LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 mai 2014), que Mme X... a été engagée, le 4 septembre 2006, par la société Bellot Mullenbach et associés, en qualité d'assistante ; qu'elle a été licenciée le 31 août 2009 et, se considérant victime d'un harcèlement moral et d'un licenciement en lien avec celui-ci, a saisi la juridiction prud'homale en vue d'obtenir sa réintégration dans son emploi, le paiement des salaires dus entre le 30 novembre 2009 et le 30 septembre 2011 ainsi que des dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt condamnant l'employeur à lui payer les salaires qu'elle aurait dû percevoir et devrait percevoir depuis la date de son licenciement jusqu'à celle de sa réintégration effective, de dire que seraient à déduire les revenus de remplacement éventuellement perçus pendant la période considérée, alors, selon le moyen, qu'en application des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, tout licenciement prononcé à l'égard d'un salarié pour avoir relaté des agissements répétés de harcèlement moral est nul sauf mauvaise foi du salarié, que dès lors qu'un tel licenciement nul caractérise une atteinte à la liberté d'expression du salarié garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et la date de sa réintégration peu important qu'il ait ou non reçu des salaires ou revenus de remplacement pendant cette période, qu'en l'espèce, après avoir jugé que le licenciement de la salarié était nul comme prononcé en raison de la dénonciation de bonne foi par la salariée de faits de harcèlement moral, la cour d'appel a jugé que la salariée avait droit au versement des salaires qu'elle aurait dû percevoir entre son licenciement et la date de sa réintégration, sauf à déduire les revenus de remplacement qu'elle avait pu percevoir, qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, ensemble l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ;
Et attendu qu'ayant retenu que le licenciement était nul, la cour d'appel, qui a constaté que la salariée avait demandé sa réintégration, a exactement retenu qu'elle devait tenir compte du revenu de remplacement servi à celle-ci pendant la période s'étant écoulée entre le licenciement et la réintégration ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la société Bellot Mullenbach et associés
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné sous astreinte de 50 € par jour de retard, la réintégration de Mme X... dans son emploi ou dans un emploi similaire en raison du harcèlement moral subi, condamné la société Bellot Mullenbach et associés à verser à l'intéressée les salaires qu'elle aurait dû percevoir et devrait percevoir depuis la date de son licenciement et jusqu'à celle de sa réintégration effective, ordonné à la société de lui délivrer des bulletins de paie correspondants, sous astreinte de 10 € par bulletin et par jour de retard, passé un délai de 3 mois à compter de la notification du présent arrêt et condamné la société Bellot Mullenbach et associés à payer à Mme X... la somme de 8.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi,
AUX MOTIFS QUE
« Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou taire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refuse de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Mme Astou X... invoque un certain nombre de faits, constitutifs, selon elle, d'une situation de harcèlement moral.
Ainsi :
1 - Après que l'employeur ait mis fin, de façon inopinée, à compter du 31 mars 2009, à la mission qui lui avait été confiée depuis le mois de juin précédent, chez un client, en l'espèce, Total, il ne lui a plus confié de missions significatives, à telle enseigne que sur 103 jours travaillés, 56 ne correspondaient à aucune mission.
2 - Elle n'a pas fait l'objet d'une évaluation au mois de juin 2009, notamment au titre de l'entretien de synthèse annuel alors que celui-ci était décrit par l'employeur lui-même comme un élément essentiel des processus de décision des promotions et des rémunérations.
3 - Elle a été convoquée le 17 juin 2009 pour un entretien avec M. Y..., associé chargé des ressources humaines, afin de lui proposer une rupture conventionnelle, puis à nouveau, le 2 juillet suivant, entretien au cours duquel ce dernier l'avait invitée à prendre attache avec la secrétaire générale, Mme Z..., pour étudier les modalités de son départ.
Un troisième entretien a eu lieu le 6 juillet en vue de lui proposer, à nouveau, une rupture conventionnelle.
4 - Elle a été affectée à une nouvelle mission le 10 juillet 2009 pour en être écartée au deuxième jour, c'est-à-dire le 16 juillet.
5 - Elle s'est trouvée en arrêt de travail du 21 au 27 juillet 2009.
6 - Elle produit aussi un certificat médical d'un médecin, le docteur A..., certifiant l'avoir examinée le 4 août 2009, date à laquelle elle s'est trouvée à nouveau en arrêt maladie jusqu'au 7 août, et « avoir constaté de l'anxiété et de l'angoisse ».
7 - Elle a été la seule à avoir était écartée de la liste des promotions internes publiée par l'employeur le 30 juillet 2009.
La quasi-totalité de ces faits, à l'exception de celui ayant trait à une absence de synthèse d'évaluation annuelle, sont soit reconnus par l'employeur dans leur matérialité soit ne font l'objet d'aucune contestation.
S'agissant de l'absence de synthèse annuelle, l'employeur se borne à affirmer que les affirmations de la salariée à ce sujet relèvent d'une position totalement fantaisiste et que celle-ci ne démontre pas ce qu'elle avance.
Il affirme que des évaluations trimestrielles ont bien été réalisées mais ne conteste pas l'absence d'évaluation annuelle.
Or, Mme Astou X... produit aux débats un extrait d'un document interne précisant que s'agissant des jeunes collaborateurs, ceux-ci font l'objet d'une évaluation quasi permanente, en particulier à l'achèvement de travaux d'une durée ou d'une technicité suffisante et que par ailleurs, des synthèses annuelles sont établies, ces procédures contribuant « à l'évolution contradictoire et équitable des responsabilités confiées et des rémunérations », Elle produit aussi aux débats des messages électroniques de la secrétaire générale des 13 et 26 mai 2009 rappelant à ses destinataires les modalités et le calendrier de la synthèse annuelle et dont il résulte en particulier qu'une date limite avait été fixée au 15 juin pour « l'établissement des synthèses annuelles par les parrains/entretien individuels ».
Ce fait doit donc être considéré comme établi.
II apparaît, à la lumière de l'ensemble de ces faits que ceux-ci sont bien de nature à laisser présumer une situation de harcèlement moral.
Alors qu'il lui incombe de démontrer qu'en réalité de tels faits ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et étaient justifiés objectivement, force est de constater d'emblée, que l'employeur ne propose aucune explication au sujet de l'absence de synthèse annuelle et de la circonstance que la salariée ne figurait pas sur la liste des promotions internes.
Il en est de même, au demeurant, de la mission dont il est indiqué par la salariée qu'il y aurait été mis fin de manière prématurée.
Si l'intimée produit en revanche des documents de nature à démontrer qu'en raison du caractère partiellement saisonnier de l'activité d'expertise comptable et de la dégradation de la situation économique qui sévissait alors, de nombreux salariés se trouvaient, comme Mme Astou X..., sans affectation pendant la période de mars à juillet 2009, elle échoue en revanche à démontrer que les entretiens que celle-ci avait eus avec ses supérieurs hiérarchiques en juin et en juillet 2009, dont il n'est pas contesté qu'ils avaient pour objet son départ de l'entreprise, répondaient à une demande de sa part.
Si en effet, elle produit aux débats un message électronique de M. Y..., du 17 juin 2009, aux termes duquel, s'adressant à d'autres associés, celui-ci indiquait que Mme Astou X... lui avait confirmé « qu'elle s'était complètement trompée d'orientation » et qu'elle « travaill(ait) sur un projet professionnel » tout en précisant qu'elle ne souhaitait pas démissionner, celle-ci se prévaut d'un message électronique qu'elle avait adressé à M. Y... le 3 juillet 2009, au lendemain d'un entretien qu'elle avait eu avec la secrétaire générale, pour lui rappeler qu'à l'occasion d'un précédent entretien du 17 juin 2009, il lui avait fait part de la volonté des associés de mettre fin à son contrat de travail en lui proposant une rupture amiable.
Elle rappelait aussi qu'elle avait fait connaître à son interlocutrice son refus de démissionner et dans un autre message électronique du 6 juillet 2009, rédigé immédiatement après un entretien qu'elle avait eu avec Mme Z..., le jour même, elle lui précisait qu'elle refusait à nouveau de consentir à une rupture conventionnelle.
L'existence d'un harcèlement moral ne peut donc qu'être considérée comme établie.
Il sera alloué à la salariée la somme de 8.000 € à titre de dommages et intérêts à ce titre ;
Sur la nullité du licenciement
II résulte de l'article 1153-4 du code du travail que tout licenciement prononcé, notamment en raison de la dénonciation de faits de harcèlement, même s'ils ne sont pas établis, est nul de plein droit, sauf si le salarié a agi de mauvaise foi.
En l'espèce, il est constant que le 26 juillet 2009, Mme Astou X... a fait parvenir à M. Eric Y..., en sa qualité d'associé chargé des ressources humaines, un courrier dans lequel elle énumérait un certain nombre de griefs.
Ainsi, elle se plaignait de ce que depuis le 24 mars précédent, elle n'était plus affectée à des missions que de façon épisodique, Elle reprochait également à l'employeur, en second lieu, un refus d'évaluation et notamment, la circonstance qu'elle n'avait pas bénéficié d'une synthèse annuelle de ses travaux, contrairement aux autres employés du cabinet.
En troisième lieu, elle faisait état du comportement de l'employeur tentant de la convaincre de démissionner.
Elle notait en particulier : « malgré mon refus vous persistez dans votre démarche et me menacez de licenciement. Je vous rappelle que la démission est un acte unilatéral à l'initiative du salarié. Un tel licenciement serait sans motif réel et sérieux. Je tiens à vous signaler que ces agissements (entretien, appels téléphoniques, intimidation et menace) qui n'ont pas d'autre but que de m'amener à démissionner sont inacceptables, insupportables, nuisent à ma santé physique et mentale et altèrent de façon significative mes conditions de travail ».
En dernier lieu, elle exposait qu'alors qu'elle avait envisagé de profiter de l'accord de participation signé au sein de l'entreprise et prévoyant un abondement de l'employeur à hauteur de 300 %, elle en avait été dissuadée en lui expliquant « qu'un tel versement serait mal vu et pourrait avoir des conséquences négatives sur les conditions de travail ». Elle précisait que « de telles pressions sont inacceptables s'agissant d'un accord signé ».
Il apparaît incontestablement que les faits ainsi relatés dans ce courrier étaient susceptibles de caractériser une situation de harcèlement moral.
Or, peu de temps après, c'est-à-dire le 12 août 2009, l'employeur a fait parvenir à Mme Astou X... une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement dans laquelle, rappelant le courrier de cette dernière, il était indiqué : « Visiblement conseillée, vous évoquez, à mots à peine couverts, votre prétendu statut de victime d'un harcèlement moral. De tels propos sont non seulement sans fondement, mais encore particulièrement déplacés. ».
Après avoir ensuite dans ce courrier discuté et contesté les griefs articulés contre elle par la salariée, la société Bellot Mullenbach et Associés indiquait encore : « Pour notre part, nous n'entendons néanmoins pas en rester là et souhaitons, au contraire, avoir l'occasion d'évoquer avec vous les différents griefs pour lesquels nous souhaitons recevoir vos explications et qui nous conduisent à envisager à votre égard une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement ».
Il résulte par ailleurs de la lecture de la lettre de licenciement, qui était particulièrement motivée, qu'avant de retenir un grief lié à l'insuffisance professionnelle de la salariée, l'employeur retenait un premier grief qui se trouvait directement en relation avec la lettre susvisée.
S'il est bien évidemment loisible à l'employeur de réfuter les accusations de harcèlement moral qui ont pu être proférées contre lui par un salarié, celles-ci ne sauraient, en elles-mêmes, constituer un motif de licenciement, sauf à démontrer qu'elles auraient été articulées de mauvaise foi, en parfaite connaissance de leur fausseté.
En l'espèce, la lettre de licenciement consacrait de nombreux paragraphes, non seulement à réfuter les accusations de la salariée mais également à lui reprocher de les avoir énoncées au motif notamment, qu'il s'agirait « de bâtir, de manière totalement artificielle, un dossier pour (sa) prochaine saisine du conseil de prud'hommes ».
Au demeurant, dans ses conclusions, l'employeur précise lui-même que le contrat de travail a été rompu en raison des manquements de la salariée à son obligation de bonne foi, « outre ses propos diffamatoires et inacceptables dans son courrier de juillet 2009 ».
Celui-ci fait certes valoir que ce n'est pas la dénonciation de faits de harcèlement moral en elle-même qui a été sanctionnée mais la mauvaise foi de la salariée, mais il apparaît que non seulement, celle-ci n'est pas démontrée mais qu'au contraire, ainsi qu'il a été vu, il existait bien une situation de harcèlement moral dont elle pouvait légitimement se plaindre.
Dans ces conditions, la nullité du licenciement ne peut qu'être constatée.
Sur les conséquences de la nullité du licenciement
En cas de licenciement nul, le salarié a droit à être réintégré dans son emploi, ou à défaut, dans un emploi équivalent et dans cette hypothèse, il peut prétendre au versement des salaires qu'il aurait dû percevoir entre son licenciement et la date de sa réintégration sauf à déduire les revenus de remplacement qu'il a pu percevoir, notamment les indemnités de chômage ou les salaires perçus au titre d'emplois occupés entre-temps.
Il y a donc lieu de faire droit à la demande de réintégration.
Il convient de prévoir une astreinte afin d'assurer l'exécution de cette mesure.
Par ailleurs, n'étant pas contesté que la moyenne des salaires à retenir comme salaire de référence s'élevait à 2.824,25 €, il ne peut qu'être fait droit à la demande de paiement des salaires que la salariée aurait perçus et qu'elle devrait percevoir entre la date de son licenciement et jusqu'à la date de sa réintégration effective, soit, à la date de l'audience du 24 mars 2014, la somme de 142.342,20 €, outre les congés payés qui s'y rapportent, sous la réserve susvisée.
Si en application de l'article 1153 du code civil, la salariée peut prétendre au paiement des intérêts au taux légal, non pas à compter de la date de saisine du conseil de prud'hommes, mais à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, qui vaut mise en demeure, c'est-à-dire à compter du 25 mai 2010, c'est seulement pour les sommes échues à cette date, de sorte que les salaires se rapportant à la période postérieure ne pourront porter intérêts qu'à compter de leur date d'échéance respective.
S'agissant des dommages et intérêts, ceux-ci ne peuvent porter intérêts qu'à compter de la date du présent arrêt, par application de l'article 1153-l du code civil.
Enfin, par application de l'article 1154 du même code, dès lors qu'elle est demandée, la capitalisation des intérêts est de droit mais par année entière seulement »,
ALORS, D'UNE PART, QU'en matière de harcèlement moral, le salarié est tenu d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, à charge pour l'employeur, lorsque ces faits sont établis, de prouver que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs du harcèlement et qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs ; qu'il appartient au juge d'examiner les éléments de preuve fournis par l'employeur qui tendent à démontrer que les mesures en cause sont étrangères à tout harcèlement moral ; qu'en énonçant que la société Bellot Mullenbach associés ne proposait aucune explication concernant l'absence de synthèse annuelle et le fait que la salariée ne figurait pas sur la liste des promotions internes, sans rechercher si le courriel de l'employeur du 30 juillet 2009 régulièrement produit aux débats aux termes duquel si la société Bellot Mullenbach et associés avait pris l'habitude depuis plusieurs années d'annoncer, dans le courant de la seconde quinzaine du mois de juillet, les promotions et les bonus ainsi que les rémunérations pour l'année suivante, il n'avait pu en être de même concernant l'année 2009, puisque du retard avait été pris dans le processus d'évaluation des salariés et consécutivement l'établissement de la liste de promotions, ce qui expliquait que Mme X... n'ait pas bénéficié d'une évaluation en juin 2009 et n'ait pas été inscrite sur la liste de promotions, et donc si ces éléments n'expliquaient pas objectivement l'absence de promotion de Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-2 et L. 1154-1 du code du travail,
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en matière de harcèlement moral, le salarié est tenu d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, à charge pour l'employeur, lorsque ces faits sont établis, de prouver que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs du harcèlement et qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs ; qu' il appartient au juge d'examiner les éléments de preuve fournis par l'employeur qui tendent à démontrer que les mesures en cause sont étrangères à tout harcèlement moral ; qu'en énonçant que l'employeur ne proposait aucune explication au sujet de la mission réalisée au sein de la société Total dont il est indiqué par la salariée qu'il y aurait été mis fin de manière prématurée, sans rechercher comme elle y était pourtant tenue, si l'employeur ne justifiait pas objectivement cet arrêt prématuré par l'échange de courriels intervenu au mois de mars 2009 avec une des responsables de la société Total, dont il ressortait que Mme X... se positionnait mal vis-à-vis de la société Total et s'octroyait une légitimité sur cette mission qui n'avait pas lieu d'être, qu'elle n'avait pas effectué les tâches lui incombant et ne suivait pas les directives qui lui étaient données, mais aussi qu'elle se permettait des remarques déplacées et qu'elle polémiquait, alors qu'elle devait comprendre qui était le client et n'avait pas tous les droits et qu'elle n'avait pas à donner d'ordres aux salariés de la société Total, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-2 et L. 1154-1 du code du travail,
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; qu'en se fondant, pour dire que Mme X... avait été victime de harcèlement moral, sur les courriels des 3 et 6 juillet 2009 émanant de l'intéressée faisant valoir qu'elle refusait de consentir à une rupture amiable ou conventionnelle de son contrat de travail mais aussi qu'elle refusait de démissionner, quand ces documents émanaient de la salariée elle-même, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil.
ALORS, ENFIN, QUE la cassation à intervenir sur le chef de dispositif ayant condamné la société Bellot Mullenbach et associés à payer à Mme X... les dommages et intérêts pour harcèlement, entraînera par voie de conséquence, et en application de l'article 624 du code de procédure civile, l'annulation des chefs de dispositif ayant ordonné la réintégration de Mme X... dans son emploi ou dans un emploi similaire et condamné, sous astreinte, la société Bellot Mullenbach et associés à verser à l'intéressée des rappels de salaires qu'elle aurait dû percevoir et devrait percevoir depuis la date de son licenciement et jusqu'à celle de sa réintégration effective, et ordonné la délivrance de bulletins de paie correspondants.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, en condamnant la société Bellot Mullenbach et associés à payer à Mme Astou X... les salaires qu'elle aurait dû percevoir et devrait percevoir depuis la date de son licenciement et jusqu'à celle de sa réintégration effective, somme provisoirement arrêtée à la date du 24 mars 2014 à 142.342,20 euros outre 14.234,22 euros, dit que seraient à déduire les revenus de remplacement éventuellement perçus pendant la période considérée ;
AUX MOTIFS QU'en cas de licenciement nul, le salarié a droit à être réintégré dans son emploi, ou à défaut, dans un emploi équivalent et dans cette hypothèse, il peut prétendre au versement des salaires qu'il aurait dû percevoir entre son licenciement et la date de sa réintégration sauf à déduire les revenus de remplacement qu'il a pu percevoir, notamment les indemnités de chômage ou les salaires perçus au titre d'emplois occupés entre-temps ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande de réintégration ; qu'il convient de prévoir une astreinte afin d'assurer l'exécution de cette mesure ; que par ailleurs, n'étant pas contesté que la moyenne des salaires à retenir comme salaire de référence s'élevait à 2824,25 euros, il ne peut qu'être fait droit à la demande de paiement des salaires que la salariée aurait perçus et qu'elle devrait percevoir entre la date de son licenciement et jusqu'à la date de sa réintégration effective, soit à la date de l'audience du 24 mars 2014, la somme de 142.342,20 euros, outre les congés payés qui s'y rapportent, sous la réserve susvisée ;
ALORS QU'en application des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, tout licenciement prononcé à l'égard d'un salarié pour avoir relaté des agissements répétés de harcèlement moral est nul sauf mauvaise foi du salarié ; que dès lors qu'un tel licenciement nul caractérise une atteinte à la liberté d'expression du salarié garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et la date de sa réintégration, peu important qu'il ait ou non reçu des salaires ou revenus de remplacement pendant cette période ; qu'en l'espèce, après avoir jugé que le licenciement de la salariée était nul comme prononcé en raison de la dénonciation de bonne foi par la salariée de faits de harcèlement moral, la cour d'appel a jugé que la salariée avait droit au versement des salaires qu'elle aurait dû percevoir entre son licenciement et la date de sa réintégration, sauf à déduire les revenus de remplacement qu'elle avait pu percevoir ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, ensemble l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.