La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2016 | FRANCE | N°15-86840

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 décembre 2016, 15-86840


Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. M'bouye X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 7e chambre, en date du 2 novembre 2015, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 novembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Raybaud, conseiller rapporteur, Mme Caron, conseiller de la chambre ;
Greffier de chamb

re : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller RAYBAUD, les observations...

Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. M'bouye X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 7e chambre, en date du 2 novembre 2015, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 novembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Raybaud, conseiller rapporteur, Mme Caron, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller RAYBAUD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-22, 222-27 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'agression sexuelle, l'a condamné à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement assortie du sursis, a prononcé l'inscription de M. X... au FIJAIS, et l'a condamné à payer au fonds de garantie des victimes subrogé dans les droits des parties civiles, les sommes de 5 000 euros au titre du préjudice subi par A...
Y..., 1 000 euros au titre du préjudice subi par Mme Z... et 1 000 euros au titre du préjudice subi par M. Y... ;
" aux motifs propres que, concernant les faits, les débats de l'audience devant la cour n'ont pas apporté d'éléments nouveaux autres que ceux déjà examinés par les premiers juges ; qu'à l'examen des pièces de la procédure, notamment, des auditions de A...
Y... qui a donné une version constante des faits pour lesquels la plainte a été déposée, la matérialité des faits, reconnus par le prévenu lui-même est établie ; qu'en effet, les affirmations constantes et précises de la jeune A...
Y... crédibilisent sa version des faits ; que cette version est restée identique devant le conseiller principal d'éducation de son collège, ses parents, les enquêteurs, le magistrat instructeur et le psychologue expert ; que l'examen psychologique de A...
Y... ne révèle aucune pathologie ou tendance à la fabulation ou à la mythomanie qui décrédibiliserait son discours ; que l'expertise gynécologique, réalisée le lendemain des faits, le 3 février 2009, décrit une excoriation vulvaire compatible avec les faits, tels qu'ils ont été décrits par la jeune A...; que les déclarations de M. X... crédibilisent la version donnée par la jeune A...; qu'il n'a, en effet, pas contesté la matérialité même des faits puisqu'il a déclaré avoir été abordé par une jeune fille, lui avoir donné la main, l'avoir embrassée, lui avoir introduit un doigt le sexe et lui avoir ensuite acheté des beignets et des friandises dans une boulangerie ; que si les photos de A...
Y... remises par les parties civiles ne sont pas datées et doivent donc être écartées des débats, il est établi que la victime était âgée de treize ans et huit mois au moment des faits puisqu'elle est née le 19 mai 1995 ; qu'atteinte de la maladie de Prader Willi, pathologie liée à une anomalie chromosomique qui entraîne un retard du développement, A...
Y... ne pouvait avoir, comme l'affirme le prévenu, l'apparence physique d'une jeune fille sûre d'elle-même et consentante à d'éventuels jeux sexuels en tout début de matinée, sur le chemin du collège ; qu'il sera noté que la qualification juridique d'agression sexuelle sur mineure de moins de quinze ans n'a pas été retenue dans la prévention, rendant vains les débats sur l'âge apparent de la victime ; qu'il ne peut être tiré argument par le prévenu de l'absence de A...
Y... aux confrontations organisées par le magistrat instructeur ; que ces absences ont été justifiées par un certificat médical ; qu'il est en effet logique qu'une jeune adolescente de treize ans au moment des faits et souffrant d'une pathologie lourde puisse être potentiellement traumatisée par une confrontation avec l'auteur d'une agression sexuelle dont elle a été victime et que, par peur de son agresseur, elle refuse de s'y rendre ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré M. X... coupable des faits visés à la prévention ;
" aux motifs, à les supposer adoptés, que le 2 février 2009, A...
