoir lors de la souscription ou ultérieurement, des versements périodiques et le support sur lequel vous souhaitez qu'ils soient affectés. Vous devez désigner un support unique » ; - au chapitre « Valeur liquidative des parts ou actions » : « la valeur retenue pour l'achat des parts ou actions ou leur vente dépend de la nature de celles-ci » ; - au chapitre « Changement de support»: « Vous avez la faculté de remplacer les parts ou actions inscrites à votre compte par d'autres, choisies parmi celles proposées par Abeille Vie dans les conditions fixées alors par Abeille Vie. Ces conditions vous seront communiquées sur simple demande. L'échange est réalisé sur demande écrite et adressée au siège social [ . .]. Les valeurs liquidatives retenues sont celles de la dernière bourse de la semaine précédant l'échange. Si l'échange porte sur des parts de SCI ou des parts du fonds Victoire Garantie, il ne pourra intervenir qu'à un anniversaire de la date d'effet de votre compte Sélectivaleurs Croissance. Il peut en être de même pour d'autres parts ou actions, dont la liste vous sera communiquée sur simple demande » ; - au chapitre « Revenus des parts ou actions»: « 100% des revenus nets annuels [. . .] sont réinvestis immédiatement en parts et actions de même nature »; qu'il s'ensuit que le contrat affirme qu'il permet à l'assuré d'affecter librement son épargne à tous types de placement, parts ou actions; que la possibilité de modifier ce choix, pour souscrire notamment des actions, en toute connaissance du résultat de l'opération, est exposée de manière claire ; qu'elle est en outre présentée comme l'un des éléments essentiels du contrat ; que la clause d'arbitrage à cours connu n'exclut pas un objectif de constitution d'une épargne dès lors que l'opération est sans risque et permet au souscripteur de combiner préservation de son épargne et plus-value ; que cette clause, et la diversité des supports éligibles, sont donc des conditions essentielles de l'engagement de l'assuré ; que cette faculté d'arbitrage ne peut s'exercer que si les supports offerts sont nombreux et diversifiés ; que dès lors, s'il n'est pas stipulé que l'assureur s'engage à maintenir la liste des supports initialement proposés, ce qui empêche l'assuré de soutenir valablement avoir un droit acquis sur une liste de supports, quelle que soit la date de transmission de celle-ci, l'économie du contrat exige que des supports diversifiés, comparables en nombre et en nature à ceux existant lors de la souscription, soient proposés à l'assuré à l'occasion de chacune de ses demandes d'échange; que monsieur X... soutient qu'aucune liste de supports ne lui a été remise par l'assureur au moment de la souscription du contrat et avant l'année 1997 ; qu'il affirme cependant que l'atout principal dudit contrat était de lui permettre d'arbitrer à cours connu, faculté pour l'exercice de laquelle il était essentiel d'avoir connaissance des listes des supports éligibles sur ce contrat ; qu 'en outre, il est constant que monsieur X... a usé de cette faculté le 14 octobre 1994, date à laquelle il a demandé à la compagnie Abeille Vie de changer 100% de ses supports au profit du fonds Victoire Performances ; qu 'il s'ensuit que l'assuré détenait alors une liste de support éligibles à son contrat ; que dans ses écritures, la société Aviva Vie fait valoir tout à la fois lui avoir adressé en 1993 la liste des supports valable jusqu'au 31 décembre 1993, ne lui avoir transmis aucune liste lors de la souscription du contrat, et avoir mis à sa disposition, suite à sa demande, la liste valable jusqu'au 31 décembre 1994 ; que le tribunal, constatant que cette dernière liste mentionne notamment le fonds Victoire Performance, choisi par monsieur X... dans son courrier daté du 14 octobre 1994, en déduira que l'assuré en disposait nécessairement à la date de sa demande d'échange ; que de surcroît, du fait de l'entrée en vigueur de l'arrêté du 21 juin 2004, l'article A. 132-12 du code des assurances, l'assureur avait désormais l'obligation de remettre à l'assuré une liste de supports éligibles au contrat, tout en précisant les actifs la composant ; que ladite liste proposait onze supports dont deux fonds composés notamment d'actions (Option Equilibre et Option Performance) et deux fonds orientés vers les actions (Victoire France et Victoire Performance) ; que si cette liste ne saurait avoir, pour les raisons déjà énoncées, valeur contractuelle, l'assureur avait néanmoins l'obligation de maintenir une offre de supports équivalente, afin de respecter le contrat ; qu'il résulte de l'examen des documents applicables à compter du 1er juillet 1998, que la compagnie Abeille Vie a alors réduit ce nombre à neuf ; qu'en outre, elle a supprimé les fonds Victoire France et Victoire Performance, pour ne laisser dans la catégorie « support monétaire » que Finabeille, désormais présenté comme un « FCP monétaire à orientation à très court terme » alors qu'il était défini, en 1994, par « Obligations et titres de créances. Priorité à la régularité de l'évolution de la valeur » ; que cette modification de la définition du produit révèle la volonté de l'assureur de dissimuler, par l'usage de termes moins précis, la modification essentielle du contrat ainsi faite de manière unilatérale ; qu 'en effet, en faisant disparaître les fonds les plus spéculatifs au profit de ceux qui, essentiellement orientés vers les obligations, présentaient un aspect spéculatif moindre, l'assureur a dénaturé le contrat ; qu'il a privé abusivement monsieur X... de la possibilité de placer ses fonds sur les supports les plus performants ; qu'il a donc manqué à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat ; que la mauvaise foi de la société Aviva Vie est d'autant plus avérée qu'elle a, dans le même temps, proposé à l'assuré de souscrire un avenant par lequel il renonçait à la clause d'arbitrage à cours connu, mais qui lui aurait ouvert une gamme de quinze supports, dont une SICAV d'actions françaises et trois FCP orientés vers Les actions ; que cette différence dans les choix offerts aux assurés révèle que la société Aviva Vie a ainsi entendu privilégier