LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte notarié du 7 juillet 2006, M. et Mme X... ont cédé leurs parts sociales dans la société civile d'exploitation agricole du Domaine de la Rocheboeuf (la SCEA) à la société Domaine de la petite Vennerie, laquelle en est devenue l'associée unique, l'acte stipulant que « les compléments des prix de la récolte 2005 sont acquis aux cédants » ; que, M. et Mme X... ayant cessé la mise à disposition conventionnelle de parcelles exclues de cette cession, la SCEA les a assignés devant un tribunal paritaire des baux ruraux afin d'obtenir la reconnaissance d'un bail rural sur les parcelles reprises, la condamnation au paiement des compléments précités étant sollicitée à titre reconventionnel ; que la juridiction saisie du litige a rejeté la demande principale et s'est déclarée incompétente au profit d'un tribunal de grande instance pour statuer sur la demande reconventionnelle ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 96 et 97 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour déclarer la SCEA irrecevable en ses demandes de mise à disposition des parcelles litigieuses sur le fondement d'une stipulation pour autrui et de désignation d'un expert aux fins d'évaluation du préjudice consécutif au refus de mise à disposition, l'arrêt retient que la saisine du tribunal de grande instance de renvoi ne portait que sur la demande reconventionnelle de M. et Mme X... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'instance se poursuivait devant la juridiction de renvoi, en sorte que les parties pouvaient former des demandes incidentes devant elle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu que, pour accueillir la demande de paiement des compléments de prix de la récolte 2005, l'arrêt retient que l'acte de cession du 7 juillet 2006 stipule qu'il sont acquis à M. et Mme X... et que la SCEA, qui les a perçus, doit les reverser à ceux-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la SCEA n'était pas partie à cet acte, de sorte qu'elle ne pouvait être tenue d'une obligation tirée de ses dispositions, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il constate l'irrecevabilité des demandes formées par la SCEA du Domaine de la Rocheboeuf, dit que M. X... pouvait régulièrement exploiter les deux parcelles litigieuses, et condamne cette société à payer à M. et Mme X... la somme de 2 068, 79 euros au titre de la perception indue du complément de récolte, l'arrêt rendu le 5 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la société Domaine de Rocheboeuf
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
II est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il avait constaté l'irrecevabilité des demandes de la SCEA du domaine de Rocheboeuf ;
AUX MOTIFS QUE, depuis l'origine, il était constant que seule la mise à disposition des deux parcelles cadastrées D 779 sur la commune de Vendoeuvre et ZC 28 sur la commune de Poitiers étaient en cause ; que la SCEA Domaine de Rocheboeuf avait introduit son instance devant le tribunal paritaire des baux ruraux, en vue de la reconnaissance d'un bail rural sur ces deux parcelles, demande dont elle avait été déboutée ; qu'elle avait par ailleurs contesté la compétence du tribunal paritaire des baux ruraux sur les demandes indemnitaires des époux X..., de sorte qu'elle avait formé contredit contre le jugement se déclarant compétent ; qu'elle avait également formé appel sur la non reconnaissance d'un bail rural ; que l'arrêt du 14 décembre 2010 avait confirmé le jugement ayant rejeté la demande de reconnaissance de l'existence d'un bail rural sur les parcelles en litige et avait ordonné leur restitution à M. et Mme X... sous astreinte, et sur le contredit, « a dit que le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de Poitiers est incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de Poitiers pour statuer sur les demandes reconventionnelles de M. et Mme X... » ; que, par conséquent, la saisine du tribunal de grande instance de Poitiers ne portait que sur les demandes reconventionnelles en paiement de diverses sommes ; que la SCEA était dès lors irrecevable à solliciter devant le tribunal de grande instance la mise à disposition des deux parcelles dont il avait été ordonné la restitution à M. et Mme X... ; que, concernant les autres parcelles qui n'avaient jamais fait l'objet d'une convention de mise à disposition et qui n'étaient pas comprises dans la demande initiale, la SCEA était irrecevable, à l'occasion d'un renvoi devant une juridiction de compétence générale, à former cette demande étrangère à l'objet du litige, le litige ne concernant que le statut des deux parcelles et les conséquences en termes d'indemnisation ; que le jugement devait donc être confirmé en ce qu'il avait déclaré irrecevables les demandes de la SCEA tendant à :- la condamnation de M. et Mme X... à mettre à disposition sept parcelles agricoles ;- le désignation d'un expert chargé de déterminer son préjudice ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, « par décision du 14 décembre 2010, la cour d'appel de Poitiers a renvoyé l'affaire opposant la SCEA Domaine de Rocheboeuf et les époux X... devant le tribunal de grande instance de Poitiers pour qu'il soit statué sur les demandes reconventionnelles de ces derniers ;
