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07/12/2016 | FRANCE | N°15-22351

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 décembre 2016, 15-22351


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société GSF Jupiter à compter du 1er juillet 2001, en qualité d'agent spécialisé propreté ; qu'à compter de février 2010, en tant que délégué syndical, il a bénéficié du statut de salarié protégé ; qu'ayant fait l'objet de trois avertissements, puis d'un licenciement pour faute grave le 22 mai 2012, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation d'avertissements et la condamnation de l'employeur à lui payer des domma

ges-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, harcèlement moral ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société GSF Jupiter à compter du 1er juillet 2001, en qualité d'agent spécialisé propreté ; qu'à compter de février 2010, en tant que délégué syndical, il a bénéficié du statut de salarié protégé ; qu'ayant fait l'objet de trois avertissements, puis d'un licenciement pour faute grave le 22 mai 2012, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation d'avertissements et la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, harcèlement moral et délit d'entrave ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'annuler les avertissements des 23 janvier 2010, 17 août 2010 et 15 décembre 2011, de dire que la lettre du 3 août 2011 n'était pas fondée et de le condamner à payer au salarié des dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors, selon le moyen, que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en estimant que le fait pour l'employeur d'avoir infligé au salarié, sur une période de deux ans, entre le 23 janvier 2010 et le 15 décembre 2011, trois avertissements et un rappel aux instructions, constituait un harcèlement moral, dès lors que la preuve des faits ayant justifié ces sanctions et rappel n'étaient pas rapportée, sans caractériser toutefois l'existence d'une pratique punitive et répétitive ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel, et sans même imputer une quelconque mauvaise foi à la société GSF Jupiter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail ;
Mais attendu que le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de faits dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit que le salarié établissait des faits qui permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral et que l'employeur ne démontrait pas que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le troisième moyen, relevé d'office, après avis donné aux parties, en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 92, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble l'article L. 2146-1 du code du travail ;
Attendu que si l'exception d'incompétence du juge judiciaire ne peut être soulevée pour la première fois par une partie devant la Cour de cassation, celle-ci peut relever d'office le moyen pris de cette incompétence ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que, par suite du refus de l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement, le salarié a été réintégré, mais sur un poste de travail n'impliquant pas la conduite d'un véhicule de société, ainsi que sur un nouveau lieu d'affectation, malgré l'injonction de cet inspecteur de rétablir l'intéressé dans ses conditions de travail antérieures ; que ces circonstances révélant un manquement délibéré de l'employeur caractérisent un délit d'entrave ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte du second de ces textes que le délit d'entrave relève de la compétence de la juridiction pénale, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs ;
Et vu l'article 627,alinéa 2 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société GSF Jupiter a payer à M. X... la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour délit d'entrave, l'arrêt rendu le 28 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
DIT que la juridiction civile n'est pas compétente pour statuer sur la demande de M. X... au titre du délit d'entrave ;
RENVOIE M. X... à mieux se pourvoir ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société GSF Jupiter
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir annulé les avertissements des 23 janvier 2010, 17 août 2010 et 15 décembre 2011, dit que la lettre du 3 août 2011 n'était pas fondée et condamné la société GSF Jupiter à payer à M. X... la somme de 6.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE sur l'annulation des sanctions et en premier lieu sur l'avertissement du 23 janvier 2010, par lettre du 23 janvier 2010, l'employeur a notifié un avertissement au salarié pour avoir fumé dans le véhicule de service, en l'espèce une laveuse, malgré l'interdiction qui lui avait été rappelée lors de la prise de possession de ce matériel neuf et alors, selon l'avertissement, que le fait de fumer dans le véhicule compromettait sa sécurité et celle de ses collègues de travail ; que pour solliciter l'annulation de cette sanction, le salarié conteste les faits et produit des attestations en sa faveur ; que pour s'opposer à cette demande, l'employeur réplique que les personnes ayant attesté en la faveur du salarié avaient été placées sous un lien de subordination à M. X..., qu'elles étaient seulement désireuses, compte tenu de ses fonctions syndicales, d'entretenir avec lui les meilleures relations en essayant de le protéger, que des traces de cigarettes avaient été retrouvées sur les plastiques et le plafond de la cabine du véhicule côté conducteur, et que M. X... reconnaissant avoir conduit le véhicule en tant que chef d'équipe, il était le seul à avoir pu laisser de telles traces ; qu'il sera toutefois constaté que l'employeur ne produit strictement aucune pièce établissant que M. X... aurait effectivement fumé dans le véhicule de l'entreprise, pas plus qu'il n'est produit les constatations matérielles, auxquelles il est ci-dessus fait référence, étant ajouté que la lettre d'avertissement n'a mentionné aucune date de constatation des faits ; qu'en outre, il n'est pas démontré que M. X... aurait été l'utilisateur exclusif du véhicule concerné ; qu'il est établi en revanche que, dès le 28 janvier 2010, M. X... avait protesté auprès de l'employeur, en contestant avoir fumé dans le véhicule, alors que l'employeur ne justifie pas y avoir répondu ; que la preuve des faits sanctionnés n'étant pas rapportée, et sans qu'il soit besoin d'examiner les attestations versées aux débats par le salarié, l'avertissement sera annulé ; qu'en deuxième lieu, sur l'avertissement du 17 août 2010, par lettre du 17 août 2010, l'employeur a notifié un avertissement au salarié au motif suivant « en date du 16 août 2011 vous avez délibérément terminé votre vacation en omettant de manière délibérée une partie du secteur prévu et ceci malgré les consignes réitérées par votre inspecteur. De plus, vous informez notre client de cet état de fait en vous réfugiant derrière des ordres qui vous auraient été formulés par votre hiérarchie alors qu'il n'en est rien. Ce comportement gravement inacceptable nuit à l'image de notre entreprise et altère fortement la crédibilité de notre management. De plus ce jour, vous importunez votre hiérarchie, votre inspecteur, en mettant en doute ses éventuelles capacités professionnelles de surcroît devant l'ensemble du personnel. Cette attitude irrespectueuse et systématique alors que nous venons de vous notifier des actions à mettre en oeuvre pour le bon déroulement de nos prestations » ; que pour solliciter l'annulation de cette sanction, le salarié conteste les faits et produit une attestation en sa faveur ; que pour s'opposer à cette demande, l'employeur réplique que les faits étaient établis ; que toutefois, alors qu'il est justifié que le salarié avait contesté, par lettre du 23 août 2010, cet avertissement, contestation à laquelle l'employeur ne justifie pas avoir répondu, il n'est produit aucune pièce établissant que, le 16 août 2010, M. X... aurait terminé sa vacation sans que son secteur ne soit totalement nettoyé ; qu'ainsi, il n'est produit aucun élément matériel, comme par exemple les plannings de travail ou encore les fiches de suivi et de contrôle des chantiers pour la journée du 16 août 2011 ; qu'il n'est pas davantage produit de pièces concernant les propos que M. X... aurait tenus au client et à son supérieur dont les témoignages ou les doléances ne sont même pas versés aux débats ; que la preuve des faits sanctionnés n'étant pas rapportée, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'attestation versée aux débats par le salarié, l'avertissement sera annulé ; qu'en troisième lieu, sur le rappel du 3 août 2011 concernant les instructions verbales, l'employeur a, par lettre du 3 août 2011, reproché à M. X... d'avoir conservé, pendant ses congés, le téléphone portable professionnel ainsi que la carte gasoil pour le véhicule de service alors qu'il lui avait été indiqué verbalement qu'en cas d'absence prolongée, il devait impérativement laisser ces objets au dépôt ou à l'agence du Cannet puisque, pendant une telle absence, ses collègues en avaient besoin ; que pour solliciter l'annulation de cette lettre, qu'il qualifie de sanction, M. X... conteste les faits et renvoie à sa lettre de contestation, du 10 août 2011, dans laquelle il indiquait à l'employeur qu'aucune instruction verbale ne lui avait été donnée de laisser le téléphone portable, que, pendant ses congés, il n'avait jamais conservé par devers lui la carte de gasoil, qui était toujours restée dans le pare-soleil du camion, et qu'il refusait, seulement, de laisser le code confidentiel, pour lequel il avait donné une décharge personnelle, de la carte de carburant afin de ne pas être tenu pour responsable, en cas de difficulté, à l'occasion de son usage pendant son absence ; que l'employeur réplique qu'un tel rappel ne constituait pas une sanction disciplinaire, que la lettre de contestation du salarié démontrait sa volonté incessante de contester les décisions de l'employeur et que si un rappel lui avait été adressé le 3 août 2010, c'était bien évidemment parce que des désagréments à ce sujet étaient intervenus ; que dès lors qu'il n'est pas soutenu l'existence d'une clause du règlement intérieur, prévoyant qu'une observation écrite de l'employeur pouvait constituer le premier degré d'une sanction disciplinaire, la lettre du 3 août 2011, qui visait seulement à rappeler au salarié des instructions, qui lui auraient été données verbalement par l'employeur sur la remise du téléphone portable et de la carte de carburants pendant son absence prolongée, ne saurait s'analyser comme une telle sanction et, par conséquent, être susceptible d'annulation ; que toutefois, au regard du moyen tiré du harcèlement moral et de la demande indemnitaire en découlant, M. X... reste recevable à demander à la cour de vérifier le fondement d'une telle lettre qui, à tout le moins, constitue un rappel à l'ordre ; qu'à cet égard, il n'est justifié d'aucune instruction verbale qui aurait été donnée, au sujet de la remise des objets ci-dessus, pendant l'absence prolongée du détenteur habituel, aucun témoignage en ce sens n'étant versé aux débats ; que la cour ajoute qu'en raison des conséquences que pouvait avoir tout usage injustifié du téléphone portable ou de la carte de carburant pendant une absence prolongée du salarié, alors que ce dernier en était personnellement responsable, il incombait à l'employeur de donner ses instructions par écrit ; qu'il sera encore ajouté que l'employeur n'avait pas cru devoir répondre aux objections faites par M. X... dans sa lettre du 10 août 2011 ; qu'enfin, les prétendus dysfonctionnements, allégués par la société intimée dans ses écritures réitérées à l'audience, ne sont étayés par aucune pièce ; qu'il n'est donc pas démontré que M. X... aurait reçu des instructions verbales ; que s'agissant de la carte de carburants, il n'est pas davantage démontré que M. X... l'aurait conservée par devers lui pendant une absence prolongée ; que la lettre du 3 août 2011 ne repose donc sur aucun manquement démontré aux instructions précédemment données par l'employeur ; qu'en quatrième lieu, sur l'avertissement du 15 décembre 2011, par lettre du 15 décembre 2011, l'employeur a notifié un avertissement au salarié au motif que, les jeudis 17 novembre 2011 et 1er décembre 2011 au matin, le client, la mairie de Cagnes-sur-Mer, avait signalé que la place Sainte-Luce n'avait pas été faite correctement, qu'après contrôle du client, celui-ci avait constaté que la prestation de ladite place n'avait pas été effectuée, alors que la fiche de suivi notait qu'elle l'avait été, que le client avait produit des photographies démontrant le contraire, qu'un tel comportement nuisait à l'organisation du site, qu'en outre, le mardi 6 décembre 2011, le salarié était rentré au dépôt à 9h50 alors que sa prestation devait se terminer à 10h30 ; que pour solliciter l'annulation de cette sanction, le salarié conteste les faits en produisant un planning établissant que la place Sainte-Luce devait être nettoyée le samedi matin et non le jeudi matin ; que pour s'opposer à cette demande, l'employeur réplique que M. X... était de mauvaise foi, pour avoir produit en réalité un planning qui ne concernait pas les jours litigieux, qu'au demeurant le document produit ne démontrait pas que cette place ne devait pas être nettoyée le jeudi, qu'il était en revanche produit par l'employeur la fiche de suivi montrant que cette place n'avait pas été faite ces jours-là, qu'ainsi, l'avertissement était justifié ; que toutefois, les documents produits par l'employeur (ses pièce nº 7-8-9) et par le salarié (sa pièce nº 25) sont en réalité de simples tableaux informatiques récapitulatifs des rues et places de la ville de Cagnes-sur-Mer et mentionnant des fréquences journalières ;
que sur l'un des documents produits par l'employeur (sa pièce nº 7), figure une mention manuscrite, dont l'identité de l'auteur n'est pas établie, selon laquelle, au cours de la semaine du 14 au 19 novembre, la place Sainte-Luce n'avait pas été faite ; que les parties sont en réalité totalement opposées sur l'interprétation de ces tableaux, notamment sur le ou les jours de la semaine réservés au nettoyage de cette place, le salarié soutenant que cette place ne devait être nettoyée que le samedi et l'employeur soutenant qu'elle devait l'être aussi le jeudi ; qu'il s'avère que, faute d'éléments complémentaires, la lecture et l'analyse de ces tableaux ne permettent pas de connaître le ou les jours de la semaine programmés pour le nettoyage de cette place ; que dès lors que l'employeur ne produit pas des plannings de travail explicites et régulièrement communiqués au salarié, pour les jours et lieux litigieux, et au surplus qu' il n'est produit aucun témoignage du client, ayant constaté les prétendus manquements reprochés sur lesdits jours et lieux litigieux, il doit être retenu que la preuve des faits relatifs à l'absence de prestation sur la place Sainte-Luce n'est pas rapportée ; que par ailleurs, le fait d'être rentré le 6 décembre 2011 au dépôt à 9h50, alors que la prestation du salarié devait se terminer à 10h30, n'est démontré par aucun planning horaire ni feuille de pointage ou témoignage, étant ajouté que ce fait, à le supposer avéré, serait insuffisant à lui seul, faute de tout autre élément caractérisant une quelconque faute, à justifier un avertissement ; que l'avertissement encourt donc l'annulation ;
ET AUX MOTIFS QUE, sur le harcèlement moral, au soutien de ce moyen le salarié invoque la multiplication des sanctions disciplinaires injustifiées ; qu'il vient d'être dit que les trois avertissements et la lettre du 3 août 2010 ci-dessus n'étaient pas justifiés ; que de tels agissements répétés de l'employeur, dans une période de temps ayant débuté tout de suite après la saisine du conseil de prud'hommes et s'étant poursuivie concomitamment au déroulement de l'instance prud'homale, sans justification objective ni légitime de la part de l'employeur, ont eu pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits du salarié et ont donc caractérisé une situation de harcèlement moral ; que compte tenu des éléments qui précédent, il y a lieu de condamner la société GSF Jupiter à lui payer la somme de 6.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral ;
ALORS QUE le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en estimant que le fait pour l'employeur d'avoir infligé au salarié, sur une période de deux ans, entre le 23 janvier 2010 et le 15 décembre 2011, trois avertissements et un rappel aux instructions, constituait un harcèlement moral, dès lors que la preuve des faits ayant justifié ces sanctions et rappel n'étaient pas rapportée (arrêt attaqué, p. 4 à 6), sans caractériser toutefois l'existence d'une pratique punitive et répétitive ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel, et sans même imputer une quelconque mauvaise foi à la société GSF Jupiter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société GSF Jupiter à payer à M. X... la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'exécution déloyale du contrat de travail, au soutien de ce moyen, le salarié invoque la mise à pied à titre conservatoire injustifiée, la modification unilatérale des horaires de travail, l'absence de régularisation du paiement des heures de nuit et le retrait du véhicule de fonction ; que la question du caractère légitime ou pas de la mise à pied doit être écartée dès lors que cette mesure avait été prise à l'occasion de la procédure de licenciement autorisée par l'autorité administrative et qu'en application du principe de la séparation des pouvoirs, le juge judiciaire ne peut pas apprécier, même sous couvert du moyen tiré de l'exécution déloyale du contrat, la légitimité de la mesure de mise à pied ; que s'agissant de la modification unilatérale des horaires de travail, M. X... reproche en réalité à l'employeur d'avoir considérablement réduit le nombre d'heures supplémentaires effectuées de sorte que, selon lui, le contingent annuel n'étant plus atteint, il n'avait plus bénéficier, après janvier 2010, des jours de RTT dont il bénéficiait précédemment ; que toutefois, M. X... n'ayant pas un droit acquis à effectuer un volume d'heures supplémentaires et aucun abus de la part de l'employeur n'étant démontré sur ce point, il ne saurait être fait à l'employeur le grief d'avoir exécuté de manière déloyale le contrat de travail ; que s'agissant du non-paiement de la majoration des heures de nuit, la société GSF Jupiter fait observer, à bon droit, que cette majoration avait été payée au salarié, comme cela figurait sur les bulletins de salaires et que l'absence de créance résultait de l'abandon, devant les premiers juges ainsi que devant la cour, de toute demande salariale de ce chef ; que toutefois, il est démontré que, dès le 5 février 2009, le salarié avait adressé une première réclamation écrite à son employeur, qui n'avait pas daigné y répondre, ne serait-ce pour la rejeter, de sorte que le salarié avait dû le relancer par une seconde réclamation écrite, du 15 août 2009, à laquelle l'employeur n'avait pas davantage répondu ; que si l'employeur était libre de donner la suite qu'il entendait aux réclamations de son salarié, ce dernier ayant toujours la faculté de saisir le juge pour voir le litige être tranché, il n'en demeure pas moins que l'exercice d'un droit ne pouvait pas dégénérer en abus et qu'en l'espèce, en s'abstenant sciemment de répondre à une réclamation salariale réitérée, peu important de savoir en définitive si elle était fondée ou pas, et en laissant délibérément, pendant une longue période, le salarié dans une situation d'incertitude permanente quant à la suite réservée à sa réclamation, l'employeur avait intentionnellement manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail ; qu'en outre, s'agissant de l'utilisation du véhicule de l'entreprise, il est avéré qu'à compter du mois de décembre 2009, l'employeur avait unilatéralement retiré le véhicule dont disposait le salarié ; que pour justifier ce retrait, dont elle ne conteste pas la matérialité ni la date, la société intimée ne saurait se retrancher, comme elle le fait, derrière la circonstance que le salarié n'avait jamais bénéficié d'un véhicule de fonction et que la mise à disposition d'un véhicule de l'entreprise n'était pas de nature contractuelle ; qu'en effet, M. X... produit un document qui est intitulé « avenant au contrat de travail » et qui vise expressément la mise à disposition d'un « véhicule de fonction » ; que s'il n'est pas daté ni signé par l'employeur, ce document, qui n'est pas argué de faux par l'employeur, émane incontestablement de ce dernier car rédigé sur un document officiel de la société ; qu'il est signé du salarié ; qu'il doit être rapproché d'un autre document au nom de l'employeur, qui est daté du 12 décembre 2006, par lequel la société GSF lui avait fait signer une reconnaissance « ayant une valeur contractuelle », concernant l'usage de la carte de carburants liée à l'usage du véhicule ci-dessus mis à la disposition du salarié ; qu'en outre, l'employeur avait reconnu, lors d'un entretien avec l'inspecteur du travail, comme cela figure dans le courrier de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2010, que le salarié avait été autorisé, jusqu'en septembre 2009, à utiliser le véhicule en dehors de son temps de travail, une telle autorisation correspondant davantage à l'usage d'un véhicule de fonction qu'à celui d'un véhicule de service ; qu'au demeurant, indépendamment de la nature contractuelle ou non de la mise à disposition de ce véhicule, il resterait néanmoins établi, comme rapporté encore par l'inspecteur du travail dans son courrier susvisé, que l'employeur avait reconnu qu'un autre chef d'équipe avait obtenu, contrairement à M. X..., l'autorisation de conserver, après le mois de décembre 2009, le véhicule de l'entreprise de manière permanente, y compris hors le temps de travail, sans que des contraintes spécifiques ou techniques liées à ses fonctions ne soient invoquées pour justifier cette différence de traitement ; que dans ces conditions, en retirant unilatéralement à M. X... son véhicule de fonction ou, à tout le moins, en lui retirant la faculté qui lui avait été jusqu'alors reconnue et qui avait été maintenue au profit d'un autre chef d'équipe d'utiliser de manière permanente le véhicule de service, l'employeur avait exécuté de mauvaise foi le contrat de travail que compte tenu des éléments qui précédent, il y a lieu de condamner la société GSF Jupiter à payer à M. X... la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le contrat de travail est exécuté de bonne foi ; qu'en estimant que la société GSF Jupiter avait manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail en s'abstenant de répondre à une réclamation salariale réitérée du salarié, sans rechercher si cette revendication était fondée et sans rechercher si la demande n'était pas elle-même présentée de mauvaise foi par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1222-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le contrat de travail est exécuté de bonne foi ; que l'employeur dispose toutefois, dans le respect du principe de proportionnalité, d'un pouvoir de direction qui lui permet d'organiser l'activité de l'entreprise ; qu'en estimant que la société GSF Jupiter avait manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail « en retirant unilatéralement à Monsieur X... son véhicule de fonction ou, à tout le moins, en lui retirant la faculté, qui lui avait été jusqu'alors reconnue et qui avait été maintenue au profit d'un autre chef d'équipe, d'utiliser de manière permanente le véhicule de service » (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 1er), cependant que la société GSF Jupiter pouvait, sans manquer à son obligation de loyauté et sans manquer au respect du principe de proportionnalité, décider de l'usage qui serait fait du véhicule litigieux, M. X... ne pouvant se plaindre à cet égard du choix de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 1222-1 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société GSF Jupiter à payer à M. X... la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour le délit d'entrave ;
AUX MOTIFS QUE, sur le délit d'entrave, au soutien de ce moyen, M. X... reproche à l'employeur, à la suite du refus de l'inspecteur du travail d'autoriser son licenciement, de l'avoir, à l'issue de la mise à pied ordonnée à titre conservatoire, réintégré non pas sur son poste précédemment occupé mais sur un autre poste qui ne nécessitait pas la conduite de la voiture « laveuse » ; que pour s'opposer à cette demande, l'employeur réplique qu'il n'était pas démontré en quoi le fait de ne plus conduire une « laveuse » serait constitutif du délit d'entrave, que les fonctions de chef d'équipe de M. X... ne nécessitaient pas cette conduite, que cette dernière ne constituait pas un élément contractuel et que son contrat de travail n'avait pas été modifié dans sa rémunération, son niveau hiérarchique, son lieu d'exécution, sa durée et ses horaires ; qu'en l'espèce, il est établi que, par suite du refus le 17 octobre 2011 de l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement de M. X..., l'employeur avait été contraint de mettre un terme à la mise à pied notifiée à titre conservatoire le 2 septembre 2011 et de le réintégrer ; que toutefois, il résulte expressément de la lettre de l'employeur du 28 octobre 2011 que M. X... avait été réintégré dans ses fonctions de chef d'équipe mais sur un « poste de travail n'impliquant pas la conduite d'un véhicule de la société » ainsi que sur « un nouveau lieu d'affectation » sur le site de la voirie à Cagnes-sur-Mer ; que si les fonctions de chef d'équipe n'imposaient pas la conduite des engins de lavage, elles ne l'excluaient pas non plus, l'avertissement susvisé du 23 janvier 2010 ayant d'ailleurs admis que M. X... pouvait être amené à les conduire ; que si en réintégrant le salarié sur le poste de chef d'équipe, mais dans des conditions telles qu'il ne pouvait plus conduire les véhicules de la société, l'employeur n'avait pas modifié le contrat de travail, il en avait toutefois modifié unilatéralement les conditions d'exécution ; qu'en présence d'un salarié protégé, aucun changement de ses conditions de travail, fût-il limité à l'impossibilité de conduire les véhicules de l'entreprise, ne pouvait être imposé à M. X... ; qu'en passant outre, l'employeur avait bien commis le délit d'entrave puisqu'il est démontré qu'il avait été enjoint par l'inspecteur du travail, le 2 novembre 2011, de rétablir M. X... dans ses conditions de travail antérieures et qu'il avait refusé de le faire ; que compte tenu des circonstances ci-dessus, qui révèlent un manquement délibéré de la part de l'employeur, peu important que la décision de l'inspection du travail de refuser le licenciement ait été ensuite annulée, la cour devant se placer à la date des faits, il y a lieu de condamner la société GSF Jupiter à payer à M. X... la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour le délit d'entrave ;
ALORS, D'UNE PART, QU'aucune modification du contrat de travail et aucun changement des conditions de travail ne peuvent être imposés à un salarié protégé ; qu'en imputant toutefois à la société GSF Jupiter un délit d'entrave au motif qu'après un premier refus d'autorisation de licenciement, elle avait réintégré M. X... dans un poste ne nécessitant pas la conduite d'une voiture « laveuse », tout en constatant que M. X... occupait les fonctions de chef d'équipe et que ces fonctions « n'imposaient pas la conduite des engins de lavage », même si « elles ne l'excluaient pas non plus » (arrêt attaqué, p. 7, in fine), ce dont il résultait nécessairement que les fonctions de chef d'équipe occupées par le salarié n'impliquaient pas la conduite d'un engin de lavage, de sorte que le choix fait à cet égard par l'employeur ne pouvait être interprété comme constitutif du délit d'entrave, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1134 du code civil et L. 2146-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en toute hypothèse, en statuant comme elle l'a fait, sans caractériser l'existence d'une quelconque entrave portée par l'employeur à l'exercice du droit syndical, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 2146-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-22351
Date de la décision : 07/12/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 28 mai 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 déc. 2016, pourvoi n°15-22351


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.22351
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