LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que le constructeur est, nonobstant la forclusion décennale, contractuellement tenu à l'égard du maître de l'ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré, même sans intention de nuire, il viole, par dissimulation ou par fraude, ses obligations contractuelles ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 11 mai 2015), que, M. et Mme X..., ayant acquis une maison construite par la société coopérative de production d'HLM d'Indre-et-Loire (la société d'HLM) et réceptionnée le 22 juillet 1994, ont déclaré, en 2004, l'apparition de fissures à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), assureur dommages-ouvrage, qui a conclu à l'absence de désordre ; qu'en 2009, se plaignant d'une aggravation des fissures, M. et Mme X... ont, après expertise, assigné la société d'HLM en indemnisation ;
Attendu que, pour condamner la société d'HLM à verser diverses sommes à M. et Mme X..., l'arrêt retient que cette société, n'ayant pas pris les précautions élémentaires pour surveiller la totalité de l'exécution des travaux de gros-oeuvre qu'elle a sous-traités, a commis, de manière délibérée, une faute dolosive, de nature à engager sa responsabilité contractuelle, nonobstant la forclusion décennale ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la faute dolosive du constructeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... et les condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Coopérative de production d'HLM d'Indre-et-Loire ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille dix sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Coopérative de production d'HLM d'Indre-et-Loire.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire, exerçant sous l'enseigne Maison d'en France, à verser à M. et Mme X... les sommes de 175 851, 51 € au titre de la reprise des désordres et de 23 677, 71 € au titre des honoraires du maître d'oeuvre, les deux indemnités devant être réévaluées en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 22 novembre 2011 et la date du prononcé de l'arrêt, augmentées du taux de TVA en vigueur à la date de facturation des travaux, d'AVOIR condamné la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire à verser à M. et Mme X... la somme de 10.000 € au titre du préjudice de jouissance, enfin de l'AVOIR condamnée à paiement des honoraires de l'expert-judiciaire, des dépens et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs propres qu'en application de l'article 2224 du code civil issu de la loi du n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il est constant que le constructeur, nonobstant la forclusion décennale, est, sauf faute extérieure au contrat, contractuellement tenu à l'égard du maître d'ouvrage, de sa faute dolosive ; qu'en l'espèce, au vu des pièces communiquées par monsieur et madame Jean Pierre et Nicole X... : attestation notariale de vente de l'immeuble litigieux à monsieur et madame Jean Pierre et Nicole X... le 3 septembre 1998 ; rapport d'expertise amiable du cabinet ECLC en date du 24 avril 2009 qui mentionne des fissures situées de manière générale dans les angles du bâtiment et précise qu'il n'a pu être détecté, par instrument magnétique, d'armatures aux angles de la construction ; procès-verbal de constat dressé par l'huissier de justice le 22 juin 2009 décrivant chacune des lézardes et fissures et situant leur emplacement ; rapport de l'expert judiciaire qui conclut, après les recherches qu'il a effectuées en présence des parties et de leur conseil, que « les désordres proviennent essentiellement du manque de ferraillage dans la structure du bâtiment » ; qu'il ressort que les lézardes et les fissures qui partent principalement des angles du bâtiment, ont pour cause l'insuffisance de ferraillage dans la structure du bâtiment ; que la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire fait valoir dans ses conclusions que les sondages de l'expert judiciaire étaient insuffisants ; que ce moyen ne saurait cependant être retenu alors qu'elle n'a fait aucune observation au cours des opérations d'expertise et qu'à la lecture du rapport d'expertise, il s'avère que l'expert judiciaire a examiné tous les poteaux d'angle et que sur sept d'entre eux, seuls trois contiennent un ferraillage et que dans l'examen d'un chaînage horizontal et d'une semelle de fondation, pris au hasard, aucun ferraillage n'a été décelé par l'expert judiciaire ; que ces constatations qui confirment celles de l'expert amiable, permettent d'établir la réalité du désordre affectant l'immeuble appartenant aujourd'hui à monsieur et madame Jean Pierre et Nicole X... ; que la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire qui a été chargée de la construction de l'immeuble litigieux par le maître d'ouvrage et qui a mandaté un sous-traitant pour la réalisation du gros oeuvre, était tenue de veiller à la bonne exécution des travaux par son sous-traitant ; que dès lors, compte tenu de sa mission, la Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire ne peut limiter celle-ci à celle d'un maître d'oeuvre et par conséquent, ne peut alléguer pour sa défense, qu'elle effectuait hebdomadairement une visite de chantier à l'instar d'un maître d'oeuvre alors qu'elle avait donné mandat à une entreprise d'effectuer à sa place, le travail que lui avait confié le maître d'ouvrage ; que d'ailleurs, les procès-verbaux de chantier qu'elle communique aux débats, mettent aussi en exergue l'insuffisance de surveillance exercée par la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire, puisqu'il s'avère qu'ils ne commencent à être établis qu'à partir du 11 janvier 1994 alors que le chantier est avancé au stade de la réalisation du rez-de-chaussée, ce qui implique que les fondations sont terminées et qu'en outre, même à ce stade, aucun d'entre eux ne mentionne les modalités d'exécution des travaux ; qu'ainsi la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire en n'ayant pas pris les précautions élémentaires pour surveiller la totalité de l'exécution des travaux de gros oeuvre qu'elle a sous-traités, a commis de manière délibérée, une faute dolosive, de nature à engager sa responsabilité contractuelle, nonobstant la forclusion décennale ; que le point de départ du délai de cinq ans pour mettre en oeuvre sa responsabilité contractuelle pour faute dolosive doit être fixé au 24 avril 2009, date à laquelle le désordre est révélé à monsieur et madame Jean Pierre et Nicole X... dans son origine et son ampleur ; que l'action au fond qu'ils ont engagée le 27 juin 2012, n'est donc pas prescrite ; que le jugement entrepris sera confirmé concernant la faute dolosive de la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire et le fait que l'action en responsabilité n'est pas prescrite ; que le désordre lié à l'insuffisance de structure, étant imputable à la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire, celle-ci doit le réparer ; qu'au vu du rapport d'expertise judiciaire et des devis communiqués aux débats par monsieur et madame Jean Pierre et Nicole X..., il est établi que le montant des réparations s'élève à : 17 581,51 euros au titre de la reprise des désordres ; qu'en raison de leur importance, il est nécessaire que monsieur et madame Jean Pierre et Nicole X... soient assistés d'un maître d'oeuvre, que l'indemnité de ce chef s'élève à 23 677,71 euros ; que ces deux indemnités seront réévaluées en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 22 novembre 2011 et la date de prononcé du présent arrêt et seront augmentées du taux de TVA en vigueur à la date de facturation des travaux ; que le jugement entrepris sera réformé concernant le montant de l'indemnité de chacun de ces postes de préjudices ; qu'en revanche, le jugement entrepris qui a fait une exacte appréciation des faits de la cause, sera confirmé concernant le montant de l'indemnité du préjudice de jouissance et le rejet de la demande au titre du préjudice moral ; qu'au vu du rapport d'expertise judiciaire, la demande au titre des travaux d'embellissement du premier étage n'est pas établie et sera rejetée ;
Et aux motifs adoptés que, sur l'existence d'une faute dolosive de la société Maisons d'en France, qu'il ressort du rapport d'expertise de monsieur Y... du 22 novembre 2011, qu'il existe un mouvement structurel de la façade avant sud, que les maçonneries supérieures ont tendance à se déporter vers l'avant témoignant d'un affaissement pouvant présenter des risques, qu'un contrôle effectué avec un appareil feroscan à résonance magnétique a permis de constater l'absence d'armatures et de chaînages verticaux dans le bâtiment, qu'ainsi il existe de nombreuses fissures affectant la maison d'habitation des époux X... ; que lors de l'ouverture partielle des six angles extérieurs du bâtiment, d'un chaînage horizontal et d'une partie des fondations, il a été observé l'absence de ferraillage (poteau 1, 2, 5 et 7 et la présence de deux filants de 8 mm au poteau 3, au poteau 4 la présence de deux filants de 10 mm côte à côte et au poteau 6 la présence de deux filants de 10 mm mais l'absence de béton) ; que l'ouverture d'un chaînage horizontal a fait apparaître qu'il n'existe aucun ferraillage, que la semelle de fondation a été découverte et aucune ferraille n'a été décelée dans le débord de la semelle ; que l'expert conclut que les désordres proviennent essentiellement du manque de ferraillage dans la structure du bâtiment, que l'absence ou l'insuffisance de ferraillage des poteaux d'angle, de la semelle et du chaînage horizontal compromettent la solidité de l'ouvrage ; qu'ainsi il est établi que le constructeur la société Maisons d'en France n'a pas assuré de manière satisfaisante la surveillance et le contrôle du chantier ce qui a permis à l'entreprise de maçonnerie d'omettre volontairement une bonne partie des aciers dans les structures essentielles de la maison ; que la société Maisons d'en France, constructeur professionnel, si elle avait effectivement rempli sa mission de surveillance et de contrôle du chantier, aurait dû s'apercevoir de l'absence de ferraillage et qu'il aurait été alors possible d'y remédier dès le début du chantier ; qu'ainsi, il est bien établi l'existence d'une faute dolosive laquelle s'apparente à une faute grossière constituant une violation des obligations contractuelles procédant d'une fraude ou d'une dissimulation, qu'il y a eu tromperie sur la nature et la qualité substantielle des prestations de construction dès lors qu'en l'absence de ferraillage il est certain que la solidité de l'immeuble allait se trouver gravement compromise, que l'existence des nombreuses fissures affectant l'immeuble est en rapport direct avec l'absence de ferraillage, qu'il n'y a eu respect des règles de l'art puisqu'il résulte du rapport amiable du cabinet ECLC du 24 avril 2009, que lors de la période construction de l'immeuble les DTU prévoyaient une obligation de prévoir des chaînages verticaux aux angles du pavillon, que d'ailleurs il ressort de la pièce 10, que le descriptif de construction du pavillon prévoit l'existence d'un chaînage périphérique avec des poteaux d'angles ; que la responsabilité contractuelle pour faute dolosive de la société Maisons d'en France est donc engagée, que cette dernière doit donc être tenue de réparer le préjudice subi par les époux X... ;
1°) Alors que, le constructeur est contractuellement tenu à l'égard du maître de l'ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré, même sans intention de nuire, il a violé, par dissimulation ou par fraude, ses obligations contractuelles ; qu'en se bornant à relever, pour retenir la faute dolosive de la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire, exerçant sous l'enseigne Maison d'en France, qu'elle n'a pas assuré de manière satisfaisante la surveillance et le contrôle du chantier, ce qui a permis à l'entreprise de maçonnerie d'omettre volontairement une bonne partie des aciers dans les structures essentielles de la maison, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une telle faute, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°) Alors que, le constructeur est contractuellement tenu à l'égard du maître de l'ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré, même sans intention de nuire, il a violé, par dissimulation ou par fraude, ses obligations contractuelles ; que la cour a expressément retenu que si la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire, exerçant sous l'enseigne Maison d'en France, avait rempli sa mission de surveillance et de contrôle, elle aurait dû s'apercevoir de l'absence de ferraillage et qu'il aurait été alors possible d'y remédier ; qu'en retenant la faute dolosive du constructeur quand elle avait ainsi constaté que le constructeur ne savait pas que l'entreprise de maçonnerie n'avait pas suffisamment ferraillé les fondations, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;
3°) Alors qu'en se bornant à affirmer que la société Coopérative de production d'HLM d'Indre et Loire, exerçant sous l'enseigne Maison d'en France, n'a pas assuré de manière satisfaisante la surveillance et le contrôle du chantier, la cour d'appel, qui a repris à son compte une simple affirmation figurant dans le rapport d'expertise, énoncée par l'expert sans analyse ni aucune autre précision, a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile.