LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, qui est recevable :
Vu l'article 1251, 3°, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 16 février 2016 ;
Attendu que la subrogation légale bénéficie de plein droit à la personne qui, étant tenue avec d'autres ou pour d'autres, au paiement de la dette, avait intérêt à l'acquitter ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, titulaire d'un contrat d'assurance sur la vie souscrit auprès de la société Antin épargne pension, aux droits de laquelle vient la société Dexia épargne pension, M. X...en a délégué le bénéfice, par acte du 29 janvier 2007, à la société Dexia banque privée France, en garantie d'un prêt de 1 600 000 euros consenti à Mme Y..., le 14 février suivant ; qu'en raison de la défaillance de cette dernière, la société BNP Paribas (la banque), venant aux droits de la société Dexia banque privée France, a notifié à la société Antin épargne pension une demande de rachat du contrat délégué que celle-ci a accueillie en lui versant la somme de 503 119, 45 euros ; que M. X...a assigné Mme Y... en paiement ;
Attendu que, pour rejeter l'ensemble de ses demandes, la cour d'appel a refusé de reconnaître à M. X...la qualité de subrogé ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. X...avait payé à la banque une somme de 503 119, 45 euros en exécution d'une garantie de remboursement du prêt contracté par Mme Y... et avait ainsi payé la dette de cette dernière à l'aide de ses propres deniers, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X...la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur Jean-Louis X...de toutes ses demandes à l'encontre de Madame Bénédicte Y... ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des pièces versées aux débats que :° l'acte de délégation du 29 janvier 2007 a été signé par Monsieur X..., délégant, la banque Dexia banque Privée, et Dexia Epargne Pension, délégataire et délégué ; que Madame Y... n'y est pas partie ; qu'il n'y n'est prévu aucune subrogation ; qu'il y est précisé : " le délégué déclare accepter cette délégation et par conséquent s'engage à verser au délégataire le montant de l'épargne ainsi constituée à concurrence de 500. 000 € sur simple notification de la défaillance de Madame Bénédicte Y... dans le remboursement des sommes qu'elle pourrait devoir à la banque au titre du crédit... le présent engagement prendra fin à l'apurement définitif de la créance précitée du délégataire à l'encontre de Madame Y.... Le versement de ces sommes, quelle que soit la date de l'échéance de l'adhésion sera fait par le délégué, dans le délai d'un mois à compter de la mise en demeure qui aura été faite à Madame Bénédicte Y... et ce sans qu'il soit besoin que le délégant donne son accord... Le délégataire n'entendant pas donner ce jour décharge à Madame Bénédicte Y... au regard de l'article 1275 du code civil, cette dernière ne sera libérée de ses obligations à l'égard du délégataire qu'après complet apurement de ses obligations au titre de l'emprunt … en principal, commissions et accessoires " ;° BNP PARlBAS, venant aux droits de Dexia Banque Privée, a écrit à Monsieur X..., le 7 juillet 2010, en sa qualité de caution, et lui a adressé copie du courrier adressé à Madame Y... le même jour l'informant de la clôture juridique de son compte ; que le département recouvrement de la banque a écrit, le 1/ 12/ 2010, à la compagnie d'assurance " ce dossier nous a été transmis par suite de l'exigibilité de la créance que nous portons à l'égard de Madame Y... au titre d'un prêt in fine de 1. 600. 000 € échu depuis le 16 février 2010 pour lequel nous n'avons reçu à ce jour aucun règlement ni aucune proposition de remboursement tant de la part de la débitrice que des cautions. Dans ce contexte de défaillance de Madame Y... Bénédicte et conformément aux dispositions de l'acte de délégation du 29/ 1/ 2007 nous vous notifions par la présente notre demande de rachat du contrat d'assurance... délégué à notre profit par Monsieur X...ès qualités de caution solidaire de Madame à concurrence de 500. 000 € en principal, intérêts, frais commissions et accessoires. Nous vous remercions de bien vouloir nous verser la somme de 503. 