Y..., âgée de treize ans, se rend au commissariat accompagnée de son père, M. Milan Y..., pour dénoncer des faits d'agression sexuelle dont elle aurait été victime le jour même ; qu'elle explique que le 29 janvier 2009, alors qu'elle se rendait au collège, un individu inconnu lui a demandé de l'accompagner à la boulangerie ; que l'individu l'a ensuite enlacée par l'épaule puis embrassée ; qu'elle explique que c'est ce même individu qui l'a saluée le matin du 2 février, puis s'est rendu à ses côtés, avant de lui demander de lui faire un câlin ; que selon les déclarations de A...
Y..., celle-ci a accepté de lui faire un câlin mais a précisé à l'individu ne pas vouloir qu'il l'embrasse « comme la fois d'avant » ; que l'individu a alors laissé A...
Y... s'éloigner avant de la rattraper et de l'entraîner sous un porche ; qu'il l'a alors embrassé avec la langue, puis a glissé sa main sous ses vêtements et sa culotte ; que A...
Y... explique qu'il a d'abord caressée sur le pubis puis a introduit un doigt dans son vagin sans forcer ; qu'elle déclare lui avoir alors mordu la langue afin qu'il arrête, ce qu'il n'a pas fait dans un premier temps ; que l'individu a ensuite arrêté ses actes de lui-même, et a donné rendez-vous à A...
Y... le lendemain à la même heure et au même endroit pour recommencer, et lui a dit qu'il lui « ferait quelque chose avec sa partie intime » ; que le 3 février, les services de police décident de mettre en place un dispositif de surveillance discret aux fins d'interpeller l'individu inconnu ; que A...
Y... prend le chemin habituel pour se rendre au collège et identifie l'individu qu'elle désigne au loin ; que M. Milan Y...se rue alors sur l'individu et lui assène des coups de maillet ; que l'individu blessé est identifié comme étant M. X... puis est conduit à l'hôpital ; que placé en garde à vue, M. X... déclare que A...
Y... l'a abordé le 29 février 2009 pour lui demander de l'argent afin de s'acheter à manger ; qu'il l'a accompagnée à une boulangerie ; que le 2 février 2009, A...
Y... lui a de nouveau demandé de l'argent ; qu'il explique que sur le chemin de la boulangerie, elle l'a entraîné dans le passage d'un immeuble puis attrapé par le bras de façon à ce qu'il comprenne qu'elle voulait qu'il l'embrasse ; que dans un premier temps, il déclare l'avoir embrassée sans la langue, lui avoir caressé le pubis et avoir introduit deux doigts dans son vagin pas plus de cinq minutes ; qu'il dit lui avoir ensuite demandé son âge et avoir tout arrêté lorsqu'elle lui a répondu qu'elle allait avoir quatorze ans, se rendant compte qu'elle était trop jeune ; qu'il ajoute que A...
Y... ne lui a pas mordu la langue pour qu'il arrête ; que dans un deuxième temps, il déclare que A...
Y... a touché sa ceinture et son pantalon, et l'a tiré vers elle en sortant de la boulangerie le 2 février 2009 ; qu'il admet en outre avoir placé sa main entre les jambes de la jeune fille ; qu'il se rétracte quant au reste de ses déclarations ; qu'il affirme que A...
Y... lui a dit le 29 janvier 2009 qu'elle avait dix-neuf ans, puis dix-huit ans le 2 février ; qu'il dit avoir compris qu'elle n'avait pas cet âge et a arrêté ses agissements ; qu'il déclare, d'ailleurs, ne pas savoir qu'elle avait quatorze ans et l'avoir appris par les policiers ; qu'il ne reconnaît pas A...
Y... sur une photo datant de la période des faits ; que l'examen psychologique révèle une vulnérabilité de la jeune fille, liée au syndrome de Prader-Willi ; que le professeur principal de A...
Y... explique, d'ailleurs, que cette dernière est obnubilée par la nourriture, qu'elle n'arrive pas à se gérer elle-même, et qu'il lui a été rapporté par des élèves qu'elle pouvait parfois demander de l'argent à des inconnus pour s'acheter à manger ; que de plus, le professeur ajoute que A...
Y... n'avait pas d'amis de son âge et préférait rester avec des adultes ; que l'expertise psychologique souligne à ce titre qu'elle se place plus aisément dans des rapports inégalitaires et de vulnérabilité avec autrui, dans un lien à autrui avec l'insouciance d'un enfant ; qu'à l'audience, M. X... maintient ses déclarations quant au déroulement des faits et à l'âge de la victime ; qu'il reconnaît en outre les faits qui lui sont reprochés ; que selon l'expert psychologue qui a examiné le prévenu, celui-ci est apparue sincèrement troublé d'avoir pu attenter à une mineure ; que l'expert ne relève aucune frustration ou déviance qui auraient pu pousser à des transgressions ; que sur ce, il résulte des éléments de la procédure et des débats et notamment de la reconnaissance par le prévenu d'avoir commis une agression sexuelle que l'infraction est constituée ;
" 1°) alors que le délit d'agression sexuelle suppose, pour être constitué, la commission d'une atteinte sexuelle imposée à la victime par violence, contrainte, menace ou surprise ; qu'en condamnant M. X... pour agression sexuelle, sans caractériser ni violence, ni contrainte, ni menace, ni surprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors qu'une condamnation ne peut reposer de façon exclusive ou déterminante sur la déposition d'un témoin que la personne poursuivie n'a pas pu interroger ou faire interroger sauf impossibilité dont le juge doit justifier ; que les motifs précédemment cités ne caractérisent pas l'impossibilité de confronter à l'audience le prévenu à la personne qui l'accusait ; que la cour d'appel a violé les droits de la défense et les textes précités ;
" 3°) alors qu'une condamnation ne peut reposer de façon exclusive ou déterminante sur la déposition d'un témoin que la personne poursuivie n'a pas pu interroger ou faire interroger dès lors qu'aucune mesure compensatoire suffisante n'a été offerte à cette dernière aux fins de contrebalancer les difficultés causées à l'exercice de ses droits de la défense et résultant de l'admission d'une telle déposition ; qu'en fondant, dans une mesure déterminante, sa décision de culpabilité sur la déposition de A...
Y... que M. X... n'a pu interroger ou faire interroger à aucun stade de la procédure, sans qu'aucune mesure compensatoire n'ait été offerte au prévenu aux fins de contrebalancer les obstacles à l'exercice de ses droits de la défense résultant de l'admission de ladite déposition, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 4°) alors que tout jugement ou arrêt doit répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; qu'en condamnant M. X... du chef d'agression sexuelle, sans répondre au moyen soutenu dans les conclusions déposées par ce dernier selon lequel devait être remise en cause la fiabilité de son audition effectuée alors qu'il était hospitalisé après avoir reçu des coups par M. Y... et qu'il risquait de perdre un oeil, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu que le 2 février 2009, la jeune Deborah Y..., âgée de 13 ans, s'est rendue au commissariat de police, accompagnée de son père, en déclarant avoir été victime à deux reprises, le 29 janvier et le matin même, d'attouchements sexuels imposés dans la rue par un inconnu, alors qu'elle se rendait à son collège ; qu'un dispositif de surveillance a permis d'identifier M. X..., désigné par la jeune fille comme étant son agresseur, et de l'appréhender ; qu'une information a été ouverte au cours de laquelle M. X... a reconnu avoir accompli des gestes intimes sur A...mais soutenu qu'elle l'avait abordé, qu'il n'avait fait que répondre à ses avances, et qu'il s'était arrêté lorsqu'elle avait révélé son âge ; que la jeune fille, atteinte d'une anomalie chromosomique entraînant un retard de développement, ne s'est pas présentée aux confrontations que voulait organiser le juge d'instruction en raison de la crainte que lui inspirait M. X... ; que la défense a produit un certificat médical attestant des dangers que pouvait engendrer une confrontation au plan psychologique ; que M. X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d'agressions sexuelles ; que le tribunal a retenu sa culpabilité et prononcé la peine ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel de ce jugement ;
Attendu que pour confirmer la déclaration de culpabilité, l'arrêt attaqué relève d'une part, que l'absence de confrontation tant au stade de l'instruction que de la procédure de jugement est justifiée par le risque de traumatisme psychologique pouvant en résulter, lequel est établi par un certificat médical, d'autre part, que la déclaration de culpabilité est fondée non seulement sur les déclarations précises, circonstanciées et constantes de la jeune fille, qui contredisent celles du prévenu, mais sur d'autres constatations telles que les examens médicaux n'ayant révélé chez elle aucune tendance à l'affabulation ni à la mythomanie, tout en relevant une grande fragilité psychologique ; que les juges retiennent également comme autres éléments les circonstances de l'interpellation, les déclarations du conseiller d'éducation du collège auprès duquel s'est confiée la jeune A...avant de déposer plainte et les explications peu convaincantes du prévenu ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze décembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-86840
Date de la décision : 14/12/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 02 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 déc. 2016, pourvoi n°15-86840


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.86840
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award