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07/12/2016 | FRANCE | N°15-23056

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 décembre 2016, 15-23056


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L1233-3, L 1233-4 et L 1235-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Restoland le 11 mai 2009 en qualité de serveuse et licenciée pour motif économique le 10 décembre 2010 ; que contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement d'une indemnité à ce titre, l'arrêt retient

qu'il ressort du registre d'entrée et de sortie du personnel qu'à partir du moi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L1233-3, L 1233-4 et L 1235-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Restoland le 11 mai 2009 en qualité de serveuse et licenciée pour motif économique le 10 décembre 2010 ; que contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement d'une indemnité à ce titre, l'arrêt retient qu'il ressort du registre d'entrée et de sortie du personnel qu'à partir du mois même du licenciement de Mme X..., plusieurs salariés ont été successivement recrutés par des contrats à durée déterminée pour occuper des postes « toutes mains », et donc susceptibles d'exercer les tâches du service, que c'est ainsi que des salariés ont été recrutés du 20 au 23 décembre 2010 et du 14 au 18 février 2011, les 26 et 27 mars, du 28 mars au 1er avril, du 9 au 20 mai, et du 14 juin au 30 septembre 2011, que finalement, 10 mois après le licenciement de Mme X..., Mme Y..., par ailleurs, fille du gérant de la société, a été embauchée par contrat à durée indéterminée à partir du 11 octobre 2011, que le fait que Mme Y... ait parfois, mais pas pour tous ces recrutements, remplacé des salariés absents pour congés ou maladie, n'est pas de nature à établir la suppression du poste de serveuse qu'occupait Mme X..., qu'au surplus, les difficultés financières invoquées par la société apparaissent n'avoir été que passagères au moment du licenciement de Mme X..., et que c'est à juste titre que la salariée oppose que l'exercice clos le 30 septembre 2011, au cours duquel elle a été licenciée, fait apparaître un résultat net positif de 28 284 euros, qu'au surplus encore, et alors que les besoins de l'entreprise sont pourtant établis par les embauches ci-dessus, c'est à juste titre que Mme X... soutient le non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement, que notamment, il apparaît qu'il aurait pu lui être proposé un poste de reclassement « toutes mains » pour éviter son licenciement économique ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que les intérimaires auxquels l'employeur avaient eu ponctuellement recours après son licenciement, avaient occupé le poste de la salariée, ni examiner la réalité des difficultés économiques invoquées par l'employeur et alors que les possibilités de reclassement s'apprécient antérieurement à la date du licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande de dommages-intérêts pour "procédés vexatoires", l'arrêt rendu le 4 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Restoland
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Mme X... était sans cause réelle et sérieuse et condamné la Sarl Restoland à payer à Mme X... les sommes de 4 944 euros à titre de dommages-intérêts et 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives soit à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, soit à une réorganisation lorsqu'elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et, dès lors que l'entreprise appartient à un groupe, à la condition qu'il s'agisse de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise et que l'existence d'une menace sur la compétitivité soit caractérisée ; que ces motifs et leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié doivent être énoncés dans la lettre de licenciement ; que la société Restoland a licencié Mme X... le 10 décembre 2010 (pièce n° 3 de la salariée) pour un motif économique rédigé ainsi qu'il suit : « Je fais suite à la convocation à l'entretien prévu le 1er décembre 2010 auquel vous ne vous êtes pas présentée et je suis au regret de vous informer que je suis dans l'obligation de poursuivre le projet du licenciement économique à votre égard. Votre emploi est supprimé pour les motifs économiques suivants : comme vous avez pu le constater, la fréquentation du restaurant a nettement baissé depuis plusieurs mois. De 150 repas par jour, nous sommes tombés à une centaine de repas, voire exceptionnellement à 120. La structure du service restauration mis en place à votre arrivée était prévue pour plus de clientèle et cette perte met la société en difficulté. Le suivi mensuel du chiffre d'affaires ainsi que le dernier bilan comptable confirme la situation difficile et appuie ma décision. Celui-ci dégage une perte importante. Il est noté que la charge relative aux salaires du service restaurant (du lundi au vendredi midi) où vous oeuvrez est trop élevée en rapport du chiffre d'affaires dégagé. En tant que responsable du fonctionnement de la société, je dois faire acte de gestion pour assurer sa pérennité. Malgré mes efforts, la structure de la société ne nous a pas permis de trouver une solution de reclassement. Votre emploi est supprimé pour les motifs économiques suivants : comme vous avez pu le constater, la fréquentation du restaurant a nettement baissé depuis plusieurs mois. De 150 repas par jour, nous sommes tombés à une centaine de repas, voire exceptionnellement à 120. La structure du service restauration mis en place à votre arrivée était prévue pour plus de clientèle et cette perte met la société en difficulté. Le suivi mensuel du chiffre d'affaires ainsi que le dernier bilan comptable confirme la situation difficile et appuie ma décision. Celui-ci dégage une perte importante. Il est noté que la charge relative aux salaires du service restaurant (du lundi au vendredi midi) où vous oeuvrez est trop élevée en rapport du chiffre d'affaires dégagé. En tant que responsable du fonctionnement de la société, je dois faire acte de gestion pour assurer sa pérennité. Malgré mes efforts, la structure de la société ne nous a pas permis de trouver une solution de reclassement » ; que Mme X... soutient que, contrairement aux termes de cette lettre, son emploi de serveuse n'a pas été supprimé ; que pour que le licenciement économique soit justifié, la suppression de l'emploi doit être effective ; que tel n'est pas le cas lorsque le salarié se trouve remplacé dans l'emploi occupé ou dans un emploi de même nature ; qu'en l'espèce, il ressort du registre d'entrée et de sortie du personnel (pièce n° 24 de l'employeur) qu'à partir du mois même du licenciement de Mme X..., plusieurs salariés ont été successivement recrutés par des contrats à durée déterminée pour occuper des postes « toutes mains », et donc susceptibles d'exercer les tâches du service ; que c'est ainsi que des salariés ont été recrutés du 20 au 23 décembre 2010 et du 14 au 18 février 2011 (M. Z...), les 26 et 27 mars, du 28 mars au 1er avril (Mmes Y... Danièle et Nelly), du 9 au 20 mai (Mme Nelly Y...), et du 14 juin au 30 septembre 2011 (M. Z...) ; que finalement, 10 mois après le licenciement de Mme X..., Mme Nelly Y..., par ailleurs, fille du gérant de la société, a été embauchée par contrat à durée indéterminée à partir du 11 octobre 2011 ; que le fait que Mme Y... ait parfois, mais pas pour tous ces recrutements, remplacé des salariés absents pour congés ou maladie, n'est pas de nature à établir la suppression du poste de serveuse qu'occupait Mme X... ; qu'au surplus, les difficultés financières invoquées par la société n'apparaissent n'avoir été que passagères au moment du licenciement de Mme X..., et c'est à juste titre que la salariée oppose que l'exercice clos le 30 septembre 2011, au cours duquel elle a été licenciée, fait apparaître un résultat net positif de 28 284 euros ; qu'ainsi, il n'est pas établi que les difficultés financières invoquées au moment du licenciement auraient été de nature à entraîner la suppression du poste de Mme X... ; qu'au surplus encore, et alors que les besoins de l'entreprise sont pourtant établis par les embauches ci-dessus, c'est à juste titre que Mme X... soutient le non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement ; que notamment, il apparaît qu'il aurait pu lui être proposé un poste de reclassement « toutes mains » pour éviter son licenciement économique ; qu'en effet, l'article L. 1233-4 du code du travail précise que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ; que dans ces conditions d'absence de réelle suppression du poste, de défaut de justification de difficultés économiques durables nécessitant la suppression dudit poste, et d'absence de recherche loyale de reclassement, le licenciement de Mme X... doit être déclarée sans cause réelle et sérieuse ;
Alors 1°) qu' est effective la suppression de poste d'un salarié en contrat à durée indéterminée lorsque l'employeur se borne, après son licenciement, à conclure pour de très courtes périodes et de manière discontinue des contrats à durée déterminée, dont la plupart pallient des absences d'autres salariés en congés ou arrêts de travail ; qu'en l'espèce, Mme X..., serveuse, ayant été licenciée le 10 décembre 2010, la cour d'appel a constaté l'embauche de salariés « toutes mains » du 20 au 23 décembre 2010, du 14 au 18 février 2011 (M. Z...), les 26 et 27 mars, du 28 mars au 1er avril (Mmes Y... Danièle et Nelly), du 9 au 20 mai (Mme Nelly Y...) et du 14 juin au 30 septembre 2011 (M. Z...) et qu'une partie de ces recrutements avait pour objet le remplacement de salariés absents pour congés ou maladie ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses constatations, qui mettaient en évidence la suppression du poste de serveuse occupé par Mme X..., non remplacée à son poste par de telles embauches, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-3 du code du travail ;
Alors 2°) que la suppression de poste s'apprécie à la date du licenciement ; qu'en se fondant sur la circonstance que, 10 mois après le licenciement de Mme X..., Mme Y..., fille du gérant de la société, avait été embauchée par contrat à durée indéterminée à partir du 11 octobre 2011 sur un poste « toutes mains », poste d'ailleurs proposé en vain à Mme X... dans le cadre de la priorité de réembauchage, quand une telle circonstance était inopérante pour caractériser en quoi le poste de serveuse de Mme X... n'avait pas été supprimé le 10 décembre 2010, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3 et L. 1235-3 du code du travail ;
Alors 3°) que les difficultés économiques s'apprécient au moment du licenciement et que le juge ne peut prendre en considération le redressement de l'entreprise rapide après les mesures envisagées par l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que les difficultés financières invoquées par la société Restoland apparaissaient n'avoir été que passagères au moment du licenciement de Mme X..., l'exercice clos le 30 septembre 2011, au cours duquel elle avait été licenciée faisant apparaître un résultat net positif de 28 284 euros, et qu'ainsi, il n'était pas établi que les difficultés financières invoquées au moment du licenciement auraient été de nature à entraîner la suppression du poste de Mme X... ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-3 du code du travail ;
Alors 4°) qu' aucun manquement de l'employeur à son obligation de reclassement ne peut lui être reproché en l'absence de poste disponible pouvant être proposé au salarié ; qu'en s'étant bornée à constater que l'employeur aurait pu proposer un poste de reclassement « toutes mains » pour éviter son licenciement, cependant que ni l'embauche de salariés «toutes mains » du 20 au 23 décembre 2010, du 14 au 18 février 2011, les 26 et 27 mars, du 28 mars au 1er avril, du 9 au 20 mai et du 14 juin au 30 septembre 2011, par des contrats à durée déterminée destinés en partie à remplacer des salariés absents pour congés ou maladie, ni l'embauche de Mme Y... à un poste « toutes mains » par contrat à durée indéterminée du 11 octobre 2011 ne caractérisaient, au 10 décembre 2010, date du licenciement, l'existence d'un poste disponible qui aurait pu être proposé à titre de reclassement à Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3, L. 1233-4 et L. 1235-3 du code du travail


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-23056
Date de la décision : 07/12/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 04 juin 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 déc. 2016, pourvoi n°15-23056


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.23056
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