La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2016 | FRANCE | N°16-84060

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 décembre 2016, 16-84060


N° A 16-84.060 F-P+B

N° 5959

JS3

13 DÉCEMBRE 2016

REJET

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize décembre deux mille seize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PARLOS, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat

en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;

REJET du pourvoi formé par Mme X..., contre l'arrêt de la cha...

N° A 16-84.060 F-P+B

N° 5959

JS3

13 DÉCEMBRE 2016

REJET

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize décembre deux mille seize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PARLOS, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;

REJET du pourvoi formé par Mme X..., contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 30 mai 2016, qui, dans l'information suivie contre elle des chefs de blanchiment aggravé et recel aggravé, a prononcé sur sa requête en annulation d'actes de la procédure AR ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 26 septembre 2016, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire, des articles 80-2, 114, 116, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler l'interrogatoire de première comparution et la mise en examen de Mme Y..., ainsi que tous les actes subséquents dont ils sont le support ;

"aux motifs qu'il résulte de la procédure que Mme Buresi, vice-président chargée de l'instruction à Paris, a été avisée le 9 février 2016 par M. Christophe Perruaux, vice-président chargé de l'instruction à Marseille de ce que Mme Y..., à l'encontre de laquelle ce magistrat avait délivré un mandat d'amener en 2014 dans le cadre d'une information distincte suivie à son cabinet, comparaissait ce même jour devant le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris compétent pour statuer sur l'exécution dudit mandat d'amener ; que Mme Buresi faisait alors connaître au service du juge des libertés et de la détention de Paris qu'en cas d'incarcération provisoire de Mme Y..., elle souhaitait que celle-ci lui soit présentée le 10 février 2016 au matin aux fins de mise en examen ; que Mme Buresi établissait des réquisitions d'extraction à cette fin et demandait leur transmission à l'établissement pénitentiaire en cas d'incarcération, puis avisait M. Christophe Perruaux de la présentation à son cabinet prévue le 10 février 2016 de Mme Y..., retenue dans le cadre du mandat d'amener ; que ces éléments résultent du procès-verbal de mention du 9 février 2016 de Mme Buresi, juge d'instruction (D 9152), du procès-verbal de mention du 10 février 2016 dans lequel le juge d'instruction M. Christophe Perruaux juge d'instruction à Marseille faisait connaître à Mme Buresi le motif de la délivrance du mandat d'amener pris par lui à l'encontre de Mme Y..., faute pour cette dernière d'avoir déféré à sa convocation, et dans lequel il indiquait transmettre le procès-verbal de notification du mandat d'amener du juge des libertés et de la détention de Paris sur lequel figure l'adresse de Mme Y... en Israël (D 9153), du soit transmis, en date du 10 février 2016, de M. Perruaux juge d'instruction à Marseille adressé à Mme Buresi ainsi que des pièces jointes, en l'espèce son mandat d'amener, les pièces préalables à sa délivrance et celles relatives à sa notification à Paris à Mme Y... le 9 février 2016 (D 9154) ; que Mme Y... a comparu devant Mme Buresi et M. Tournaire, vice-présidents chargés de l'instruction le 10 février 2016 (D 9156) en exécution des réquisitions d'extraction délivrées le 9 février 2016 par Mme Buresi, au visa de l'article 51 du code de procédure pénale ; que l'alinéa 3 dudit article dispose que le juge d'instruction a dans l'exercice de ses fonctions le droit de requérir directement la force publique ; que ces réquisitions d'extractions ont été annexées au réquisitoire du procureur général relatif à l'appel de Mme Y... à l'encontre de son ordonnance de placement en détention provisoire ; (arrêt n° 2016/00957 déclarant la procédure régulière, rejetant les mêmes moyens de nullité et confirmant l'ordonnance de placement en détention provisoire) ; que l'extraction d'une personne détenue pour autre cause est organisée selon les prescriptions réglementaires des articles D 297 à D 299 du code de procédure pénale et n'est pas subordonnée à la délivrance préalable d'un mandat d'amener (Cass Z...., 10 juillet 1991) ; que les réquisitions d'extraction n'emportent pas exercice de la force coercitive, et la personne détenue pour autre cause a la faculté de refuser son extraction ; qu'en l'espèce, les affirmations de la requête en nullité selon lesquelles Mme Y... a été conduite "par la force" devant le juge d'instruction restent à l'état d'allégations ; qu'en effet celle-ci a comparu devant le juge d'instruction en présence et assistée de ses avocats personnellement choisis par elle ; que ces avocats ont pu consulter la procédure et s'entretenir librement avec elle ; qu'aucune observation n'a été formulée notamment à propos d'une supposée comparution sous la contrainte ou par la force en application de l'article 116, alinéa 5, du code de procédure pénale ; qu'aucune disposition légale n'impose au juge d'instruction du lieu de l'incarcération de la personne détenue provisoirement en exécution du mandat d'amener délivré par un magistrat instructeur d'une juridiction éloignée de plus de deux cents kilomètres de solliciter avis ou autorisation de ce magistrat instructeur, avant de faire procéder à l'extraction de la personne pour les nécessités de sa propre procédure, en application de l'article D 290 du code de procédure pénale ; qu'également, il résulte des mentions portées à l'interrogatoire de première comparution de Mme Y... que les juges d'instruction, après avoir constaté son identité lui ont fait connaître expressément chacun des faits dont ils étaient saisis en vertu du réquisitoire introductif du procureur de la République, en date du 9 novembre 2010, et des réquisitoires supplétifs des 9 décembre 2015 et 18 janvier 2016 ainsi que la qualification juridique des faits pour lesquels elle comparaissait devant eux ; qu'elle était informée que les juges d'instruction envisageaient de la mettre en examen pour les faits dont il venait de lui être donné connaissance ainsi que de son droit de choisir un avocat ou d'en demander d'office ; que l'intéressée a déclaré demander l'assistance de Me Valérie A... et Me Manuel Abitbol, avocats choisis ; que ces avocats, avocats choisis, ont pu consulter le dossier de la procédure et s'entretenir librement avec elle ; ce même procès-verbal mentionne : "Nous avons avisé la personne qu'elle a le choix soit de se taire, soit de faire des déclarations, soit d'être interrogée, mais qu'elle ne peut être interrogée immédiatement qu'avec son accord recueilli en présence de son avocat. Si elle désire faire des déclarations, nous les recevrons immédiatement. La personne déclare : Je prends acte des faits pour lesquels vous envisagez ma mise en examen ainsi que de leur qualification juridique. Je souhaite répondre aux questions. Je ne suis pour rien dans tout cela" ; qu'ainsi, avisée des faits qui lui étaient reprochés et de ses droits en présence de ses conseils Mme Y... a déclaré expressément souhaiter faire des déclarations ; que ses avocats ont eu la faculté de présenter des observations avant même la notification de la mise en examen ; qu'à l'issue de l'audition ses avocats ont développé leurs observations tendant notamment à l'octroi du statut de témoin assisté à son profit ; qu'à l'issue de ces observations les magistrats instructeurs lui ont fait connaître les faits pour lesquels elle était mise en examen et lui ont notifié les droits découlant pour elle de ce statut ; qu'en conséquence, l'interrogatoire de première comparution a été et construit et a été conduit (sic) dans le strict respect des dispositions de l'article 116, alinéas 2, et 5, du code de procédure pénale ; qu'en conséquence la procédure concernant la requérante est régulière ;

"1°) alors que la mise en examen ne peut être ordonnée qu'à la suite d'un interrogatoire de première comparution, pour lequel le mis en cause a été convoqué selon les conditions prévues par l'article 114 du code de procédure pénale ou déféré à la suite d'une garde à vue ou après la délivrance d'un mandat d'amener ; qu'en l'espèce, en refusant d'annuler la mise en examen de Mme Y..., qui a été déférée devant le juge d'instruction en dehors de ces procédures, en exécution de réquisitions d'extraction délivrées au visa de l'article 51 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés ;

"2°) alors que constitue une comparution de force et sous la contrainte le fait pour un juge de faire extraire une personne emprisonnée pour une cause totalement étrangère à la procédure dont il est lui-même chargé, et de la faire conduire devant lui menottée et sous escorte, peu important que l'intéressée ait prétendument eu le pouvoir de refuser cette extraction, dès lors qu'il n'est ni allégué ni démontré par la procédure que cette possibilité lui aurait été notifiée ; qu'en refusant d'annuler la mise en examen de Mme Y..., en relevant que les affirmations de la requête en nullité selon lesquelles Mme Y... a été conduite "par la force" devant le juge d'instruction restent à l'état d'allégations, la chambre de l'instruction a dénaturé les pièces de la procédure et a ainsi privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés ;