119, 45 €... " ;° la compagnie d'assurance a écrit le 16 décembre 2010 à Monsieur X...ceci : " Nous vous informons avoir reçu un appel en garantie de la banque BNP PARIBAS. En votre qualité de caution solidaire de Madame Bénédicte Y... et conformément aux dispositions de l'acte de délégation du 29/ l/ 2007 nous avons fait droit à cet appel en garantie et leur adressons un chèque d'un montant de 503. 119, 45 €... " ;° Monsieur X...a écrit à Madame Y... qu'il " avait attiré (son) attention à plusieurs reprises sur le fait (qu'il avait) été amené, en (sa) qualité de caution du prêt qui avait été consenti par la BNP PARIBAS à rembourser à celle-ci une somme de 503. 119, 45 € " ;° la compagnie d'assurance a répondu à Monsieur X...le 19 juin 2012 en lui rappelant qu'il avait donné son contrat en garantie du prêt accordé à Madame Y... par la banque BNP et accordé à cette dernière la faculté d'exercer le rachat de son contrat en cas de défaillance de Madame Y..., que la banque ayant notifié la défaillance de Madame Y... dans le remboursement du prêt susvisé, le 8 décembre 2010, elle avait fait droit à la demande et versé la somme réclamée ; qu'elle a ajouté que s'agissant d'un acte de délégation, aucune décision judiciaire n'était nécessaire au versement des fonds, cet acte de délégation fonctionnant comme une garantie à première demande ; qu'elle a terminé en disant : " nous vous invitons à vous rapprocher de votre banque pour obtenir tout autre document pouvant justifier le fondement de votre éventuelle action à l'encontre de votre débitrice " ;° le 27 juin 2013, BNP PARIBAS a établi une quittance subrogative qui est ainsi rédigée : " la banque reconnaît avoir reçu de Monsieur Jean-Louis X..., via la liquidation d'un contrat d'assurance vie... délégué à notre profit, la somme de 503. 119, 45 € correspondant au remboursement de la créance détenue par BNP PARIBAS à l'encontre de Monsieur Jean-Louis X...en sa qualité de caution solidaire des engagements de Madame Y... Bénédicte. Par suite de ce paiement, Monsieur Jean-Louis X...se trouve subrogé de plein droit à concurrence de la somme de 503. 119, 45 € conformément aux dispositions des articles 1251 alinéa 3 et 1252 du code civil, dans les droits et actions profitant à BNP PARIBAS, au titre de sa créance envers Madame Y... Bénédicte " ; qu'il y a lieu de relever qu'alors que les courriers de la banque, de la compagnie d'assurances, de Monsieur X..., évoquent la qualité de caution de ce dernier, aucun engagement de caution souscrit par Monsieur X...en garantie du paiement du prêt consenti à Madame Y... n'est versé aux débats ; que le seul acte signé par Monsieur X..., sur le fondement duquel il a versé des fonds pour apurer le solde du prêt que n'avait pas réglé Madame Y..., est l'acte en date du 5 janvier 2007, par lequel il a délégué son contrat d'assurance vie au profit de la banque en garantie du prêt ; que cet acte ne créé aucun lien de droit entre Monsieur X...et Madame Y... et que notamment Madame Y... n'a pas souscrit d'obligation de remboursement envers Monsieur X...; qu'il ne prévoit aucune subrogation au profit de Monsieur X...; que la quittance subrogative fait état de manière inexacte d'un engagement de caution émanant de Monsieur X..., qui en réalité n'existe pas ; que les articles 1251 alinéa 3 (la subrogation a lieu de plein droit au profit de celui qui étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette avait intérêt de l'acquitter) et 1252 (la subrogation établie par les articles précédents a lieu tant contre les cautions que contre les débiteurs) du code civil visés dans la quittance ne peuvent trouver application, Monsieur X..., n'ayant au terme de l'engagement qu'il a souscrit, aucun recours contre Madame Y... ; Considérant en outre, ainsi que les premiers juges l'ont retenu, que la subrogation conventionnelle n'opère que si elle est expresse et si elle intervient en même temps que le paiement qui a un caractère extinctif ce qui n'est pas le cas en l'espèce) le paiement étant intervenu en 2010, et qu'il ne résulte d'aucun document que la banque ait entendu, antérieurement au paiement, subroger Monsieur X...dans son droit au remboursement ; qu'en conséquence Monsieur X...échoue à faire la preuve de sa qualité de créancier de Madame Y...et de celle de subrogé ; Considérant, ensuite, que Monsieur X...réclame, à titre subsidiaire, au titre de l'enrichissement sans cause, ce qu'il n'a pu obtenir en invoquant des actes juridiques ; que faire droit à ses demandes aboutirait à consacrer le contournement des règles de preuves qui pèsent sur lui en sa qualité de demandeur ; qu'enfin la preuve de la remise des fonds à une personne ne suffit pas à justifier l'obligation pour celle-ci de restituer les sommes qu'elle a reçues ; qu'il résulte de ce qui précède que Monsieur X...doit être débouté de ses demandes et que le jugement déféré doit être infirmé ;