Que, dans la même décision, la Cour confirmait la décision du tribunal paritaire des baux ruraux en déboutant la SCEA de sa demande de reconnaissance de l'existence de baux ruraux sur des parcelles agricoles et en ordonnant la restitution sous astreinte aux époux X... de ces parcelles ;
Attendu que cet arrêt vient délimiter la saisine du tribunal de céans à l'appréciation du préjudice des époux X... ;
Que dès lors, toutes demandes ou conclusions sortant du cadre de cette saisine doivent être déclarées irrecevables ;
Attendu qu'en l'espèce la SCEA entend solliciter la mise à disposition par les époux X... de parcelles agricoles et faire désigner un expert pour évaluer son préjudice ;
Que ces demandes n'entrent pas dans le champ de compétence du tribunal tel que saisi par l'arrêt du 14 décembre 2010 ;
Qu'en conséquence, il convient d'en constater l'irrecevabilité » ;
1°) ALORS QUE l'instance régulièrement engagée devant le tribunal initialement saisi à tort se poursuit devant le tribunal de renvoi ; qu'en refusant de connaître des demandes présentées par la SCEA du domaine de Rocheboeuf, au motif d'une saisine limitée aux demandes reconventionnelles de M. et Mme X..., la cour d'appel a violé les articles 96 et 97 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE tout moyen de défense peut être présenté à l'encontre de demandes reconventionnelles dont le tribunal de renvoi est saisi ; qu'en déclarant irrecevables les demandes de la SCEA du domaine de Rocheboeuf, motif pris de la saisine limitée du tribunal de renvoi, quand ces demandes avaient été également présentées en défense aux prétentions adverses, la cour d'appel a violé les articles 71, 96 et 97 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE l'autorité de chose jugée ne peut être opposée à une demande qui n'avait pu être présentée lors de la première instance, le juge saisi n'étant pas compétent pour en connaître ; qu'en déclarant irrecevable la demande de mise à disposition de deux parcelles présentée par l'exposante sur le fondement non d'un bail rural (entrant seul dans la compétence du tribunal paritaire des baux ruraux premier saisi), mais sur celui d'une stipulation pour autrui contenue dans la cession du 7 juillet 2006 (laquelle se trouvait hors du champ de compétence du tribunal paritaire des baux ruraux), la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:II est reproché à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il avait condamné la SCEA Domaine de Rocheboeuf à régler à M. et Mme X... une somme de 2. 068, 79 € au titre de la perception prétendument indue d'un complément de récolte ;
AUX MOTIFS QUE, s'agissant d'un complément de prix de la récolte 2005, le tribunal avait exactement considéré que l'acte de cession du 7 juillet 2006 stipulait qu'il était acquis aux cédants que la SCEA qui avait perçu ce complément de prix devait le restituer à M. et Mme X... ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'acte de cession du 7 juillet 2006 stipulait que « les compléments de prix de la récolte 2005 sont acquis aux cédants » ; que le défendeur arguait que la SCEA n'étant pas partie à la convention de cession, les époux X..., par application du principe de l'effet relatif du contrat, ne pouvaient lui réclamer cette somme ; que, cependant, la convention ne stipulait pas une perception de cette somme par la SCEA, puis un versement aux demandeurs ; qu'au contraire, la convention prévoyait que cette somme était acquise aux époux X... qui auraient donc dû la percevoir directement ; qu'en conséquence, la SCEA ayant perçu indûment cette somme, elle devra la répéter au profit des demandeurs ;
1°) ALORS QUE le contrat n'a d'effet qu'entre les parties ; qu'en condamnant la SCEA du domaine de Rocheboeuf à régler une somme de 2. 068, 79 € à M. et Mme X..., en s'appuyant sur les clauses d'un contrat auquel l'exposante n'était pas partie, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil ;
2°) ALORS QUE seul un paiement indu ouvre droit à répétition ; qu'en ordonnant la restitution d'une somme de 2. 068, 79 € au profit de M. et Mme X..., quand il s'agissait du règlement de la récolte 2005 qui avait été opéré par la coopérative de La Tricherie entre les mains de la SCEA du domaine de Rocheboeuf qui avait effectué et livré cette récolte, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil.