LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 décembre 2014), que, le 8 juin 2006, Mme Suzane X...a confié à la société Jadimmo un mandat de vente de sa maison d'habitation ; que, le 29 août 2006, M. Y... s'est porté acquéreur et a signé avec Mme X... un « compromis » de vente, la date prévue pour la signature de l'acte authentique étant fixée au 16 octobre 2006 ; que, M. Y... n'ayant pas signé l'acte authentique de vente, Mme X... et la société Jadimmo l'ont l'assigné en vente forcée, paiement des frais d'agence et dommages-intérêts ; que, Mme X... étant décédée, l'instance a été reprise par Mme Colette X... et Mme Arlette X... (les consorts X...) ;
Sur les premier et second moyens du pourvoi principal, réunis, ci-après annexés :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de déclarer parfaite la vente de l'immeuble, de le condamner à payer diverses sommes aux consorts X... et à la société Jadimmo et de rejeter ses demandes ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le « compromis » de vente stipulait que le bien vendu était composé de deux parcelles cadastrées section AE n° 609 pour une surface de 560 m ² et section AE n° 612 pour une surface de 37 m ² et retenu que les limites de propriété n'étaient pas une condition substantielle de l'acte qui ne comportait pas de condition suspensive d'un bornage préalable et que celui réalisé, à la demande de M. Y..., postérieurement à la signature du « compromis » ne modifiait pas la surface du bien vendu, la cour d'appel a pu déduire, de ces seuls motifs, que M. Y... ne pouvait se prévaloir d'un différend sur la limite de propriété pour refuser la réitération de l'acte conformément aux stipulations du compromis, que la vente était parfaite et que ses demandes devaient être rejetées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que les consorts X... et la société Jadimmo font grief à l'arrêt de limiter à la somme de 1 000 euros le montant de la clause pénale due par M. Y... ;
Mais attendu qu'ayant relevé que Mme X... aurait dû appeler M. Y... aux opérations de bornage dès lors que le « compromis » de vente valait vente et que cette omission fautive avait contribué dans d'importantes proportions à l'écoulement du délai entre la date prévue de réitération et la vente, la cour d'appel a pu en déduire que le montant de la clause pénale était disproportionné et a souverainement fixé le montant de la réduction ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille dix sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré parfaite la vente du bien sis ...à Saint Brevin les Pins, aux prix et charges du compromis du 25 août 2006 signé par Mme Suzanne X... et M. Jacques Y..., et renvoyé les consorts X...,, héritières de Mme Suzanne X..., ainsi que M. Jacques Y... devant le notaire de leur choix pour l'établissement de l'acte authentique ; d'AVOIR dit que l'arrêt serait publié à la conservation des hypothèques de Saint Nazaire ; d'AVOIR condamné M. Jacques Y... à payer aux consorts X... la somme totale de 1. 000 euros au titre de la clause pénale ; d'AVOIR condamné M. Jacques Y... à payer à la SARL Jadimmo la somme totale de 11. 000 euro au titre de l'indemnité compensatrice de sa rémunération ; d'AVOIR débouté M. Y... de l'intégralité de ses demandes ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des dispositions de l'article 1589 du Code civil que la promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a accord sur la chose et sur le prix ; que le compromis de vente du 25 août 2006 décrit le bien vendu comme composé de deux parcelles cadastrées section AE n° 609 pour une surface de 560m ² et section AE n° 612 pour une surface de 37m ² et prévoit que sur convocation du notaire, l'acte authentique sera établi et signé le 16 octobre 2006 au plus tard, l'acquéreur étant propriétaire du bien à compter du jour de la signature de l'acte authentique ; qu'il ressort des écritures des parties qu'elles étaient d'accord sur la chose et sur le prix et qu'elles n'ont pas entendu faire de l'acte authentique un élément constitutif de leur consentement ; que la clause pénale du compromis stipule que dans le cas où l'une des parties viendrait à refuser de régulariser par acte authentique la vente dans le délai imparti, sauf à justifier d'une condition suspensive, celle qui n'est pas en défaut, pourra à son choix contraindre l'autre partie par toutes les voies de droit ou prendre acte du refus du co-contractant et invoquer la résolution du contrat et qu'en ce cas, la partie qui n'est pas en défaut percevra une indemnité forfaitaire de 17 000 euros ; que postérieurement au compromis, Monsieur Y... a sollicité un bornage, dans une lettre du 20 septembre 2006 adressée à la SARL JADIMMO ainsi rédigée : « Mon père m'a fait remarquer qu'il n'y a pas de bornes de délimitation de propriété côté Est. En effet je n'ai vu qu'un plan avec un vague trait non coté, suite à l'échange de terrain avec la propriété située plus à l'Est. Il est donc absolument nécessaire d'avoir un bornage sur ce côté également. On vérifiera par la même occasion, après bornage, que le terrain fait bien 597 m ², ceci pour également éviter tout problème avec la propriétaire, celle côté Ouest, qui nous avez-vous dit, réclamerait 4 m ² qu'il lui manquerait » ; que le 15 novembre 2006, Mme X... a fait procéder au bornage de la limite Est de la propriété, sans en aviser Monsieur Y... ; que par lettre du 3 février 2007, Monsieur Y... a contesté les limites de propriété résultant de ce bornage et a refusé d'acquérir le bien dans ces conditions en terminant son courrier ainsi « Je vous laisse l'initiative de contacter ou non le géomètre de la SCP C.- C. pour une ultime exploration amiable ; qu'en cas de refus de la venderesse, nous serions alors contraints de partir dans la voie judiciaire » ; que Monsieur Y... convient dans ses écritures que le bornage réalisé ne modifie pas le compromis quant à la surface du bien vendu, mais allègue que la limite de propriété était une condition substantielle de la vente ; que Monsieur Y... avait toute possibilité de confronter les plans et le terrain avant signature du compromis et d'y introduire la condition suspensive d'un bornage préalable s'il entendait en faire une condition substantielle de la vente ; qu'il ne démontre, ni n'allègue que la difficulté qu'il a soulevée le 20 septembre 2006 était dissimulée lors de la signature de l'acte ; que dès lors qu'un procès-verbal de bornage ne constitue pas un acte translatif de propriété, et qu'il ne ressort pas du compromis que les limites de propriété étaient à elles seules une condition substantielle de la convention, Monsieur Y... ne peut utilement se prévaloir d'un différend sur cette limite pour refuser la réitération de l'acte de vente au prix et charge du compromis ; que le jugement dont appel sera infirmé et la vente ordonnée ; que par voie de conséquence, Monsieur Y... sera débouté de ses demandes indemnitaires ;
1° ALORS QUE la force obligatoire du contrat s'étend à tous les éléments sur lesquels les parties se sont accordées, qu'ils soient essentiels ou accessoires ; qu'en jugeant que M. Y... ne pouvait se prévaloir d'un différend sur la limite de propriété aux motifs qu'un procès-verbal de bornage ne constitue pas un acte translatif de propriété et qu'il ne ressortait pas du compromis que les limites de propriété étaient à elles-seules une condition substantielle de la convention, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. Y... et Mme X... ne s'étaient pas accordés sur les limites de la propriété cédées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
2° ALORS QUE les juges sont tenus de rechercher la commune intention des parties, laquelle peut ressortir tant des termes de l'acte que d'éléments extérieurs même postérieurs à la conclusion du contrat ; qu'en jugeant que les limites de propriété n'étaient pas une condition substantielle de la vente aux motifs qu'un procès-verbal de bornage ne constitue pas un acte translatif de propriété et qu'il ne ressortait pas du compromis que les limites de propriété étaient à elles-seules une condition substantielle de la convention, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les circonstances de l'espèce, et notamment le comportement des parties postérieur à la signature du compromis ne révélaient pas la commune intention des parties de faire des limites de propriété un élément essentiel du contrat, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'articles 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de sa demande tendant à voir les consorts X... condamnés au paiement de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des dispositions de l'article 1589 du Code civil que la promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a accord sur la chose et sur le prix ; que le compromis de vente du 25 août 2006 décrit le bien vendu comme composé de deux parcelles cadastrées section AE n° 609 pour une surface de 560m ² et section AE n° 612 pour une surface de 37m ² et prévoit que sur convocation du notaire, l'acte authentique sera établi et signé le 16 octobre 2006 au plus tard, l'acquéreur étant propriétaire du bien à compter du jour de la signature de l'acte authentique ; qu'il ressort des écritures des parties qu'elles étaient d'accord sur la chose et sur le prix et qu'elles n'ont pas entendu faire de l'acte authentique un élément constitutif de leur consentement ; que la clause pénale du compromis stipule que dans le cas où l'une des parties viendrait à refuser de régulariser par acte authentique la vente dans le délai imparti, sauf à justifier d'une condition suspensive, celle qui n'est pas en défaut, pourra à son choix contraindre l'autre partie par toutes les voies de droit ou prendre acte du refus du co-contractant et invoquer la résolution du contrat et qu'en ce cas, la partie qui n'est pas en défaut percevra une indemnité forfaitaire de 17 000 euro ; que postérieurement au compromis, Monsieur Y... a sollicité un bornage, dans une lettre du 20 septembre 2006 adressée à la SARL JADIMMO ainsi rédigée : « Mon père m'a fait remarquer qu'il n'y a pas de bornes de délimitation de propriété côté Est. En effet je n'ai vu qu'un plan avec un vague trait non coté, suite à l'échange de terrain avec la propriété située plus à l'Est. Il est donc absolument nécessaire d'avoir un bornage sur ce côté également. On vérifiera par la même occasion, après bornage, que le terrain fait bien 597 m ², ceci pour également éviter tout problème avec la propriétaire, celle côté Ouest, qui nous avez-vous dit, réclamerait 4 m ² qu'il lui manquerait » ; que le 15 novembre 2006, Mme X... a fait procéder au bornage de la limite Est de la propriété, sans en aviser Monsieur Y... ; que par lettre du 3 février 2007, Monsieur Y... a contesté les limites de propriété résultant de ce bornage et a refusé d'acquérir le bien dans ces conditions en terminant son courrier ainsi « Je vous laisse l'initiative de contacter ou non le géomètre de la SCP C.- C. pour une ultime exploration amiable ; qu'en cas de refus de la venderesse, nous serions alors contraints de partir dans la voie judiciaire » ; que Monsieur Y... convient dans ses écritures que le bornage réalisé ne modifie pas le compromis quant à la surface du bien vendu, mais allègue que la limite de propriété était une condition substantielle de la vente ; que Monsieur Y... avait toute possibilité de confronter les plans et le terrain avant signature du compromis et d'y introduire la condition suspensive d'un bornage préalable s'il entendait en faire une condition substantielle de la vente ; qu'il ne démontre, ni n'allègue que la difficulté qu'il a soulevée le 20 septembre 2006 était dissimulée lors de la signature de l'acte ; que dès lors qu'un procès-verbal de bornage ne constitue pas un acte translatif de propriété, et qu'il ne ressort pas du compromis que les limites de propriété étaient à elles seules une condition substantielle de la convention, Monsieur Y... ne peut utilement se prévaloir d'un différend sur cette limite pour refuser la réitération de l'acte de vente au prix et charge du compromis ; que le jugement dont appel sera infirmé et la vente ordonnée ; que par voie de conséquence, Monsieur Y... sera débouté de ses demandes indemnitaires ;
ALORS QUE le vendeur est tenu de garantir l'acquéreur de troubles de jouissance pouvant lui être imputés ; qu'en déboutant M. Y... de l'intégralité de ses demandes, y compris sa demande tendant à voir condamner les consorts X... à lui payer la somme de 20. 000 € au titre de la privation de jouissance, après avoir constaté que « l'omission fautive de Madame X... à l'origine du litige sur la modification des limites de propriété postérieurement au compromis a [vait] contribué dans d'importantes proportions à l'écoulement du temps », et donc au trouble de jouissance subi par M. Y..., la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les articles 1626 et 1630 du Code civil. Moyen produit au pourvoi incident par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils pour les consorts X... et la société Jadimmo.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à la somme de 1. 000 € le montant de la somme due par Monsieur Y... aux consorts X... au titre de la clause pénale et d'AVOIR débouté les consorts X... du surplus de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE : « (…) Sur la clause pénale et les dommages et intérêts demandés par Mesdames Colette X... épouse Z...et Arlette X... épouse A...: Il résulte des dispositions de l'article 1152 du code civil que le juge peut modérer la clause pénale si elle apparaît manifestement excessive. Dès lors que le compromis valait vente, Madame X... devait appeler Monsieur Y... aux opérations de bornage. La vente étant ordonnée, le préjudice des consorts X... ne résulte plus que dans le temps écoulé entre la date prévue de réitération et la vente. L'omission fautive de Madame X... à l'origine du litige sur la modification des limites de propriété postérieurement au compromis a contribué dans d'importantes proportions à l'écoulement de ce temps. En conséquence le montant de la clause pénale apparaît disproportionné pour la réparation du préjudice imputable à Monsieur Y..., et il convient d'en réduire le montant à la somme de 1 000 €. Pour les mêmes motifs, les Dames A...et Z...seront déboutées de leur demande au titre du préjudice financier de leur mère entre le 16 octobre 2006 et le 2 mars 2010. »
ALORS QUE 1°) le contrat de vente fait la loi des parties ; que le vendeur n'a pas à appeler l'acheteur aux opérations de bornage d'un terrain quand la fixation des limites de propriété, par bornage, ne constitue pas une condition substantielle de la convention de vente ; que, pour limiter le droit à réparation des consorts X... au titre de la clause pénale, les juges du fond ont relevé l'existence d'une « omission fautive de Madame X... » pour n'avoir pas appelé Monsieur Y... aux opérations de bornage du terrain vendu, tout en constatant que le compromis de vente du 25 août 2006 conclu entre ces mêmes parties pour le même bien n'avait pas inclus la fixation des limites de propriétés comme une condition substantielle de la vente, soit que l'intervention de Monsieur Y... aux opérations de bornage n'était pas requise ; qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, partant a violé l'article 1134 du Code civil ;
ALORS QUE 2°) en toute hypothèse, la faculté pour le juge de modérer le montant de l'indemnité due au titre de la clause pénale est conditionnée par la démonstration de ce que son montant est manifestement excessif au regard des données de l'espèce ; qu'en retenant, pour limiter le droit à réparation des consorts X... au titre de la clause pénale stipulée au compromis de vente, l'existence d'une « omission fautive de Madame X... » pour n'avoir pas appelé Monsieur Y... aux opérations de bornage du terrain vendu, soit sans caractériser en quoi le montant de l'indemnité due constituait une sanction manifestement excessive, la Cour d'appel a violé l'article 1152 du Code civil.