"3°) alors qu'en refusant d'annuler la mise en examen de Mme Y..., en se fondant sur des motifs inopérants selon lesquels l'interrogatoire de première comparution s'était déroulé conformément aux prescriptions de l'article 116 du code de procédure pénale, en présence de ses conseils, la chambre de l'instruction a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'après avoir été désigné, par arrêt du 28 janvier 2015 (Crim., n° 15-80.382), à la suite de l'ouverture d'une information judiciaire relative à l'achat, hors taxe, de quotas négociés sur le marché des droits à polluer, à leur revente et au détournement de la TVA sur des comptes à l'étranger, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris, informé, le 9 février 2016, que Mme Y..., mise en cause pour avoir participé à la commission de certains de ces faits, avait été interpellée en exécution d'un mandat d'amener délivré par un autre magistrat instructeur, a fait savoir au juge des libertés et de la détention saisi qu'il souhaitait que celle-ci lui fût présentée le 10 février 2016 au matin aux fins de mise en examen, puis établi des réquisitions d'extraction afin de la faire conduire à son cabinet le lendemain et demandé leur transmission à l'établissement pénitentiaire concerné dans l'hypothèse d'une incarcération ; que l'intéressée ayant été placée en détention provisoire, la force publique a été requise pour l'exécution desdites réquisitions ; que le 10 février 2016, Mme Y..., assistée de ses avocats, a comparu devant la juridiction d'instruction de Paris, répondu aux questions qui lui étaient posées, puis été mise en examen des chefs susénoncés et placée en détention provisoire, après un débat contradictoire au cours duquel elle a renoncé au délai prévu pour préparer sa défense ; que, le 17 février 2016, Mme Y... a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en annulation de tous les actes réalisés consécutivement à sa présentation devant la juridiction d'instruction, prise de l'irrégularité de cette présentation sous la contrainte, sans convocation, garde à vue ou délivrance d'un mandat d'amener ou d'arrêt préalables ;

Attendu que, pour rejeter la requête, l'arrêt énonce que Mme Y... a comparu, le 10 février 2016, en exécution des réquisitions d'extraction délivrées le 9 février 2016, au visa de l'article 51 du code de procédure pénale, dont l'alinéa 3 dispose que le juge d'instruction a, dans l'exercice de ses fonctions, le droit de requérir directement la force publique ; que les juges relèvent que l'extraction d'une personne détenue pour autre cause, organisée selon les prescriptions réglementaires des articles D.297 à D.299 du code de procédure pénale, n'est pas subordonnée à la délivrance préalable d'un mandat d'amener ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors que le juge d'instruction détient, en exécution de l'article 51, alinéa 3, précité, le pouvoir de requérir l'extraction, par la force publique, d'une personne incarcérée, aux fins de mise en examen dans les conditions prévues à l'article 116 du code de procédure pénale, sans que la délivrance d'un mandat ne soit légalement imposée, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions de droit interne et les stipulations conventionnelles invoquées au moyen ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en ses deuxième et troisième branches en ce qu'il critique des motifs surabondants, ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi DAR ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Parlos, conseiller rapporteur, M. Buisson, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-84060
Date de la décision : 13/12/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Mise en examen - Personne mise en examen - Personne incarcérée - Pouvoir du juge d'instruction - Extraction - Effets - Mandat - Nécessité (non)

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Nullités de l'instruction - Examen de la régularité de la procédure - Annulation d'actes - Mise en examen - Personne mise en examen - Personne incarcérée - Pouvoir du juge d'instruction - Extraction - Effets - Mandat - Nécessité (non)

Le juge d'instruction détient, en exécution de l'article 51, alinéa 3, du code de procédure pénale, le pouvoir de requérir l'extraction, par la force publique, d'une personne incarcérée aux fins de mise en examen dans les conditions prévues à l'article 116 du même code, sans que la délivrance d'un mandat ne soit légalement imposée


Références :

articles 51 et 116 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 30 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 déc. 2016, pourvoi n°16-84060, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Lemoine
Rapporteur ?: M. Parlos
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 10/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:16.84060
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award