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08/12/2016 | FRANCE | N°16-20298

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 décembre 2016, 16-20298


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 8 juillet 2016), que M. Vincent X..., né en 1976, a été victime, le 29 septembre 2008, d'un accident de la circulation, qui lui a causé un grave traumatisme crânien ; qu'il est hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Reims où, en raison de son état de tétraplégie et de complète dépendance, il est alimenté et hydraté de façon artificielle ; que le juge des tutelles a, par décision du 17 décembre 2008, habilité son épouse, Mme Rachel X..., à

le représenter de manière générale dans l'exercice des pouvoirs résultant du ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 8 juillet 2016), que M. Vincent X..., né en 1976, a été victime, le 29 septembre 2008, d'un accident de la circulation, qui lui a causé un grave traumatisme crânien ; qu'il est hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Reims où, en raison de son état de tétraplégie et de complète dépendance, il est alimenté et hydraté de façon artificielle ; que le juge des tutelles a, par décision du 17 décembre 2008, habilité son épouse, Mme Rachel X..., à le représenter de manière générale dans l'exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial ; que, le 11 janvier 2014, son médecin a décidé de mettre fin à son alimentation et à son hydratation artificielles, décision suspendue par le tribunal administratif le 16 janvier 2014 ; que, le 24 juin 2014, le Conseil d'Etat, après avoir, avant dire droit, ordonné une expertise médicale, a dit que la décision du 11 janvier 2014 ne pouvait être tenue pour illégale ; que, saisie par les parents de M. Vincent X..., l'un de ses demi-frères et l'une de ses soeurs (les consorts X...), la Cour européenne des droits de l'homme a, par arrêt du 5 juin 2015, dit qu'il n'y aurait pas violation de l'article 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de mise en oeuvre de la décision du Conseil d'Etat du 24 juin 2014 ; que, le 17 août 2015, un signalement en vue de la mise sous mesure de protection de M. Vincent X... a été transmis par son médecin au procureur de la République, qui a saisi le juge des tutelles d'une requête aux fins d'ouverture d'une mesure de protection judiciaire ; que, par jugement du 10 mars 2016, le juge des tutelles a placé M. Vincent X... sous tutelle pour une durée de cent vingts mois, désignant Mme Rachel X... en qualité de tutrice et l'UDAF de la Marne en qualité de subrogé tuteur ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de placer M. Vincent X... sous tutelle pour une durée de cent vingts mois, de désigner Mme Rachel X... en qualité de tutrice et l'UDAF de la Marne en qualité de subrogé tuteur alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 428 du code civil, l'ouverture de la tutelle est subsidiaire ; que la tutelle n'est pas nécessaire dès lors que les intérêts de l'intéressé sont préservés par un protecteur naturel, désigné ainsi en raison des services effectifs qu'il rend à la personne hors d'état de s'exprimer ; qu'en l'espèce, les parents et le frère de M. Vincent X... veillent au quotidien sur lui depuis le printemps 2013, les parents ayant déménagé à Reims pour ce faire ; que la cour d'appel a cependant considéré que les parents n'avaient pas la qualité de protecteurs naturels en raison du conflit familial important existant et que leur présence quotidienne est insuffisante à justifier qu'ils représentent leur fils ; qu'en statuant ainsi, alors que les mésententes familiales ne peuvent à elles seules écarter les membres de la famille qui portent effectivement intérêt au malade et en prennent soin, la cour d'appel a violé l'article 428 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir exactement rappelé qu'en application de l'article 428 du code civil, la mesure de protection ne peut être ordonnée qu'en cas de nécessité et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l'application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, la cour d'appel a estimé qu'indépendamment du rôle joué par les parents de M. Vincent X... et de leur présence quotidienne à ses côtés, il était nécessaire de désigner un représentant légal, afin qu'il soit représenté dans les différentes procédures le concernant et que les décisions relatives à sa personne puissent être prises dans son seul intérêt, sous le contrôle du juge des tutelles, conformément aux dispositions de l'article 459 du code civil, sans préjudice des dispositions du code de la santé publique applicables ; qu'ayant constaté que les conditions posées par l'article 425 du code civil étaient réunies, c'est par une appréciation souveraine que la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur l'existence d'un conflit familial pour décider de l'ouverture d'une mesure de protection, a statué comme elle l'a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses quatre premières branches :

Attendu que les consorts X... font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que si l'article 449 du code civil confère au conjoint une priorité afin de placer la famille au centre du régime de protection, la loi n'en écarte pas moins cette priorité en cas de cessation de la vie commune ; que, s'il ne convient pas de reprocher à Mme Rachel X... d'avoir déménagé, force est de constater qu'elle l'a fait de son plein gré et qu'elle refuse de donner sa nouvelle adresse en Belgique ; que les consorts X... invoquaient ainsi la fin de la vie commune, argument péremptoire qui devait conduire le juge à ne pas désigner l'épouse en qualité de tuteur ; que la cour d'appel a pourtant considéré que la pression médiatique, que subissait également les consorts X... qui ont pourtant décidé de rester quotidiennement au chevet de M. Vincent X..., justifiait l'éloignement ; qu'en désignant Mme Rachel X... en tant que tuteur de son époux, alors même que la loi met obstacle à la nomination du conjoint lorsque la vie de couple a cessé et que celle des époux X... est inexistante, non en raison de l'hospitalisation de M. Vincent X..., événement étranger à la volonté de son épouse, mais en raison de la volonté de celle-ci de quitter Reims pour la Belgique, la cour d'appel a violé l'article 449 du code civil ;

2°/ que si l'article 449 du code civil confère au conjoint une priorité afin de placer la famille au centre du régime de protection, la loi n'en écarte pas moins cette priorité lorsqu'une autre cause que la rupture de la vie commune apparaît ; que l'existence de conflits familiaux constitue une telle cause ; qu'en l'espèce, alors qu'existait un conflit familial depuis le printemps 2013 et ayant pour origine le secret gardé par Mme Rachel X... concernant l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation de son conjoint la cour d'appel a confirmé la nomination de Mme Rachel X... comme tuteur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 449 du code civil ;

3°/ que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit l'équité du procès ; que, même si, à la lettre, les exigences du droit à un procès équitable ne sont prévues qu'à l'égard du tribunal, la Cour européenne des droits de l'homme n'a pas hésité à les étendre à d'autres personnes ; que, outre le tribunal, le tuteur doit obéir à l'exigence de neutralité et d'absence de parti pris ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a confié la protection de la personne de M. Vincent X... à son épouse qui se bat depuis trois ans afin que, pour reprendre les propos tenus par les juges de la Cour européenne des droits de l'homme dans leur avis dissident, les médecins cessent de le nourrir et de l'hydrater, « de manière à, en fait, l'affamer jusqu'à la mort » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a en conséquence également pris parti pour la position adoptée par Mme Rachel X..., alors que l'impartialité lui commandait de désigner, ainsi, que l'y invitait le procureur général, deux tuteurs neutres et extérieurs à la famille divisée, a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4°/ que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit l'équité du procès ; que, même si, à la lettre, les exigences du droit à un procès équitable ne sont prévues qu'à l'égard du tribunal, la Cour européenne des droits de l'homme n'a pas hésité à les étendre à d'autres personnes ; que, outre le tribunal, le subrogé tuteur, qui est un mandataire de justice, doit obéir à l'exigence de neutralité et d'absence de parti pris ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a nommé l'UDAF de la Marne en tant que subrogé tuteur, alors que cette association, pourtant déjà désignée par le jugement de tutelle du 10 mars 2016 a invité à son assemblée générale deux mois plus tard, le 9 mai 2016 et donc en toute connaissance de cause, le docteur Y... qui est à l'origine de la procédure collégiale tenue secrète et soutenue par Mme Rachel X... ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu que, selon l'article 449 du code civil, à défaut de désignation par la personne protégée elle-même, le juge nomme comme curateur ou tuteur son conjoint, à moins que la vie commune ait cessé entre eux ou qu'une autre cause empêche de lui confier la mesure ;

Attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève, d'abord, par motifs propres et adoptés, que, jusqu'à ce que se pose la question de la décision médicale de l'arrêt des traitements pour obstination déraisonnable, personne n'avait contesté la capacité de Mme Rachel X... à représenter son époux et que, contrairement aux allégations des consorts X..., celle-ci a rempli ses devoirs d'épouse, s'est battue aux côtés de son mari et n'a pas failli dans sa mission de représentation ; que l'arrêt énonce, ensuite, qu'il ne peut être fait grief à Mme Rachel X... de son éloignement courant 2013 et de sa volonté de se rapprocher de son père avec sa fille, dès lors qu'il existait une pression médiatique importante dont elle a souhaité protéger son enfant ; qu'après avoir rappelé que le tuteur ne saurait se substituer à la procédure définie par le code de la santé publique, qui relève de la collégialité des médecins chargés du suivi du patient, ni remettre en cause les décisions de justice passées en force de chose jugée, l'arrêt constate, enfin, que Mme Rachel X... n'a jamais fait de demande d'arrêt des soins mais ne s'y est pas opposée lorsque le processus a été engagé, M. Vincent X... ayant exprimé le souhait de ne pas continuer à vivre dans un état de grande dépendance ; que de ces constatations, dont il ressort que la cessation de la vie commune n'était pas liée à des circonstances imputables à l'épouse, la cour d'appel a souverainement déduit qu'en dépit du conflit familial, il n'y avait pas lieu d'écarter Mme Rachel X... de l'exercice de la mesure de protection ;

Et attendu, en second lieu, que, les consorts X... n'ayant pas invoqué l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales devant la cour d'appel, ni soutenu que le tuteur et le subrogé tuteur devaient être assimilés à un tribunal au sens de ce texte, les griefs des troisième et quatrième branches sont nouveaux et mélangés de fait, partant irrecevables ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le même moyen, pris en sa dernière branche :

Attendu que les consorts X... font encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que le juge fixe la durée de la tutelle sans que celle-ci puisse excéder cinq ans ; que, toutefois, le juge qui prononce une mesure de tutelle peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme d'un médecin inscrit sur la liste mentionnée à l'article 431 constatant que l'altération des facultés personnelles de l'intéressé décrites à l'article 425 n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, fixer une durée plus longue, n'excédant pas dix ans ; qu'il en résulte que le juge ne peut prononcer une mesure de tutelle sans constater que le certificat du médecin inscrit préconise l'ouverture de la mesure pour une durée supérieure à cinq ans ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, par motifs adoptés du premier juge, a prononcé une mesure de tutelle pour une durée de dix ans, aux seuls motifs que l'état de santé de M. Vincent X... tel que décrit par l'expert permet de l'envisager en ce sens que l'altération de ses facultés personnelles n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science ; qu'en se prononçant ainsi, sans établir que le médecin inscrit avait préconisé l'ouverture de la tutelle pour une durée supérieure à cinq ans, la cour d'appel a violé l'article 441 du code civil ;

Mais attendu que, selon l'article 441 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, le juge fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse excéder cinq ans ; qu'il peut toutefois, lorsqu'il prononce une mesure de tutelle, par décision spécialement motivée et sur avis conforme d'un médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la République, constatant que l'altération des facultés personnelles de l'intéressé n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, fixer une durée plus longue, n'excédant pas dix ans ; qu'il s'en déduit que l'avis conforme visé par ce texte ne concerne pas la durée de la mesure, laquelle relève de l'office du juge ;

Qu'après avoir, par motifs adoptés, constaté que l'état de santé de M. Vincent X..., décrit par le médecin inscrit, n'apparaissait manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte susvisé en fixant la durée de la mesure à plus de cinq années ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mmes Viviane et Anne X..., et MM. Pierre X... et David Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé le huit décembre deux mille seize par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour
Mmes Viviane et Anne X..., et MM. Pierre X... et David Z....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir, après avoir placé M. Vincent X... sous tutelle pour une durée de 120 mois venant à échéance le 10 mars 2025, désigné Mme Rachel X..., élisant domicile en l'étude de Me Sara Nourdin, membre de la SCP Fossier Nourdin, avocate au Barreau de Reims 43 rue Libergier 5110 REIMS en qualité de tutrice pour le représenter et administrer ses biens et sa personne et désigné l'Udaf de la Marne demeurant 7 boulevard Kennedy BP 60545 à 51013 Chalons en Champagne Cedex en qualité de subrogé tuteur pour assister ou représenter, si besoin est, M. Vincent X... ;

- AUX MOTIFS QUE Aux termes de l'article 428 du code civil, une mesure de protection ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l'application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, en particulier celles prévues aux articles 217, 219, 1426 et 1429 du code civil. Cet article pose le principe de la subsidiarité de la mesure de protection juridique. En application de l'article 212 du code civil, le devoir d'assistance entre époux impose au conjoint de prendre soin de la personne de son mari et de son patrimoine. Le premier juge a exactement estimé qu'au vu du certificat médical du docteur A... les conditions exigées par l'article 425 du code civil étaient réunies pour envisager l'ouverture d'une mesure de protection. Devant la cour d'appel, l'ensemble des parties, hormis le ministère public, estime à titre principal qu'il n'y a pas lieu à mise en place d'une mesure de protection juridique, mais pour des motifs différents. Les appelants font valoir que les parents ont la qualité de "protecteurs naturels" de leur fils, ce que fut Mme Rachel X... jusqu'au printemps 2013, et qu'il suffit à la cour de le constater et de dire que de ce fait ils sont habilités à prendre toute décision relative à la prise en charge de leur fils. Cette notion jurisprudentielle, qui à la connaissance de la cour n'a été utilisée par la cour de cassation qu'une seule fois en 1955, ne saurait s'appliquer, alors qu'un conflit familial important existe et que la seule proximité géographique et la présence des parents quotidiennement auprès de leur fils est insuffisante à justifier qu'ils soient habilités à représenter leur fils sauf à être désignés tuteurs. Le premier juge a exactement indiqué "qu'une mesure de tutelle ou un tuteur ainsi que cela a été rappelé au cours de l'instruction, ne saurait se substituer ou remettre en cause une procédure définie et délimitée par le code de la santé publique, qui relève de la collégialité des médecins chargés du suivi de Monsieur Vincent X... ni même les décisions passées en force de chose jugée". Il a cependant pertinemment estimé qu'il était nécessaire de désigner un tuteur notamment pour que M. Vincent X... soit représenté dans les différentes procédures le concernant. La cour relève particulièrement que dans sa décision du 5 juin 2015, la cour européenne des droits de l'homme a estimé que si la requête n'est pas introduite par la victime elle-même, elle ne peut être représentée que s'il existe un pouvoir écrit dûment signé, que les requérants (M. et Mme Pierre et Viviane X..., M. David Z... et Mme Anne B...) n'ont pas qualité pour soulever au nom et pour le compte de M. Vincent X... les griefs tirés des articles 2, 3 et 8 de la convention qu'ils invoquent et a d'autre part rejeté la requête de Mme Rachel X... de représenter son mari en qualité de tiers intervenant. De plus, la cour fait sienne la remarque judicieuse du ministère public qui considère que "plus que la nomination d'un tuteur, c'est l'intervention du juge dans le cadre d'une procédure de tutelle qui est manifestement aussi opportune que nécessaire". Enfin, la cour ajoute qu'une telle représentation de M. Vincent X... s'impose pour que les décisions touchant à sa personne puissent être prises au regard de son seul intérêt, sous le contrôle du juge des tutelles conformément aux dispositions de l'article 459 du code civil, sans préjudice des dispositions du code de la santé publique applicables ;

- ALORS QUE, aux termes de l'article 428 du code civil, l'ouverture de la tutelle est subsidiaire ; que la tutelle n'est pas nécessaire dès lors que les intérêts de l'intéressé sont préservés par un protecteur naturel, désigné ainsi en raison des services effectifs qu'il rend à la personne hors d'état de s'exprimer ; qu'en l'espèce, les parents et le frère de M. Vincent X... veillent au quotidien sur lui depuis le printemps 2013, les parents ayant déménagé à Reims pour ce faire ; que la cour d'appel a cependant considéré que les parents n'avaient pas la qualité de protecteurs naturels en raison du conflit familial important existant et que leur présence quotidienne est insuffisante à justifier qu'ils représentent leur fils ; qu'en statuant ainsi, alors que les mésententes familiales ne peuvent à elles seules écarter les membres de la famille qui portent effectivement intérêt au malade et en prennent soin, la cour d'appel a violé l'article 428 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
:

- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir, après avoir placé M. Vincent X... sous tutelle pour une durée de 120 mois venant à échéance le 10 mars 2025, désigné Mme Rachel X..., élisant domicile en l'étude de Me Sara Nourdin, membre de la SCP Fossier Nourdin, avocate au Barreau de Reims 43 rue Libergier 5110 REIMS en qualité de tutrice pour le représenter et administrer ses biens et sa personne et désigné l'Udaf de la Marne demeurant 7 boulevard Kennedy BP 60545 à 51013 Chalons en Champagne Cedex en qualité de subrogé tuteur pour assister ou représenter, si besoin est, M. Vincent X... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE L'article 447 du code civil prévoit que le tuteur est désigné par le juge. Selon l'article 448 du code civil, la désignation faite par une personne d'une ou plusieurs personnes chargées d'exercer les fonctions de tuteurs pour le cas où elle serait placée sous tutelle s'impose au juge et aux termes de l'article 449 à défaut de désignation faite en application de l'article 448 le juge nomme tuteur le conjoint de la personne protégée... à moins que la vie commune ait cessé entre eux ou qu'une autre cause empêche de lui confier la mesure et à défaut le juge désigne un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur ou entretenant avec lui des liens étroits et stables. En application de l'article 450 du code civil, lorsqu'aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer la tutelle, le juge désigne un mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Il résulte de ces textes que la priorité est donnée au conjoint pour exercer les fonctions de représentation et qu'il ne peut être écarté que pour des raisons particulières que le juge doit constater. Jusqu'à ce que se pose la question de la décision médicale de l'arrêt des traitements pour obstination déraisonnable, personne n'avait contesté la capacité de Mme Rachel X... à représenter son époux. L'opposition des appelants à la nomination de Mme Rachel X... en qualité de tutrice, alors qu'ils ont porté plainte contre elle pour faux et usage de faux et qu'ils envisagent la possibilité d'une action en divorce, est contradictoire avec la proposition faite à titre subsidiaire de la désigner en qualité de subrogée tutrice. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, Mme Rachel X... n'a pas failli et a rempli ses devoirs d'épouse. Il ne peut lui être fait grief de son éloignement courant 2013 et de sa volonté de se rapprocher de son père avec sa fille alors qu'il n'est pas contestable qu'il existait une pression notamment médiatique, difficilement supportable et que Mme Rachel X... a ainsi manifesté son souhait de protéger Clémence. Elle s'est battue aux côtés de son mari et n'a jamais fait une demande d'arrêt des soins. Elle ne s'y est pas opposée lorsque le processus a été engagé et ce n'est pas à elle que l'on peut reprocher l'absence d'information des autres membres de la famille qui a conduit à l'invalidation de la première décision. Si effectivement M. Vincent X... n'avait pas donné par écrit des directives anticipées, ni désigné une personne de confiance, il résulte des motifs de la décision du conseil d'état du 24 juin 2014 qu'il avait exprimé tant auprès d'un frère qu'auprès de son épouse, sans qu'elle puisse raisonnablement être soupçonnée de mentir sur ce point, le souhait de ne pas continuer à vivre dans un état de grande dépendance, plusieurs des frères et soeurs ayant indiqué que ces propos correspondaient à la personnalité, à l'histoire et aux opinions personnelles de leur frère, les appelants ne contestant pas que telle était la volonté de leurs fils et frère. On ne peut reprocher à Mme Rachel X... de ne pas avoir fait certaines demandes auprès du CHU alors que les dernières décisions prises par le conseil d'état le 24 juin 2014 et par la cour européenne des droits de l'homme du 5 juin 2015 allaient dans le sens d'une validation de l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation artificielle en raison d'un acharnement déraisonnable. S'agissant des soins prodigués, le Conseil d'Etat dans la décision du 14 février 2014 ordonnant une expertise a relevé qu'il ne résultait d'aucun élément que les soins devant être dispensés à M. Vincent X... ne seraient pas accomplis conformément aux exigences requises au sein du service où il est hospitalisé depuis plusieurs années. Ce sont les appelants qui s'opposent à l'application des décisions de juridictions qu'ils ont saisies, leur reconnaissant par la même une certaine légitimité. La cour n'a pas à juger de l'opportunité d'une loi non plus que des conditions de son application qui relèvent de la juridiction administrative dans les circonstances de l'espèce. En conséquence, c'est pertinemment que le premier juge a désigné Mme Rachel X... en qualité de tutrice. Sur la désignation d'un subrogé tuteur aux termes de l'article 454 du code civil le juge peut désigner un subrogé tuteur. Le premier juge a pertinemment estimé qu'il était nécessaire de nommer un subrogé tuteur pour accompagner le tuteur désigné et l'assister dans ses démarches en précisant que seul un tiers extérieur à la famille, mandataire judiciaire professionnel, pourrait l'éclairer utilement. Le seul fait que l'UDAF ait invité le docteur Y... à sa dernière assemblée générale du 27 mai 2016 dont l'objet est totalement étranger à la présente instance ne saurait faire soupçonner cette association de partialité et empêcher sa nomination.

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE Aux termes de l'article 447 du code civil, le tuteur est désigné par le juge. Celui-ci peut, en considération de la situation de la personne protégée, des aptitudes des intéressés et de la consistance du patrimoine à administrer, désigner plusieurs curateurs ou plusieurs tuteurs pour exercer en commun la mesure de protection. Chaque curateur ou tuteur est réputé, à l'égard des tiers, avoir reçu des autres le pouvoir de faire seul les actes pour lesquels un tuteur n'aurait besoin d'aucune autorisation. Le juge peut diviser la mesure de protection entre un curateur ou un tuteur chargé de la protection de la personne et un curateur ou un tuteur chargé de la gestion patrimoniale. Il peut confier la gestion de certains biens à un curateur ou à un tuteur adjoint. A moins que le juge en ait décidé autrement, les personnes désignées en application de l'alinéa précédent sont indépendantes et ne sont pas responsables l'une envers l'autre. Elles s'informent toutefois des décisions qu'elles prennent. Aux termes des articles 448 et 449 du code civil, à défaut de désignation faite en application de l'article 448, le juge nomme, comme curateur ou tuteur, le conjoint de la personne protégée, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux ou qu'une autre cause empêche de lui confier la mesure. A défaut de nomination faite en application de l'alinéa précédent et sous la dernière réserve qui y est mentionnée, le juge désigne un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables. Le juge prend en considération les sentiments exprimés par celui-ci, ses relations habituelles, l'intérêt porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage. Aux termes de l'article 450 du code civil, lorsqu'aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer la curatelle ou la tutelle, le juge désigne un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur la liste prévue à l'article L 471-2 du code de l'action sociale et des familles. Ce mandataire ne peut refuser d'accomplir les actes urgents que commande l'intérêt de la personne protégée, notamment les actes conservatoires indispensables à la préservation de son patrimoine. Il convient ainsi en second lieu de déterminer l'étendue de la mesure de tutelle devenue nécessaire pour protéger Monsieur Vincent X.... S'agissant de la protection de son patrimoine, toutes les personnes entendues par le juge s'accordent à dire que la gestion de ses biens par son épouse n'a posé aucune difficulté. Concernant en revanche la protection de sa personne, ses parents ainsi que ses frère et soeur, David Z... et Anne B..., s'accordent sur le caractère indispensable d'une mesure de tutelle. Ils affirment que leur objectif est d'obtenir une décision sur son lieu de vie en ce qu'ils souhaitent son transfert au motif que le CHU de REIMS n'est plus un lieu serein de délivrance des soins. Madame Rachel X..., ainsi que les frères et la soeur de son époux, (Messieurs Frédéric et Guy Z..., Madame Marie-Geneviève X...) quant à eux, s'accordent sur la nécessité de maintenir la décision du juge des tutelles du 17 décembre 2008 comme étant suffisante. A titre principal, ils sollicitent ainsi l'application stricte du principe de subsidiarité. Dans l'hypothèse de l'ouverture d'une mesure de tutelle et à titre subsidiaire, Madame Rachel X... est candidate pour être tutrice de son conjoint revendiquant les liens du mariage, sa place de mère de leur fille commune et faisant valoir qu'elle l'a accompagné et épaulé jusqu'à ce jour, en dépit des affirmations contraires de l'autre branche de la famille. Messieurs Frédéric et Guy Z..., Madame Marie-Geneviève X... s'accordent pour sa désignation en qualité de tutrice. Monsieur Joseph X..., dans son courrier du 12 novembre 2015, au regard de la vulnérabilité de son frère, s'est prononcé en faveur d'une mesure de protection avec désignation d'un tiers extérieur à la famille "afin d'empêcher une confusion entre sa vie privée et sa vie publique. Il n'a pas fait connaître un changement de position. Madame Marie C..., dans son courrier du 16 novembre 2015, mentionne que "l'idée d'une tutelle est inappropriée et inutile". Selon ses termes, cette idée est une échappatoire pour l'hôpital afin de mettre en application la fin de vie de son frère, face à la pression, aux menaces et à la radicalisation de la partie adverse et des lobbies. Elle se prononce en faveur de la désignation de l'épouse de son frère en premier lieu, et en second lieu pour celle d'un organisme indépendant, si le juge devait envisager une tutelle. Monsieur Dominique X... s'est dit fermement opposé à une mesure de tutelle dans un courrier daté du 11 novembre 2015. Il mentionne que "la seule personne digne d'écoute n'est plus sa mère ou ses parents, mais est celle qu'il a choisie, Rachel avec laquelle il a fondé un foyer". Le neveu de Monsieur Vincent X... soutient qu'une mesure de tutelle est inutile sauf à obtenir de remettre en cause implicitement les décisions de justice passées et à éloigner des échéances. Ainsi, force est de constater qu'à ce jour et depuis le signalement au Procureur de la République du CHU de REIMS, en dépit de l'opposition relative à la question de l'arrêt des soins pour Monsieur Vincent X..., la majorité des membres de sa famille s'accorde, dans l'hypothèse de l'ouverture d'une mesure de protection, pour la désignation de son épouse en qualité de tutrice. L'ordre défini par le code civil conduit le juge à orienter son choix premier vers le conjoint de la personne à protéger, Madame Rachel X.... Il convient d'ailleurs de constater qu'elle est la seule candidate à la mesure de tutelle. Pour remettre en cause cette priorité légale, il faudrait déterminer l'incapacité de Madame Rachel X... à assumer les missions d'un tuteur. Or, sur ce point, sa bienveillance depuis l'accident de son conjoint est vérifiée et acquise. Il n'est pas démontré par les pièces produites aux débats qu'elle ait failli dans ses missions de représentation. L'hypothèse d'un désintérêt pour son conjoint n'est pas davantage démontrée. En réalité, il y a lieu de relever qu'elle s'organise pour visiter son conjoint en l'absence d'autres membres de la famille. Ainsi qu'elle l'affirme, elle cherche à se protéger des attaques multiples dont elle a fait l'objet et à protéger sa famille, réaction légitime dans un dossier à ce point médiatisé. Interrogée à plusieurs reprises en cours de procédure sur sa capacité de résistance face à la pression médiatique et morale, Madame Rachel X... a déclaré qu'elle l'assumait depuis de nombreuses années et a maintenu sa candidature. Sur ce point, les huit années passées sans remise en cause de son habilitation générale en sont la démonstration. Enfin, désigner une personne morale en qualité de tuteur ne serait qu'une intrusion supplémentaire dans leur vie privée de couple qu'elle tente, avec ses moyens, de préserver au quotidien en évitant les conflits et en choisissant de s'isoler des passions qui animent ses interlocuteurs. Sa désignation permettra en réalité aux différents intervenants ayant à connaître de la prise en charge de Monsieur Vincent X... de bénéficier d'un interlocuteur unique et permettra la représentation de celui-ci dans toutes les procédures mises en oeuvre le concernant directement. Ainsi, la représentation légale de Monsieur Vincent X... est devenue nécessaire pour l'avenir afin de protéger au mieux ses intérêts. Tenant compte de ces éléments, une mesure de tutelle aux biens et à la personne est confiée à son épouse, Madame Rachel X.... Sur la désignation d'un subrogé tuteur : L'article 454 du code civil prévoit que le juge peut, s'il l'estime nécessaire et sous réserve des pouvoirs du conseil de famille s'il a été constitué, désigner un subrogé tuteur. Si le tuteur est parent ou allié de la personne protégée dans une branche, le subrogé tuteur est choisi, dans la mesure du possible, dans l'autre branche. Lorsqu'aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer les fonctions de subrogé tuteur, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur la liste prévue à l'article L. 471-2 du code de l'action sociale et des familles peut être désigné. A peine d'engager sa responsabilité à l'égard de la personne protégée, le subrogé tuteur surveille les actes passés par le tuteur en cette qualité et informe sans délai le juge s'il constate des fautes dans l'exercice de sa mission. Le subrogé tuteur assiste ou représente, selon le cas, la personne protégée lorsque les intérêts de celle-ci sont en opposition avec ceux du curateur ou du tuteur ou lorsque l'un ou l'autre ne peut lui apporter son assistance ou agir pour son compte en raison des limitations de sa mission. Il est informé et consulté par le tuteur avant tout acte grave accompli par celui-ci. En l'espèce, Monsieur David Z... s'est déclaré candidat le jour de l'audience par écrit pour être désigné subrogé tuteur dans l'hypothèse de l'ouverture d'une mesure de tutelle afin de ne pas écarter la famille de la procédure. Toutefois, compte tenu des considérations énumérées plus haut, il apparaît important d'accompagner le tuteur désigné au cours de la procédure de protection judiciaire afin de l'aider et de l'assister dans ses démarches. Pour y parvenir et éviter la pérennisation du conflit familial ayant conduit le CHU de REIMS à adresser un signalement au Procureur de la République, seul un subrogé tuteur extérieur à la famille pourra utilement éclairer le tuteur dans ses décisions et le juge, à l'occasion des actes graves soumis à son examen obligatoire. La désignation d'un subrogé tuteur en la personne d'un tiers extérieur à la famille et au conflit qui oppose ses membres, permettra une décision éclairée d'un regard professionnel. Ainsi, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur la liste prévue à l'article L. 471-2 du code de l'action sociale et des familles est désigné : l'UDAF de la Marne assumera la fonction de subrogé tuteur. Ce mandataire aura pour mission d'assister ou de représenter, si besoin est, Monsieur Vincent X... lorsque ses intérêts seront en opposition avec ceux du tuteur. Il sera informé et consulté par le tuteur avant tout acte grave accompli par celui-ci et pourra ainsi surveiller les actes passés par le tuteur en cette qualité dans un objectif d'apaisement et d'accompagnement. Il en informera le juge. Il pourra relayer y compris auprès du juge, sans heurt, quelques sollicitations des membres de la famille. Cette désignation intervient comme un relai envisageable pour Madame Rachel X... dans l'exercice de ses fonctions de tuteur et doit aboutir à donner au juge une analyse concertée et pertinente, enrichie du professionnel de ce mandataire, habitué des mesures de protection judiciaire, de leurs enjeux, de leurs limites et de leurs objectifs. Il doit être rappelé que le subrogé tuteur est consulté et informé préalablement à tout acte grave et que seul le tuteur a le pouvoir de décider sous réserve des actes qui requièrent l'autorisation du juge des tutelles prévus par la loi. Ils n'ont de comptes à rendre qu'au juge des tutelles ; Sur la durée de la mesure de protection : L'article 441 du code civil impose au juge de fixer la durée de la mesure sans que celle-ci puisse excéder cinq ans. Le Juge qui prononce une mesure de tutelle peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme d'un médecin inscrit sur la liste mentionnée à l'article 431 constatant que l'altération des facultés personnelles de l'intéressé décrites à l'article 425 n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, fixer une durée plus longue, n'excédant pas dix ans. En l'espèce, l'état de santé de Monsieur Vincent X... tel que décrit par l'expert permet d'envisager une mesure de tutelle de 10 ans en ce sens que l'altération de ses facultés personnelles n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science ;

- ALORS QUE, D'UNE PART, si l'article 449 du code civil confère au conjoint une priorité afin de placer la famille au centre du régime de protection, la loi n'en écarte pas moins cette priorité en cas de cessation de la vie commune ; que, s'il ne convient pas de reprocher à Mme Rachel X... d'avoir déménagé, force est de constater qu'elle l'a fait de son plein gré et qu'elle refuse de donner sa nouvelle adresse en Belgique ; que les exposants invoquaient ainsi la fin de la vie commune, argument péremptoire qui devait conduire le juge à ne pas désigner l'épouse en qualité de tuteur ; que la cour d'appel a pourtant considéré que la pression médiatique, que subissait également les exposants qui ont pourtant décidé de rester quotidiennement au chevet de M. Vincent X..., justifiait l'éloignement ; qu'en désignant Mme Rachel X... en tant que tuteur de son époux, alors même que la loi met obstacle à la nomination du conjoint lorsque la vie de couple a cessé et que celle des époux X... est inexistante, non en raison de l'hospitalisation de M. Vincent X..., événement étranger à la volonté de son épouse, mais en raison de la volonté de celle-ci de quitter Reims pour la Belgique, la cour d'appel a violé l'article 449 du code civil ;

- ALORS QUE, D'AUTRE PART, si l'article 449 du code civil confère au conjoint une priorité afin de placer la famille au centre du régime de protection, la loi n'en écarte pas moins cette priorité lorsqu'une autre cause que la rupture de la vie commune apparaît ; que l'existence de conflits familiaux constitue une telle cause ; qu'en l'espèce, alors qu'existait un conflit familial depuis le printemps 2013 et ayant pour origine le secret gardé par Mme Rachel X... concernant l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation de son conjoint la cour d'appel a confirmé la nomination de Mme Rachel X... comme tuteur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 449 du code civil ;

- ALORS QUE, DE TROISIEME PART l'article 6 de la Convention européenne garantit l'équité du procès ; que, même si, à la lettre, les exigences du droit à un procès équitable ne sont prévues qu'à l'égard du tribunal, la Cour européenne des droits de l'homme n'a pas hésité à les étendre à d'autres personnes ; que, outre le tribunal, le tuteur doit obéir à l'exigence de neutralité et d'absence de parti pris ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a confié la protection de la personne de Vincent X... à son épouse qui se bat depuis trois ans afin que, pour reprendre les propos tenus par les juges de la Cour européenne dans leur avis dissident, les médecins cessent de le nourrir et de l'hydrater, « de manière à, en fait, l'affamer jusqu'à la mort » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a en conséquence également pris parti pour la position adoptée par Mme Rachel X..., alors que l'impartialité lui commandait de désigner, ainsi, que l'y invitait Mme le procureur général, deux tuteurs neutres et extérieurs à la famille divisée, a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

- ALORS QUE, DE QUATRIEME PART l'article 6 de la Convention européenne garantit l'équité du procès ; que, même si, à la lettre, les exigences du droit à un procès équitable ne sont prévues qu'à l'égard du tribunal, la Cour européenne des droits de l'homme n'a pas hésité à les étendre à d'autres personnes ; que, outre le tribunal, le subrogé tuteur, qui est un mandataire de justice, doit obéir à l'exigence de neutralité et d'absence de parti pris ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a nommé l'UDAF de la Marne en tant que subrogé tuteur, alors que cette association, pourtant déjà désignée par le jugement de tutelle du 10 mars 2016 a invité à son assemblée générale deux mois plus tard, le 9 mai 2016 et donc en toute connaissance de cause, le docteur Y... qui est à l'origine de la procédure collégiale tenue secrète et soutenue par Mme Rachel X... ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

- ALORS ENFIN, QUE le juge fixe la durée de la tutelle sans que celle-ci puisse excéder cinq ans ; que, toutefois, le juge qui prononce une mesure de tutelle peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme d'un médecin inscrit sur la liste mentionnée à l'article 431 constatant que l'altération des facultés personnelles de l'intéressé décrites à l'article 425 n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, fixer une durée plus longue, n'excédant pas dix ans ; qu'il en résulte que le juge ne peut prononcer une mesure de tutelle sans constater que le certificat du médecin inscrit préconise l'ouverture de la mesure pour une durée supérieure à cinq ans ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, par motifs adoptés du premier juge, a prononcé une mesure de tutelle pour une durée de dix ans, aux seuls motifs que l'état de santé de M. Vincent X... tel que décrit par l'expert permet de l'envisager en ce sens que l'altération de ses facultés personnelles n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science ; qu'en se prononçant ainsi, sans établir que le médecin inscrit avait préconisé l'ouverture de la tutelle pour une durée supérieure à cinq ans, la cour d'appel a violé l'article 441 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-20298
Date de la décision : 08/12/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

MAJEUR PROTEGE - Mesures de protection judiciaire - Renouvellement - Renouvellement pour une durée supérieure à cinq ans - Conditions - Avis conforme d'un médecin choisi sur la liste établie par le procureur de la République - Contenu - Constatation que l'altération des facultés personnelles de l'intéressé n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration, selon les données acquises de la science

MAJEUR PROTEGE - Mesures de protection judiciaire - Procédure - Renouvellement - Renouvellement pour une durée supérieure à cinq ans - Office du juge - Juge des tutelles - Fixation de la durée de la mesure

Si l'avis conforme du médecin inscrit, prévu par l'article 441 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, permettant au juge des tutelles de fixer la durée de la mesure de tutelle à plus de cinq ans, doit constater que l'altération des facultés personnelles de l'intéressé n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration, selon les données acquises de la science, la fixation de la durée de la mesure elle-même relève de l'office du juge, sans pouvoir excéder dix ans. Dès lors, fait une exacte application du texte susvisé une cour d'appel qui, après avoir constaté que l'état de santé de la personne à protéger, décrit par le médecin inscrit, n'apparaissait manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, fixe la durée de la mesure à plus de cinq années


Références :

article 441 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 08 juillet 2016

Evolution par rapport à : 1re Civ., 13 mai 2015, pourvoi n° 14-14904, Bull. 2015, I, n° 110 (cassation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 08 déc. 2016, pourvoi n°16-20298, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Ingall-Montagnier (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Le Cotty
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Le Bret-Desaché, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:16.20298
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