LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que lorsque des contrats incluant une location financière sont interdépendants, l'anéantissement du contrat principal est un préalable nécessaire à la caducité, par voie de conséquence, du contrat de location ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société civile professionnelle Kipp Van Crayelynghe (la société Kipp), devenue la société Kipp Descampeaux, a conclu avec la société Alternative Telecom un contrat portant sur la fourniture de prestations informatiques et téléphoniques, le financement du matériel étant assuré par un contrat de location conclu avec la société BNP Paribas Lease Group (la société BNP) pour une durée de soixante-douze mois ; que la société Alternative Telecom a été mise en liquidation judiciaire le 12 janvier 2010 ; que la société Kipp a informé la société BNP, par une lettre du 4 février 2010, de sa volonté de résilier le contrat de location financière à cette date, en invoquant l'absence de fourniture par la société Alternative Telecom des prestations auxquelles celle-ci s'était engagée ; qu'après une vaine mise en demeure de payer les loyers, la société BNP a assigné la société Kipp en constatation de la résiliation du contrat de location financière de plein droit au 6 octobre 2010, ainsi qu'en paiement des loyers échus jusqu'à cette date et d'une indemnité de résiliation contractuelle ; que la société Kipp a opposé l'exception d'inexécution du contrat de prestations ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de la société BNP, l'arrêt retient, d'un côté, qu'il n'est pas discuté par cette société que la société Alternative Telecom a cessé d'assurer ses prestations depuis sa mise en liquidation judiciaire, de sorte que la société Kipp est fondée à se prévaloir de cette inexécution pour ne plus payer les loyers stipulés au contrat de location financière et à résilier ce contrat au 4 février 2010, de l'autre, que la société Kipp ne demandant pas l'annulation ou la résolution du contrat conclu avec la société Alternative Telecom, elle n'avait pas à mettre celle-ci en cause ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il condamne la société civile professionnelle Kipp Descampeaux, anciennement société Kipp Van Crayelynghe, à restituer les matériels loués et autorise la société BNP Paribas Lease Group à les appréhender, l'arrêt rendu le 18 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société civile professionnelle Kipp Descampeaux, anciennement société Kipp Van Crayelynghe, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lévis, avocat aux Conseils, pour la société BNP Paribas Lease Group
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société BPLG de ses demandes tendant à voir constater la résiliation de plein droit du contrat de location n° R 135375 conclu le 9 juillet 2009, à la date du 6 octobre 2010, et à voir condamner la SCP Kipp Van Crayelinghe à lui payer les sommes de 6.177,52 euros au titre des loyers impayés, et de 52.342,46 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, majorées des intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2010 ;
AUX MOTIFS QUE les contrats concomitants successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants ; que sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ; qu'en l'espèce, il résulte du courrier adressé le 31 juillet 2009 par la société Alternative Telecom à la SCP qu'en même temps que, suivant facture en date du 9 juillet 2009, elle cédait à la BNP Paribas Lease Group l'« installation téléphonique de type migration de serveur de VPN… objet du contrat de location financière conclu le même jour avec cette SCP, la première indiquait à la seconde que sa « prestation comprenait bien celle relative aux communications, dans les mêmes conditions que le précédent contrat de service » ; que lors de la conclusion du contrat de location financière, se poursuivait donc un contrat de prestation de service entre la SCP et la société Alternative Telecom qui portait notamment sur les abonnements et consommations de communication relatifs à l'installation téléphonique louée par la société BNP Paribas Lease Group, tel qu'initialement précisé en page 15 du « projet d'interconnexion sécurisée » soumis le 2 mai 2006 par la société Alternative Telecom à la SCP ; que la société BNP Paribas Lease Group, bailleresse, ne pouvait donc ignorer qu'audelà des seuls matériels, elle finançait aussi une prestation de services ; que cette société ne peut ainsi opposer à la SCP les clauses du contrat de location financière inconciliables avec cette interdépendance, lesquelles doivent être réputées non écrites, étant ici observé que la copie de ce contrat qu'elle communique en appel ne comporte pas ses conditions générales ; qu'en particulier, elle ne peut invoquer l'inopposabilité à son égard du « litige technique » pouvant exister entre le locataire, la SCP, et le fournisseur, la société Alternative Telecom ; que de plus, qu'il n'est pas discuté par la société BNP Paribas Lease Group que les prestations fournies à la SCI par Alternative Telecom ont cessé d'être assurées depuis la mise en liquidation judiciaire de cette dernière en janvier 2010 ; qu'il en résulte que la SCP était fondée à se prévaloir de cette inexécution pour ne plus régler les loyers stipulés au contrat de location et résilier ce contrat au 4 février 2010, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges ; qu'en outre, cette SCP qui ne sollicite pas l'annulation ou la résolution du contrat conclu avec la société Alternative Telecom, n'avait pas à mettre en cause celle-ci dans la présente instance ; qu'en conséquence, la société BNP Paribas Lease Group doit être déboutée de ses demandes de paiement au titre des loyers impayés à compter du 1er avril 2010 et de l'indemnité de résiliation ;
ALORS QUE lorsque des contrats incluant une location financière sont interdépendants, l'anéantissement du contrat principal est un préalable nécessaire à la caducité, par voie de conséquence, du contrat de location financière ; que nonobstant tout disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture ou du prononcé d'une liquidation judiciaire ; qu'en l'espèce, pour débouter la société BPLG de ses demandes, la cour d'appel a retenu que la SCP Kipp Van Crayelinghe était fondée à se prévaloir de l'inexécution des prestations fournies par Alternative Telecom depuis la mise en liquidation judiciaire de cette dernière en janvier 2010 pour ne plus régler les loyers stipulés au contrat de location et résilier ce contrat au 4 février 2010, sans avoir à mettre en cause la société Alternative Telecom dans la procédure ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 1184 du code civil et L. 641-111 du code de commerce.