ses propres intérêts, au détriment de ses cocontractants, en réduisant les risques nés pour elle de l'évolution des marchés financiers, et en privant les assurés de la possibilité de bénéficier de plus-values importantes ; que, sur la demande d'expertise, la réduction importante du nombre et de la diversité des supports est susceptible d'avoir fait perdre au demandeur une chance de réaliser des plus-values supérieures à celles qu'il a effectivement obtenues; que monsieur X... produit, au soutien de sa demande, des demandes d'échange, effectuées entre 14 octobre 1994 et le 6 juillet 2010, dont certaines ont été rejetées par l'assureur, à compter du 18 décembre 2009 ; que la société Aviva Vie s'oppose à la demande d'expertise, au visa de l'article 146 du code de procédure civile, en soutenant qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ; que le tribunal retiendra que monsieur X... a effectivement subi un préjudice résultant de la perte de chance de pouvoir procéder à des échanges ; qu'il n'importe que monsieur X... ait peu utilisé la faculté d'échange qui lui était offerte dès lors que le contrat la prévoyait, sans imposer une fréquence particulière ; que les habitudes de l'assuré seront en revanche prises en compte pour L'appréciation de son préjudice ; qu'il y a donc lieu de faire droit à sa demande d'expertise, afin que l'expert recueille tous éléments permettant de déterminer le préjudice subi du fait de l'impossibilité d'arbitrer à cours connu sur les supports supprimés, à compter de la date de ladite suppression (jugement, pp. 5 - 8,),
1°) ALORS, D'UNE PART, QUE la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en retenant que la société Aviva Vie n'était pas fondée à faire évoluer la liste des supports financiers du contrat d'assurance-vie Sélectivaleurs Croissance, sauf à établir que le maintien de la liste originaire de supports l'aurait placée dans une situation de péril économique ou aurait nui aux autres souscripteurs, ce après avoir pourtant relevé, par motifs propres et adoptés, que les stipulations contractuelles excluaient que la liste originaire des supports éligibles pût demeurer figée, que 1 'assureur n'avait pas à recueillir l'accord de l'assuré pour faire évoluer les supports, que cette faculté contractuellement offerte à l'assureur ne revêtait pas en elle-même de caractère abusif, et que l'assuré ne pouvait prétendre avoir un droit acquis sur la liste de supports éligibles à la date de la souscription du contrat, laquelle était dépourvue de valeur contractuelle, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile;
2°) ALORS, D'AUTRE PART, QU'en subordonnant l'exercice, par l'assureur, de la faculté contractuelle de modification de la liste des supports éligibles du contrat Sélectivaleurs Croissance, dont elle relevait expressément l'existence, à la démonstration préalable de ce que le maintien de la liste originaire de supports l'aurait placée dans une situation de péril économique ou aurait nui aux autres souscripteurs, ainsi qu'à la nécessité d'une renégociation contractuelle, la cour d'appel a dénaturé le contrat en y ajoutant des conditions que celui-ci ne prévoyait pas et a méconnu, par là-même, les dispositions de l'article 1134 du code civil ;
3°) ALORS, DE PLUS, QUE l'utilisation d'une prérogative contractuelle n'est pas, en elle-même constitutive d'un abus ; qu'en affirmant, pour retenir l'exercice d'un supposé abus, par l'assureur, de sa faculté contractuelle de modification de la liste des supports éligibles du contrat Sélectivaleurs Croissance, que la mise en oeuvre de cette faculté, au sein d'un contrat comportant une clause d'arbitrage à cours connu, aurait en soi constitué une dénaturation du contrat au seul bénéfice de la partie économiquement la plus forte, sans caractériser une telle « dénaturation » au regard de l'objet même du contrat d'assurance-vie, ni procéder sur ce point aux recherches qui lui étaient demandées par la société Aviva Vie, notamment quant à l'absence de tout engagement contractuel portant sur une liste de supports éligibles à dominante actions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4°) ALORS, EN OUTRE, QU'en se fondant, pour retenir que l'assureur aurait cherché à « sauvegarder ses propres intérêts » en modifiant la liste des supports éligibles dans le cadre d'un contrat contenant une clause d'arbitrage à cours connu, sur les énonciations d'un procès-verbal d'assemblée d'une filiale d'Aviva Vie, entité juridique distincte, sans vérifier si ce procès-verbal concernait la société Aviva Vie et se rapportait au contrat litigieux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ;
5°) ALORS, DE SURCROIT, QU'en se prononçant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée, si la liste des supports éligibles modifiée en 1998 ne continuait pas à comporter des supports variés à base notamment d'actions françaises et étrangères, et si les gains dégagés substantiels de monsieur X... dans ses opérations accomplies postérieurement aux modifications de supports litigieuses n'excluaient pas toute dénaturation du contrat originaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
6°) ALORS, ENFIN, QU'en retenant, par motifs éventuellement adoptés (jugement, p. 7, paragr. 4), que la société Aviva Vie aurait fait disparaître de la liste des supports originaires les fonds les plus spéculatifs au profit de fonds obligataires présentant un aspect spéculatif moindre, par la considération que l'assureur aurait supprimé deux fonds orientés vers les actions, quand il résultait par ailleurs de ses propres constatations que les deux fonds « composés d'actions » Option Equilibre et Option Performance n'avaient pas été affectés par la modification de la liste originaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-27908
Date de la décision : 12/01/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 10 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 jan. 2017, pourvoi n°15-27908


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Ohl et Vexliard, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.27908
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