1°) ALORS QUE la subrogation conventionnelle ex parte creditoris intervient lorsque le créancier recevant paiement d'une tierce personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur ; qu'en énonçant seulement, pour écarter toute subrogation conventionnelle au bénéfice de M. X..., que la quittance subrogative de la société Bnp Paribas établie en 2013 était postérieure au paiement intervenu en 2010 et faisait état de la qualité inexacte de « caution solidaire » de M. X...à l'égard de Mme Y..., sans rechercher si la reconnaissance par la banque créancière de la qualité de subrogé de M. X...ne résultait pas d'écrits antérieurs établis en même temps que le paiement et attribuant déjà à M. X...la même qualité formellement erronée de « caution » ou encore de « caution solidaire » (lettres des 7 juillet, 1er décembre et 16 décembre 2010), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1250 du code civil et 12, alinéa 2, du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la subrogation légale bénéficie de plein droit à la personne qui paie une dette à laquelle elle était tenue avec d'autres ou pour d'autres, en qualité de codébiteur ou de garant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X...avait payé à la société Bnp Paribas la somme de 503. 119, 45 euros en exécution d'une garantie de remboursement d'un prêt immobilier contracté par Mme Y..., cette garantie ayant été consentie à la banque par acte du 29 janvier 2007 ; qu'en refusant de reconnaître à M. X...la qualité de subrogé, pour le débouter de ses demandes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1251 3° du code civil ;
3°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE le tiers qui a payé la dette d'autrui de ses propres deniers a, bien que non subrogé aux droits du créancier, un recours personnel contre le débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X...avait payé à la société Bnp Paribas la somme de 503. 119, 45 euros en exécution d'une garantie de remboursement d'un prêt immobilier contracté par Mme Y..., cette garantie ayant été consentie à la banque par acte du 29 janvier 2007 ; qu'ainsi, la cour d'appel a constaté que M. X...avait payé la dette d'un tiers, Mme Y..., sur ses propres deniers ; qu'en énonçant cependant pour écarter tout recours personnel de M. X...à l'encontre de Mme Y..., que celle-ci n'avait « pas souscrit d'obligation de remboursement envers M. X...», la cour d'appel a violé les articles 1132 et 1236 du code civil ;
4°) ALORS TRÈS SUBSIDIAIREMENT ENFIN QUE l'action de in rem verso est admise lorsqu'une personne s'est enrichie au détriment d'une autre et que l'appauvrissement corrélatif qui en est résulte ne trouve sa justification, ni dans une convention ou une libéralité, l'action de in rem verso ne pouvant, en pareil cas, être exercé qu'en l'absence de toute autre action permettant au demandeur de faire valoir ses droits ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X...avait payé la dette d'un tiers, Mme Y..., sur ses propres deniers, l'appauvrissement de M. X...et l'enrichissement corrélatif de Mme Y... étant ainsi établis ; que la cour d'appel a par ailleurs retenu que l'acte de garantie du 29 janvier 2007 ne créait « aucun lien de droit entre M. X...et Mme Y... » (arrêt attaqué, p. 6, §. 1), sans caractériser pour autant aucune libéralité réalisée par M. X...au bénéfice de Mme Y... ; qu'en outre, la cour d'appel a exclu tout recours de M. X...à l'encontre de Mme Y..., notamment sur le fondement de la subrogation conventionnelle ou légale ; qu'en déboutant dès lors M. X...de sa demande présentée contre Mme Y... à titre subsidiaire et fondée sur l'enrichissement sans cause, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1371 du code civil.