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08/12/2016 | FRANCE | N°16-12284

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 décembre 2016, 16-12284


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 137-2 du code de la consommation, devenu l'article L. 218-2 de ce code, ensemble l'article 2224 du code civil ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, que la société par actions simplifiée Château de Pondres (la société) a eu recours en 2012 à la société d'avocats Avouépericchi (l'avocat) pour défendre ses intérêts dans un litige civil ; qu'à la suite d'un différend sur le paiement des honor

aires, l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre d'une demande en fixation de ceux-...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 137-2 du code de la consommation, devenu l'article L. 218-2 de ce code, ensemble l'article 2224 du code civil ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, que la société par actions simplifiée Château de Pondres (la société) a eu recours en 2012 à la société d'avocats Avouépericchi (l'avocat) pour défendre ses intérêts dans un litige civil ; qu'à la suite d'un différend sur le paiement des honoraires, l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre d'une demande en fixation de ceux-ci ;

Attendu que, pour déclarer prescrite la demande en paiement de l'avocate, l'ordonnance énonce que l'article L. 137-2 du code de la consommation prévoit que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que doit être considéré comme consommateur, au sens de la loi du 17 mars 2014, toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ; qu'en l'espèce, le client d'un avocat, personne physique, est un consommateur lorsqu'il lui confie la défense d'une affaire personnelle, à condition qu'il n'y ait aucun lien avec son activité professionnelle, ce qui est le cas en l'espèce ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la cliente de l'avocat, société commerciale, était une personne morale, ce dont il se déduisait qu'elle n'avait pas la qualité de consommateur, le premier président a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 10 décembre 2015, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Château de Pondres aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Avouépericchi la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Avouépericchi

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'AVOIR dit que l'action en paiement des honoraires de l'avocat se prescrit par deux années et d'AVOIR débouté en conséquence la société AvouéPéricchi de sa demande en paiement d'honoraires ;

AUX MOTIFS QUE sur le fond : il convient de préciser d'emblée que la procédure spéciale prévue par décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives à un montant et au recouvrement des honoraires des avocats ; qu'il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir de conseil et d'information ou de toute autre éventuelle faute susceptible d'engager sa responsabilité, mais seulement de fixer le montant des honoraires au regard des critères rappelés ci-dessus ; que les parties ne sont pas liées par une convention d'honoraires, qu'avant d'étudier le droit à honoraires de l'avocat, nécessité est faite de vérifier que l'action en paiement n'est pas prescrite ; qu'il échet de préciser que si le juge ne peut relever d'office une telle prescription en droit commun, et ce en application de l'article 1147 du Code civil, il en va différemment lorsque les dispositions de l'article L. 141-4 du Code de la consommation peuvent recevoir application ; qu'il convient d'étudier d'une part le point de départ de la prescription puis ensuite le délai de prescription ; qu'en ce qui concerne le point de départ, la prescription de l'action des avocats pour le paiement de leurs honoraires court à compter de la date à laquelle leur mandat, ou plus exactement leur mission, prend fin, en l'espèce à l'ordonnance de clôture puisque par la suite c'est l'avocat plaidant qui est intervenu, que la prescription commençait ainsi à courir le 21 février 2013 ; qu'en ce qui concerne la durée du délai de prescription, la loi du 17 juin 2008 a instauré, à l'article 2224 du Code civil, un nouveau délai de prescription de droit commun de cinq ans pour toutes les actions personnelles ou mobilières ; que de manière spéciale, l'article L. 137-2 du Code de la consommation prévoit que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu'il échet ainsi de s'interroger si un avocat qui réclame le paiement de ses honoraires à son client est un professionnel ayant fourni un service à un consommateur, que si telle est l'occurrence, les dispositions spéciales du Code de la consommation viennent déroger à la règle de droit commun en matière de prescription ; que bien qu'exerçant dans le cadre d'une profession réglementée, l'avocat est sans conteste un professionnel ; qu'encore doit être considéré comme consommateur, au sens de la loi du 17 mars 2014, toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ; qu'en l'espèce, le client d'un avocat, personne physique, est un consommateur lorsqu'il lui confie la défense d'une affaire personnelle, à condition qu'il n'y ait aucun lien avec son activité professionnelle, ce qui est le cas en l'espèce ; qu'il convient de relever que la loi ne prévoit aucun statut dérogatoire pour la clientèle de la profession réglementée d'avocat ; qu'enfin l'avocat est considéré comme un prestataire fournissant un service puisque la profession d'avocat entre, en droit communautaire, dans le champ d'application de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur et ce à la différence des notaires, huissiers de justice et professionnels de santé ; qu'il s'évince de ces éléments que lorsque l'avocat agit en recouvrement d'honoraires, la prescription spéciale du Code de la consommation, qui réunit ici tous les éléments de son application, déroge à la règle de droit commun du Code civil, l'avocat devant alors agir dans le délai de deux ans à compter de la fin de sa mission ; qu'ainsi la SELARL AvouéPéricchi devait agir dans le délai de la fin de sa mission, fixée à la date du 21 février 2013 soit avant le 21 février 2015 ; que n'ayant réclamé ses honoraires que le 14 avril 2015 par la saisine de son bâtonnier, l'action est frappée de prescription et aucune somme ne peut être ainsi sollicitée ; que la SELARL AvouéPéricchi sera déboutée de ses entières demandes tant celle principale relative au paiement des honoraires et sera également condamnée aux dépens de l'instance ;

ALORS QUE la prescription biennale prévue par l'article L. 137-2 du code de la consommation est inapplicable aux actions des professionnels dirigées contre des personnes morales ; qu'ainsi la demande d'un avocat en fixation de ses honoraires dirigée contre une société ayant eu recours à ses services n'est pas soumise à la prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation, mais à la prescription quinquennale de droit commun ; qu'en déclarant prescrite l'action en taxation d'honoraires dirigée par la société AvouéPéricchi contre la société par action simplifiées Château de Pondres, pour n'avoir pas été formée dans le délai de deux ans à compter de la fin de sa mission, le délégué du premier président a violé les articles 2224 du code civil et L. 137-2 du code de la consommation.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'AVOIR dit que l'action en paiement des honoraires de l'avocat se prescrit par deux années et d'AVOIR débouté en conséquence la société AvouéPericchi de sa demande en paiement d'honoraires ;

AUX MOTIFS QUE sur le fond : il convient de préciser d'emblée que la procédure spéciale prévue par décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives à un montant et au recouvrement des honoraires des avocats ; qu'il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir de conseil et d'information ou de toute autre éventuelle faute susceptible d'engager sa responsabilité, mais seulement de fixer le montant des honoraires au regard des critères rappelés ci-dessus ; que les parties ne sont pas liées par une convention d'honoraires, qu'avant d'étudier le droit à honoraires de l'avocat, nécessité est faite de vérifier que l'action en paiement n'est pas prescrite ; qu'il échet de préciser que si le juge ne peut relever d'office une telle prescription en droit commun, et ce en application de l'article 1147 du Code civil, il en va différemment lorsque les dispositions de l'article L. 141-4 du Code de la consommation peuvent recevoir application ; qu'il convient d'étudier d'une part le point de départ de la prescription puis ensuite le délai de prescription ; qu'en ce qui concerne le point de départ, la prescription de l'action des avocats pour le paiement de leurs honoraires court à compter de la date à laquelle leur mandat, ou plus exactement leur mission, prend fin, en l'espèce à l'ordonnance de clôture puisque par la suite c'est l'avocat plaidant qui est intervenu, que la prescription commençait ainsi à courir le 21 février 2013 ; qu'en ce qui concerne la durée du délai de prescription, la loi du 17 juin 2008 a instauré, à l'article 2224 du Code civil, un nouveau délai de prescription de droit commun de cinq ans pour toutes les actions personnelles ou mobilières ; que de manière spéciale, l'article L. 137-2 du Code de la consommation prévoit que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu'il échet ainsi de s'interroger si un avocat qui réclame le paiement de ses honoraires à son client est un professionnel ayant fourni un service à un consommateur, que si telle est l'occurrence, les dispositions spéciales du Code de la consommation viennent déroger à la règle de droit commun en matière de prescription ; que bien qu'exerçant dans le cadre d'une profession réglementée, l'avocat est sans conteste un professionnel ; qu'encore doit être considéré comme consommateur, au sens de la loi du 17 mars 2014, toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ; qu'en l'espèce, le client d'un avocat, personne physique, est un consommateur lorsqu'il lui confie la défense d'une affaire personnelle, à condition qu'il n'y ait aucun lien avec son activité professionnelle, ce qui est le cas en l'espèce ; qu'il convient de relever que la loi ne prévoit aucun statut dérogatoire pour la clientèle de la profession réglementée d'avocat ; qu'enfin l'avocat est considéré comme un prestataire fournissant un service puisque la profession d'avocat entre, en droit communautaire, dans le champ d'application de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur et ce à la différence des notaires, huissiers de justice et professionnels de santé ; qu'il s'évince de ces éléments que lorsque l'avocat agit en recouvrement d'honoraires, la prescription spéciale du Code de la consommation, qui réunit ici tous les éléments de son application, déroge à la règle de droit commun du Code civil, l'avocat devant alors agir dans le délai de deux ans à compter de la fin de sa mission ; qu'ainsi la SELARL AvouéPéricchi devait agir dans le délai de la fin de sa mission, fixée à la date du 21 février 2013 soit avant le 21 février 2015 ; que n'ayant réclamé ses honoraires que le 14 avril 2015 par la saisine de son bâtonnier, l'action est frappée de prescription et aucune somme ne peut être ainsi sollicitée ; que la SELARL AvouéPéricchi sera déboutée de ses entières demandes tant celle principale relative au paiement des honoraires et sera également condamnée aux dépens de l'instance ;

ALORS QUE la prescription de l'action des avocats pour le paiement de leurs honoraires court à compter de la date à laquelle leur mandat prend fin ; que seule l'intervention de la décision de justice au titre de laquelle l'avocat a agi met fin à sa mission ; qu'au cas d'espèce, en considérant que la mission de la société AvouéPéricchi, qui avait formé appel devant la cour d'appel de Nîmes d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de la même ville et avait conduit la procédure écrite, avait pris fin dès le prononcé de l'ordonnance de clôture, soit le 21 février 2013, puisque l'affaire avait ensuite été plaidée par un autre avocat, quand la mission de la société ne pouvait avoir pris fin avant l'intervention de l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, soit le 30 mai 2013, en sorte que le délai de prescription de deux ans n'avait pu courir avant cette dernière date et n'était donc pas expiré lorsque la société avait introduit son action en paiement d'honoraires, soit le 14 avril 2015, le délégué du premier président a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation, ensemble l'article 420 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-12284
Date de la décision : 08/12/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 10 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 déc. 2016, pourvoi n°16-12284


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:16.12284
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